Cancer de la prostate

2008


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Principaux constats et propositions
Le cancer de la prostate touche l’homme de plus de 50 ans. C’est le premier cancer urologique et également le premier cancer chez l’homme en termes d’incidence devant le cancer du poumon dans les pays développés. Il s’agit presque toujours d’un adénocarcinome développé aux dépens des acini. Les autres formes sont rares, de l’ordre de 3 %.
Il n’existe pas actuellement de modèles moléculaires pertinents de cancérogenèse prostatique. De multiples altérations sont responsables d’un dérèglement progressif des fonctions cellulaires corrélées au stade, au grade et à l’évolution tumorale. L’expression des gènes androgénodépendants est modifiée.

Augmentation de l’incidence

Il existe des taux élevés dans les pays développés et à niveau de vie égal, les populations noires d’origine africaine semblent avoir un risque élevé, les asiatiques un risque faible.
En France, on estime à un peu plus de 40 000 le nombre de nouveaux cas en 2000. Le taux d’incidence standardisé sur la population mondiale est de 75,3 pour 100 000. L’incidence augmente très rapidement avec l’âge. Pour les sujets âgés de 75 ans, le taux d’incidence est 10 fois plus élevé.
L’incidence a très fortement augmenté au cours des deux dernières décennies sans diminution pour la période la plus récente. Entre 1975 et 2000, l’augmentation annuelle moyenne du taux d’incidence est de 5,33 % par an. Cette augmentation de l’incidence doit être mise en relation avec l’évolution des techniques diagnostiques et en particulier de la diffusion du dosage de l’antigène prostatique spécifique (PSA).
Le taux de décès standardisé par âge est globalement de 38,1 pour 100 000 habitants. Il est faible avant 65 ans (2,4) et très élevé au-delà (multiplié par 100). En 2004, on a dénombré 9 100 décès par cancer de la prostate en France métropolitaine. Ces décès représentent 3,5 % de la mortalité générale des hommes. Entre 1974 et 2004, les taux de décès ont eu, contrairement aux effectifs de décès, tendance à diminuer légèrement. Cette baisse a été davantage marquée pour les moins de 65 ans.

Facteurs de risque suspectés

L’augmentation d’incidence du cancer de la prostate est multifactorielle, en lien essentiellement avec l’âge, l’ethnie et l’alimentation. Le lien avec les expositions professionnelles est difficile à mettre en évidence car il est nécessaire de tenir compte du produit, mais également de la dose utilisée et du temps d’exposition, données qui sont difficiles à recueillir.
De nombreuses études ont recherché un lien avec l’exposition aux pesticides. L’exposition à certains pesticides, en particulier chez les applicateurs et les employés des usines de production, serait responsable d’un risque accru de cancer de la prostate. Il semble que les herbicides ne majorent pas le risque de cancer de la prostate. Actuellement, le facteur « pesticides » n’est pas statistiquement indépendant des autres facteurs de risque. En particulier, une association est mise en évidence chez les personnes exposées ayant une histoire familiale de cancer de la prostate.
Pour la première fois une étude a montré une relation dose-réponse forte entre exposition aux PCB et mortalité par cancer de la prostate. Il s’agit d’une cohorte de travailleurs, employés dans deux usines américaines qui produisent des condensateurs et considérés comme fortement exposés aux PCB entre 1939 et 1977. La mortalité par cancer a été étudiée jusqu’en 1998. Une matrice emploi-exposition semi-quantitative a été utilisée pour estimer l’exposition cumulée aux PCB. Du fait du caractère persistant des PCB, ces résultats suggèrent de poursuivre les recherches dans ce domaine.
D’autres facteurs ont été étudiés : le cadmium, l’arsenic, les fumées de diesel, différents produits chimiques présents dans l’environnement des travailleurs du nucléaire et de l’aérospatiale. Les études ne sont pas concordantes et ne permettent pas de conclure à un risque avéré ni même suspecté.
Des études ont été conduites pour explorer le rôle d’agents infectieux trouvés dans les maladies sexuellement transmissibles. Un risque significatif de cancer de la prostate plus élevé est montré pour toute MST, gonorrhée et infections à papillomavirus (certains types).

Interaction gènes-environnement

Plusieurs études ont mis en évidence un lien entre cancer de la prostate et certains polymorphismes touchant des gènes impliqués dans les régulations hormonales, la réparation de l’ADN et dans les processus de détoxification, trois fonctions indispensables à l’adaptation de l’individu à son environnement. Ainsi, face à une exposition donnée, le risque de développer un cancer peut varier d’un individu à l’autre à cause de ces polymorphismes. Cette notion de polymorphisme est donc capitale pour une meilleure évaluation de l’influence de l’environnement sur l’incidence du cancer de la prostate.
Certains des polymorphismes du gène CYP3A4 peuvent amener à une réduction de l’oxydation de la testostérone, conduisant à une plus grande biodisponibilité en dihydrotestostérone. Cependant, il n’y a pas de données dans la littérature sur un éventuel lien entre polymorphisme CYP3A4, facteurs environnementaux et cancer de la prostate. Les polymorphismes touchant CYP3A4 auraient plutôt un impact sur le métabolisme de molécules thérapeutiques comme les agents de chimiothérapie et par conséquent un impact sur la réponse clinique à certains traitements anticancéreux.
D’autres polymorphismes affectant les fonctions de détoxification associés au cancer de la prostate concernent le gène GSTP1 codant pour la gluthation-S-transférase π1. Le polymorphisme Val105 et une forte exposition à des hydrocarbures en milieu professionnel augmentent le risque de cancer de la prostate. Un autre polymorphisme affectant les enzymes de détoxification et impliqué dans le cancer de la prostate concerne les gènes codant pour la N-acétyl-transférase 1 et 2. L’association phénotype « acétyleur rapide » et tabac augmente le risque de cancer de la prostate. Cependant, aucune association n’a été décrite entre la présence de ces polymorphismes, le tabac passif et l’augmentation du risque de cancer de la prostate.

Recommandations

Les facteurs de risque du cancer de la prostate identifiés avec certitude sont l’origine ethnique et les antécédents familiaux. Les formes familiales représentent environ 20 % des cas. Une transmission de caractère mendélien serait retrouvée dans environ 5 % des cas. Des locus pour des gènes de prédisposition au cancer de la prostate ont été identifiés sur différents chromosomes. Certains gènes candidats ont été étudiés dans les locus de prédisposition sans que l’on puisse définir clairement un gène dont les mutations seraient en cause. Des études épidémiologiques ont montré une association avec d’autres cancers (sein, cerveau, lymphomes) suggérant des gènes de prédisposition communs.
Par ailleurs, des polymorphismes touchant des gènes impliqués dans les régulations hormonales, la réparation de l’ADN et dans les processus de détoxification, ont été associés au cancer de la prostate. À ce jour, il y a peu d’études démontrant un lien entre un phénotype particulier, une exposition à un agent environnemental et un risque augmenté de cancer de la prostate. Les études doivent être poursuivies pour déterminer cette interaction en particulier pour l’exposition aux pesticides.
Des modèles toxicologiques doivent être développés pour évaluer l’effet de certaines substances comme le cadmium (Cd) et l’arsenic (As) : stress oxydatif conduisant à des dommages de l’ADN, activation d’oncogènes, inhibition de l’apoptose ou diminution de la réparation de l’ADN endommagé, modifications des voies de signalisation intracellulaire.
Des recherches sont nécessaires, en particulier des études de cohorte, pour étayer l’hypothèse d’un rôle de l’infection dans le cancer de la prostate et l’interaction avec des susceptibilités génétiques.
Par ailleurs, il est important de renforcer les recherches sur les facteurs génétiques de sensibilité aux expositions environnementales et les interactions gène–environnement. La forte incidence du cancer de la prostate en Guadeloupe et en Martinique par rapport à celle observée en France métropolitaine, suggère l’implication de facteurs génétiques, environnementaux et des interactions gène-environnement. Des études complémentaires comparant cette forte incidence insulaire à celle observée chez la population antillaise vivant en France métropolitaine permettraient de mieux comprendre l’étiologie du cancer de la prostate dans ces deux départements, et de mettre en exergue le rôle des expositions environnementales éventuellement modulées par la susceptibilité génétique.

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