2008


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Cet ouvrage présente les travaux du groupe de travail réuni par l’Inserm et l’Institut de veille sanitaire (InVS) dans le cadre de la procédure d’expertise opérationnelle pour répondre à la demande de la Direction générale de la santé concernant les stratégies de dépistage du saturnisme chez l’enfant. Il constitue un prolongement et un complément de l’expertise collective publiée en 1999 intitulée « Plomb dans l’environnement : quels risques pour la santé ? ».
Le Centre d’expertise collective de l’Inserm a assuré la coordination de cette expertise en partenariat avec l’Institut de veille sanitaire.

Groupe de travail et auteurs

Philippe bretin, Département santé-environnement, Institut de veille-sanitaire (InVS), Saint Maurice

Olivier chanel,, CNRS, Groupement de recherche en économie quantitative d’Aix-Marseille (Greqam)

Jacques cheymol, Pédiatre libéral, Clichy

Benoît cottrelle, Cellule interrégionale d’épidémiologie, Drass Auvergne

Christophe declercq, Observatoire régional de la santé du Nord-Pas-de-Calais, Lille

Marcelle delour, PMI, Direction des familles et de la petite enfance de Paris, Comité de pilotage régional du Système de surveillance du saturnisme infantile en Île-de-France

Catherine dollfus, Oncologie pédiatrique, Hôpital Armand Trousseau, Paris

Tarik el mrini, Cellule prévention et gestion des crises, IRDS-Drass Alsace

David friedrich, Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) de la Vienne, Poitiers

Luc ginot, Service communal d’hygiène et de santé d’Aubervilliers

Philippe glorennec, École des hautes études en santé publique, Rennes

Odile kremp, Clinique de pédiatrie St Antoine, Lille et InVS, Saint Maurice

Catherine rousseau, Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) du Rhône, Lyon

Marie-Josèphe saurel-cubizolles, unité Inserm 149, Recherches-épidémiologiques en santé périnatale et santé des femmes, Villejuif

Coordination scientifique, éditoriale, bibliographique et logistique

Fabienne bonnin, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Philippe bretin, épidémiologiste, Département santé-environnement, Institut de veille sanitaire (InVS), Saint Maurice

Catherine chenu, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Jeanne étiemble, directrice, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Cécile gomis, secrétaire, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Marie-Thérèse labro, chargée d’expertise, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Anne-Laure pellier, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Chantal rondet-grellier, documentaliste, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris


Avant-propos

À la fin des années 1980, l’intoxication saturnine a émergé en France non plus seulement sous forme de cas isolés d’intoxication aiguë, mais comme une forme pernicieuse d’atteinte chronique, souvent cliniquement latente, qui devait faire l’objet d’une préoccupation spécifique de la part des autorités sanitaires.
En effet, lié à un toxique largement répandu dans l’environnement, aux effets cliniques difficilement décelables et à un détriment sanitaire prolongé très au-delà de la soustraction à l’exposition, le saturnisme infantile présente des singularités à prendre en compte dans toute démarche visant à en réduire la fréquence et les effets.
Les sources de plomb sont multiples (peintures anciennes, effluents industriels, eau…), et leur accessibilité variable, d’où une grande diversité des processus d’exposition et d’intoxication du jeune enfant et du très jeune enfant. Ceux-ci sont particulièrement sensibles aux effets neurotoxiques du fait de leur organisme en développement.
De plus, les ressources thérapeutiques disponibles ne prétendent pas à la guérison mais à l’évitement des formes les plus aiguës.
Enfin, et ce n’est pas la moindre caractéristique, le saturnisme infantile est apparu – en raison des facteurs de risque mis en évidence – comme une pathologie atteignant de manière quasi exclusive les groupes sociaux les plus pauvres et se cumulant aux autres facteurs d’inégalités sociales de santé, et plus généralement de logement, d’accès aux droits et d’éducation.
L’ensemble de ces particularités fait que le dépistage de l’intoxication saturnine du jeune enfant relève d’une démarche active des acteurs médicosociaux, et qui doit nécessairement être associée à une action coordonnée sur les sources toxiques en cause et à la suppression de l’exposition des enfants.
D’abord centrée sur les intoxications liées aux peintures au plomb des logements vétustes et/ou insalubres, l’attention s’est ensuite étendue aux intoxications associées aux sources hydriques puis industrielles. Dans un contexte où l’imprégnation de la population générale tend à régresser fortement, les zones de forte présence et accessibilité du plomb maintiennent des situations de surexposition de très jeunes enfants avec des intoxications parfois sévères, le plus souvent chroniques et modérées, mais aux effets à long terme toujours présents.
Au début des années 1990, le dépistage s’est organisé et a mis d’abord l’accent sur le repérage des formes graves pour lesquelles un traitement médicamenteux est disponible.
Le seuil d’intervention individuelle abaissé à 150 microgrammes de plomb par litre de sang (150 µg/l) en 1991 a conduit à prendre en considération des enfants non accessibles à ces traitements, entre 150 et 250 µg/l, et à mettre l’accent sur la maîtrise des facteurs d’exposition, pour eux comme pour les enfants traités et maintenus dans leur environnement exposant.
Les autorités sanitaires ont soutenu avec une vigueur croissante le développement d’une campagne nationale de dépistage organisée à partir des comités départementaux de lutte contre le saturnisme infantile, animée par des professionnels de santé « motivés », étayée par la production d’outils, de protocoles, de référentiels, de recueils de données épidémiologiques.
Les évolutions législatives qui ont mis l’accent, notamment par les lois du 29 juillet 1998 et du 13 décembre 2000, sur les actions de maîtrise des risques environnementaux, en particulier dans l’habitat ancien, et qui ont finalement abaissé le seuil de déclaration obligatoire à 100 µg/l, sont venues à la fois améliorer l’efficacité des actions sanitaires en interrompant les processus d’intoxication des enfants atteints, mais également prévenir des intoxications nouvelles par des actions de prévention primaire. Cependant, malgré les efforts pour mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur médical, l’écart entre le nombre d’enfants dépistés et le nombre attendu à partir des estimations épidémiologiques reste important.
Après quinze ans de vigilance et d’information des professionnels de santé et du logement, le repérage systématique des enfants exposés peine à s’installer de façon stable en dehors des zones à probabilité élevée de forte exposition et surtout des zones à forte implication des équipes médicosociales. La Conférence de consensus de 2003 et la campagne d’information en direction des médecins libéraux de même que la déclaration obligatoire de la maladie n’ont pas déclenché de mobilisation significative.
La complexité des processus de prise en charge globale de l’enfant exposé – nécessitant un chaînage précis du dépistage, et des mesures de prévention et de réduction du risque – impose une étroite coopération d’acteurs qui s’est mise en place sur certaines de ces zones à haut risque, mais reste inégale ailleurs.
Vingt ans après la prise de conscience en France de ce problème, les données épidémiologiques et réglementaires ont évolué, l’expertise des professionnels et des institutions s’est organisée. Le dépistage du saturnisme infantile s’est développé selon des modalités différentes de celles prévues par les schémas établis par les autorités sanitaires, en restant concentré sur des secteurs à haut niveau de risque.
La Direction générale de la santé (DGS) a sollicité l’Inserm et l’InVS1 en 2006 pour mener une expertise opérationnelle sur la problématique du dépistage. Les différentes stratégies de dépistage mises en place au niveau des départements aboutissent chaque année à la détection de quelques centaines de cas de saturnisme. Ce chiffre est très éloigné de l’estimation d’environ 85 000 enfants de 1 à 6 ans ayant une plombémie supérieure à 100 µg/l établie en 1999 lors de l’expertise collective Inserm.
Un groupe de travail, constitué de représentants de différentes institutions et professions concernées par le dépistage, a réalisé un état des lieux et un bilan des actions engagées depuis que le problème du saturnisme infantile fait l’objet d’une préoccupation nationale. À l’issue de ce bilan, il souligne la nécessité de conjuguer prévention universelle (population générale) et dépistage ciblé (populations et situations à risque) et il propose quelques pistes d’actions en relation avec l’évolution perceptible du contexte.

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