Du déterminisme génétique aux tests

2008


ANALYSE

5-

Évaluation économique des tests génétiques

Ce chapitre1 aborde, en deux parties distinctes, l’évaluation économique du dépistage génétique et celle des interventions de pharmacogénétique.

Dépistage génétique

La mise en évidence d’une mutation génétique chez un individu permet de renforcer la surveillance ou de proposer des mesures de prévention (surveillance, chimio-prévention, chirurgie prophylactique). L’évaluation économique vise à comparer le coût du test et des mesures de prévention proposées aux individus porteurs de la mutation au coût de la prise en charge thérapeutique des patients lorsque la maladie devient symptomatique et doit être traitée. Les bénéfices de l’intervention en termes de survie (années de vie gagnées ou QALY2 ) sont aussi pris en compte dans une évaluation économique dite complète. L’évaluation économique permet aussi de déterminer les modalités optimales d’organisation du dépistage dès lors que son intérêt a été démontré.
Les critères d’évaluation d’un test génétique ont été définis par certains auteurs (Higashi et Veenstra, 2003renvoi vers; Flowers et Veenstra, 2004renvoi vers). Selon ces auteurs, un test génétique présente un intérêt et peut être pris en charge financièrement par la collectivité, si les conditions suivantes sont réunies :
• le polymorphisme recherché est fréquent dans la population, sa prévalence pouvant varier entre les groupes ethniques. La définition de la population-cible revêt une importance primordiale du point de vue économique ;
• le polymorphisme présente une forte pénétrance (association entre le phénotype et le génotype). La pénétrance équivaut à la valeur prédictive positive d’un test. La valeur prédictive positive dépend à la fois de la sensibilité du test et de la prévalence de la maladie ;
• le test génétique est sensible et spécifique (notons que les tests génétiques sont très souvent des tests quasi parfaits). La sensibilité et la spécificité de la procédure de test dépendent non seulement des qualités du test en soi mais aussi, et surtout, de la pénétrance du polymorphisme recherché ;
• le test est disponible à un coût raisonnable comparativement aux autres moyens existants (surveillance clinique, tests biologiques) ;
• la maladie est grave et peut être traitée ;
• la connaissance du résultat du test permet d’adapter la prise en charge du patient. Les effets attendus de cette prise en charge adaptée sont importants en termes de morbidité et/ou de mortalité.
Les tests qui ne satisfont pas aux critères ci-dessus ne présentent probablement aucune plus-value. Cependant, le respect de ces conditions minimales ne suffit pas à garantir l’intérêt économique d’un dépistage. L’objet des analyses coût/efficacité ou coût/bénéfice est de déterminer la valeur d’une innovation pour la collectivité. La comparaison du coût par année de vie gagnée ou par QALY à la propension à payer de la collectivité pour obtenir cette année de vie supplémentaire constitue une règle bien établie pour fonder les choix collectifs.
En matière de tests génétiques, il existe deux revues de la littérature économique publiées récemment. Griffith et coll. (2004renvoi vers) focalisent leur analyse sur le domaine du cancer et recensent 29 études, dont 12 évaluations économiques complètes prenant simultanément en compte les coûts et les bénéfices. Ils soulignent l’hétérogénéité des études publiées tant au regard de la méthodologie d’évaluation privilégiée (analyses coût/conséquences, coût/efficacité ou utilité, coût/bénéfice) qu’au regard des principaux paramètres retenus pour estimer la valeur de l’intervention (fréquence et pénétrance de la mutation, coût du test et du conseil génétique). Cette hétérogénéité rend bien évidemment la comparaison des études difficile, d’autant que leur qualité laisse parfois à désirer. Les critères d’efficacité varient d’une étude à l’autre : certaines études calculent le coût par mutation détectée, d’autres prennent en compte l’impact sur la survie, pondérée ou non par la qualité (QALY).
Peu d’études considèrent la valeur en soi de l’information produite par les tests (par exemple, en estimant la propension à payer des individus pour disposer du résultat du test (Chaliki et coll., 1995renvoi vers) ou en recourant à l’analyse conjointe). Les différentes études publiées montrent que le dépistage des mutations génétiques permet d’accroître la survie des personnes porteuses de ces mutations. Au regard du ratio coût/efficacité, les tests génétiques ne se justifient qu’au sein de populations à risque clairement circonscrites, en fonction de l’histoire familiale (à partir d’un probant avec une mutation connue). Le dépistage en population générale ne se justifie pas d’un point de vue économique.
Rogowski (2006renvoi vers), quant à lui, adopte une perspective plus large, dépassant le seul domaine du cancer. Il identifie 21 évaluations économiques complètes renvoi vers. Les données économiques apparaissent parcellaires pour nombre de pathologies. Cependant, pour certaines d’entre elles, plusieurs études sont disponibles et leurs résultats peuvent être comparés. Il s’agit du cancer du sein et de l’ovaire (gènes BRCA1/2), de la polypose adénomateuse familiale (gène APC), du syndrome de Lynch (des gènes MMR), de l’hypercholestérolémie familiale, de l’hémochromatose. Rogowski (2006renvoi vers) résume les données disponibles de la manière suivante. La recherche des mutations liées à la polypose adénomateuse familiale dans les populations à risque est justifiée du point de vue économique, dans la mesure où les bénéfices excèdent les coûts. La recherche des mutations liées au syndrome de Lynch chez les patients présentant un cancer colorectal présente un ratio coût/efficacité acceptable (dont l’estimation doit cependant être précisée). En ce qui concerne l’hypercholestérolémie familiale, le dépistage génétique est dominé par le dépistage phénotypique. Nous présentons plus en détail quelques-unes de ces études ci-dessous dans la mesure où elles illustrent un certain nombre de points de discussion.

Cancer du sein et de l’ovaire

Les gènes BRCA1 et BRCA2 sont impliqués dans 95 % des formes familiales de cancer du sein et de l’ovaire et dans 65 % des formes familiales de cancer du sein seul. La méta-analyse d’Antoniou et coll. (2003renvoi vers) a estimé que, dans le cadre d’une prédisposition héréditaire, le risque cumulé à l’âge de 70 ans est de 65 % (IC 95 % [44–78]) pour BRCA1 et de 45 % (IC 95 % [31–56]) pour BRCA2 en ce qui concerne le cancer du sein, de 39 % (IC 95 % [22–51]) pour BRCA1 et de 11 % (IC 95 % [4,1–18]) pour BRCA2 en ce qui concerne le cancer de l’ovaire. Au sein de la population à risque, les études cliniques ont montré que le risque relatif est de 0,1 pour le cancer du sein après mammectomie prophylactique, de 0,6 pour le cancer du sein et de 0,04 pour le cancer des ovaires après annexectomie prophylactique et de 0,51 pour le cancer du sein après chimio-prévention par Tamoxifène® comparativement à l’absence d’intervention (surveillance).

Tableau 5.I Synthèse des études économiques relatives aux tests de prédisposition génétique (d’après Rogowski, 2006renvoi vers)

Références
Approche
Mesures pour les porteurs de la mutation
Résultats
Commentaires
Cancer du sein et cancer de l’ovaire
Balmana et coll., 2004renvoi vers
CE
Surveillance renforcée : auto-palpation mensuelle, examen clinique annuel des seins avec mammographie pour les porteurs de la mutation
4 294 €/LYG a
Qualité insuffisante des études, résultats instables
Tengs et Berry, 2000renvoi vers
CU
Annexectomie, mammectomie pour les porteurs de la mutation
34 000 $/QALY b
Grann et coll., 1999renvoi vers
CE
Annexectomie, mammectomie pour les porteurs de la mutation
20 717 $/LYG a
Polypose adénomateuse familiale
Chikhaoui et coll., 2002renvoi vers
CM
Coloscopie ou sigmoïdoscopie pour les porteurs de la mutation et les parents au premier rang au statut inconnu
Coûts < Bénéfices
Évidences solides (stratégie dominante)
Bapat et coll., 1999renvoi vers
CM
Sigmoïdoscopie pour les porteurs de la mutation et les parents au premier rang au statut inconnu
Coûts < Bénéfices
Cromwell et coll., 1998renvoi vers
CM
Sigmoïdoscopie pour les porteurs de la mutation et les parents au premier rang au statut inconnu
Coûts < Bénéfices
Syndrome de Lynch (HNPCC)
Kievit et coll., 2005renvoi vers
CE
Surveillance renforcée par coloscopie et polypectomie éventuelle pour les porteurs de la mutation
2 184 €/LYG a
Évidences solides (valeur du ratio CE à valider)
Ramsey et coll., 2003renvoi vers
CE
Colectomie prophylactique/surveillance renforcée par coloscopie pour les porteurs de la mutation
11 865 $/LYG a
Ramsey et coll., 2001renvoi vers
CE
Colectomie prophylactique/surveillance renforcée pour les porteurs de la mutation
7 556 $/LYG a
Hypercholestérolémie familiale
Wonderling et coll., 2004renvoi vers
CE
Traitement par statines pour les porteurs de la mutation
8 800 $/LYG a
Évidences solides (le dépistage génétique est dominé par le dépistage phénotypique)
Marang-van de Mheen et coll., 2002renvoi vers
CE
Traitement par statines pour les porteurs de la mutation satisfaisant aux critères de traitement
25 500 $/LYG a
Marks et coll., 2002renvoi vers
CE
Traitement par statines pour les porteurs de la mutation
Stratégie dominée
Hémochromatose héréditaire
El-Serag et coll., 2000renvoi vers
CE
Phlébotomie, contrôle annuel de la ferritine sérique pour les porteurs de la mutation
508-3 665 $/LYG a
Résultats instables
Schöffski et coll., 2000
CE
Conseil, phlébotomie, contrôle annuel de la ferritine sérique pour les porteurs de la mutation
4 441 $/LYG
Adams et Valberg, 1999renvoi vers
CU
Phlébotomie pour les porteurs de la mutation présentant un taux de fer élevé
Stratégie dominée

a LYG : Life-Year Gain ; b QALY : Quality Adjusted Life Year CE : coût/efficacité ; CM : coût/minimisation ; CU : coût/utilité

Selon les recommandations françaises, une surveillance mammaire doit être mise en place par un examen clinique des seins deux à trois fois par an à partir de l’âge de 20-25 ans associé à une mammographie (avec ou sans échographie) annuelle à partir de l’âge de 30 ans. Pour le cancer de l’ovaire, une échographie pelvienne annuelle peut être proposée à partir de l’âge de 35 ans mais l’efficacité de cette surveillance reste discutée. Pour les femmes porteuses d’une mutation BRCA1/2, une chirurgie prophylactique peut être proposée. Une annexectomie prophylactique à partir de 40 ans ou dès 35 ans peut aussi être proposée aux femmes dont le projet parental est abouti (Coupier et Pujol, 2005renvoi vers).
L’intérêt du dépistage génétique dépend de la définition de la population-cible. Au vu des études disponibles, le dépistage en population générale ne se justifie pas d’un point de vue économique. Au sein de populations à risque (histoire familiale, appartenance à certains groupes ethniques), le dépistage génétique présente un rapport coût/efficacité favorable. Selon Grann et coll. (1999renvoi vers), au sein de la population juive ashkénaze (prévalence des mutations égale à 2,5 %), le dépistage génétique permet d’améliorer la survie des femmes de 38 jours (IC 95 % [22-57]) pour la combinaison mammectomie + annexectomie, de 33 jours (IC 95 % [18-43]) pour la mammectomie seule, de 11 jours (IC 95 % [4-25]) pour l’annexectomie seule contre 6 jours (IC 95 % [3-8]) pour la surveillance clinique seule. Le rapport coût/efficacité des différentes stratégies s’établit à 20 717 $, 29 970 $, 72 780 $ et 134 273 $ par année de vie sauvée respectivement. Selon les auteurs, le dépistage génétique est donc coût-efficace si les femmes acceptent les mesures de chirurgie prophylactique. Pour Tengs et Berry (2000renvoi vers)3 , le coût par QALY avoisine 3 500-4 900 $ pour les femmes à haut risque (prévalence des mutations BRCA1/2 oscillant entre 25 % et 50 %), se situe entre 15 000 $ et 34 000 $ pour les femmes à risque modéré (prévalence de la mutation entre 5 % et 10 %) mais grimpe à 1,6 million $ en population générale (prévalence BRCA1 = 0,06 %, BRCA2 = 0,02 %). Sanders et coll. (2005renvoi vers) évaluent l’intérêt du dépistage dans quatre populations distinctes : la population générale, la population juive ashkénaze, la population à risque (femmes ayant un apparenté au premier degré avec une femme ayant eu un cancer du sein ou de l’ovaire avant 40 ans), la population juive ashkénaze à risque (femmes juives ashkénazes ayant un apparenté au premier degré avec un cancer du sein ou de l’ovaire avant 35 ans). Selon les auteurs, le coût du dépistage en population générale apparaît prohibitif. Le dépistage dans la population à risque ou dans la population juive ashkénaze (prévalence de la mutation comprise entre 2,5 % et 4 %) présente un rapport coût/efficacité acceptable (inférieur à 100 000 $/QALY) à la condition que les mesures de chirurgie prophylactique soient bien acceptées par les femmes. Dans le cas contraire, le dépistage génétique n’apparaît pas coût-efficace. Le rapport coût/efficacité du dépistage génétique au sein de la population juive ashkénaze à risque reste toujours inférieur à 100 000 $/QALY. Plus récemment, à partir de l’expérience espagnole du conseil génétique chez les familles à risque de cancer du sein, Balmana et coll. (2004renvoi vers) estiment le coût par année de vie gagnée à 4 294 €.
Quelle mesure de prévention faut-il promouvoir chez les femmes porteuses de la mutation ? La réponse à cette question varie selon que l’on considère comme indicateur d’efficacité les gains de survie uniquement ou si l’on prend en compte les préférences des femmes. Grann et coll. (2002renvoi vers) estiment que la survie d’une femme de 30 ans porteuse de la mutation augmente de 1,8 an si une chimio-prévention par Tamoxifène® est mise en œuvre, de 2,6 ans si une annexectomie est pratiquée, de 4,6 ans si l’annexectomie est associée à une chimio-prévention, de 3,5 ans si une mammectomie est pratiquée et de 4,9 ans si les mesures de chirurgie prophylactique sont réalisées conjointement (Schrag et coll., 1997renvoi vers; Grann et coll., 1998renvoi vers; Grann et coll., 2000renvoi vers; Schrag et coll., 2000renvoi vers). Le bénéfice de la prévention diminue lorsque le test est réalisé plus tardivement. Le classement des stratégies de prévention est différent si l’on prend en compte les préférences des femmes. En effet, le gain d’années de vie ajustées par la qualité (QALY) est supérieur pour l’association Tamoxifène® + annexectomie que pour la mammectomie. Van Roosmalen et coll. (2002renvoi vers) parviennent à des résultats similaires. Ils comparent quatre stratégies de prévention combinant chirurgie prophylactique et surveillance. Au regard du nombre d’années de vie gagnées, la chirurgie prophylactique (mammectomie + annexectomie) domine les autres stratégies de prévention. Cependant, dès lors que les préférences des femmes sur les états de santé sont prises en considération, l’annexectomie occupe une place prépondérante parmi les stratégies de prévention des cancers gynécologiques. La question de l’acceptabilité de la chirurgie prophylactique par les femmes est centrale pour évaluer l’intérêt du dépistage génétique. L’observance n’est pas complète vis-à-vis de mesures aussi invasives. Avant de connaître le résultat du test, 19 % à 43 % des femmes déclarent envisager la mammectomie si elles sont porteuses de la mutation. Ce pourcentage varie entre 23 % à 50 % en ce qui concerne l’annexectomie (Kmet et coll., 2004renvoi vers). Parmi les femmes se sachant porteuses de la mutation BRCA1/2, 17 % envisagent la mammectomie, 33 % l’annexectomie (Lerman et coll., 1996renvoi vers).
Quelle technique faut-il utiliser pour rechercher les mutations génétiques ? Sevilla et coll. (2002renvoi vers et 2003renvoi vers) montrent que le rapport coût/efficacité du dépistage génétique dépend de la technique utilisée pour mettre en évidence la mutation BRCA1. Le séquençage direct correspond au coût par mutation dépistée le plus élevé (9 882,5 €). Il s’agit pourtant de la technique privilégiée par Myriad Genetics. L’utilisation d’autres techniques d’analyse de l’ADN (DHPLC, SSCP, DGGE, HA, FAMA, PTT) permet de réduire sensiblement le coût du dépistage. Selon les auteurs, cette situation illustre l’impact d’une protection excessive de la propriété intellectuelle sur le processus d’innovation.

Cancer colorectal héréditaire non polyposique ou syndrome de Lynch

Les altérations génétiques délétères des gènes hMSH2 et hMLH1 sont responsables du syndrome de Lynch (HNPCC) correspondant à environ 3 % des cancers colorectaux diagnostiqués chaque année en France. Le syndrome HNPCC est une prédisposition héréditaire au cancer qui se transmet de manière autosomique dominante. Les porteurs de ces mutations présentent un risque cumulé de cancer colorectal à 70 ans entre 70 et 80 % pour les hommes, entre 30 et 40 % pour les femmes. La reconnaissance clinique du syndrome HNPCC est difficile. Elle repose essentiellement sur la présence d’une agrégation familiale de cancers colorectaux. Les critères familiaux de reconnaissance correspondent aux trois critères d’Amsterdam : des critères de nombre (aux moins trois sujets atteints de cancers appartenant au spectre HNPCC tels que les cancers colorectaux, les cancers de l’endomètre, de l’intestin grêle, des voies urinaires), des critères de lien de parenté (unis 2 à 2 par un lien de parenté au premier degré sur deux générations) et un critère d’âge (un des cancers au moins s’étant révélé avant l’âge de 50 ans). En dehors de l’existence de critères familiaux, le principal critère est l’existence d’une instabilité microsatellitaire mise en évidence à partir de l’ADN extrait des cellules tumorales coliques. Pour éviter la survenue du cancer, les personnes à risque font l’objet d’une surveillance renforcée par coloscopie.
La recherche d’une mutation génétique chez les sujets atteints d’un cancer colorectal permet de tester leurs apparentés au premier degré et de mettre en place un suivi des sujets porteurs de la mutation, ce qui se traduit par une réduction significative de la mortalité par cancer colorectal dans les familles à risque (Jarvinen et coll., 2000renvoi vers). La mise en place de ce dispositif en France permettrait de réduire de 1 à 3 % la mortalité par cancer colorectal.
Reyes et coll. (2002renvoi vers) et Ramsey et coll. (2003renvoi vers) comparent différentes stratégies de dépistage de la mutation chez les cas incidents de cancer colorectal. Ces stratégies reposent sur l’association de critères cliniques fondés sur l’histoire familiale (critères d’Amsterdam ou critères issus de la conférence de Bethesda) et du test d’instabilité des microsatellites tumoraux. Les deux études sont de type coût/efficacité mais diffèrent quant au choix de l’indicateur d’efficacité retenu. Reyes et coll. (2002renvoi vers) considèrent quatre stratégies de dépistage : recherche de la mutation chez les personnes répondant strictement aux critères d’Amsterdam ; recherche de la mutation chez les personnes ne répondant pas aux critères d’Amsterdam mais ayant des antécédents familiaux de cancers de type HNPCC et présentant une instabilité microsatellitaire ; recherche de la mutation chez les personnes répondant aux critères d’Amsterdam ou chez les personnes ne répondant pas aux critères d’Amsterdam mais ayant des antécédents familiaux de cancers appartenant au spectre HNPCC et présentant une instabilité microsatellitaire ; recherche de la mutation chez les personnes présentant une instabilité des microsatellites tumoraux. Dans cette étude, les auteurs retiennent comme critère d’efficacité le nombre de mutations dépistées. Ramsey et coll. (2003renvoi vers) se placent dans une perspective de plus long terme et retiennent le nombre d’années de vie gagnées comme critère d’efficacité. Ils considèrent quatre stratégies de dépistage (recherche de la mutation chez les personnes répondant aux critères de la conférence de Bethesda et présentant une instabilité des microsatellites tumoraux, recherche de la mutation chez les personnes présentant une instabilité microsatellitaire, recherche de la mutation chez toutes les personnes répondant aux critères de la conférence de Bethesda, recherche de la mutation chez tous les cas incidents de cancer colorectal). Ces deux études parviennent à une même conclusion. Les stratégies de dépistage qui associent les critères familiaux et le test d’instabilité des microsatellites tumoraux présentent un rapport coût/efficacité acceptable pour la collectivité renvoi vers.

Tableau 5.II Évaluation coût/efficacité des stratégies de dépistage des mutations HNPCC (d’après Ramsey et coll., 2003renvoi vers)

 
Histoire familiale + MSI a
MSI
Histoire familiale + MMR b
MMR
Probant seul
73 711 $
213 290 $
296 792 $
1 625 687 $
Probant + apparentés
11 865 $
35 617 $
49 702 $
267 548 $

aMicroSatellite Instability (phénotype des cellules tumorales) ; b Gène MisMatch Repair

Plus récemment, Kievit et coll. (2005renvoi vers) évaluent une nouvelle stratégie d’identification des cas de cancers HNPCC utilisant le test d’instabilité des microsatellites tumoraux. Cette stratégie suppose de réaliser le test non plus sur la base de l’histoire familiale (stratégie difficile à implémenter en pratique) mais de proposer le test aux personnes présentant un des critères cliniques suivant : cancer colorectal avant 50 ans, second cancer colorectal, cancer colorectal associé à un autre cancer de la sphère HNPCC, adénomes avant 40 ans. Cette stratégie de dépistage apparaît coût-efficace : elle permet de repérer 2,2 fois plus de cancers HNPCC à un coût raisonnable (3 801 € par année de vie gagnée, 2 184 € lorsqu’on prend en compte les apparentés au premier degré).

Polypose adénomateuse familiale

Les altérations délétères du gène APC sont responsables de la polypose adénomateuse familiale qui correspond à environ 5 % des cancers colorectaux diagnostiqués chaque année en France. La polypose adénomateuse familiale (FAP) est une maladie à transmission autosomique dominante. Sa fréquence avoisine 1 pour 10 000. Pour les porteurs de la mutation, le risque de développer un cancer colorectal approche l’unité vers 40 ans si aucune mesure prophylactique n’est prise. La reconnaissance clinique des formes classiques de polypose est assez simple, elle repose sur la réalisation d’une coloscopie permettant de trouver de très nombreux adénomes au niveau du côlon. Pour éviter la survenue du cancer, les personnes à risque font l’objet d’une surveillance régulière par coloscopie dès l’âge de 10-12 ans jusqu’à 50-60 ans (avec un rythme variable en fonction de l’âge : rapproché aux âges jeunes, plus espacé ensuite). Lorsque la polypose est diagnostiquée, une colectomie prophylactique est proposée.
Le test génétique permet aux personnes non porteuses de la mutation d’échapper à un suivi astreignant, non dénué d’effets indésirables. D’un point de vue économique, le test permet de réduire les coûts de la surveillance. Le test génétique présente une sensibilité comprise entre 75 et 85 % pour le cas index. Le test est parfait pour les apparentés de premier rang, une fois la mutation identifiée.
Comme la mise en évidence de la mutation ne modifie pas le protocole de suivi des personnes, les études économiques visent à simplement comparer le coût du dépistage clinique à celui du dépistage génétique. Il s’agit donc d’études de minimisation de coût, l’efficacité des stratégies concurrentes étant supposée égale. Toutes les études publiées concluent à la supériorité du dépistage génétique par rapport au dépistage clinique. Le premier coûte moins cher que le second (Cromwell et coll., 1998renvoi vers aux États-Unis ; Bapat et coll., 1999renvoi vers en Ontario ; Chikhaoui et coll., 2002renvoi vers au Québec). Les études adoptent une perspective similaire, celle des organismes de protection sociale, et retiennent des hypothèses semblables quant à la valeur des paramètres (nombre moyen d’apparentés de premier rang égal à 5-6 ; sensibilité du test de 80 % pour le cas index, 100 % une fois la mutation identifiée ; horizon temporel d’une quarantaine d’années ; taux d’escompte compris entre 3 % et 5 % ; observance parfaite des personnes à risque vis-à-vis du dépistage).
Les analyses de sensibilité conduites par les auteurs montrent que leurs conclusions sont robustes. L’efficience du dépistage génétique dépend des paramètres suivants :
• le nombre d’apparentés de premier rang. Plus le nombre de personnes liées au cas index est important plus le dépistage génétique est intéressant. En effet, le coût de la recherche de la mutation chez le cas index est amorti sur un plus grand nombre ;
• la précocité du suivi des personnes à risque. Le dépistage génétique est d’autant plus intéressant que la surveillance des personnes à risque débute à un âge précoce. Au-delà d’un certain âge limite (variable selon le nombre d’apparentés de premier rang, oscillant entre 32 et 36 ans si on considère 5-6 personnes testées par cas index), le dépistage clinique demeure moins coûteux ;
• selon Cromwell et coll. (1998renvoi vers), le dépistage des personnes à risque sans recherche préalable de la mutation chez le cas index peut dominer la stratégie traditionnelle dès lors que la sensibilité du test s’améliore.

Hypercholestérolémie familiale

L’hypercholestérolémie familiale (HF) est une maladie héréditaire. Elle est transmise à la descendance comme un trait monogénique codominant. Neuf mutations dans le gène R-LDL sont responsables de plus de 90 % des cas d’HF. Les patients porteurs de deux allèles mutés identiques sont dits homozygotes (HMZ) et présentent un profil clinique grave. Les patients porteurs d’un seul allèle muté sont dits hétérozygotes (HTZ) et présentent un profil clinique intermédiaire par rapport aux HMZ mutés et aux sujets normaux. Dans les pays occidentaux, la prévalence est estimée à 1/500 pour les HTZ et de 1/1 000 000 pour les HMZ.
La conséquence clinique centrale de l’HF est l’hypercholestérolémie. L’accumulation de cholestérol au niveau des artères coronaires et périphériques (athérosclérose) peut mener à des conséquences graves, telles que l’angine de poitrine, l’infarctus du myocarde (IM) et l’accident cérébro-vasculaire. En l’absence de traitement, l’âge moyen pour l’apparition des cardiopathies ischémiques chez l’homme présentant cette anomalie génétique se situe autour de 40 ans tandis que, chez la femme, elles surviennent 10 à 15 ans plus tard. Pour un homme ayant une hypercholestérolémie familiale, le risque de subir un infarctus du myocarde est de 5 % avant 30 ans, 50 % à 50 ans et 85 % à 60 ans. Pour les femmes, les valeurs correspondantes sont de 1 %, 15 % et 50 %. De récentes études ont indiqué cependant que le traitement des personnes à haut risque avec des médicaments pouvait réduire d’un tiers le nombre des attaques cardiaques et de 40 % celui des décès associés.
Utilisant des données anglaises, Marks et coll. (2002renvoi vers) évaluent à partir d’une modélisation, quatre stratégies de dépistage de l’hypercholestérolémie familiale (voir aussi Marks et coll., 2000renvoi vers)4  : le dépistage systématique en population générale, le dépistage opportuniste des personnes consultant leur médecin généraliste, le dépistage opportuniste des personnes admises à l’hôpital pour infarctus du myocarde précoce, le dépistage des apparentés au premier degré des personnes chez qui une hypercholestérolémie a été préalablement diagnostiquée (la mutation étant identifiée). En population générale et au sein des populations consultant leur médecin ou admise à l’hôpital, le dépistage débute par une mesure du taux de cholestérol dans le sang. Pour les personnes présentant un taux de cholestérol total supérieur à 7,5 mmol/l et un taux de LDL-cholestérol supérieur à 4,9 mmol/l, un test génétique est proposé afin de confirmer/infirmer le diagnostic d’hypercholestérolémie. Pour les personnes porteuses de la mutation, un traitement par statines est mis en route. Le gain d’espérance de vie est estimé à 7,0 années pour les hommes et à 9,1 années pour les femmes pour les personnes dépistées entre 16 et 24 ans. Le bénéfice du dépistage diminue avec l’âge du diagnostic.
Le dépistage sur signes cliniques en population générale (dès 16 ans) apparaît comme la stratégie la plus coût-efficace. Le coût par année de vie gagnée s’établit à 2 777 £ (taux d’actualisation des années de vie gagnées et des coûts : 1 % et 6 % respectivement). Le dépistage sur signes cliniques au sein des familles à risque présente un rapport coût/efficacité similaire (3 097 £). Le classement de ces deux stratégies s’inverse si les bénéfices et les coûts sont actualisés au même taux. Clairement, les stratégies utilisant le test génétique sont strictement dominéesrenvoi vers.

Tableau 5.III Évaluation coût/efficacité des stratégies de dépistage de l’hypercholestérolémie familiale (d’après Marks et coll., 2002renvoi vers)

 
Gain d’espérance de vie (années)
Coût/année de vie gagnée (£) selon les paramètres du modèle
1 % : LYG* 6 % : coûts
3 % : LYG* 3 % : coûts
Dépistage sur signes cliniques
Universel (à partir de 16 ans)
5,2
2 777
7 244
Universel
3,5
13 029
21 289
Opportuniste (visite chez le généraliste)
3,7
11 310
18 578
Opportuniste (en cas d’hospitalisation)
0,8
9 281
15 738
Apparentés au premier degré
3,5
3 097
6 084
Dépistage génétique
Universel (à partir de 16 ans)
5,2
14 842
33 882
Universel
3,5
78 060
120 841
Opportuniste (visite chez le généraliste)
3,7
70 009
108 578
Opportuniste (en cas d’hospitalisation)
0,8
21 106
32 833
Apparentés au premier degré
3,5
4 914
8 865

* LYG : Life-Year Gain

Marang-van de Mheen et coll. (2002renvoi vers) évaluent le programme de dépistage de l’hypercholestérolémie mis en œuvre aux Pays-Bas en 1994 au sein des familles à risque après identification de la mutation chez le sujet index. Le dépistage concerne les apparentés des premier et deuxième degrés âgés de plus de 16 ans. Les données de mortalité utilisées pour estimer les gains de survie proviennent de l’étude de Framingham (Anderson et coll., 1991renvoi vers). Le traitement par statines est supposé réduire de 21 % le taux de cholestérol total et augmenter de 5 % le taux de HDL-cholestérol. Les personnes sont traitées jusqu’à 85 ans. Sur la base de ces hypothèses, les auteurs estiment le coût par année de vie gagnée entre 25 500 € et 32 000 €, mais ni les coûts, ni les bénéfices ne sont actualisés. Selon les auteurs, le coût par année de vie gagnée excède le seuil fixé par les autorités néerlandaises (18 151 €). « For now it seems best to treat screened individuals based on their cholesterol level » (p. 1929). Wonderling et coll. (2004renvoi vers) reprennent cette évaluation. À partir des données du registre anglais des hypercholestérolémies familiales, ils estiment le gain en espérance de vie à 3,3 années pour un patient hétérozygote traité par statines entre 18 et 60 ans. Le coût par année de vie gagnée s’établit à 8 800 $ (valeur 2001, taux d’actualisation des bénéfices et des coûts : 4 %). Le dépistage apparaît donc coût-efficace. « On the basis of the best available evidence, genetic screening of relatives of patient known to have heterozygous FH appears to be highly cost-effective in The Netherlands » (p. 103). Les résultats sont robustes. Le coût du traitement par statines constitue le principal facteur de variabilité. Cette étude remet en cause la conclusion à laquelle parviennent les études conduites jusqu’alors. Selon les auteurs, trois facteurs expliquent cette divergence : le coût des médicaments est plus bas qu’attendu ; le nombre d’apparentés par cas index est plus élevé ; la sensibilité du dépistage phénotypique est moindre. Au vu de l’expérience hollandaise, le dépistage par dosage du cholestérol manquerait 18 % des patients atteints d’hypercholestérolémie.

Pharmacogénétique

Avec la pharmacogénétique, on cherche à identifier les personnes susceptibles de répondre favorablement à un traitement pharmacologique ou, à l’inverse, à repérer celles qui présentent une probabilité élevée de développer des complications sévères en cas de traitement. La pharmacogénétique permet d’ajuster au mieux en termes de rapport bénéfice/risque la prescription médicamenteuse aux caractéristiques de l’individu.
Selon certains auteurs, la pharmacogénétique amène à redéfinir les processus d’allocation des ressources. Ainsi, Bala et Zarkin (2004renvoi vers) reviennent sur la place de l’évaluation économique en matière d’allocation des ressources dans le domaine de la santé. Selon les auteurs, puisque la réalisation d’un test génétique permet d’adapter la prise en charge thérapeutique aux caractéristiques de l’individu, il conviendrait de conduire les évaluations économiques non plus à un niveau collectif mais à un niveau individuel. Ce changement d’échelle serait de nature à améliorer les choix dans le domaine sanitaire. Cet argument nous apparaît peu fondé. Dans la perspective de la théorie du bien-être, le bénéfice associé à une intervention correspond toujours, en l’absence d’externalités, à la somme des bénéfices individuels. La Caze (2005renvoi vers) craint que le développement de la pharmacogénétique rende plus inéquitable les systèmes de santé dans la mesure où certaines personnes pourraient se voir refuser un traitement. La question est de savoir si le traitement apporterait un réel bénéfice à ces personnes.
Pour d’autres, si la pharmacogénétique permet de mieux comprendre l’étiologie des maladies et les mécanismes d’action des médicaments, elle ne révolutionne pas la médecine pour autant. L’information apportée est relative et probabiliste plutôt que de portée générale et certaine. Ainsi, son insertion dans les pratiques de soins prendra du temps d’autant qu’elle ne s’applique pas identiquement à toutes les maladies et à tous les traitements (Lindpaintner, 2003renvoi vers). Ce constat est partagé par Flowers et Veenstra (2004renvoi vers) : « The use of pharmacogenomics to individualise drug therapy offers the potential to improve drug effectiveness, reduce adverse drug reactions, and provide cost-effective care. However, pharmacogenomics has had little impact on clinical practice to date. Clearly there are substantial medical, social, ethical, and financial barriers to the successful implementation of pharmacogenomics » (p. 482). Robertson et coll. (2002renvoi vers) identifient nombre de ces freins. Ils peuvent être de nature scientifique (notamment la compréhension des effets d’interaction gènes-environnement-comportements), tenir aux incitations placées sur les industriels (réduction attendue de la taille de la population-cible, logique de différentiation de produits), s’expliquer par la formation insuffisante des médecins en génétique, être liés à la crainte des patients de voir les résultats diffusés auprès de tiers (notamment des assureurs), tenir aux contraintes de financement des systèmes de santé.
Selon Danzon et Towse (2000renvoi vers et 2002renvoi vers), le recours à la pharmacogénétique tend à diminuer la taille des populations auxquelles certains traitements peuvent être prescrits. Ces effets ont pour conséquence immédiate de réduire le retour sur investissements du développement de nouvelles molécules pour les industriels. À défaut de mesures d’accompagnement, il faut craindre, selon ces auteurs, un sous-investissement en génétique plutôt qu’un sur-investissement. Pour amener les industriels à investir suffisamment, les auteurs suggèrent que les autorités en charge des prix et du remboursement des biens et services de santé prennent en compte l’amélioration du service médical rendu et consentent à augmenter le prix des traitements. Les auteurs évoquent aussi les dispositions de certains pays en matière de recherche sur les maladies orphelines (crédits d’impôt…).
Flowers et Veenstra (2004renvoi vers) listent les questions qu’il convient de se poser pour évaluer l’intérêt d’un test dans le domaine de la pharmacogénétique :
• quelle est la prévalence de la maladie dans la population ? Quelle est la fréquence du polymorphisme recherché ?
• la mise en évidence du polymorphisme permet-elle d’anticiper correctement la réponse au traitement (pénétrance) ?
• existe-t-il d’autres facteurs susceptibles d’influencer la réponse au traitement (facteurs liés au métabolisme ou à l’environnement) ?
• le test génétique est-il sensible et spécifique ? Quel est son coût ?
• quelle est l’histoire naturelle de la maladie avec et sans traitement ? Comment la connaissance du résultat du test génétique peut-elle contribuer à modifier cette histoire naturelle ?
• quelle est l’efficacité des procédures usuelles (hors pharmacogénétique) de surveillance de survenue d’événements indésirables graves ou de prédiction de l’efficacité du traitement ?
• quel est le spectre thérapeutique du médicament utilisé ?
• quelles sont les différentes alternatives de traitement ?
L’intérêt de la pharmacogénétique peut être difficile à mettre en évidence lorsque l’action d’un médicament fait intervenir plusieurs polymorphismes. Selon Flowers et Veenstra (2004renvoi vers), la pharmacogénétique est utile pour les médicaments à spectre étroit, caractérisés par une forte variabilité dans la réponse individuelle (en termes d’efficacité ou de survenue d’effets secondaires), et lorsque les méthodes traditionnelles de suivi ne permettent pas d’anticiper la survenue d’effets indésirables sérieux.
Veenstra et coll. (2000renvoi vers)5 identifient les domaines dans lesquels, au regard des critères énoncés ci-dessus, les interventions de pharmacogénétique pourraient a priori être intéressantes d’un point de vue économique renvoi vers. Pour ces auteurs, l’oncologie est un domaine de prédilection compte tenu de la toxicité des traitements et de la sévérité de l’atteinte. Dans le domaine des pathologies chroniques, telles que le diabète, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie, il s’agit de comparer la valeur informative du test génétique avec celle des marqueurs biologiques actuellement disponibles pour suivre l’évolution de la maladie et l’efficacité des traitements (par exemple, la mesure de la pression artérielle). Pour l’asthme, la maladie d’Alzheimer ou la dépression, la pharmacogénétique peut s’avérer utile dans la mesure où l’ajustement des traitements est souvent difficile et prend du temps.

Tableau 5.IV Exemples d’interventions de pharmacogénétique pouvant a priori apparaître comme coût-efficaces (d’après Veenstra et coll., 2000renvoi vers)

Domaine
Pathologie
Médicament
Oncologie
Cancer du sein
Polypose adénomateuse familiale
Tous cancers
Herceptine
Anti-COX-2
6-mercaptopurine (6MP)
Maladies infectieuses
Hépatite C
VIH
Interféron/Rivabirine
Inhibiteurs de la protéase
Maladies du système respiratoire
Asthme
Antagoniste du récepteur b2-adrénergique
Maladies cardiovasculaires
Hyperlipidémie
Statines
Santé mentale
Maladie d’Alzheimer
Dépression
Tacrine
Inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine (SSRI)
Phillips et Von Bebber (2004renvoi vers) recensent 11 analyses coût/efficacité complètes de qualité satisfaisante dans la littérature. Les pathologies les plus fréquemment étudiées sont (par ordre décroissant de fréquence) : la thrombose veineuse en lien avec la prescription d’anticoagulants (anomalie du facteur V Leiden), le cancer (cancer du sein : gène HER2/neu) et les infections virales (génotypage des virus de l’hépatite C et VIH). Les mutations étudiées sont plus souvent innées qu’acquises (d’origine tumorale ou virale). Le rapport coût/efficacité des interventions de pharmacogénétique est favorable dans la plupart des études. Sur 11 études publiées, 7 études présentent un ratio coût/efficacité inférieur à 50 000 $ par QALY. Cette revue de littérature illustre le fait que les évaluations économiques demeurent rares dans le domaine de la pharmacogénétique. Il est donc important de promouvoir et de développer ce type d’analyse en France.
En conclusion, les évaluations économiques des tests génétiques sont encore peu nombreuses et ne concernent que quelques pathologies. Les informations disponibles restent parcellaires. Il existe probablement un biais de publication important. Les interventions faisant l’objet d’une publication sont probablement celles montrant le « meilleur » rapport coût/efficacité. La comparaison des études publiées est délicate. La plupart des études correspondent à des modélisations (notamment parce que les critères d’efficacité retenus sont des critères finaux : survie ou QALY). Ces modèles reposent sur des hypothèses différentes, pas nécessairement bien justifiées ou explicitées. Les paramètres peuvent varier d’une étude à l’autre, comme par exemple, le choix du taux d’actualisation des coûts et des bénéfices. Il existe peu, voire très peu, d’études françaises. Les conclusions d’une évaluation économique conduite dans un système de santé particulier sont-elles transposables dans un autre contexte ? La réponse apportée à cette question par les économistes de la santé est généralement négative tant les systèmes de santé sont différents et les coûts variables.

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