2008


ANALYSE

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Exposition générale au plomb des enfants en France et évolutions depuis l’expertise Inserm de 1999

Exposition générale au plomb des enfants en France et évolutions depuis l’expertise Inserm de 1999
Ce chapitre présente l’évolution de la contamination en plomb de l’environnement général et son influence sur l’exposition des jeunes enfants, dans la perspective d’apporter des éléments de réponse sur le faible nombre d’enfants retrouvé avec une plombémie supérieure à 100 µg/l observé au cours des actions de dépistage. Cependant, il ne vise pas à décrire les sources d’intoxication à l’origine de cas de saturnisme infantile telles que les peintures au plomb par exemple ; elles sont documentées en détail dans le chapitre suivant et dans le document de l’Institut de veille sanitaire sur l’enquête environnementale (InVS, 2005renvoi vers).

Évolution des expositions au plomb en France 1993-2004

La plombémie est la méthode directe de référence pour estimer les expositions au plomb des populations car elle mesure le plomb absorbé par l’organisme en intégrant l’ensemble des sources et voies d’exposition. L’approche indirecte (Lioy, 1995renvoi vers) modélise l’exposition en combinant les informations sur les concentrations en plomb dans les milieux d’exposition et les quantités de milieu absorbées. Elle permet ainsi de faire la part des apports par les différents milieux et sources. C’est cette approche qui est retenue ici avec un objectif de comparaison par milieux d’exposition, en référence à l’expertise Inserm de 1999 (Inserm, 1999renvoi vers).
Une analyse comparée des estimations indirectes des expositions au plomb des enfants de 0-6 ans faites en 1999 (Inserm, 1999renvoi vers) et en 2007 (Glorennec et coll., 2007renvoi vers) à partir de données principales de 1993 et 2004 est présentée ci-dessous. Les paramètres utilisés pour le calcul de l’exposition dans ces deux études pour un jeune enfant sont reproduits dans le tableau 2.I.

Tableau 2.I Paramètres d’exposition au plomb pour un jeune enfant

Paramètre
Inserm, 1999renvoi vers (données 1993)
Glorennec et coll., 2007renvoi vers (données 2004)
Remarque
Âge (ans)
2
0,5 à 3
D’autres âges sont considérés par chaque étude
Type d’exposition modélisée
Dose absorbée
Dose d’exposition (dose externe)
La dose externe ne tient pas compte d’une biodisponibilité différentielle selon le milieu
Prise en compte de la variabilité
Scénarios contrastés
Distribution de valeurs
 
Eau (du robinet) ingérée
0,75 l/j et coefficient d’absorption digestive de 40 %
Distribution de 0 à 0,8 l/(kg/semaine) (médiane 0) (Boggio et coll., 1999renvoi vers)
 
Concentration dans l’eau
10 μg/l (recommandation OMS)
Distribution de 0-720 μg/l (médiane <1) (Contrôle sanitaire, 2004)
 
Apport alimentaire
Intervalle 7-15 μg/j (enquête de consommation alimentaire du Val de Marne (Preziosi et coll., 1991renvoi vers) + enquête Ddass/DGS sur les métaux dans l’alimentation (DGS, 1995renvoi vers)
Coefficient d’absorption digestive de 40 %
Distribution de 3 à 16 μg/(kg/semaine) (médiane 6,3) (Boggio et coll., 1999renvoi vers; Leblanc et coll., 2005renvoi vers)
Dans l’expertise Inserm de 1999, l’ingestion en plomb pour un enfant de 2 ans (tableau 12.III) mentionne une valeur de 30 μg/j, ce qui, avec prise en compte d’un coefficient d’absorption digestive de 40 %, correspond à une dose absorbée de 12 μg/j.
Concentration dans l’air
0,1-0,2 (rural) à 0,5 (urbain) μg/m3
Négligeable au vu de la contribution d’une concentration dans l’air de 0,01 à 0,02 μg/m3 à l’exposition (<1 μg/l)
 
Inhalation
6m3/j et coefficient de pénétration alvéolaire
Sans objet
 
 
de 0,5
  
Poussières et sols
De 10-40 (rural) à 50-200 (urbain) mg/kg
Distribution de 2 à 187 mg/kg (médiane 18 mg/kg) (étude pilote N=36), Rennes et environs, France pour les poussières, 34 à 120 mg/kg (médiane 72) pour les sols (à partir de la littérature)
 
Ingestion de sols et poussières
50 mg/j (coefficient d’absorption digestive de 40 %)
Distribution de 0 à 137 mg/j (médiane 24) (Stanek et coll., 2001renvoi vers)
 
Poids
13,6 kg
Distribution de 6 à 17 kg (médiane 10) (Boggio et coll., 1999renvoi vers), appariée avec consommation alimentaire dans le calcul
 
En complément, l’expertise Inserm (1999renvoi vers) décrit des expositions en milieu « rural exposé » (concentration en plomb dans l’eau : 50-500 µg/l), « urbain exposé » (concentration en plomb dans les poussières : 5 000-10 000 mg/kg) et industriel (concentration en plomb dans l’air : 1-2 µg/m3 et dans les poussières : 3 000-5 000 mg/kg).
Les estimations indirectes de l’exposition au plomb en 1999 et 2004 sont présentées dans le tableau 2.II.

Tableau 2.II Estimations indirectes de l’exposition au plomb pour un jeune enfant en 1999 et 2004

Exposition (μg/kg poids corporel/semaine)
 
Inserm 1999renvoi vers milieu rural
Inserm 1999renvoi vers milieu urbain
Glorennec et coll., 2007renvoi vers (données 2004)
Résultats « bruts »
5-10 (11-85 en milieu rural exposé)*
1-10 (77-146 en milieu urbain exposé)
7 (Min-P95** : 3-14)
Résultats « normalisés » (exprimés en dose externe)
12-25
2-25
7 (Min-P95** : 3-14)

* Données Inserm en μg/j converties en μg/(kg poids corporel/semaine) avec un poids de 13,6 kg
** P95 : percentile 95

L’estimation de 2004 est inférieure à celle de 1999, en particulier du fait d’une estimation plus faible des apports alimentaires (qui représentent 84 % de l’exposition médiane des 0-3 ans dans l’estimation de 2004) et, dans une moindre mesure, des apports hydriques.
Une partie des mesures utilisées par Glorennec et coll. (2007renvoi vers) n’était pas disponible en 1999 et avait été estimée par défaut dans l’expertise Inserm. C’est le cas pour l’eau car en 1999 le contrôle sanitaire réglementaire n’incluait pas la mesure du paramètre plomb au robinet du consommateur. De plus, les hypothèses de consommation utilisées à l’époque se sont avérées supérieures aux observations ultérieures, tant en termes de proportion de consommateurs d’eau du robinet, qu’en termes de volume consommé. L’estimation des apports alimentaires dépend quant à elle largement de la limite de quantification analytique (limit of quantitation, LOQ) du plomb. Ainsi, Leblanc et coll. (2004renvoi vers) notaient dans l’étude de l’alimentation totale française, que la différence d’estimation des apports par rapport aux précédentes études s’expliquait en grande partie par la différence de LOQ. Cette étude qui visait à décrire l’exposition de fond, en dehors de situations accidentelles, reposait sur la même campagne de mesure (réalisée en 2000-2001) des concentrations que celle de Glorennec et coll. (2007renvoi vers). Pour ces données utilisées en 2004, les limites de détection et de quantification sont de 5 et 10 µg/kg, avec une analyse par ICP-MS (Inductively Coupled Plasma-Mass Spectrometer, analyse par spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif). Dans l’expertise Inserm de 1999, le seuil de quantification indiqué est de 10 µg/kg en moyenne (plusieurs laboratoires ont participé aux analyses) pour l’enquête Ddass réalisée en 1993; la ou les méthodes d’analyse ne sont pas précisées (DGS, 1995renvoi vers). Par ailleurs, l’échantillonnage des aliments n’est pas le même : panier moyen représentatif (300 types d’aliments, 998 analyses, 2 saisons et 3 régions) pour Leblanc et coll. (2004renvoi vers), repas de restauration collective (218) ou commerciale (134) et analyse de certains aliments (457 analyses) pour l’enquête Ddass (DGS, 1995renvoi vers). Au total, il est difficile de faire la part entre les différences d’échantillonnage, d’analyse et de concentration réelle, sans informations complémentaires sur la méthode (et les données) utilisée par l’Inserm pour estimer les apports alimentaires en 1999.
À l’exception de l’air (diminution réelle des concentrations), les différences sont explicables par le type et la qualité des données et, dans une large mesure, par la différence dans l’estimation des apports alimentaires. Celle-ci est sans doute, au moins en partie, explicable par les méthodes d’analyses et les limites de quantification, non atteintes pour une partie des échantillons. Pour ce qui est des apports hydriques, l’origine de la différence tient essentiellement au fait que dans l’expertise Inserm, l’exposition a été estimée au moyen de scénarios d’exposition type, en l’absence de données représentatives de contamination et de consommation. Ces scénarios présentent cependant l’avantage d’explorer des situations particulières d’exposition, alors que l’estimation publiée en 2007 exclut, par sa construction, les situations à risque pour se focaliser sur la population générale. Les deux estimations manquent de données sur la contamination des poussières et des sols urbains ; cette contamination semble cependant jouer un rôle marginal pour la population générale, en dehors de la présence de sources particulières. Aucune information n’existe à ce jour sur la prévalence des sources de plomb dans l’habitat en France.

Évolution des sources et concentrations environnementales

Les évolutions récentes des sources et des concentrations de plomb dans l’environnement sont présentées pour l’air, l’eau, l’alimentation (dont l’eau) et les sols et poussières domestiques.

Air

D’après les données du Centre inter-professionnel d’étude de la pollution atmosphérique (Citepa, 2004renvoi vers), les émissions de plomb ont fortement baissé depuis 1990. Les émissions sont passées de 4 264 tonnes en 1990 à 217 tonnes en 2002, soit une baisse de 95 % sur cette période (figure 2.1Renvoi vers). De 1990 à 1999, les émissions dues au transport routier étaient largement prédominantes : 91 % des émissions totales de la France métropolitaine en 1990, contre 68 % en 1999. À partir de 1999, le transport routier a une contribution très faible puis nulle (3 % en 2000 puis 0 % par la suite) du fait de l’interdiction du plomb dans les carburants. Le secteur actuellement le plus émetteur est l’industrie manufacturière avec 70 % des émissions totales en 2002, en particulier du fait de la métallurgie des métaux non ferreux, des minéraux non métalliques et matériaux de construction et la métallurgie des métaux ferreux. Les autres secteurs ont un poids beaucoup moins important. La baisse observée entre 1990 et 2002 est imputable en quasi-totalité à la baisse des émissions du transport routier et s’explique par l’introduction de carburants sans plomb puis l’interdiction de l’essence plombée (figure 2.1). La répartition pour les cinq premiers secteurs est indiquée dans le tableau 2.IIIrenvoi vers
Figure 2.1 Émissions de plomb dans l’air en France métropolitaine 1990-2003 (d’après CITEPA)

Tableau 2.III Répartition des émissions pour les principaux secteurs en 2002

Secteur d’activité
Émissions (% des émissions totales)
Métallurgie des métaux non ferreux
24
Minéraux non métalliques, matériaux de construction
20
Métallurgie des métaux ferreux
14
Résidentiel
12
Autres secteurs de la transformation d’énergie
8,7
Les émissions industrielles (en tonnes de plomb pour les cinq premiers secteurs émetteurs) de 2002 sont données plus précisément dans le tableau 2.IV.

Tableau 2.IV Émissions industrielles de plomb en France en 2002 (présentation du ministère de l’Écologie et du Développement durable au Comité technique plomb le 12 mars 2004)

Secteur industriel
Émission de plomb (en tonnes)
Production d’acier
53
Fabrication du verre
20
Incinération d’ordures ménagères
18
Production de plomb
17
Fabrication de batteries
2
Par rapport à l’année 1999, la baisse des émissions est de près de 30 % en 2002. Elle devait se poursuivre en 2003, avec la chute à 2 tonnes/an des émissions de la production de plomb (avec notamment l’arrêt de l’usine de Metaleurop Nord).
Dans la plupart des agglomérations, la moyenne annuelle des concentrations aériennes de plomb est de l’ordre de 0,03 µg/m3 (Ministère de l’Écologie et du Développement durable, 2006renvoi vers). Cette concentration était de l’ordre de 0,1 µg/m3 en 19991 et de 0,2 µg/m3 en 19952 .

Eau

Le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ont indiqué, dans leurs avis respectifs du 9 décembre 2003 (complété le 9 novembre 2004), et du 10 décembre 2003, que seule la suppression des canalisations en plomb au niveau des branchements publics et des réseaux intérieurs permettra de respecter la limite de qualité fixée pour le plomb à 10 µg/l à la fin de l’année 2013. Les actions correctrices demandées par l’État visent essentiellement les exploitants des réseaux de distribution d’eau3 et portent aujourd’hui essentiellement sur les caractéristiques de l’eau et les parties publiques des réseaux de distribution.
Peu de publications permettant d’évaluer, au niveau national, les modifications mises en œuvre pour limiter la concentration de plomb dans l’eau (changement de branchement ou de canalisation intérieure en plomb, modification des caractéristiques de l’eau…) ont été retrouvées. Une enquête (TNS Sofres 2005renvoi vers) pour le ministère de l’Écologie auprès d’un échantillon de communes indique que la quasi-totalité des collectivités concernées a procédé au recensement des branchements en plomb. La moitié a adopté des programmes de travaux de réduction de la teneur en plomb. Des travaux à la station de traitement ont déjà été réalisés dans 10 % des cas et ces travaux sont prévus prochainement dans 5 % des cas. Plus de 40 % des villes et communautés de communes de plus de 20 000 habitants ont prévu d’informer les abonnés de la nécessité de changer les canalisations intérieures en plomb. Mais en 2007, seulement une sur deux l’avait déjà fait. Plus de 70 % des communes et communautés de communes de plus de 20 000 habitants avaient déjà engagé le remplacement des branchements publics en plomb (et 90 % des communautés de communes de plus de 50 000 habitants).
Les informations collectées récemment à l’échelle nationale par la Direction générale de la santé (DGS) sur les branchements en plomb et le potentiel de dissolution du plomb de l’eau sont présentées sur les figures 2.2Renvoi vers, 2.3Renvoi vers, 2.4Renvoi vers. Pour le potentiel de dissolution, la DGS insiste sur la prudence lors de l’interprétation des données en fonction des modalités de mesure du pH (in situ ou au laboratoire), du faible nombre de mesures pour certaines unités de distribution et de l’exclusion de plusieurs unités de distribution due à un manque d’information sur la population alimentée. Le nombre de branchements en plomb est estimé à 3,4 millions concernant une population de 5,4 millions de personnes ; les auteurs insistent là aussi sur le caractère incomplet des informations collectées. En complément, un rapport de 2000 du bureau BPR pour les Agences de l’Eau (BPR Conseil, 2000renvoi vers) estime à 3,8 millions le nombre de branchements publics en plomb. Pour les réseaux intérieurs, le parc de logements d’avant 1949 ayant des canalisations en plomb à remplacer, était estimé à la fin de 1998 à 8,8 millions.
À notre connaissance, pour ce qui est des concentrations en plomb au robinet, la seule étude couvrant le territoire national (Glorennec et coll., 2007renvoi vers), exploite les données du contrôle sanitaire 2004, 1re année où le plomb devait être mesuré de façon systématique au robinet des consommateurs : 75 % des concentrations étaient inférieures à 2 µg/l et 95 % à 10 µg/l. La seule étude comparable (car fondée sur un échantillonnage aléatoire) (Vivier, 2004renvoi vers) montrait des résultats similaires ; elle a été menée en 2002-2003, par 6 Ddass (Corrèze, Creuse, Lozère, Puy de Dôme, Deux-Sèvres, Haute-Vienne), aux robinets des consommateurs (1 l sans purge) : 92 % des échantillons avaient une teneur <10 µg/l ; 4,3 % entre 10 et 25 µg/l ; 2,7 % entre 25 et 50 µg/l et 1 % >50 µg/l. Il en résulte (Glorennec et coll., 2007renvoi vers) que 95 % des enfants de 6 mois à 2,5 ans auraient un apport de plomb par l’eau du robinet inférieur à 0,8 µg par kg de poids corporel et par semaine (0,9 pour les enfants de 3 à 6 ans).
Figure 2.2 Proportion de la population alimentée par une eau ayant un potentiel de dissolution du plomb élevé ou très élevé
Figure 2.3 Répartition de la population en fonction du potentiel de dissolution du plomb dans l’eau (d’après DGS, 2006renvoi vers)
Figure 2.4 Proportion de branchements publics en plomb par département (prises en compte uniquement des informations complètes) (d’après la DGS, 2004renvoi vers)

Alimentation

Un récapitulatif historique des apports alimentaires en plomb a été effectué par l’Afssa (Arnich et coll., 2004renvoi vers) à partir des études précédentes (DGS, 1995renvoi vers; Decloître, 1998renvoi vers; Biego, 1999renvoi vers; Leblanc et coll., 2000renvoi vers; Noël et coll., 2003renvoi vers; Leblanc et coll., 2004renvoi vers) (tableau 2.V).

Tableau 2.V Récapitulatif des apports alimentaires en plomb

Année de l’étude
Type d’étude
Apport estimé
Voie
Référence
2000-2003
Contamination × consommation
Adultes (>15 ans) : 18,4 μg/ja et 30 μg/jb Enfants (3-14 ans) : 12,8μg/ja et 20,8 μg/jb
Aliments + eau
Leblanc et coll., 2004renvoi vers
1998-1999
Repas dupliqué restauration collective
34 μg/ja
Aliments
Noël et coll., 2003renvoi vers
1998-1999
Repas dupliqué restauration collective
52 μg/j dont 14 mg par l’eaub
Aliments + eau
Leblanc et coll., 2000renvoi vers
 
Repas dupliqué restauration collective
43 μg/j
Aliments
Biego, 1999
1990-1993
Contamination × consommation
68 μg/j
Aliments
Decloître, 1998
1992
Repas dupliqué restauration collective
73 μg/j
Aliments + eau
DGS, 1995
Dans l’étude de l’alimentation totale française (Leblanc et coll., 2004renvoi vers), 749 des 998 échantillons (soit 75 %) d’aliments analysés tels que consommés, présentent des niveaux en plomb supérieurs à la limite de détection de 5 µg/kg de poids frais. Le plomb y est pésent à un niveau moyen compris entre 0,05 et 0,1 mg/kg pour le groupe des abats, mollusques et crustacés ; les autres groupes présentent majoritairement des niveaux inférieurs à 0,04 mg/kg. L’apport moyen journalier estimé pour la population française est de 13 µg pour les enfants de 3 à 14 ans. L’exposition au 97,5e percentile est de 6,4 µg/kg de poids corporel/semaine soit un équivalent DHTP (Dose hebdomadaire tolérable provisoire) de 26 % chez les enfants. Les résultats sont, pour les adultes, comparés aux données existantes au niveau français, plus faibles d’un facteur 3 en moyenne. Avec une méthodologie analytique équivalente, cette différence d’estimation de l’exposition s’explique en grande partie par l’estimation, au cours de cette étude d’une LOQ 2,5 fois plus faible. Les groupes d’aliments contribuant le plus à l’exposition des populations, à hauteur de 5-11 %  sont : le pain et biscottes, les soupes, les légumes, les fruits, l’eau de boisson, les boissons non alcoolisées, les boissons alcoolisées et les sucres et dérivés. Les autres groupes d’aliments contribuent à des niveaux inférieurs à 5 % de l’exposition alimentaire totale.
À partir de ces mêmes données et de l’enquête de consommation des bébés (Boggio et coll., 1999renvoi vers), des résultats sont également disponibles (Glorennec et coll., 2007renvoi vers) pour les enfants de 6 mois à 3 ans et de 3 à 6 ans. Ils sont obtenus en croisant les données de contamination avec celles de consommation, spécifiques pour ces tranches d’âge. La médiane de la dose en plomb attribuable à l’alimentation des enfants de 6 mois à 2,5 ans est de 6,3 µg/kg de poids corporel et par semaine (soit 9 µg/j avec un poids médian de 10 kg). Les 5 % les plus exposés par l’alimentation ont une dose attribuable supérieure à 10 µg/kg poids corporel/semaine. Les aliments les plus forts contributeurs à l’apport en plomb sont, par ordre décroissant : les soupes (13,6 %), les légumes hors pomme de terre (12,2 %), les compotes et fruits cuits (12,1 %) et enfin, le lait (11,9 %), aliments représentant l’essentiel du régime alimentaire à cet âge. La médiane de la dose en plomb attribuable à l’alimentation des enfants de 3 à 6 ans est de 3,9 µg/kg de poids corporel/semaine (soit 3 µg/j avec un poids médian de 19 kg). Les 5 % les plus exposés par l’alimentation ont une dose attribuable d’environ 6,5 µg/kg de poids corporel/semaine. Les aliments les plus forts contributeurs à l’apport en plomb sont, par ordre décroissant : les boissons sans alcool (12 %), les soupes (9,4 %), les fruits (7,5 %), les eaux (6,5 %) et le lait (6,0 %).

Sols et poussières

Il n’existe pas à notre connaissance d’étude de portée nationale sur les teneurs en plomb des sols urbains et des poussières des logements. Il n’apparaît pas aujourd’hui raisonnable de produire des éléments sur la prévalence de l’exposition aux peintures contenant du plomb à partir des données des Erap (État des risques d’accessibilité au plomb), compte tenu du manque de reproductibilité des modalités de leur remplissage (Chaventré et coll., 2004renvoi vers).
Les concentrations en plomb dans les sols agricoles en France ont été estimées par Baize à la fin des années 1990 (Baize, 2000renvoi vers), à partir de 790 échantillons (échantillons notoirement contaminés exclus) : leur médiane est de 34 mg/kg, les premiers et derniers déciles étant respectivement égaux à 17,2 mg/kg et 91,5 mg/kg, les premiers et derniers quartiles à respectivement 23,1 et 48,5 mg/kg.

Bilan

Au total, la seule évolution quantifiable en terme d’exposition au plomb pour la population générale depuis 1995 (date de la dernière enquête d’imprégnation) est celle de l’inhalation. Les concentrations dans l’air sont passées de 0,2 µg/m3 à 0,1 µg/m3 de 1995 à 1999, puis de 0,1 à 0,03 µg/m3 entre 1999 et 2005. À cette différence de 0,07 µg/m3, n’est attribuable qu’une modeste baisse des plombémies moyennes (en utilisant un cœfficient de 19,2 µg(Pb)/l (sang) par µg(Pb)/m(air) (World Health Organisation, 1995renvoi vers) : 2 µg(Pb)/l (sang) de 1995 à 1999, puis 1 µg(Pb)/l (sang) de 1999 à 2005. Il est cependant à noter que les baisses précédentes étaient plus importantes (des teneurs de l’ordre de 1 µg/m3 étaient observées au début des années 1990) et ont donc entraîné une diminution plus grande des plombémies.
En conclusion, la diminution des émissions et concentrations en plomb dans l’air n’est, depuis 1999, responsable que d’une baisse modeste des plombémies. Les expositions par l’alimentation, qui constituent l’exposition « de fond », et par l’eau sont mieux quantifiables aujourd’hui qu’en 1999 du fait des progrès accomplis dans l’acquisition des données (consommations d’eau et d’aliments grâce aux enquêtes Inca, mesure du plomb au robinet lors du contrôle sanitaire des eaux depuis 2004, baisse des limites de quantification du plomb dans les aliments). Ces méthodes de quantification et la qualité de données expliquent, au moins en partie, les différences dans les estimations des expositions depuis 1999. Les expositions par les sols et poussières demeurent largement méconnues : elles seraient mieux quantifiées si l’on connaissait la distribution des concentrations en plomb dans les sols urbains et les poussières des logements ainsi que la proportion de logements présentant des peintures au plomb (accessible et non accessible). Ces données permettraient ainsi d’établir une relation entre plomb dans les poussières et plombémie en France.

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