Exposition aux agents chimiques et physiques

2008


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Principaux constats et propositions
Pour l’évaluation des expositions aux agents chimiques et physiques, diverses bases de données ont progressivement été mises en place en France à l’initiative de différents organismes, pour décrire la qualité des milieux et des lieux de vie.
Concernant l’air, on dispose de plusieurs sources d’information : l’inventaire des émissions établi par le Citepa, la banque de données de la qualité de l’air gérée par l’Ademe qui rassemble les résultats des mesures de polluants effectuées par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air et enfin la base de données sur la qualité de l’air intérieur constituée par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur.
Concernant les eaux, on dispose de la base nationale de données Sise-Eaux et Sise-Baignades qui collige, sous l’égide de la Direction générale de la santé, les informations relatives à la qualité des eaux destinées respectivement à la consommation humaine et aux baignades.
Concernant les sols, on note les bases de données Basol, Basias et OQS ayant trait aux sites pollués par des activités industrielles, de services et agricoles.
Pour les milieux de travail, on peut s’appuyer sur les enquêtes Sumer menées par les médecins du travail et sur les bases Colchic et Orfila (qui contient les compositions des préparations les plus dangereuses…).
Il convient d’enrichir ces bases de données, le cas échéant d’en développer de nouvelles et surtout d’en faciliter l’accessibilité et de les doter systématiquement d’une démarche d’assurance qualité garantissant la fiabilité des données recueillies tout en faisant état de leurs limites de validité. Une réflexion s’impose pour une meilleure utilisation de ces bases afin d’apprécier la contribution de chaque milieu à l’exposition des populations.
À l’échelle individuelle, les mesurages personnalisés sont à encourager afin d’améliorer l’estimation des expositions. Couplés au descriptif du cadre et du mode de vie des individus ainsi que de leur budget espace-temps, ils permettent en outre de rechercher les déterminants de ces expositions. Cette étape s’avère le préalable indispensable à l’élaboration de questionnaires d’exposition adéquats utilisables dans un cadre épidémiologique. En effet, il faut constater qu’actuellement l’évaluation des expositions constitue le point faible de la plupart des travaux menés en épidémiologie environnementale sur des risques à long terme, notamment de cancer. L’amélioration de ces outils doit être une priorité ; de leur qualité dépendront la quantification des risques sanitaires correspondants et l’établissement de relations doses-réponses valides.
Une mention spéciale doit également être faite à la biosurveillance qui a le mérite de fournir une estimation intégrée de l’exposition des individus et qu’il est nécessaire d’intensifier, en particulier en milieu professionnel. Ce sont les biomarqueurs d’exposition et d’effets précoces infracliniques qui sont en particulier à développer.
Les efforts consacrés à la modélisation des phénomènes de dispersion des polluants dans les milieux sont à poursuivre et il semble pertinent de développer des modèles multi-media d’évaluation des expositions humaines.
S’agissant des polluants atmosphériques, une attention particulière doit être portée aux particules ultra-fines et à la caractérisation physico-chimique des particules. Les expositions aux pesticides via les différents milieux d’apport sont à documenter, de même que les expositions aux champs électromagnétiques en population générale.

Principaux constats et perspectives concernant l’exposition aux perturbateurs endocriniens

La liste des molécules suspectes d’effets perturbateurs endocriniens ou dont les effets sont avérés est très importante et présente une grande diversité de familles chimiques aussi bien organiques que minérales.
La persistance et la résistance à la dégradation ayant été recherchées pour l’élaboration de certaines molécules pour des raisons économiques, techniques ou sécuritaires (plastifiants, PCB, retardateurs de flamme…), il en résulte inévitablement un impact environnemental et un franchissement des barrières d’élimination peu ou pas adaptées.
Les doses biologiquement actives sont très faibles et comparables à celles retrouvées dans certaines sources d’exposition environnementales.
Les effets biologiques sont multiples et parfois simultanés (clastogènes, mutagènes, perturbateurs hormonaux …).
Les synergies, additivités, antagonismes ainsi que la bioaccumulation compliquent la prédiction des effets biologiques.
Les raisonnements en matière d’analyse des risques doivent se faire à partir d’intégrations vie entière.
Les sources d’exposition sont extrêmement diversifiées.
Les milieux aquatiques sont largement contaminés mais ce sont aussi ceux qui sont le plus étudiés et la contamination globale de la ration alimentaire journalière est encore mal évaluée. Il en est de même pour de nombreux objets de notre vie quotidienne. Les apports aériens et aéroportés restent encore largement à analyser.
Face aux éléments justifiant les inquiétudes sur la causalité micropollution/cancers, les débats majeurs qui se déroulent sur ce sujet nécessitent une grande objectivité reposant sur des résultats scientifiques validés.
Le travail ne peut donc déboucher que sur une série de recommandations portant essentiellement sur les besoins en matière de recherche et d’acquisition de données.
Les propositions d’action peuvent être regroupées en 8 grands chapitres.
Premièrement, réaliser, renforcer et améliorer les actions et les moyens liés au Plan national santé-environnement et ses déclinaisons régionales et notamment :
• réduire les émissions aériennes de substances toxiques d’origine industrielle ;
• améliorer la qualité de l’eau potable en préservant les captages des pollutions ponctuelles et diffuses ;
• limiter les pollutions des eaux et des sols dues aux pesticides et certaines substances potentiellement dangereuses ;
• mieux connaître les déterminants de la qualité de l’air intérieur et renforcer la réglementation ;
• renforcer les capacités d’évaluation des risques sanitaires des substances chimiques dangereuses et développer des outils d’évaluation ;
• réduire les expositions professionnelles aux agents CMR ;
• former de jeunes chercheurs et enseignants chercheurs en santé environnement et développer le potentiel humain.
Deuxièmement, promouvoir la recherche permettant de renforcer la connaissance sur les expositions :
• réaliser une structure humaine et technique dédiée à la recherche et au développement axé sur l’évaluation du risque dans cette thématique ;
• renforcer le potentiel de recherche sur tous les volets des sciences analytiques adaptées à la problématique et identifier les molécules nouvelles présentant un niveau de danger significatif.
Troisièmement, développer des démarches toxicologiques nouvelles adaptées à la situation de l’exposition aux mélanges de composés à l’état de trace. Ceci devrait ressembler à une stratégie d’éco-toxico-pharmacologie adaptée capable de décrire les mécanismes d’action, les passages transbarrières ou encore les interactions cellulaires.
Quatrièmement, favoriser les études épidémiologiques. Les recherches de causalité et les études rétrospectives sont très difficiles. Il faut donc aider les équipes de recherche en épidémiologie dans le domaine santé-environnement à structurer ou innover pour promouvoir des méthodes adaptées à l’étude des relations entre l’exposition aux mélanges de micropolluants et les cancers.
Cinquièmement, mesurer les expositions :
• renforcer le développement d’outils et de méthodes analytiques adaptées à la mesure des faibles traces dans les matrices environnementales (eaux, boues, sols, air) et biologiques ;
• favoriser les programmes d’étude destinés à acquérir un maximum de données sur la présence et les concentrations en polluants indésirables dans l’environnement et l’alimentation de classes de consommateurs types ;
• développer des capteurs et des analyseurs permettant des suivis en continu ou semi-continu à un prix acceptable ;
• développer des modèles biologiques globaux capables d’être associés, de compléter voire de remplacer les méthodes d’analyses physico-chimiques instrumentales.
Sixièmement, créer une échantillothèque environnementale permettant des études rétrospectives. À l’image de ce qui est réalisé dans d’autres pays européens, réaliser sur la base d’une stratégie d’échantillonnage adaptée à l’ensemble de la métropole et des territoires d’outre-mer, une collecte périodique et un stockage d’échantillons des principaux compartiments environnementaux.
Septièmement, favoriser la fusion et/ou l’interrogation facilitée des bases de données avec un accès aisé pour les équipes de recherche spécialisées. Il existe de nombreuses bases de données sur la pollution de l’environnement et cette richesse est sous-exploitée.
Huitièmement, poursuivre les efforts sur les programmes d’autorisations de mise sur le marché de molécules nouvelles et participer activement aux commissions et groupes de travail européens portant sur ce thème.
Ceci ne peut être rendu possible que par un investissement significatif permettant d’assurer la présence d’experts dans ces commissions et groupes, de leur donner les moyens et l’aide aux déplacements, de former de jeunes experts capables de prendre la relève.

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