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Med Sci (Paris). 38(8-9): 655–662.
doi: 10.1051/medsci/2022103.

Pseudo-hypoparathyroïdie et ses variants
Un succès de la médecine translationnelle

Marie-Laure Kottler1,2*

1Université Caen-Normandie, UFR santé , 2 rue des Rochambelles , 14032Caen Cedex 5 , France
2Service de génétique, Centre de référence normand des maladies rares du métabolisme du calcium et du phosphore, CHU de Caen - hôpital Clémenceau , avenue Georges Clémenceau , 14033Caen , France
Corresponding author.
 

Vignette (© DR).

Quatre-vingts ans de recherches clinique, biologique et génétique ont permis de décrypter les bases physiopathologiques et génétiques d’une maladie rare : la pseudo-hypoparathyroïdie (PHP) qui affecte l’homéostasie phosphocalcique par défaut de production d’AMPc (3’-5’-cyclique adénosine monophosphate) en réponse à la parathormone (PTH). Il s’agit d’une histoire aux multiples facettes, dont les bases moléculaires ont été progressivement dévoilées au fur et à mesure des progrès scientifiques, réunissant au sein d’un même locus, appelé GNAS ( guanine nucleotide-binding protein alpha stimulating ) qui code la sous-unité alpha stimulatrice de la protéine G (Gα s ), marquée par un spectre d’affections que la clinique seule n’associerait pas. Différents mécanismes d’altération génétique, leur localisation sur le chromosome d’origine maternelle ou paternelle, vont en effet conduire à différentes maladies.

Un peu d’histoire

C’est sous le nom d’un curieux éponyme faisant référence à une vieille race de poules naines créées par Sir John Sebright, au xix e siècle, que l’endocrinologue américain Fuller Albright (1900-1969) décrivit pour la première fois en 1942 le « Seabright bantam syndrome », un syndrome morphologique caractérisé par une petite taille, une obésité, un faciès arrondi, des anomalies de longueur des doigts, accompagné souvent d’un retard mental, associé à une hypocalcémie et une hyperphosphatémie [ 1 ]. L’absence d’élévation de l’excrétion urinaire de phosphate, après administration d’extraits de glande parathyroïde [ 2 ], suggérait une résistance périphérique à la PTH plutôt qu’une insuffisance de production de l’hormone, d’où le nom de pseudohypoparathyroïdie. Cette description fut reprise par le pédiatre américain Charles Upton Lowe (1921-2012) en 1950, chez un patient qui présentait de plus une hypothyroïdie et des zones d’hypercalcification au niveau des poignets [ 3 ]. Le syndrome dysmorphique fut ultérieurement décrit sous le nom d’ostéodystrophie héréditaire d’Albright (OHA). Une décennie plus tard, Albright identifia un patient présentant les mêmes caractères dysmorphiques, mais sans anomalie phosphocalcique et une réponse appropriée à la PTH. Ce phénotype fut alors dénommé pseudo-pseudohypoparathyroïdie (PPHP) [ 4 ]. Le décryptage des mécanismes physiopathologiques de la maladie a ensuite suivi l’évolution des connaissances en biochimie puis en génétique.

L’action de la PTH sur le rein et sur l’os repose sur l’activation de l’adénylate cyclase, une enzyme qui transforme l’ATP en AMPc. Le dosage de la PTH, rendu possible par la technique radio-immunologique ( radioimmunoassay , RIA), a permis de révéler chez les patients une élévation de la concentration plasmatique de la PTH, un maintien de la régulation de la concentration de la PTH par le calcium, et une absence d’excrétion urinaire d’AMPc en réponse à l’administration de PTH [ 5 ].

Les mécanismes de couplage entre un récepteur à sept domaines transmembranaires et la production d’AMPc via l’adénylate cyclase (AC) ont été disséqués au cours des années 1970, conduisant à l’identification d’un complexe protéique liant des nucléotides à guanine, qui a été appelé protéine G. Lorsque l’effecteur enzymatique est l’AC, ce complexe protéique porte le nom de protéine Gs. La PTH agit sur ses tissus cibles en se liant à PTHR1, un récepteur qui appartient à cette famille de récepteurs membranaires à sept domaines transmembranaires couplés aux protéines G (RCPG), récepteur qui lie la PTH et le PTH-rp ( PTH related-peptide ), un peptide homologue dans sa partie N-terminale avec la PTH.

Une fois éliminée l’hypothèse d’un dysfonctionnement de l’AC [ 6 ], il fut démontré que la maladie était liée à une baisse d’activité de la protéine Gs grâce à la mise au point d’un test fondé sur la complémentation entre les membranes d’érythrocytes humains (dépourvus d’AC) et celles d’érythrocytes de dinde (dépourvus de protéine Gs), ayant comme résultat une réduction d’environ 50 % de la production d’AMPc [ 7 ], une diminution retrouvée chez les patients atteints de PHP ou de PPHP. Ce test fut, par la suite, utilisé pour le diagnostic de la maladie [ 8 ].

La protéine Gs est un complexe hétérotrimérique qui est intermédiaire entre un RCPG membranaire et un effecteur enzymatique cytoplasmique, mais lié à la membrane, qui sera à l’origine de la synthèse d’un second messager intracellulaire. La protéine Gs est constituée de trois sous-unités : Gα s , Gβ et Gγ [ 9 ]. La sous-unité Gα s établit des contacts spécifiques avec l’AC et conduit à la production d’AMPc à partir de l’ATP. Elle fonctionne selon un mode on/off ( Figure 1A , B ).

Avec les progrès de la génétique moléculaire, le gène qui code la sous-unité Gα s a pu être identifié et caractérisé. Appelé GNAS1 , il est localisé dans le locus GNAS situé dans la région télomérique du bras long du chromosome 20 (20q13.32). Ce gène est transcrit sous la forme d’un ARNm comprenant 13 exons codant une protéine de 394 acides aminés.

À partir de la détermination de la séquence du gène, les premières mutations de GNAS1 associées à la PHP ont pu être identifiées. Il s’agissait de mutations hétérozygotes, responsables d’une perte de fonction (LOF pour loss-of-function ). Ces mutations peuvent être de différents types et sont répertoriées dans des banques de données ( http://www.hgmd.cf.ac.uk/ac/index.php ou www.lovd.nl/GNAS ). Elles peuvent être héritées ou survenir de novo . Chez la souris, les mutations LOF bi-alléliques sont létales. Dans un travail récent de notre équipe, il a été montré que les mutations conduisant à une perte de fonction de la sous-unité Gα s sont transmises préférentiellement à la descendance, suggérant ainsi un avantage sélectif dans la sélection des gamètes et/ou dans l’embryogenèse [ 10 ].

L’hétérozygotie pour la mutation permet donc d’expliquer l’haplo-insuffisance que l’on observe dans les érythrocytes par le test de complémentation (avec une réduction de 50 % de l’activité de Gs, voir plus haut). Cependant, les mécanismes conduisant à la résistance à la PTH au niveau rénal sont restés longtemps incompris.

Une altération des effecteurs en aval de Gα s , tels que PRKAR1A ( protein kinase cAMP-dependent type I regulatory subunit alpha ), et les phosphodiestérases PED3A et PED4D peuvent affecter la production de l’AMPc intracellulaire. Pourtant, les lésions identifiées sur les gènes codant ces effecteurs sont associées à des phénotypes différents de ceux observés dans la PHP entrant dans le registre des acrodysostoses, que nous ne développerons pas dans le cadre de cette revue [ 11 ].

Les différents types de PHP ( Tableau I )

En parallèle des découvertes permettant de comprendre les mécanismes impliqués dans la maladie, le spectre pathologique de la PHP a été redéfini. Différents types ont ainsi été déterminés selon des caractéristiques qui leur sont spécifiques.

Ainsi, dans la PHP de type 1 (PHP1), l’administration de PTH exogène [ 2 ] ne produit ni élévation de l’AMPc ni phosphaturie. Ce type correspond à un défaut de la sous-unité Gα s . Dans le type 2 (PHP2), que nous n’aborderons pas ici, l’administration de PTH exogène élève le niveau d’AMPc urinaire, mais ne produit pas de phosphaturie, révélant un déficit situé en aval de la sous-unité Gα s [ 12 ].

L’ostéodystrophie héréditaire d’Albright (OHA) rassemble, quant à elle, plusieurs traits phénotypiques particuliers : une petite taille, une obésité, des anomalies des extrémités, telles que brachydactylie, brachymétacarpie et des ossifications sous-cutanées plus ou moins diffuses ; un retard mental est souvent présent.

La PHP de type 1A (PHP1A) regroupe des patients souffrant de PHP1 associée à une OHA avec une diminution de l’activité de la sous-unité Gα s .

La PHP de type 1B (PHP1B) regroupe des patients souffrant de PHP1 mais sans OHA et avec une activité Gα s quasi normale.

Enfin, la PPHP regroupe les patients atteints d’OHA avec baisse de l’activité de la sous-unité Gα s mais sans PHP. L’hétéroplasie progressive osseuse (POH) est une forme sévère de PPHP. Elle se caractérise par une ossification hétérotopique qui s’étend progressivement, en profondeur dans les tissus conjonctif et dans les muscles squelettiques [ 13 ].

Certains patients qui présentent des signes cliniques de PHP1 avec un syndrome dysmorphique mais sans baisse de l’activité de la sous-unité Gα s sont classés en PHP1C.

Les signes cliniques et biologiques de ces affectations ainsi que leur prise en charge ont fait l’objet de nombreuses publications et d’un consensus international [ 14 ].

La recherche d’anomalies génétiques, grâce au développement des séquenceurs nouvelle génération qui permettent l’étude en parallèle de panels de gènes, voire de l’exome, a pris le pas sur l’étude biochimique de l’activité G s . Aussi, certains auteurs ont proposé une nouvelle classification : l’iPPSD, pour inactivating PTH/PTHrP signaling disorder , fondée sur le mécanisme commun de résistance à la PTH et sur la nature de la lésion génétique impliquée [ 15 ].

Des paradoxes cliniques éclairés par la biochimie et la génétique

Des études de cristallographie, de biochimie, ainsi que les signes cliniques et biologiques observés chez des patients porteurs de mutations touchant le gène GNAS1 ont permis de préciser des déterminants structuraux responsables d’effets spécifiques, perte de fonction ou gain de fonction [ 9 , 16 - 18 ].

Des mutations perte de fonction : la PHP1C élucidée
Dans la PHP1C, une mutation correspondant à des modifications touchant l’un des cinq derniers acides aminés de la protéine n’affecte ni la transcription du gène ni la synthèse de la protéine Gα s . La protéine produite est cependant tronquée et ne peut se lier au récepteur RCPG. Malgré un tableau de PHP1A témoignant du défaut de Gα s , le test de complémentation in vitro , qui étudie le couplage avec l’AC, est donc, dans ce cas, normal [ 19 ].
Des mutations gain de fonction
La substitution, dans la protéine, de l’arginine en position 201 (Arg 201 ) par une histidine ou une cytosine, ou moins fréquemment de la glycine en position 227 par une arginine, réduit l’échange du GTP par le GDP et donc le passage de l’état on vers l’état off de la protéine. Cela entraîne une activation constitutive des récepteurs et donc une production inappropriée d’AMPc, alors en excès. Retrouvée à l’état de mosaïque (ou mosaïcisme), cette mutation est à l’origine du syndrome de McCune-Albright [ 17 ] que nous ne developperons pas dans le cadre de cette revue.

De telles mutations sont retrouvées dans certaines tumeurs : tumeurs somatotropes, adénome thyroidien, etc. Elles sont alors appelées oncogène gsp . Notons enfin que la sous-unité Gα s comportant une arginine en position 201, est la cible de la toxine sécrétée par le vibrion cholérique, avec, pour effet délétère, une diarrhée sécrétoire.

Le locus GNAS est soumis à empreinte parentale

L’haploinsuffisance résultant de mutations retrouvées à l’état hétérozygote peut-elle, à elle seule, expliquer la résistance rénale à la PTH ?

Au sein d’une même famille, certains membres portant la même mutation peuvent présenter des phénotypes différents de PHP1A ou de PPHP. Les études de pédigrée intrafamilial montrent que les mutations de GNAS1, responsables de la PHP1A, sont héritées de la mère (ou situées sur l’allèle maternel si les mutations sont de novo ). En revanche, ces mêmes mutations sont responsables de PPHP lorsqu’elles sont héritées du père (ou touchant l’allèle paternel) [ 20 , 21 ]. L’expression de l’allèle maternel de GNAS1 est essentielle à la production d’AMPc urinaire résultant de l’action de la PTH, et une mutation sur l’allèle maternel entraîne une perte totale d’activité G s et une résistance à la PTH.

D’une façon générale, l’empreinte génomique est un mécanisme selon lequel l’expression d’un gène est mono-allélique et non bi-allélique, l’autre allèle étant « éteint ». La modulation de la transcription est principalement due à une méthylation différentielle de certaines régions (DMR, pour differentially methylated regions ) au niveau des promoteurs du gène : le gène dont le promoteur est méthylé n’est pas transcrit.

Comme la majorité des gènes soumis à empreinte génomique, le locus GNAS est organisé en cluster [ 21 ] ( Figure 2A ) . L’épissage alternatif de l’exon 1 ( GNAS contient 13 exons) donne naissance à trois transcrits qui codent différentes protéines : Gα s (exons 1-13) ; NESP55 ( neuroendocrine secretory protein 55 ), qui fait partie de la famille des chromogranines et dont la séquence codante est entièrement contenue dans l’exon 1 ; XLa s (isoforme extra-large) qui ne diffère de Gα s que par sa partie N-terminale et dont la distribution tissulaire est plus limitée (pancréas, cerveau, hypophyse, cœur, surrénales) [ 22 ]. Deux transcrits non codants sont également produits : A/B , et un ARN antisens AS (appelés respectivement 1A et nespas chez la souris).

Au locus GNAS, il existe quatre DMR : A/B DMR ; NESP55 DMR ; XL DMR et AS DMR. Les DMR spécifiques XL, AS et A/B , sont méthylées sur l’allèle maternel ( Figure 2B ) ; les transcrits dérivent donc de l’allèle paternel. Au contraire, NESP55 DMR est méthylée sur l’allèle paternel ; NESP55 s’exprime donc à partir de l’allèle maternel. Étonnament, il n’y a pas de DMR dans l’exon 1 spécifique de GNAS1 qui code Gα s , suggérant donc une expression bi-allélique. On constate cependant que lorsque A/B DMR est méthylée ( A/B n’est donc pas exprimé), l’exon 1 spécifique de GNAS1 est utilisé, l’ARNm est transcrit puis traduit en Gα s . Lorsque A/B DMR n’est pas méthylée, c’est A/B qui est exprimé aux dépens de GNAS1 . Chez la souris portant une mutation LOF de Gnas1 sur l’allèle maternel et présentant donc une PHP1A, la délétion de 1A sur l’allèle paternel permet l’expression de Gnas1 en cis , corrigeant ainsi le phénotype [ 23 ]. L’hypothèse du choix du promoteur libre par l’ARN polymérase est possible, mais elle ne peut expliquer pourquoi l’expression mono-allélique d’origine maternelle ne concerne que certains tissus et reste bi-allélique dans d’autres.

Une empreinte tissu-spécifique
Un défaut de signalisation touchant la protéine Gα s devrait concerner la majorité des RCPG utilisant la voie de l’AMPc. Or, la résistance à la PTH et, de façon moins constante, à la TSH ( thyroid-stimulating hormone ) responsable d’une hypothyroïdie, sont les principaux signes de la PHP1A associée à une perte de fonction hétérozygote sur l’allèle maternel. Les autres voies métaboliques impliquant la GH ( growth hormone ), la calcitonine, LH ( luteinizing hormone )/FSH ( follicle stimulating hormone ), etc. sont en effet modérément affectées.

Dans les érythrocytes, l’expression de GNAS1 est bi-allélique : la baisse de 50 % de l’activité G s chez les patients atteints de PHP1A ou de PPHP témoigne d’une haplo-insuffisance et non d’une perte de fonction complète. Chez la souris, des études d’immuno-histochimie ont montré qu’au niveau rénal, l’empreinte n’était pas identique dans les différentes parties du néphron : cette empreinte est présente dans le tube proximal mais pas dans la zone médullaire et le tube collecteur [ 24 ]. L’hypothèse de la synthèse locale d’un répresseur n’a cependant pas été confirmée, et les mécanismes conduisant à la mise en place d’une empreinte tissu-spécifique restent encore inconnus. Celle-ci s’installe progressivement après la naissance [ 25 ] : élévation de la PTH, hyperphosphatémie et enfin hypocalcémie.

La pseudo-hypoparathyroïdie et ses variantes
Gαs, remodelage osseux et qualité de l’os
La brachydactylie est l’anomalie la plus commune de l’ostéodystrophie héréditaire d’Albright (OHA). Cette atteinte touche préférentiellement le quatrième et le cinquième rayon du métacarpe et du métatarse. Elle résulte du défaut d’action du peptide PTH-rp sur les chondrocytes, entraînant l’accélération de la fermeture des plaques de croissance. Ce défaut concerne aussi les os longs, ce qui expliquerait, au moins en partie, la petite taille des patients [ 26 ].

Les ossifications (et non des calcifications) sous-cutanées font partie du phénotype d’OHA. De taille et en nombre variables, elles peuvent être particulièrement sévères et invalidantes : dans l’ osteoma cutis , elles forment en effet de véritables plaques dermiques qui progressent en largeur selon une distribution en mosaïque, asymétrique avec une latéralisation qui suit le profil du dermomyotome 1, ; dans l’hétéroplasie progressive osseuse (POH), l’ossification intramembraneuse suit un développement extensif et progressif vers les tissus profonds, les fascias 2, et les muscles. Ce caractère morbide est plus fréquemment observé chez des patients dont le gène GNAS1 comporte des mutations sévères (délétions, mutation tronquante, etc.) qui affectent plus particulièrement l’allèle paternel [ 13 , 27 ]. La grande variabilité du processus d’ossification rend ainsi le conseil génétique particulièrement délicat. Certaines formes particulièrement invalidantes pourraient être liées à un mosaïcisme segmentaire de type 2, qui correspond à une mutation post-zygotique, secondaire à un allèle muté hérité d’un parent hétérozygote [ 28 ].

L’AMPc joue un rôle régulateur critique dans la détermination de l’orientation ostéoblastique ou adipocytaire des cellules. Il réduit en effet la voie d’activation des BMP ( bone morphogenetic protein ), ce qui inhibe la différenciation des ostéoblastes et donc favorise l’adipogenèse. L’AMPc aurait pour cible le morphogène Hedgehog (SHH) dont il diminuerait l’expression. L’haploinsuffisance de Gα s dans les progéniteurs mésenchymateux entraînerait une surexpression de la signalisation de SHH. Elle favoriserait ainsi la différenciation en ostéoblastes au détriment de l’adipogenèse [ 26 , 29 ].

Obésité et retard de croissance in utero
Deux phénotypes opposés sont observés selon l’allèle parental affecté par une mutation perte de fonction. Présente dès la naissance, l’obésité fait partie du tableau clinique de la PHP1A. Son origine est multifactorielle, associant une résistance à l’action lipolytique de l’épinéphrine et un déficit de la voie activée par le récepteur de la mélanocortine (MC4R), qui contrôle la consommation énergétique et la prise alimentaire [ 18 ]. Une étude de re-séquencage 3, a révélé des mutations de GNAS1 chez 2 % des enfants obèses. La caractérisation fonctionnelle, réalisée in vitro sur des cellules HEK (cellules embryonnaires de rein humain), a montré un degré de résistance variable en fonction des récepteurs étudiés. Un seuil critique de baisse d’activité G s pourrait ainsi expliquer des tableaux cliniques variables et pauci-symptomatiques [ 18 ].

Les patients atteints de PPHP sont, au contraire, minces. Ils ont tous souffert d’un retard de croissance in utero , associé à une hypotrophie placentaire, d’autant plus important que la mutation affecte non seulement la sous-unité Gα s mais aussi XLa s (exons 2 à 13 communs) [ 30 ]. Cette observation suggère que XLa s , comme d’autres protéines codées par des gènes d’expression paternelle, jouerait un rôle dans la trophicité placentaire et la croissance fœtale.

PHP1B et épimutation

Les patients atteints de PHP1B présentent une hypocalcémie résistante à la PTH, avec peu ou pas de signes d’OHA et une activité érythrocytaire G s normale. Une obésité morbide est souvent observée au cours des premières années de vie [ 14 ].

Il existe deux formes de PHP1B : une forme familiale de transmission autosomique dominante, AD-PHP1B, et une forme sporadique, Spor-PHP1B. Ces deux formes ont en commun une perte de méthylation (LOM) de la région différentiellement méthylée (DMR) de A/B (A/B DMR) [ 31 ] ( Tableau II ). La méthylation de A/B DMR dépend d’un centre d’empreinte qui est situé vers le centromère dans le gène de la syntaxine 16 ( STX16 ) [ 32 ] à 220 kilobases (kb) du gène GNAS1.

De façon récurrente, dans l’AD-PHP1B, une délétion en cis de 3 kb est retrouvée dans le gène STX16 ; mais il existe d’autres mutations, comme des duplications ou des inversions. Chez la souris, les délétions dans le gène Stx16 n’affectent pas, par contre, la méthylation de 1A DMR (qui correspond à A/B DMR chez l’homme) ce qui limite l’intérêt de ce modèle. L’existence de petites délétions dans le gène NESP55 , responsables d’AD-PHP1B, montre que la transcription de NESP 55 semble également nécessaire à la méthylation de A/B DMR sur l’allèle maternel [ 33 ]. Cette régulation est confirmée chez la souris puisque la transcription ectopique sur l’allèle paternel de Nesp55 entraîne la méthylation de 1A DMR en cis [ 34 ]. Enfin, sur l’allèle paternel, la transcription de Nespas apparaît importante pour la méthylation de nesp DMR (ce qui éteint l’expression de Nesp ) et pour prévenir la méthylation de 1A DMR (ce qui a pour conséquence l’expression de 1A et donc l’absence d’expression de Gnas1 ). Ce jeu de régulations complexes, organisant les DMR dans le locus GNAS, reste encore à approfondir. Les mécanismes mis en jeu feraient intervenir l’ouverture de la chromatine, ce qui faciliterait la mise en place de l’empreinte [ 35 ].

Les anomalies de méthylation observées dans les formes sporadiques sont plus complexes et leur mécanisme largement inconnu avec la perte de méthylation des DMR maternelles de AS , XL et A/B , et le gain de méthylation de NESP DMR. Une perte de l’allèle maternel ou une disomie 4, ou hétérodisomie 5 paternelle (patUPD20q), peuvent expliquer un profil typique de l’épigénome paternel [ 36 ]. Leur fréquence augmente avec l’âge de la mère [ 36 ]. Cependant, chez la majorité des patients, les anomalies de méthylation sont incomplètes, avec des gains et des pertes partiels de méthylation. Leur cause reste inconnue. Des défauts de méthylation sur d’autres locus soumis à empreinte ( multi-locus imprinting defect ) ont été observés [ 37 ], suggérant l’altération d’un réseau de gènes qui serait impliqué dans la mise en place de l’empreinte génomique [ 38 ].

Dans le spermatozoïde, l’empreinte est acquise avant la naissance. Dans l’ovocyte, les DMR de AS et XL se mettent en place après la naissance, pendant la phase de croissance. Après la fécondation, les DMR des gènes soumis à empreinte ne subissent pas la vague de dé-méthylation observée en période pré-implantatoire. L’asymétrie épigénétique persistera, préservant ainsi l’identité parentale [ 35 ]. Il est donc possible qu’une anomalie au sein de l’ovocyte soit responsable d’un défaut de la méthylation du locus GNAS responsable de la Spor-PHP1B. Bien que sa cause reste actuellement inconnue, elle pourrait être favorisée par les techniques de fécondation in vitro [ 39 ]. Des anomalies de méthylation peuvent également se trouver réparties en mosaïque, suggérant, dans ce cas, un événement post-zygotique plus tardif. Enfin, les jumeaux monozygotes atteints de spor-PHP1B, concordants sur le plan épigénétique, s’avèrent rares et les modifications épigénétiques que l’on observe chez ces patients impliquent une altération très précoce du processus [ 40 ].

Conclusion

Les pseudo-hypoparathyroïdies (PHP), dans leurs différentes formes, sont des maladies rares qui affectent la voie de la signalisation impliquant la sous-unité Gα s responsable de la production d’AMPc intracellulaire. Si la génétique moléculaire permet de nommer la maladie, de nombreuses interrogations persistent quant aux mécanismes conduisant aux différents phénotypes identifiés. L’altération de la séquence codante de GNAS1 avec perte de fonction de la protéine Gα s identifiée dans la PHP1A, ne donne pas le même phénotype qu’une épimutation qui altère l’expression génique de GNAS1 , qui est retrouvée dans la PHP1B. Pour corriger au plus tôt les déficiences hormonales, un diagnostic précoce, le plus souvent génétique, se justifie. En revanche, la complexité des interactions entre les différentes formes cliniques de la maladie, lésions osseuses invalidantes, obésité, petite taille, troubles du développement, rend la définition de pistes thérapeutiques difficile pour traiter ces autres symptômes.

Liens d’intérêt

L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Le dermomyotome est un feuillet épithélial transitoire qui se développe à partir du domaine dorsal du somite. Le dermomyotome produit une variété de types cellulaires qui participent à la formation des muscles, du derme dorsal et des vaisseaux sanguins.
2 Tissus fibreux qui enveloppent les muscles, les organes, les os, les nerfs et les vaisseaux.
3 Cette dénomination, essentiellement utilisée en génétique, désigne le séquençage d’un grand fragment d’ADN suivi de la comparaison du résultat obtenu avec celui d’une séquence de référence connue.
4 Anomalie caractérisée par le fait que deux chromosomes homologues proviennent d’un même parent.
5 Anomalie caractérisée par le fait que deux chromosomes homologues, non identiques, proviennent d’un même parent.
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