Cancer du poumon

2008


ANALYSE

10-

Interactions gènes-environnement

L’avancement des travaux dans le domaine de la susceptibilité génétique au cancer soulève des questions relatives à l’existence éventuelle d’interactions entre des expositions à des agents cancérogènes de l’environnement général et/ou professionnel et les polymorphismes génétiques impliqués dans la susceptibilité au cancer identifiés à ce jour. Très peu d’études ont jusqu’à présent évalué les interactions entre des expositions environnementales (autres que le tabagisme actif) et les polymorphismes des gènes de réparation de l’ADN sur le risque de cancer du poumon. De plus, très peu d’études permettent d’étudier l’existence de ces interactions avec une puissance statistique suffisante, même lorsqu’il s’agit du risque de cancer du poumon associé à la consommation de tabac.

Pollution atmosphérique et tabagisme passif

L’exposition à la pollution atmosphérique et au tabagisme de l’environnement a été considérée dans une étude cas-témoins (Gen-Air) nichée dans la cohorte EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition). Cette étude porte exclusivement sur les non-fumeurs et les sujets ayant arrêté de fumé depuis au moins 10 ans. Les interactions entre l’exposition environnementale et 22 polymorphismes sur 16 gènes de la réparation de l’ADN (essentiellement impliqués dans la réparation par excision de bases ou de nucléotides et dans la réparation des cassures double brin) sur le risque de cancer du poumon ont été récemment publiés (Matullo et coll., 2006renvoi vers). L’analyse a porté sur 116 cas et 1 094 témoins. L’exposition individuelle au tabagisme de l’environnement a été évaluée par questionnaire (personnes fumant régulièrement au domicile et/ou sur le lieu de travail). La pollution atmosphérique a été évaluée en utilisant les mesures des stations de surveillance de qualité de l’air ; l’exposition individuelle à des polluants (NO2, O3, PM10, SO2) et un lieu du domicile proche d’une route à trafic élevé ont été utilisés dans les analyses. Aucune association significative n’a été mise en évidence entre chacun des polymorphismes étudiés et le risque de cancer du poumon, chez les sujets exposés au tabagisme de l’environnement et chez les sujets non-exposés. Des résultats similaires ont été observés pour l’exposition aux polluants atmosphériques.
En outre, dans l’étude Gen-Air, aucune interaction significative n’a été mise en évidence pour le cancer du poumon entre l’exposition au tabagisme de l’environnement ou à la pollution atmosphérique et 14 polymorphismes de gènes impliqués dans le stress oxydatif (MPO, COMT, MnSOD et NQO1), le métabolisme (CYP1A1, CYP1B1, GSTM1, GSTT1, GSTM3, GSTP1, NAT2) et MTHFR (Vineis et coll., 2007renvoi vers).
Une seconde analyse des données de cette étude (Manuguerra et coll., 2007renvoi vers) visant à étudier plus spécifiquement les interactions gène-gène et gène-environnement suggère l’existence d’une interaction significative entre le polymorphisme Arg399Gln du gène XRCC1 (x-ray cross-complementing group 1), le polymorphisme Asn372His du gène BRCA2 (breast cancer 2), et l’exposition à la pollution atmosphérique (domicile par rapport à une route à fort trafic).

Exposition professionnelle

L’étude de Butkiewicz et coll. (2004renvoi vers) portant sur 461 cancers du poumon et 457 témoins, a analysé l’effet du polymorphisme -4 G > A du gène XPA (xeroderma pigmentosum complementation group A) sur le risque de cancer du poumon selon l’exposition professionnelle à des cancérogènes pulmonaires. L’exposition a été recueillie par questionnaire à partir d’une liste pré-établie de métiers et de substances. La variable d’exposition a été considérée en 2 classes (exposition oui/non). Les résultats suggèrent une association entre le génotype AA et l’adénocarcinome uniquement chez les sujets exposés (OR = 2,95 ; p < 0,004). Aucune interaction n’a été observée pour les carcinomes épidermoïdes.
Une expertise Inserm (2001renvoi vers), réunissant à la fois des compétences dans le domaine de l’évaluation des facteurs de susceptibilité génétique mais aussi dans l’évaluation des facteurs de risque de l’environnement professionnel, a réalisé une synthèse des études publiées à ce jour concernant spécifiquement les expositions professionnelles. Cette synthèse a montré le très petit nombre d’études sur le sujet et le manque de puissance statistique des études qui ont abordé cette question.
En 1995, une base de données internationales a été constituée sous la coordination conjointe de E. Taioli (Université de Milan), P. Boffetta (Circ) et N. Rothman (NCI). Cette base rassemble un grand nombre d’études cas-témoins (une cinquantaine environ à ce jour, dont la moitié sur les cancers broncho-pulmonaires) concernant le rôle des polymorphismes des gènes codant pour des enzymes du métabolisme des xénobiotiques (EMX) dans le risque de cancer. Le projet mis en place à partir de cette base de données avait pour objectif de rechercher l’existence d’interactions entre le polymorphisme des EMX et l’exposition à des facteurs de risque d’origine professionnelle dans les cancers du poumon. À partir de cette base, seulement 4 études cas-témoins et une série de cas, pouvaient être regroupées pour rechercher l’existence d’interactions entre des agents cancérogènes d’origine professionnelle et des polymorphismes des EMX dans le risque de cancers du poumon. L’amiante était le seul facteur de risque d’origine professionnelle évalué dans les 5 études. Plusieurs polymorphismes génétiques avaient été recherchés (GSTM1, GSTT1, CYP1A1, CYP2E1, et NAT2), mais seuls les polymorphismes des gènes GSTM1 et GSTT1 étaient évalués dans au moins 3 études sur les 5. La plus faible fréquence de la délétion du gène GSTT1 n’a pas permis de poursuivre l’exercice. Seul le polymorphisme de GSTM1 a ainsi été investigué pour son éventuel effet modificateur dans le risque de cancer du poumon associé à l’exposition à l’amiante. Cette méta-analyse a porté sur une série de 651 cas et 983 témoins et les résultats ont montré que l’exposition à l’amiante et le polymorphisme de GSTM1 avaient une configuration multiplicative des risques, c’est-à-dire pas d’interaction au sens statistique du terme (Stücker et coll., 2001renvoi vers).
En conclusion, cette synthèse des études existantes montre le grand manque de données pour se prononcer sur la question des éventuelles interactions entre les facteurs de susceptibilité génétique et les expositions professionnelles à des agents cancérogènes. À notre connaissance aucun polymorphisme à ce jour n’est associé à un effet modificateur de la relation entre le risque de cancer du poumon et l’exposition professionnelle à des agents cancérogènes. Cette absence de résultats est essentiellement due au manque de puissance statistique des études.

Bibliographie

[1] butkiewicz d, popanda o, risch a, edler l, dienemann h, et coll.. Association between the risk for lung adenocarcinoma and a (-4) G-to-A polymorphism in the XPA gene. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2004; 13:22422246Retour vers
[2]inserm. Susceptibilités génétiques et expositions professionnelles. Expertise Collective. INSERM; Paris:2001; Retour vers
[3] manuguerra m, matullo g, veglia f, autrup h, dunning am, et coll.. Multi-factor dimensionality reduction applied to a large prospective investigation on gene-gene and gene-environment interactions. Carcinogenesis. 2007; 28:414422Retour vers
[4] matullo g, dunning am, guarrera s, baynes c, polidoro s, et coll.. DNA repair polymorphisms and cancer risk in non-smokers in a cohort study. Carcinogenesis. 2006; 27:9971007Retour vers
[5] stücker i, boffetta p, antilla s, benhamou s, hirvonen a, london s, taioli e. Lack of interaction between asbestos exposure and glutathione S-transferase M1 and T1 genotypes in lung carcinogenesis. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2001; 10:12531258Retour vers
[6] vineis p, veglia f, garte s, malaveille c, matullo g, et coll.. Genetic susceptibility according to three metabolic pathways in cancers of the lung and bladder and in myeloid leukemias in nonsmokers. Ann Oncol. 2007; 18:12301242Retour vers

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