Hémopathies malignes

2008


ANALYSE

17-

Incidence et mortalité chez l’adulte

Les hémopathies malignes regroupent des entités très distinctes issues soit du tissu lymphoïde soit du tissu myéloïde. Les connaissances en termes de phénotype immunologique et davantage encore en termes de génétique ou de mécanismes moléculaires sont relativement récentes. Les classifications épidémiologiques n’ont pas pu les prendre en compte depuis un laps de temps assez long pour permettre d’avoir, à partir des registres généraux de cancer, des données précises d’incidence et de mortalité pour chaque entité. Les données généralement publiées regroupent ces entités par grandes catégories. Les seules données plus précises sont issues des rares registres spécialisés.

Incidence

Selon les données du Registre des hémopathies malignes de Côte d’Or, sur une période d’enregistrement de 22 ans (1980-2001), les hémopathies malignes ont un taux d’incidence standardisé de 25,5/100 000 avec des variations importantes selon les différentes catégories. Ainsi les hémopathies myéloïdes dans leur ensemble ont une incidence de 10,6 et les hémopathies lymphoïdes ont une incidence de 17,4. Les différents taux d’incidence selon la classification OMS sont exposés dans le tableau 17.Irenvoi vers.
La comparaison de ces chiffres avec ceux d’autres registres de cancer montrent que les lymphomes malins non hodgkiniens sont de loin les affections hématologiques malignes les plus fréquentes devant les leucémies lymphoïdes chroniques sauf au Japon ; le myélome multiple sauf chez les noirs américains où il occupe la deuxième place, puis les leucémies myéloïdes. Cet ordre est sensiblement identique chez l’homme et chez la femme (figure 17.1Renvoi vers). Chez l’adulte, les hommes sont toujours plus atteints que les femmes avec un sex ratio voisin de 2 et on observe une augmentation de l’incidence avec l’âge pour toutes les hémopathies (Remontet et coll., 2003arenvoi vers). Cependant, dans le lymphome de Hodgkin on observe un pic d’incidence chez l’adulte jeune entre 20 et 30 ans puis une nouvelle augmentation à partir de 65-70 ans.
Les données sur les syndromes myéloprolifératifs chroniques sont peu nombreuses. Les résultats du Leukemia Research Fund entre 1984 et 1993 et ceux du Registre de la Tamise entre 1999 et 2000 donnent des chiffres voisins de ceux de la Côte d’Or (Mc Nally et coll., 1997renvoi vers; Phekoo et coll., 2006renvoi vers). Il en est de même de l’incidence des syndromes myélodysplasiques entre les différents registres spécialisés qui ont des données suffisantes en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France (Aul et coll., 1992renvoi vers; Maynadié et coll., 1996renvoi vers; Mc Nally et coll., 1997renvoi vers).
L’évolution de l’incidence des hémopathies malignes est marquée par une augmentation de l’incidence des hémopathies lymphoïdes matures, en particulier des lymphomes malins non hodgkiniens et du myélome multiple. Les chiffres du réseau Francim sur la période 1978-2000 objectivent cette augmentation retrouvée aux États-Unis (SEER program) (figure 17.2Renvoi vers). Cette augmentation touche aussi bien l’homme que la femme (tableau 17.IIrenvoi vers). Le lymphome de Hodgkin reste quand à lui à peu près stable. Pour la LLC (leucémie lymphoïde chronique), on observe une diminution faible de l’incidence entre 1980 et 2000, principalement due à une meilleure précision du diagnostic depuis le développement des techniques de cytométrie en flux. Les syndromes myélodysplasiques qui sont des maladies qui touchent le sujet âgé et qui pourraient augmenter du fait du vieillissement de la population, ont des incidences qui sont à peu près stables sur la période considérée (Maynadié et coll., 1996renvoi vers; Germing et coll., 2004renvoi vers).
Figure 17.1 Incidence des différentes catégories d’hémopathies malignes chez l’homme et chez la femme dans différentes régions du monde (Parkin et coll., 2002renvoi vers)

Tableau 17.I Taux d’incidence annuels par 100 000 habitants brut (TI) et standardisés sur l’âge (ASR - standardisation sur la population mondiale) des hémopathies malignes de l’adulte, et répartition annuelle par sexe des cas (N) en France (Registre de Côte d’Or, 1980-2003)

Hémopathie
Hommes
Femmes
Total
 
 
N
TI
ASR
N
TI
ASR
N
TI
ASR
Sex ratio
Syndromes myéloprolifératifs chroniques
12
5,1
3,7
11
4,2
2,6
23
9,3
6,3
1,42
     Thrombocytémie essentielle
4
1,6
1,1
5
2,0
1,2
9
1,8
1,2
0,91
     Polyglobulie de Vaquez
2
0,9
0,7
2
0,9
0,6
5
0,9
0,6
1,16
     Splénomégalie myéloïde
2
0,9
0,6
1
0,4
0,2
3
0,6
0,4
  3
     Leucémie myéloïde chronique
4
1,5
1,2
2
0,8
0,6
6
1,1
0,9
  2
Syndrome myélodysplasique
12
5,2
3,0
9
3,7
1,5
22
4,4
2,1
2,06
Leucémie aiguë myéloïde
8
3,2
2,4
8
3,2
2,1
16
3,2
2,2
1,12
Leucémie aiguë lymphoïde
3
1,3
1,7
3
1,1
1,6
6
1,2
1,6
1,10
Lymphome de Hodgkin
7
2,8
2,3
5
1,9
1,8
12
2,3
2,0
1,27
Hémopathies lymphoïdes matures
61
25,5
17,7
53
20,7
11,6
114
22,4
13,8
1,52
     Lymphomes non Hodgkiniens
27
11,4
8,4
25
9,7
5,9
52
10,5
7,0
   1,4
     Leucémie lymphoïde chronique
15
6,2
4,1
12
4,6
2,4
27
5,4
3,1
1,75
     Myélome multiple
12
4,8
3,2
12
4,8
2,4
24
4,8
2,7
1,35
     Maladie de Waldenström
3
1,4
0,8
2
0,8
0,4
5
1,1
0,6
   2
     Mycosis fongoïde
2
0,8
0,5
1
0,4
0,3
3
0,6
0,4
1,67
Total
104
43,3
30,9
89
34,9
21,2
193
42,8
28
1,46
Figure 17.2 Évolution de l’incidence des principales catégories d’hémopathies malignes aux États-Unis entre 1973 et 2002 (http://www.seer.cancer.gov/canques)

Tableau 17.II Évolution des taux d’incidence des hémopathies malignes en France selon les données du réseau Francim (Remontet et coll., 2003brenvoi vers)

  
Taux pour 100 000
 
  
1980
1990
2000
Taux annuel moyen d’évolution (%)
Lymphome non hodgkinien
Hommes
6,3
9,2
13,3
+ 3,8
 
Femmes
4,1
5,7
7,8
+ 3,5
Lymphome de Hodgkin
Hommes
2,9
2,6
2,2
– 1,4
 
Femmes
2,1
2,0
2,2
– 0,5
Myélome multiple Maladie immunoproliférative
Hommes
2,4
3,1
4,0
+ 2,7
 
Femmes
1,8
2,2
2,5
+ 2,0
Leucémie aiguë
Hommes
3,2
2,9
3,2
+ 1,5
 
Femmes
2,6
2,9
3,2
+ 0,9
Leucémie lymphoïde chronique
Hommes
3,3
2,8
2,4
– 1,5
 
Femmes
1,6
1,6
1,6
– 0,02

Mortalité

En 2003, le CépiDC a enregistré 9 625 décès par hémopathie maligne (leucémies, myélomes multiples, maladies de Hodgkin, lymphomes non hodgkiniens ou hémopathies malignes non précisées) en France métropolitaine1 . Trois décès sur 4 surviennent après 64 ans (70 % pour les hommes et 80 % pour les femmes). Le taux de décès standardisé sur l’âge est de 14,8 pour 100 000 habitants, (4,4 avant 65 ans et 74,7 après 65 ans). Il existe une surmortalité masculine (taux augmenté de 50 % chez les hommes) quel que soit l’âge. L’effectif annuel de décès par hémopathies malignes a plus que doublé en 30 ans, passant de 4 000 au début des années 1970 à 9 500 au début des années 2000. L’évolution est semblable chez les hommes et chez les femmes. Mais cette augmentation n’a concerné que les décès observés chez les personnes âgées alors, qu’avant 65 ans, le nombre de décès a très peu varié dans le temps (tableau 17.IIIrenvoi vers, figure 17.3Renvoi vers). De plus, la progression des effectifs de décès s’est ralentie avec le temps (pour les sujets de plus de 64 ans : + 60 % dans les années 1970 et + 10 % dans la période la plus récente).

Tableau 17.III Effectifs et taux de décès par hémopathies malignes selon le sexe et l’âge entre 1973 et 2003 en France métropolitaine (d’après CépiDc-Inserm)

 
Tous âges
< 65 ans
≥ 65 ans
 
Nombre
Tauxa
Nombre
Tauxa
Nombre
Tauxa
Total
      
1973
4 718
9,7
2 321
5,4
2 397
34,1
1983
6 382
12,3
2 424
5,2
3 958
53,2
1993
8 106
14,0
2 403
4,9
5 703
66,4
2003
9 625
14,8
2 288
4,4
7 337
74,7
Hommes
      
1973
2 533
11,9
1 413
6,7
1 120
42,0
1983
3 339
15,6
1 438
6,2
1 901
69,5
1993
4 175
17,8
1 414
5,9
2 761
86,7
2003
5 015
19,0
1 396
5,4
3 619
97,4
Femmes
      
1973
2 185
7,9
908
4,2
1 277
29,4
1983
3 043
10,1
986
4,2
2 057
44,0
1993
3 931
11,5
989
4,0
2 942
54,7
2003
4 610
11,9
892
3,4
3 718
61,1

a Taux de décès pour 100 000 standardisés par âge (population de référence : France 1990)

Figure 17.3 Évolution de la mortalité par hémopathie maligne entre 1973 et 2003 (d’après CépiDc-Inserm)
Le taux de décès standardisé par l’âge a progressé, le taux de décès passant de 9,7 à 14,8 pour 100 000 entre 1973 et 2003, soit une augmentation globale de + 70 %. La hausse ne concerne que les décès survenus à plus de 65 ans et elle est du même ordre pour les hommes et les femmes.
Le taux de décès le plus élevé est observé pour les lymphomes non hodgkiniens, suivi par les leucémies et les myélomes. Un taux environ 10 fois moins élevé est observé pour les lymphomes hodgkiniens. Une augmentation de la mortalité est constatée entre 1973 et 2003 pour les lymphomes non hodgkiniens (tableau 17.IVrenvoi vers).

Tableau 17.IV Effectifs et taux de décès par type d’hémopathie maligne pour les sujets de 15 ans et plus entre 1973 et 2003 en France métropolitaine (d’après CépiDc-Inserm)

 
Hommes
Femmes
Total
 
Nombre
Tauxa
Nombre
Tauxa
Nombre
Tauxa
Lymphome de Hodgkin
     
1973
454
2,6
279
1,3
733
1,9
1983
265
1,4
212
0,9
477
1,1
1993
172
0,8
108
0,4
280
0,6
2003
162
0,7
115
0,4
277
0,5
Lymphome non hodgkinien
     
1973
664
        4
508
2,3
1 172
        3
1983
1 158
6,7
991
        4
2 149
5,1
1993
1 877
9,9
1 761
6,3
3 638
7,8
2003
2 194
10,3
1 920
6,1
4 114
7,8
Myélome
      
1973
491
        3
591
2,6
1 082
2,8
1983
747
4,6
870
3,5
1 617
3,9
1993
974
5,4
980
3,5
1 954
4,1
2003
1 179
5,6
1 289
        4
2 468
4,6
Leucémie
      
1973
743
4,5
675
3,1
1 418
3,6
1983
1 033
        6
900
3,7
1 933
4,6
1993
1 074
5,6
1 026
3,7
2 100
4,5
2003
1 435
6,6
1 245
4,1
2 680
5,1

a Taux de décès pour 100 000 standardisés par âge (population de référence : France 1990)

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