2008


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Annexes

Annexe 1

Expertise collective Inserm : éléments de méthode

L’Expertise collective Inserm1 apporte un éclairage scientifique sur un sujet donné dans le domaine de la santé à partir de l’analyse critique et de la synthèse de la littérature scientifique internationale. Elle est réalisée à la demande d’institutions souhaitant disposer des données récentes issues de la recherche utiles à leurs processus décisionnels en matière de politique publique. L’Expertise collective Inserm doit être considérée comme une étape initiale, nécessaire mais le plus souvent non suffisante, pour aboutir aux prises de décision. Les conclusions apportées par les travaux d’expertise collective contribuent, mais ne peuvent se substituer, au débat des professionnels concernés ou au débat de société si les questions traitées sont particulièrement complexes et sensibles.
L’Expertise collective Inserm peut être complétée, à la demande d’un commanditaire, par une expertise « opérationnelle » qui s’intéresse à l’application des connaissances et recommandations en tenant compte de facteurs contextuels (programmes existants, structures, acteurs, formations…). Ce type d’expertise sollicite la participation d’acteurs de terrain susceptibles de répondre aux aspects de faisabilité, de représentants d’administrations ou institutions chargées de promouvoir les applications dans le domaine concerné, d’experts ayant participé aux expertises, de représentants d’associations de patients. La mise en commun de cultures et d’expériences variées permet une approche complémentaire à l’expertise collective dans un objectif d’opérationnalité. De même, différents travaux (recommandations de bonnes pratiques, audition publique…) conduits sous l’égide de la Haute autorité de santé (HAS) peuvent faire suite à une expertise collective Inserm.
L’expertise collective est une mission de l’Inserm depuis 1994. Une soixantaine d’expertises collectives ont été réalisées dans de nombreux domaines de la santé. L’Institut est garant des conditions dans lesquelles l’expertise est réalisée (exhaustivité des sources documentaires, qualification et indépendance des experts, transparence du processus).
Le Centre d’expertise collective Inserm organise les différentes étapes de l’expertise depuis la phase d’instruction jusqu’aux aspects de communication du rapport avec le concours des services de l’Inserm. L’équipe du Centre d’expertise collective constituée d’ingénieurs, de chercheurs et d’un secrétariat assure la recherche documentaire, la logistique et l’animation des réunions d’expertise, et contribue à la rédaction scientifique et à l’élaboration des produits de l’expertise. Des échanges réguliers avec d’autres organismes publics (EPST) pratiquant le même type d’expertise collective ont permis de mettre en place des procédures similaires.

Instruction de la demande

La phase d’instruction permet de définir la demande avec le commanditaire, de vérifier qu’il existe bien une littérature scientifique accessible sur la question posée et d’établir un cahier des charges qui précise le cadrage de l’expertise (état des lieux du périmètre et des principales thématiques du sujet), sa durée et son budget à travers une convention signée entre le commanditaire et l’Inserm.
Au cours de cette phase d’instruction sont également organisées par l’Inserm des rencontres avec les associations de patients pour prendre connaissance des questions qu’elles souhaitent voir traitées et des sources de données dont elles disposent. Ces informations seront intégrées au programme scientifique de l’expertise. Pour certains sujets, un échange avec des partenaires industriels s’avère indispensable pour avoir accès à des données complémentaires inaccessibles dans les bases de données.

Mise en place d’un comité de suivi et d’une cellule d’accompagnement de l’expertise

Un comité de suivi constitué de représentants du commanditaire et de l’Inserm est mis en place. Il se réunit plusieurs fois au cours de l’expertise pour suivre la progression du travail des experts, évoquer les difficultés éventuelles rencontrées dans le traitement des questions, veiller au respect du cahier des charges et examiner d’éventuels nouveaux éléments du contexte réglementaire et politique utiles pour le travail en cours. Le comité est également réuni en fin d’expertise pour la présentation des conclusions de l’expertise avant l’établissement de la version finale du rapport.
Pour les expertises traitant de sujets sensibles, une cellule d’accompagnement est également mise en place qui réunit des représentants de la Direction générale de l’Inserm, du conseil scientifique, du comité d’éthique de l’Inserm, du département de la communication, des chercheurs en sciences humaines et sociales et des spécialistes d’histoire des sciences. Cette cellule a pour rôle de repérer au début de l’expertise les problématiques susceptibles d’avoir une forte résonance pour les professionnels concernés et pour la société civile et de suggérer l’audition de professionnels des domaines connexes, de représentants de la société civile et d’associations de patients. En bref, il s’agit de prendre la mesure de la perception que les différents destinataires pourront avoir de l’expertise. Avant la publication de l’expertise, la cellule d’accompagnement porte une attention particulière à la façon dont la synthèse et les recommandations sont rédigées incluant si nécessaire l’expression de différents points de vue. En aval de l’expertise, la cellule a pour mission de renforcer et d’améliorer la diffusion des résultats de l’expertise en organisant par exemple des colloques ou séminaires avec les professionnels du domaine et les acteurs concernés ou encore des débats publics avec les représentants de la société civile. Ces échanges doivent permettre une meilleure compréhension et une appropriation de la connaissance issue de l’expertise.

Réalisation de la recherche bibliographique

Le cahier des charges, établi avec le commanditaire, est traduit en une liste exhaustive de questions scientifiques correspondant au périmètre de l’expertise avec l’aide de scientifiques référents du domaine appartenant aux instances de l’Inserm. Les questions scientifiques permettent d’identifier les disciplines concernées et de construire une arborescence de mots clés qui servira à une interrogation systématique des bases de données biomédicales internationales. Les articles et documents sélectionnés en fonction de leur pertinence pour répondre aux questions scientifiques constituent la base documentaire qui sera transmise aux experts. Il sera demandé à chacun des membres du groupe de compléter tout au long de l’expertise cette base documentaire.
Des rapports institutionnels (parlementaires, européens, internationaux…), des données statistiques brutes, des publications émanant d’associations et d’autres documents de littérature grise sont également repérés (sans prétention à l’exhaustivité) pour compléter les publications académiques et mis à la disposition des experts. Il leur revient de prendre en compte, ou non, ces sources selon l’intérêt et la qualité des informations qu’ils leur reconnaissent. Enfin, une revue des principaux articles de la presse française est fournie aux experts au cours de l’expertise leur permettant de suivre l’actualité sur le thème et sa traduction sociale.

Constitution du groupe d’experts

Le groupe d’experts est constitué en fonction des compétences scientifiques nécessaires à l’analyse de l’ensemble de la bibliographie recueillie et à la complémentarité des approches. L’Expertise collective Inserm étant définie comme une analyse critique des connaissances académiques disponibles, le choix des experts se fonde sur leurs compétences scientifiques, attestées par leurs publications dans des revues à comité de lecture et la reconnaissance par leurs pairs. La logique de recrutement des experts fondée sur leur compétence scientifique et non leur connaissance du terrain est à souligner, dans la mesure où il s’agit d’une source récurrente de malentendus lors de la publication des expertises.
Les experts sont choisis dans l’ensemble de la communauté scientifique française et internationale. Ils doivent être indépendants du partenaire commanditaire de l’expertise et de groupes de pression reconnus. La composition du groupe d’experts est validée par la Direction générale de l’Inserm.
Plusieurs scientifiques extérieurs au groupe peuvent être sollicités pour apporter ponctuellement leur contribution sur un thème particulier au cours de l’expertise.
Le travail des experts dure de 12 à 18 mois selon le volume de littérature à analyser et la complexité du sujet.

Première réunion du groupe d’experts

Avant la première réunion, les experts reçoivent un document explicatif de leur mission, le programme scientifique (les questions à traiter), le plan de travail, la base bibliographique de l’expertise établie à ce jour ainsi que les articles qui leur sont plus spécifiquement attribués selon leur champ de compétence.
Au cours de la première réunion, le groupe d’experts discute la liste des questions à traiter, la complète ou la modifie. Il examine également la base bibliographique et propose des recherches supplémentaires pour l’enrichir.

Analyse critique de la littérature par les experts

Au cours des réunions, chaque expert est amené à présenter oralement son analyse critique de la littérature sur l’aspect qui lui a été attribué dans son champ de compétence en faisant la part des acquis, incertitudes et controverses du savoir actuel. Les questions, remarques, points de convergence ou de divergence suscités par cette analyse au sein du groupe sont pris en considération dans le chapitre que chacun des experts rédige. Le rapport d’analyse, regroupant ces différents chapitres, reflète ainsi l’état de l’art dans les différentes disciplines concernées par le sujet traité. Les références bibliographiques utilisées par l’expert sont citées au sein et en fin de chapitre.

Synthèse et recommandations

Une synthèse reprend les grandes lignes de l’analyse de la littérature et en dégage les principaux constats et lignes de force. Certaines contributions d’intervenants extérieurs au groupe peuvent être résumées dans la synthèse.
Cette synthèse est plus spécifiquement destinée au commanditaire et aux décideurs dans une perspective d’utilisation des connaissances qui y sont présentées. Son écriture doit donc tenir compte du fait qu’elle sera lue par des non scientifiques.
Dès la publication du rapport, cette synthèse est mise en ligne sur le site Web de l’Inserm. Elle fait l’objet d’une traduction en anglais qui est accessible sur le site du NCBI/NLM (National Center for Biotechnology Information de la National Library of Medecine) et Sinapse (Scientific INformAtion for Policy Support in Europe, site de la Commission Européenne).
À la demande du commanditaire, certaines expertises collectives s’accompagnent de « recommandations ». Deux types de « recommandations » sont formulés par le groupe d’experts. Des « principes d’actions » qui s’appuient sur un référentiel scientifique validé pour définir des actions futures en santé publique (essentiellement en dépistage, prévention et prise en charge) mais qui en aucun cas ne peuvent être considérés comme des recommandations « opérationnelles » dans la mesure où les éléments du contexte économique ou politique n’ont pas été pris en compte dans l’analyse scientifique. Des « axes de recherche » sont également proposés par le groupe d’experts pour combler les lacunes de connaissances scientifiques constatées au cours de l’analyse. Là encore, ces propositions ne peuvent être considérées comme des recherches « prioritaires » sans une mise en perspective qu’il revient aux instances concernées de réaliser.

Lecture critique du rapport et de la synthèse par des grands « lecteurs »

Pour certaines expertises traitant de sujets sensibles, une note de lecture critique est demandée à plusieurs grands « lecteurs » choisis pour leurs compétences scientifiques ou médicales, exerçant des fonctions d’animation ou d’évaluation dans des programmes de recherche français ou européens ou encore participant à des groupes de travail ministériels. De même, le rapport et la synthèse (et recommandations) peuvent être soumis à des personnalités ayant une bonne connaissance du « terrain » et susceptibles d’appréhender les enjeux socioéconomiques et politiques des connaissances (et propositions) qui sont présentées dans l’expertise.

Présentation des conclusions de l’expertise et mise en débat

Un séminaire ouvert à différents milieux concernés par le thème de l’expertise (associations de patients, associations professionnelles, syndicats, institutions…) permet une première mise en débat des conclusions de l’expertise. C’est à partir de cet échange que peut être établie la version finale du document de synthèse intégrant les différents points de vue qui se sont exprimés.


Annexe 2

Comment juger la plausibilité d’un lien causal entre un facteur et la survenue d’une pathologie ?

Les études épidémiologiques permettent d’établir des associations entre des facteurs d’exposition et le risque de survenue d’une maladie. Des mesures d’association telles que le risque relatif ou l’odds ratio sont estimées à partir de ces études afin de quantifier la force de cette association. En cas d’association positive, c’est-à-dire si le risque de la maladie augmente avec l’exposition au facteur considéré, et après avoir autant que possible contrôlé les différents biais possibles des études épidémiologiques, ce facteur est alors considéré comme un facteur de risque. Pour autant, la preuve absolue de la nature causale de la relation entre un facteur de risque et la survenue d’une maladie n’est pas obtenue. Est-il possible d’obtenir la preuve de la nature causale d’une telle relation ? Si une hypothèse (de relation causale par exemple) peut tout à fait être réfutée par des résultats expérimentaux ou d’observation incompatibles avec cette hypothèse, la preuve d’une hypothèse est au contraire impossible à obtenir. Malgré cela, les épidémiologistes s’efforcent de juger du degré de plausibilité de la causalité d’une relation en fonction des résultats disponibles.
Les arguments de causalité les plus connus sont ceux proposés par Austin Bradford Hill. Le principe général est d’évaluer l’application de chacun de ces arguments au contexte considéré et de procéder à une synthèse de ces évaluations pour juger du degré global de plausibilité de la causalité de l’association. On distingue des arguments caractérisant la nature de l’association (force de l’association, existence d’une relation dose-risque, temporalité de l’association, spécificité de l’association, reproductibilité dans plusieurs études) et des arguments contextuels (plausibilité biologique, cohérence bio-logique, présence de données expérimentales, analogie à d’autres relations causales).
Critères de causalité de Hill (1965) :
• association forte
• relation dose-effet
• la cause précède l’effet
• spécificité de l’association
• reproductibilité des résultats
• plausibilité biologique
• cohérence biologique
• présence de données expérimentales
• analogie

Force de l’association

La force de l’association est quantifiée par les mesures d’association que constituent le risque relatif et l’odds ratio par exemple. Elle est d’autant plus élevée que ces mesures prennent des valeurs estimées importantes dans les études épidémiologiques. Dans les études épidémiologiques, il existe des biais susceptibles de modifier les résultats. La force de l’association est en général considérée, de façon conforme à l’intuition, comme un critère fort de causalité. Cependant, il ne s’agit pas d’un critère suffisant de causalité.

Relation dose-effet

Ce critère, alternativement dénommé « gradient biologique », consiste en la présence d’une relation monotone entre le niveau d’exposition au facteur considéré (ou « dose ») et le risque de développer la maladie étudiée (ou « effet »). Ce critère est en général considéré comme un critère fort de causalité dans la mesure où l’on s’attend à ce qu’une exposition croissante expose à des lésions tissulaires plus importantes favorisant d’autant plus le processus pathologique. Cependant, il ne s’agit pas d’un critère suffisant de causalité.

Temporalité de l’association

Ce critère se réfère simplement au fait que la cause, c’est-à-dire l’exposition, doit précéder l’effet, c’est-à-dire l’apparition de la maladie. L’établissement de cette relation temporelle étant indispensable pour envisager une relation causale, ce critère est le critère nécessaire à la causalité. Ce n’est bien sûr en revanche pas un critère suffisant.

Spécificité de l’association

Ce critère signifie qu’une cause doit conduire à un seul effet, c’est-à-dire qu’à une exposition de nature causale ne doit être associée qu’une seule maladie causée par l’exposition. La justification de son inclusion comme critère de causalité serait qu’il suggère l’existence d’un mécanisme propre à la maladie étudiée, ce qui est en faveur d’une relation causale. Toutefois, ce critère est extrêmement critiquable et ne semble pas être un critère approprié de causalité même s’il est régulièrement cité comme tel.

Reproductibilité des résultats de l’association

Ce critère se réfère à la réplication dans plusieurs études de l’observation de l’association considérée entre facteur d’exposition et maladie. Ce critère est d’autant plus fort que ces études ont été réalisées dans des populations ou contextes différents. Ce critère est généralement considéré comme un critère fort de causalité. Toutefois, il ne constitue pas un critère nécessaire.

Plausibilité biologique de l’association

Ce critère détermine si l’association considérée est cohérente par rapport aux connaissances biologiques générales. Ce critère est habituellement considéré comme un critère fort de causalité car une association de nature causale doit forcément reposer sur des mécanismes biologiques. Toutefois, il ne s’agit pas d’un critère nécessaire de causalité car l’absence de connaissance biologique pertinente à un sujet donné peut n’être que temporaire et refléter seulement l’état présent des connaissances scientifiques. À l’inverse, la plausibilité biologique n’est pas un critère suffisant de causalité car l’élucidation de mécanismes biologiques à partir d’études in vitro ou d’études animales par exemple n’est pas nécessairement transposable in vivo chez l’homme.

Cohérence biologique

Ce critère est vérifié quand l’interprétation causale de l’association considérée ne se retrouve pas en contradiction avec les connaissances disponibles concernant spécifiquement l’histoire naturelle et la biologie de la maladie. Il est très proche du critère précédent et n’en est parfois pas distingué. La cohérence biologique est parfois interprétée comme un critère nécessaire de causalité, mais juger de la contradiction est délicat d’autant plus que ce jugement peut évoluer avec les connaissances disponibles.

Présence de données expérimentales

Ce critère apparaît mal défini par Hill en 1965. Il peut recouvrir l’existence de données expérimentales biologiques ou animales mais aussi des données concernant les effets de l’élimination d’une exposition délétère dans une population. Ce critère n’est ni nécessaire ni suffisant pour affirmer la causalité. Étant donné les incertitudes concernant la définition de ce critère, il est par ailleurs difficile de juger s’il s’agit d’un critère fort ou faible de causalité. Il est parfois purement et simplement omis de la liste des critères de causalité.

Analogie

Il s’agit de l’analogie par rapport à d’autres relations causales et à leurs mécanismes. Ce critère n’est ni nécessaire ni suffisant. Il est considéré comme un critère faible de causalité du fait de sa subjectivité importante et est parfois purement et simplement omis de la liste des critères de causalité comme le critère précédent.
Au total, l’utilisation des critères de Hill pour déterminer la nature causale d’une association est très délicate. Seuls cinq critères sont généralement considérés comme forts : la force de l’association, l’existence d’une relation dose-effet monotone, la reproductibilité de l’association, la plausibilité et la cohérence biologiques qui sont parfois confondues. Aucun de ces critères n’est suffisant que ce soit individuellement ou en association. Seule la temporalité de l’association est nécessaire à la causalité. La cohérence biologique peut aussi être considérée comme nécessaire avec quelques réserves cependant. L’utilisation des critères de causalité ne fait pas consensus mais elle peut néanmoins procurer une aide dans la tâche complexe qui consiste à évaluer la plausibilité de la nature causale d’une association en fournissant une grille d’évaluation de la plausibilité de la nature causale d’une association.


Annexe 3

Paramètres de l’association entre facteurs environnementaux et cancers

La force d’association entre un agent et un cancer est estimée par divers paramètres épidémiologiques.
Le risque relatif (RR) est le rapport des taux de survenue de la maladie étudiée chez les individus exposés et non exposés (ou encore chez des individus de niveaux d’exposition différents). Il est estimable à partir des études de cohorte dans lesquelles la survenue de nouveaux cas au cours du temps est observée en fonction de l’exposition relevée au préalable. Cependant, il n’est pas directement estimable à partir des études cas-témoins dans lesquelles on observe la prévalence de l’exposition en fonction du statut cas ou témoin (sujet atteint ou non de la maladie) car le nombre de cas et de témoins est en effet fixé a priori et ces études n’apportent pas d’information sur l’incidence (taux de survenue) de la maladie. Dans ces études, on ne peut estimer que l’odds ratio (OR). Cette quantité représente le rapport des cotes (rapport de la probabilité d’être malade sur son complémentaire, c’est-à-dire rapport de la probabilité d’être malade sur la probabilité de ne pas l’être) chez les individus exposés et non exposés (ou encore chez des individus de niveaux d’exposition différents). Dans les situations où la maladie est peu fréquente dans la population ou dans les situations où la composition de la population peut être considérée comme stable en termes d’exposition, l’odds ratio représente une très bonne approximation du risque relatif, ce qui confère tout son intérêt pratique à ce paramètre.
L’excès de risque relatif (ERR) est une mesure du changement du risque relatif de maladie ou de décès (le plus souvent, par unité de dose reçue) pour un groupe d’individus qui sont exposés à un niveau connu, par rapport à ceux qui ne sont pas exposés (ERR=RR-1) ou encore pour deux groupes d’individus de niveaux d’exposition différents (ERR21=RR2-RR1 pour des niveaux d’exposition 1 et 2).
Le ratio standardisé de mortalité (ou Standardized Mortality Ratio, SMR) est le rapport du nombre de décès observés dans une cohorte d’individus ou sous-population particulière au nombre de décès attendus si le taux de mortalité de la population générale s’appliquait aux individus de cette cohorte ou sous-population. Ainsi, un SMR supérieur à 1 implique que le taux de mortalité est plus grand pour la cohorte ou sous-population d’intérêt comparée à la population générale. Cette augmentation peut être secondairement interprétée comme liée à l’exposition plus élevée que dans la population générale à un (ou des) facteur(s) de risque. La population générale est le plus souvent la population nationale correspondant aux années des données qui sont examinées et le nombre de décès attendus est calculé à partir des taux de mortalité dans cette population nationale en fonction de l’âge et du sexe (standardisation sur l’âge et le sexe) et pour les années concernées. Ainsi, l’augmentation éventuelle du SMR peut s’interpréter comme étant indépendante de la composition en âge et en sexe de la cohorte ou sous-population particulière.
Le risque attribuable (RA) ou fraction de risque attribuable (FRA) est une mesure d’impact qui rend compte de l’importance du facteur de risque au niveau de la population en termes de survenue de nouveaux cas de la maladie. Il n’a de sens que si l’exposition est un agent causal de l’affection étudiée. Il mesure la proportion de cas de la maladie que l’on peut attribuer au facteur de risque dans l’ensemble de la population. Il est fonction à la fois de la pré-valence de l’exposition et du risque relatif (RR). Ainsi, si le risque relatif est faible ou modéré mais associé à une forte proportion de sujets exposés dans la population (forte prévalence de l’exposition), le risque attribuable peut être non négligeable.


Annexe 4

Systèmes de classification de la plausibilité d’une relation causale

Des systèmes de classification du degré de plausibilité de la nature causale d’une association ont été proposés et sont couramment utilisés en pratique. Ces systèmes intègrent des éléments proches des critères de Hill. Les deux plus connus concernent le domaine du cancer et sont celui du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (http://www.iarc.fr/) et celui de l’« Environmental Protection Agency » aux États-Unis.
Le Circ réunit régulièrement des experts pour juger de la nature cancérogène ou non de l’exposition à des substances de toute nature présentes dans l’environnement et publie des monographies pour rendre compte de cette évaluation. Les données chez l’homme et l’animal sont prises en compte afin d’aboutir à une évaluation globale pour chaque substance et à une classification en cinq niveaux de plausibilité de la nature cancérogène d’une substance chez l’homme :
• groupe 1 : substance cancérogène ;
• groupe 2A : substance probablement cancérogène ;
• groupe 2B : substance possiblement cancérogène ;
• groupe 3 : substance inclassifiable ;
• groupe 4 : substance probablement non cancérogène.
Le groupe 1 : l’agent (le mélange) est cancérogène pour l’homme1
Cette catégorie n’est utilisée que lorsqu’on dispose d’indications suffisantes de cancérogénicité pour l’homme. Exceptionnellement, un agent (mélange) peut être placé dans cette catégorie lorsque les indications de cancérogénicité pour l’homme ne sont pas tout à fait suffisantes, mais qu’il existe des indications suffisantes de sa cancérogénicité chez l’animal de laboratoire et de fortes présomptions que l’agent (mélange) agit suivant un mécanisme de cancérogénicité reconnu.
Le groupe 2A : l’agent (le mélange) est probablement cancérogène pour l’homme
Cette catégorie est utilisée lorsque l’on dispose d’indications limitées de cancérogénicité chez l’homme et d’indications suffisantes de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire. Dans certains cas, un agent (mélange) peut être classé dans cette catégorie lorsque l’on dispose d’indications insuffisantes de cancérogénicité pour l’homme et d’indications suffisantes de cancérogénicité pour l’animal de laboratoire et de fortes présomptions que la cancérogenèse s’effectue par un mécanisme qui fonctionne également chez l’homme. Exceptionnellement, un agent, un mélange ou une circonstance d’exposition peut être classé dans cette catégorie si l’on ne dispose que d’indications limitées de cancérogénicité pour l’homme.
Le groupe 2B : l’agent (le mélange) est peut-être cancérogène pour l’homme
Cette catégorie concerne les agents, mélanges et circonstances d’exposition pour lesquels on dispose d’indications limitées de cancérogénicité chez l’homme, et d’indications insuffisantes de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire. On peut également y faire appel lorsque l’on dispose d’indications insuffisantes de cancérogénicité pour l’homme, mais que l’on dispose d’indications suffisantes de cancérogénicité pour l’animal de laboratoire. Dans certains cas, peuvent être classés dans ce groupe un agent, un mélange ou des circonstances d’exposition pour lesquels on a des indications insuffisantes d’une action cancérogène chez l’homme, mais pour lesquels on dispose d’indications limitées de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire, corroborées par d’autres données pertinentes.
Le groupe 3 : l’agent (le mélange, les circonstances d’exposition) ne peut pas être classé quant à sa cancérogénicité pour l’homme
Cette catégorie comprend essentiellement les agents, les mélanges et les circonstances d’exposition pour lesquels les indications de cancérogénicité sont insuffisantes chez l’homme et insuffisantes ou limitées chez l’animal de laboratoire. Exceptionnellement, les agents (mélanges) pour lesquels les indications de cancérogénicité sont insuffisantes chez l’homme mais suffisantes chez l’animal de laboratoire peuvent être classés dans cette catégorie lorsqu’il existe de fortes présomptions que le mécanisme de la cancérogénicité chez l’animal de laboratoire ne fonctionne pas chez l’homme. On classe aussi dans cette catégorie les agents, mélanges et circonstances d’exposition qui ne correspondent à aucune des autres catégories.
Le groupe 4 : l’agent (le mélange) n’est probablement pas cancérogène pour l’homme
Cette catégorie comprend les agents et mélanges pour lesquels on dispose d’indications suggérant une absence de cancérogénicité chez l’homme ainsi que chez l’animal de laboratoire. Dans certains cas, peuvent être classés dans ce groupe des agents ou des mélanges pour lesquels les indications de cancérogénicité pour l’homme sont insuffisantes, mais pour lesquels on dispose d’indications suggérant une absence de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire, constamment et fortement corroborées par une large gamme d’autres données pertinentes.
Dans ses 99 monographies (1972-2008), le Circ a ainsi évalué 935 substances et en a classé respectivement 105, 66, 248 et 515 dans les catégories groupe 1, groupe 2A, groupe 2B, groupe 3 ci-dessus et une seule dans la catégorie 4. Malgré la très grande utilité de ces évaluations, il faut noter que les éléments pris en compte s’inspirent des critères de Hill et sont donc sujets à des limites de même nature.



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