2008


ANALYSE

10-

Principales lignes directrices pour l’application de l’autopsie psychologique en recherche

À l’issue de cette expertise opérationnelle, le groupe de travail a énoncé quelques grands principes pour mener à bien des études d’autopsie psychologique dans le cadre de la recherche en prévention du suicide en France. Ceux-ci s’appuient sur l’analyse critique des travaux précédemment réalisés dans différents pays et principalement sur l’étude conduite au Nouveau-Brunswick, coordonnée par Monique Séguin et qui a fait l’objet d’une communication devant le groupe de travail.

1- Définir les objectifs de l’étude

Quelques exemples d’objectifs :
• Améliorer les connaissances épidémiologiques de la mortalité par suicide en France et constituer une base de données pluridisciplinaires ;
• Vérifier et préciser la cause de mortalité par suicide dans une population ;
• Améliorer les connaissances sur les causes (médicales, sociales, traumatiques, psychologiques, affectives, familiales…) du suicide pour une meilleure détection et prévention ;
• Identifier le potentiel de prévention à mettre en Ĺ“uvre dans un contexte spécifique (par exemple en milieu hospitalier, en milieu du travail) ;
• Analyser comment les circonstances du suicide sont vécues par l’entourage de la personne défunte dans un objectif d’aide et de prévention ;
• Identifier des événements de vie de la petite enfance et les antécédents traumatiques de personnes suicidées ;
• Identifier des facteurs de protection présents dans l’entourage et dont était dépourvue la personne suicidée ;
• Identifier les trajectoires de demandes d’aide (soins, psychologique, affective…) par la personne suicidée ;
• Rechercher le lien potentiel entre des facteurs biologiques et génétiques et les caractéristiques de la personne suicidée ;
• Rechercher des liens avec des risques professionnels (toxicologie) ;
• Sensibiliser les professionnels et le public à la recherche des causes de suicides par la méthode d’autopsie psychologique pour un meilleur repérage des risques, à l’instar des études finlandaises.

2- Définir le type d’étude répondant le mieux aux objectifs

• Étude de cas (exemple : vérification de la cause du décès et des circonstances) ;
• Étude de série de cas (exemple : identification de facteurs communs dans une série de cas ; discrimination entre contagion et imitation) ;
• Étude cas-témoins : mise en évidence de relations avec certains facteurs : âge, sexe, secteur géographique, catégorie socioprofessionnelle, types de soins reçus… ; importance du choix des témoins, par exemple vivants ou décédés ;
• Étude rétrospective : parcours de soins, événements de vie, analyse du mode de suicide… ;
• Étude prospective : par exemple pour le suivi des endeuillés ;
• Étude de comparaison historique : étude prolective, comparaison de la prévalence des circonstances du suicide à différentes époques.

3- Adapter la méthodologie au type d’étude

Recrutement des cas et éventuellement des témoins

Il doit se faire en fonction des objectifs spécifiques de l’étude :
• Délimitation dans le temps et l’espace (en population générale, en milieu carcéral ou en établissement de santé pendant une période donnée…) ;
• Critères d’inclusion et d’exclusion : âge, sexe, méthode violente, mort par suicide non objectivée ; en fonction de la qualité requise des informants : par exemple, nécessité d’interroger les parents de la victime pour explorer les caractéristiques de la petite enfance ;
• Définir le nombre et la qualité des informants en fonction de la spécificité de l’étude.

Avec prélèvements biologiques

• Selon les échantillons nécessaires et les possibilités d’obtention (prélèvements invasifs/non invasifs) ;
• Obligations de recueil des échantillons dans les 8 heures après le décès… ;
• Types de prélèvements à prévoir pour répondre aux objectifs fixés.

Outils de mesure

• Nécessité d’outils standardisés et adaptés à l’objectif de l’étude (cahier de relevé des observations) ;
• Validés dans le contexte français pour le recueil de données rapportées par des tiers ;
• Permettant le recueil des données pertinentes pour l’étude.

Outils de synthèse et calendrier de vie

• Rédaction d’un document de synthèse reprenant l’ensemble des informations recueillies ;
• Cotation en aveugle par un panel d’experts aux compétences préalablement définies ;
• Consensus des experts sur les conclusions.

Outils statistiques

• Logiciels adaptés aux objectifs ;
• Analyses séquentielles, modèles mathématiques pertinents (analyses multivariées, régressions logistiques…).

Présentation des résultats

• Dépend du type d’étude et doit rendre compte des résultats de manière objective et indépendante ;
• Anonymisation des données et des résultats.

4- Formation des intervenants

• Capacité d’intervention auprès de personnes endeuillées ;
• Formation aux instruments d’évaluation SCID-I et SCID-II ;
• Connaissance des critères diagnostiques du DSM-IV ;
• Formation à l’évaluation de l’écart entre les besoins d’aide et de soins requis et réellement délivrés ;
• Entraînement à la cotation à l’aide de bandes vidéo ;
• Réalisation de mises en situation de recherche avec un superviseur.

5- Partenariats à développer

• Services de médecine légale (annexe 3) qui pratiquent des examens post mortem afin, notamment, d’obtenir un retour d’information exhaustif après enquête médicolégale sur les causes médicales du décès en direction du CépiDc ;
• Service médical d’assurance maladie, Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) ;
• Hôpitaux, Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos), services médico-psychologiques régionaux (SMPR), unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) ;
• Haute autorité de santé (HAS) ;
• Médecins généralistes et spécialistes ;
• Conseil de l’ordre ;
• Services d’urgence, SAMU, pompiers, police, gendarmerie ;
• Ministère des Transports, Direction de la sécurité et de la circulation routières (DSCR), SNCF, Métro, RATP… ;
• Ministère de la Justice et Parquets ;
• Ministère du Travail ;
• Établissements publics scientifiques et techniques (EPST), Universités ;
• Comités d’éthique ;
• Écoles de formation en santé, facultés de psychologie… ;
• Associations de familles ;
• Agences nationales ;
• Inpes ;
• Assureurs, mutuelles ;
• Juristes ;
• Rectorats (pour accès aux dossiers scolaires).

6- Principales populations d’intérêt

• Population générale et groupes exposés : familles endeuillées, patients souffrant de troubles mentaux, groupes professionnels particuliers… ;
• Établissements pénitentiaires ;
• Établissements médicosociaux et de santé ;
• Associations de victimes d’accidents : sur la route ; dans les transports publics…

7- Destinataires des résultats et des recommandations

• Recommandations à destination des ministères de la Santé, de la Recherche, de l’Intérieur et de la Justice ;
• Organisations professionnelles ;
• Universités et organismes d’enseignement et de formation.

8- Budget prévisionnel : exemple du Nouveau-Brunswick

À partir d’une étude populationnelle réalisée au Nouveau-Brunswick (Canada) entre 2002 et 2003, il est possible de faire une estimation du coût d’une étude d’autopsie psychologique (environ 100 cas étudiés). Ce coût peut varier en fonction de l’ampleur de l’étude. L’évaluation budgétaire de l’étude canadienne comporte à la fois le salaire des chercheurs et interviewers et les frais de fonctionnement liés à l’étude et aboutit à un total de 485 000 dollars canadiens soit environ 320 000 euros (annexe 4).

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