Cancer de la thyroïde

2008


ANALYSE

45-

Classification histologique et pathologie moléculaire1

L’expertise s’intéresse aux cancers différenciés développés à partir des cellules épithéliales thyroïdiennes (les thyrocytes) responsables de la synthèse et de la sécrétion des hormones thyroïdiennes. Ceci concerne, pour l’essentiel, les cancers papillaires (Papillary Thyroid Carcinoma ou PTC) et, à un moindre degré, les cancers vésiculaires ou folliculaires (Follicular Thyroid Carcinoma ou FTC). Sont exclus de l’expertise, les cancers médullaires (Medullary Thyroid Carcinoma ou MTC) développés à partir des cellules C sécrétant la calcitonine.

Anatomie et physiopathologie thyroïdienne

La glande thyroïde présente des caractéristiques uniques par plusieurs aspects : son architecture, d’abord, faite d’un épithélium refermé sur lui-même en follicule clos enfermant, dans la lumière folliculaire, une matière amorphe, la colloïde (figures 45.1Renvoi vers et 45.2Renvoi vers).
Par ailleurs, la thyroïde est une glande endocrine, par la synthèse et la sécrétion des hormones thyroïdiennes (3,5,3’-triiodothyronine ou T3 et 3,5,3’,5’-tetraiodothyronine ou T4), mais aussi exocrine par la sécrétion dans la lumière folliculaire de plusieurs protéines dont la prohormone thyroïdienne la thyroglobuline ou Tg. La cellule thyroïdienne est parcourue d’un intense trafic de protéines impliquant le pôle apical de la cellule faisant face à la colloïde et le pôle basal en contact avec le tissu de soutien et les vaisseaux sanguins. La thyroïde constitue un tissu capable d’effectuer le transport intracellulaire, l’exocytose, l’endocytose et la transcytose de protéines et d’ions. Il permet aussi l’observation dans un milieu bien défini, la colloïde, de phénomènes biochimiques extracellulaires.
Figure 45.1 Follicule thyroïdien (coupe histologique)
Figure 45.2 Follicule thyroïdien (dessin)

Hormonosynthèse thyroïdienne

L’hormonosynthèse fait appel à la thyroperoxydase (TPO) et à un système générateur d’H2O2, la NADPH oxydase thyroïdienne (THOX). Ces composés permettent l’iodation de résidus de tyrosine de la Tg pour former des résidus de monoiodotyrosine (MIT) et de diiodotyrosine (DIT), puis le couplage de certains de ces résidus pour former T3 et T4 qui sont ensuite libérées par protéolyse.
Ce phénomène implique la capture de l’iode au pôle basal grâce à un cotransporteur Na+/I (NIS) puis son passage dans la lumière folliculaire grâce à un deuxième transporteur situé au pôle apical.
Après synthèse et maturation, la Tg est sécrétée avec des protéines chaperonnes dans la colloïde alors que la TPO et la THOX, protéines membranaires, sont localisées sur la membrane apicale. Les phénomènes d’oxydation ont lieu à l’extérieur de la cellule dans la lumière folliculaire. La Tg est ensuite endocytée pour atteindre les lysosomes où elle est complètement dégradée. T3 et T4 sont sécrétées au niveau de la membrane baso-latérale alors que MIT et DIT sont désiodées et l’iode recyclé. Cet ensemble de phénomènes est sous le contrôle de la TSH (Thyroid Stimulating Hormone) dont l’effet s’exerce par l’intermédiaire d’un récepteur à sept segments transmembranaires localisé sur la membrane basale. La fonction thyroïdienne est inhérente à ce trafic intense. Elle dépend aussi de nombreuses interactions entre protéines dont le caractère est modulé par les modifications post-traductionnelles, gly-cosylation, sulfatation et oxydations notamment, qu’elles subissent.
Figure 45.3 Mécanismes biochimiques de l’hormonosynthèse
Figure 45.4 Synthèse et sécrétion des hormones thyroïdiennes

Formation de radicaux libres et d’espèces réactives de l’oxygène

La synthèse des hormones fait appel à des réactions chimiques qui impliquent le peroxyde d’hydrogène (H2O2) et la thyroperoxydase. Ceux-ci interviennent dans la liaison de l’iode sur la Tg (étape d’iodation) puis dans le couplage des iodotyrosines pour former les iodothyronines (étape de couplage). Les interactions entre TPO et H2O2 aboutissent également à la formation de radicaux libres.

Effets des radicaux libres et des espèces réactives de l’oxygène

Les radicaux libres et les espèces réactives de l’oxygène (ERO) sont les acteurs essentiels du stress oxydatif. En ce qui concerne les protéines, on sait qu’ils sont responsables de :
• modifications des acides aminés formant la chaîne peptidique. L’iodation des tyrosines représente une première modification de la Tg ; le couplage des tyrosines en est une deuxième ; la rupture de la tyrosine « donneuse » avec libération du peptide N-terminal (NTD) en est une autre ;
• polymérisation de la Tg et du fragment NTD ;
• fragmentation de la chaîne peptidique. Ceci survient par disparition de la tyrosine donneuse libérant le NTD de la Tg. Ce processus de fragmentation de la Tg a lieu aussi au niveau de plusieurs acides aminés.
Il est intéressant de souligner que les trois processus de modification pathogène des protéines participent à la physiologie de la thyroïde :
• la modification des tyrosines est à la base de l’hormonosynthèse ;
• la multimérisation permet le stockage de la Tg iodée en évitant une augmentation de la pression oncotique ;
• la fragmentation de la Tg iodée se fait in vivo ;
• la multimérisation et la fragmentation de la Tg font probablement partie des mécanismes de stockage et de recyclage de l’iode.
Un excès d’iode exacerbe la production de ces espèces chimiques et donne à la thyroïde un aspect histologique proche de celui du cancer.
Le stress oxydatif a des effets délétères bien connu sur la structure et la fonction des protéines et des acides nucléiques. Un tel organe ne serait pas « viable » si certaines de ses caractéristiques ne constituaient pas des parades aux effets du stress oxydatif :
• la première parade est le fait que les réactions chimiques de l’hormonosynthèse ont lieu dans la colloïde, donc hors des cellules épithéliales ; ceci explique que ces cellules ne soient pas rapidement détruites ;
• la deuxième parade est faite du très haut potentiel anti-oxydant de la thyroïde. Par exemple, la thyroïde est capable de concentrer, ad libitum, le sélénium au point d’en priver les sélénoenzymes cérébrales nécessaires à la transformation de la T4, prohormone, en T3, hormone active. Néanmoins, l’équilibre entre l’hormonosynthèse et le stress oxydatif intrinsèque à cette synthèse est facilement perturbé ;
• troisième parade, le très faible potentiel de multiplication des thyrocytes sans lequel, les cellules peu endommagées se multiplieraient rapidement ;
• autre parade, le stress oxydatif qui agit sur les cellules normales, mais aussi, avec peut-être plus d’efficacité, sur les cellules déjà endommagées. Ceci pourrait entraîner leur destruction.
L’efficacité de ces parades apparaît insuffisante si on considère la pathologie de la glande.

Physiopathologie thyroïdienne

Le tableau 45.I renvoi versprésente, de manière simplifiée, une collection de données sur les affections thyroïdiennes, effectuée il y a un peu plus de 10 ans.

Tableau 45.I Prévalences observées d’anomalies de la glande thyroïde (d’après Vanderpump et Tunbridge, 1996renvoi vers)

Anomalie
Mode de mise en évidence
%
Cancer
Reconnu et traité
0,3
 
Autopsie systématique
2,0-30
Nodule
Reconnu et traité
5
 
Examen clinique systématique
10
 
Échographie systématique
30
Hypothyroïdie (femme)
Reconnue et traitée
1,5-2
 
Recherchée et traitée
5,0-12
 
Recherchée et infra clinique
8
Hypothyroïdie (homme)
Reconnue et traitée
0,1
 
Recherchée et traitée
1,3
 
Recherchée et infra clinique
3
Auto-anticorps circulants
Recherche systématique (femmes)
22
 
Recherche systématique (hommes)
6
Infiltrats lymphocytaires
Autopsie (femmes)
22
 
Autopsie (hommes)
6
Ce tableau distingue les anomalies « d’expression clinique » (reconnues et traitées) des anomalies dépourvues d’expression clinique et identifiées à l’aide d’une manœuvre systématique ayant valeur de dépistage, au cours d’une autopsie ou au décours d’une thyroïdectomie.
Malgré ses faiblesses sur le plan épidémiologique, ce tableau permet de faire plusieurs constatations :
• la majorité des anomalies thyroïdiennes n’a pas d’expression clinique ;
• les femmes, dans leur grande majorité, sont atteintes de troubles thyroïdiens, alors que les hommes le sont beaucoup plus rarement ;
• infra-clinique ou non, les maladies auto-immunes affecteraient 30 % de la population ;
• reconnus ou non, les nodules seraient présents chez 45 % de la population ;
• infra-clinique ou non, le cancer de la thyroïde affecterait 30 % de la population.
L’observation des caractéristiques de la physiologie et de la pathologie thyroïdiennes va dans le sens d’une morbidité étonnamment large affectant la thyroïde. Celle-ci apparaît ne fonctionner normalement que chez une minorité d’individus, des hommes le plus souvent.
Il est tentant de mettre en parallèle les maladies auto-immunes et la tumorigenèse thyroïdiennes avec le stress oxydatif inhérent à l’hormonosynthèse thyroïdienne et de les relier dans une relation de cause à effet. Ceci n’exclut évidemment pas l’implication de facteurs environnementaux dans la pathologie thyroïdienne comme cela est proposé dans les autres chapitres. L’un d’entre eux est, évidemment, l’apport alimentaire en iode qui conditionne l’homéostasie thyroïdienne.
Dans la mesure où la grande majorité des tumeurs thyroïdiennes, nodules bénins ou cancer, étaient le plus souvent ignorées, il faut accepter l’idée que l’évolution des méthodes diagnostiques (échographie et aspiration à l’aiguille fine suivie d’un examen cytologique) a eu pour conséquence une augmentation « artéfactuelle » de l’incidence des cancers thyroïdiens. Encore une fois, ceci n’exclut pas l’implication de facteurs environnementaux dans cette évolution de l’incidence des cancers de la thyroïde. On peut même considérer que le mode de prise en charge du cancer de la thyroïde est un facteur environnemental en soi.

Mécanismes généraux impliqués dans la tumorigenèse de la glande thyroïde

Facteurs environnementaux généraux

Le fonctionnement de la glande thyroïde est régulé de manière extrêmement fine et précise. Ceci permet de fournir aux tissus périphériques les quantités d’hormones thyroïdiennes (HT) adaptées aux circonstances. Cependant, la thyroïde soumise à l’influence de facteurs multiples de nature physique ou chimique et d’origine endogène ou exogène subit des perturbations importantes qui peuvent être accompagnées d’une agression du tissu thyroïdien. L’environnement impose une adaptation de la fonction de la thyroïde qui peut entraîner des effets délétères tels que dysfonctionnement, manifestations autoimmunes, destruction de la glande, cancers.
À des modifications du milieu extérieur telles que la chaleur, le froid, l’altitude, le régime alimentaire, les malnutritions, l’obésité…, la thyroïde répond par une adaptation de la synthèse et de la dégradation des HT, la dégradation de celles-ci étant sous le contrôle des cellules cibles de l’organisme. L’exposition à des conditions extrêmes induit donc des modifications dans l’homéostasie thyroïdienne, mais aussi un stress émotionnel avec des manifestations endocriniennes qui à leur tour peuvent modifier la fonction thyroïdienne. De plus, dans ces situations extrêmes, ce n’est pas la thyroïde, mais bien les organes « périphériques », et particulièrement le cerveau, qui subissent des troubles, pouvant à leur tour entretenir l’état de stress.

Minéraux

Plus complexes sont les mécanismes mis en jeu pour faire face à des apports excessifs ou à des carences en minéraux. De tous, l’iode est le plus important : substrat essentiel de la synthèse des HT, sa disponibilité a un impact direct sur la fonction thyroïdienne. D’autres halogènes peuvent intervenir à l’égal de plusieurs métaux.

Iode

Un excès d’iode conduit d’abord à une synthèse excessive des HT, accompagnée d’un « emballement » néfaste de la production de radicaux libres. Au dessus d’un certain niveau, on observe un blocage de l’organification de l’iodure et de la synthèse hormonale (effet Wolff-Chaikoff). Dans un troisième temps, il y a un phénomène d’échappement à ce blocage bientôt suivi d’une « désensibilisation » de la thyroïde à l’effet de la TSH. S’y ajoutent d’autres phénomènes qui concourent à une diminution de la production d’HT et à une dégradation de la glande. À terme, la fonction de la thyroïde redevient normale ; il n’en est probablement pas de même de sa structure qui reste partiellement dégradée. Il est important de souligner qu’un excès d’iode peut conduire à une thyrotoxicose ou à une hypothyroïdie accompagnée éventuellement d’un goitre. Le paradigme de ce phénomène complexe peut être observé au cours du traitement par l’Amiodarone ou Cordarone.
La carence en iode a pour conséquence directe une diminution de la synthèse hormonale et l’établissement d’un état d’hypothyroïdie. On assiste à une augmentation de la TSH circulante.

Autres halogènes

Le fluor et le brome peuvent jouer un rôle d’inhibiteur compétitif dans le métabolisme de l’iode. Ils peuvent aggraver les conséquences d’une carence en iode. Ceci n’est pas le cas du chlore ni de l’astate.

Métaux

Plusieurs métaux interfèrent avec la fonction thyroïdienne. Le calcium, le rubidium, le cobalt, le cadmium rentreraient dans cette catégorie selon des mécanismes mal avérés. Le lithium, utilisé en psychiatrie, exerce un effet qui va dans le sens d’une hypothyroïdie atypique ou, dans de rares cas à une hyperthyroïdie. C’est le sélénium qui est le plus intéressant à considérer. Sous la forme d’une sélénocystéine, il intervient en tant qu’anti-oxydant par le biais d’enzymes présents en grande quantité dans les thyrocytes (GSH-Px et SOD, notamment). Il est aussi un composant d’autres enzymes dont les désiodases type I et II. D’autres métaux tels que le cuivre et le fer interviennent dans le stress oxydant.

Composés chimiques

De nombreux composés sont susceptibles de modifier l’homéostasie thyroïdienne. Une partie d’entre eux, seulement, agissent directement sur la thyroïde pour inhiber, par différents mécanismes, la synthèse des HT. D’autres interfèrent avec le transport, l’internalisation et le mécanisme d’action des HT. D’autres, enfin, perturbent la régulation de la thyroïde.
Dans tous les cas, on peut, éventuellement, observer une élévation de la TSH et, plus généralement, une augmentation de la stimulation de la thyroïde et un accroissement du stress oxydatif intrathyroïdien. Partant du principe déjà édicté, que toute stimulation de la glande thyroïde peut, directement (promotion du processus tumoral) ou indirectement (augmentation du stress oxydatif) intervenir dans l’apparition d’un cancer, la toxicologie moléculaire du cancer de la thyroïde s’avère un domaine extraordinairement vaste.

Présentation clinique des tumeurs

Si l’incidence des cancers de la thyroïde est plus élevée chez la femme que chez l’homme, ce phénomène est moins marqué que pour les tumeurs bénignes de la thyroïde. La présentation clinique habituelle est le diagnostic d’un nodule thyroïdien mobile à la déglutition. L’exploration clinique analyse les deux lobes et les aires ganglionnaires (jugulo-carotidiennes, occipitales et sus-claviculaires).
La nature du nodule peut être approchée par différentes méthodes :
• la scintigraphie (méthode historique) à l’iode 123 (123I) ou au technetium 99m (99mTC), analogue de la fixation des iodures, permet de distinguer les nodules chauds bénins des nodules froids qui peuvent être malins ;
• l’échographie visualise un nodule plein ou une nécrose tumorale et permet d’éliminer les rares kystes séreux. Elle a permis de découvrir un nombre important de cancers lors d’examens opportunistes ;
• la ponction à l’aiguille fine avec examen cytologique des frottis est un progrès mais ne donne pas de certitude en cas de résultat négatif (faux négatif) et il faut recourir à une biopsie si un doute persiste ;
• le cliché thoracique explore les aires ganglionnaires médiastinales et permet de rechercher une éventuelle métastase.
Une signature cytologique ou histologique est donc indispensable. L’examen microscopique extemporané, peropératoire, est une méthode puissante qui règle les problèmes diagnostique et thérapeutique en un seul temps mais nécessite une équipe entraînée et une infrastructure importante.
La classification TNM est peu employée en pratique (tableau 45.IIrenvoi vers). Elle tend à être remplacée par la classification pathologique (PTNM) établie après intervention chirurgicale sur les mêmes critères.

Tableau 45.II Classification TNM

T (Tumeur primitive)
   T0 : pas de tumeur palpable
   T1 : tumeur unique limitée à un lobe ou à l’isthme, mobilité intacte, pas de déformation de la glande
   T2 : tumeur unique ou multiple déformant la glande, mobilité intacte
   T3 : tumeur dépassant la glande ou fixée ou avec infiltration périphérique
N (Adénopathies cervicales)
   N0 : pas d’adénopathie palpable
   N1 : un ou plusieurs ganglions, palpables, mobiles, homolatéraux
   N2 : ganglions controlatéraux et/ou bilatéraux, mobiles
   N3 : un ou plusieurs ganglions fixés
M (Métastases viscérales)
   M0 : pas de métastase décelable
   M+ : métastase décelée
La découverte d’un cancer de la thyroïde par une métastase n’est pas exceptionnelle, même si l’échographie a pris une importance considérable dans la détection. Les microcancers découverts post mortem sont fréquents.

Classification OMS

La classification des tumeurs malignes de la thyroïde repose essentiellement sur la classification établie en 1986 et en 2004 par l’OMS (Hedinger, 1986renvoi vers; Kleihues et Sobin, 2004renvoi vers). Les cancers de la thyroïde se distinguent en carcinomes bien différenciés, carcinomes moyennement ou peu différenciés et carcinomes anaplasiques.

Cancers bien différenciés

Les plus répandus sont les cancers papillaires (environ 80 % des cancers thyroïdiens). Ils se caractérisent par l’existence de formations papillaires associées à des altérations nucléaires caractéristiques (figure 45.5Renvoi vers). Les structures papillaires sont bordées par une monocouche de cellules malignes s’adossant à un axe fibreux et vasculaire. Les noyaux ont fréquemment un aspect en « verre dépoli » (ground glass), un grand volume par rapport aux cellules normales, un contour irrégulier et des invaginations cytoplasmiques. Ces aspects caractéristiques sont essentiels dans l’interprétation des frottis d’aspiration par ponction. De nombreuses variantes architecturales ou cytologiques existent.
Figure 45.5 Cancers papillaires
Les cancers vésiculaires ou folliculaires bien différenciés (figure 45.6Renvoi vers) fabriquent de véritables structures folliculaires isolées les unes des autres et stockant dans leur lumière la thyroglobuline (colloïde). Cette forme, surtout dans sa variante encapsulée, présente souvent une grande difficulté de diagnostic en ce qui concerne l’affirmation de la malignité. Celle-ci est le plus souvent impossible à déterminer sur les cellules isolées obtenues par aspiration.
Cette classification identifie des variantes :
• les microcancers de diamètre ≤ 1 cm sont d’excellent pronostic ;
• dans ces formes histologiques, la présence de métastases ganglionnaires n’a pas de signification pronostique péjorative chez un malade correctement traité chirurgicalement ;
• l’aspect folliculaire encapsulé entraîne des problèmes de diagnostic histopathologique. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’infiltration de la capsule et d’embolies tumorales vasculaires souvent difficiles à affirmer.
Il faut souligner l’apport de plus en plus important des techniques d’immunohistochimie dans la classification des cancers de la thyroïde.
Figure 45.6 Cancers vésiculaires

Cancers moyennement ou peu différenciés

Les cancers moyennement ou peu différenciés sont retrouvés chez la majorité des patients à mauvais pronostic. Ces formes histologiques d’individualisation relativement récente sont donc intéressantes à isoler. On peut décrire quatre sous-types histologiques : les cancers peu différenciés trabéculaires, insulaires, solides et microfolliculaires.

Cancers indifférenciés ou anaplasiques

L’expérience montre qu’il est souhaitable d’utiliser le terme « anaplasique » plutôt que le terme « indifférencié ». En effet, ce dernier terme s’accompagne souvent pour les cliniciens d’une confusion avec le terme « peu différencié ». Or, effectuer un diagnostic de cancer « indifférencié » ou « anaplasique » revient actuellement à prévoir pour le patient une survie de moins d’un an de façon quasi certaine alors que le diagnostic de cancer « peu différencié » correspond, le plus souvent, à des cas curables s’ils sont bien traités. Les cancers anaplasiques surviennent de façon brutale chez un patient âgé de plus de 45 ans, souvent à partir d’une tumeur bien différenciée papillaire ou folliculaire. Cette tumeur devient totalement anarchique avec pertes des caractères épithéliaux et prolifération de cellules géantes isolées aux noyaux très déformés et dystrophiques. Ces cellules envahissent rapidement le tissu extra-thyroïdien et les organes de voisinage comme le larynx et la trachée.
Dans ce contexte, signalons que les formes longtemps décrites comme formes indifférenciées à petites cellules sont, en fait, soit des lymphomes malins, soit des cancers médullaires à cellules C.
Les tumeurs non épithéliales ou mésenchymateuses sont rares et souvent difficiles à différencier des cancers anaplasiques.

Évolution

La survie à 5 ans des formes différenciées est excellente, proche de l’espérance de vie normale pour les vésiculaires et de 80 % pour les papillaires (Tubiana et coll., 1985renvoi vers).
Le risque majeur est celui des métastases (squelette, poumon, mais jamais le foie). Le degré de différenciation des métastases peut être différent de celui des tumeurs primitives.
Le pronostic est nettement plus réservé pour les cancers peu différenciés (survie d’environ 50 % à 5 ans). Il est désastreux pour les cancers anaplasiques (espérance de vie chiffrée en mois).

Pathologie moléculaire

C’est le mérite des cytogénéticiens d’avoir attiré l’attention des spécialistes de la biologie moléculaire sur les anomalies du chromosome 10 dans les cancers papillaires de la thyroïde (Antonini et coll., 1989renvoi vers).
Les données présentées ci-dessous concernant les anomalies moléculaires observées dans les cancers de la thyroïde sont issues de deux publications (Kleihues et Sobin, 2004renvoi vers; Schlumberger, 2004renvoi vers).
Les réarrangements du récepteur de la tyrosine kinase (RET et TRK) constituent l’anomalie principale rencontrée dans les cancers papillaires de la thyroïde. Ils sont plus fréquents chez les sujets jeunes, en particulier après des irradiations thérapeutiques ou accidentelles sans présenter pour autant la moindre spécificité. Cette relation s’explique cependant assez bien en raison d’une cassure double-brin de l’ADN à l’origine d’un réarrangement RET/PTC. Le caractère exquis de la lésion pourrait être expliqué quelle que soit l’étiologie, par une proximité spatiale des loci chromosomiques contribuant à l’architecture des chromosomes.
Il existe plusieurs modalités de réarrangements RET/PTC par fusion du domaine de la tyrosine kinase (en 10q11-2) avec la séquence 5’terminale des différents gènes situés, en particulier en 10q. Le plus répandu est RET/PTC3. Tous conduisent à une expansion clonale et donc à une transformation néo-plasique des cellules folliculaires.
RET/PC1 serait plus fréquent dans les micro-cancers et les tumeurs papillaires classiques alors que RET/PC3 prédomine dans les cancers papillaires solides et les cancers à « tall cells » assez évolutifs.
Les réarrangements incluant le gène TRK sont rencontrés dans environ 10 % des tumeurs papillaires. Ils impliquent eux aussi une brisure double brin. Ils résultent d’une fusion du domaine de la tyrosine kinase situé en 1q22, à des gènes TPM3 ou TPR sur 1q, ou TFG sur le chromosome 3. Après irradiation, TPM3 prédomine.
L’activation de l’un des 3 proto-oncogènes RAS intervient dans moins de 3 % des cancers thyroïdiens avec une prédominance (43 %) dans la variante folliculaire.
La mutation BRAF qui inverse la relation thymine-adénine a été observée dans 70 % des cancers papillaires de la thyroïde.
RET/PTC, BRAF ou RAS agissent tous sur l’activation de la cascade MAPK directement en relation avec le cycle cellulaire. Des réarrangements du Peroxisome Proliferator-Activated Receptor (récepteurs activés par les inducteurs de la prolifération des péroxysomes) gamma gene (PPARg) peuvent exister dans 25-30 % des cancers folliculaires.
Des aberrations du gène TP53 sont observées dans 20 à 30 % des cas de cancers peu différenciés, ce qui suggère la possibilité d’une transformation vers une forme anaplasique.
Les anomalies rencontrées dans les cancers anaplasiques sont multiples en particulier sur tous les éléments du cycle cellulaire.
En conclusion, si les cancers radio-induits sont le plus souvent papillaires, des aspects vésiculaires ne sont pas exclus. Les anomalies moléculaires rencontrées sont essentiellement les réarrangements RET/PTC 1 et 3, RET/PTC/3 semblant être associé à une évolution tumorale plus active. Néanmoins, ces anomalies sont inconstantes et sont souvent observées dans les cancers thyroïdiens en général. Il n’existe, donc, pas de signature, ni histopathologique, ni moléculaire, prouvant l’étiologie radio-induite d’un cancer thyroïdien.
Deux mécanismes majeurs sont susceptibles de favoriser l’expression du processus de cancérisation des cellules épithéliales thyroïdiennes :
• promotion par stimulation excessive de la thyroïde par la TSH ;
• dégradation par surexpression du stress oxydatif nécessaire à la synthèse hormonale.
La solution pour contrecarrer ces mécanismes est le maintien de l’homéostasie thyroïdienne. Extrêmement simple dans son principe, elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. Néanmoins, l’homéostasie thyroïdienne dépend, d’abord et avant tout, d’un apport alimentaire en iode adéquat (adultes 100 μg/j, enfants 150 μg/j et femmes enceintes 200 μg/j).

Bibliographie

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