Pharmacodépendances et mésusages

2012


ANALYSE

7-

Pharmacodépendances et mésusages chez les usagers de drogues

Envisager dans une perspective socio-anthropologique les problèmes de mésusages et de pharmacodépendances chez les usagers de drogues suppose d’avoir réglé au préalable quelques problèmes sémantiques. L’examen de la littérature montre que, bien souvent, il est fait une économie de la définition des termes de mésusage et de pharmacodépendance. De plus, il n’est pas toujours évident de savoir à quoi il est fait référence lorsque l’on parle d’usager de drogue(s). Dans le présent chapitre, seront explorés les champs sémantiques rencontrés dans la littérature, afin de rendre compte des différentes logiques de sens à l’œuvre.
En effet, selon l’univers sémiotique du discours (usagers, médical, psychologique, politique...) dans lequel les termes de mésusage, pharmacodépendance et usagers de drogues s’articulent, les éléments qui en constituent la définition peuvent varier, franchissant parfois les seuils critiques de la contradiction. Par exemple, le mésusage considéré comme un phénomène problématique dans certains discours devient un comportement adaptatif dans d’autres. La pharmacodépendance se définit au singulier en tant que mécanisme biologique, mais s’envisage de façon plurielle lorsqu’elle considère la diversité des cas. Enfin, dans le terme usager de drogue, selon que l’on situe la logique du sens du côté de l’usager ou du côté de la drogue, le référent auquel nous avons affaire peut appartenir à des univers différents. Si l’on s’en tient pour définir la population des usagers de drogues, à celle qui utilise uniquement des substances psychoactives illicites, on exclut dès lors les personnes qui utilisent des médicaments dans les mêmes logiques d’usage.
De fait, la diversité des problèmes de mésusages et de pharmacodépendances chez les usagers de drogues est grande. Le nombre de molécules potentiellement concernées est important. Pour rester au plus près de l’intérêt d’une telle expertise, il s’agira de raisonner et de limiter le périmètre de la problématique en incluant et en se concentrant sur les molécules et les usages qui posent significativement problème ou qui sont suffisamment documentés. En ce sens, ce chapitre consacrera une part significative aux opiacés et notamment à la buprénorphine haut dosage (BHD).
Une approche socio-anthropologique peut se donner comme tâche d’analyser le sens des mésusages de médicaments psychotropes chez les usagers de drogues à partir d’un ensemble de corrélations faites entre cette population et ses caractéristiques (sociodémographiques, de consommation, psychopathologiques), lorsqu’on restitue cet ensemble de corrélations à son contexte. Ainsi, un ensemble d’études sera analysé pour mettre en perspective les descriptions et corrélations qui sont faites sur les mésusages avec les discours des usagers et leurs contextes d’usages.

Socio-anthropologie des psychotropes et mésusages

Les psychotropes sont des objets du monde physico-chimique dont l’usage par les êtres humains reçoit une part de détermination du monde social. L’essentiel d’une drogue est sa construction sociale (Berridge, 1998renvoi vers). À propriétés pharmacologiques égales, les substances trouvent des significations d’usage différentes selon les groupes sociaux, qu’il s’agisse de groupes ethniques traditionnels (Lévi-Strauss, 1973renvoi vers ; Furst, 1974renvoi vers ; Reichel-Dolmatoff, 1974renvoi vers) ou de sous-groupes culturels d’une société moderne (Becker, 1985renvoi vers ; Bergeron, 2009renvoi vers).
Le comportement à l’égard du médicament en général est déterminé par des variations socioculturelles, socioéconomiques, sociodémographiques et socioprofessionnelles, à l’intérieur desquelles les représentations culturelles jouent un rôle significatif (Fainzang, 2001renvoi vers). Par conséquent, la compréhension des formes d’usage des médicaments psychotropes par les usagers de drogues passe aussi par un éclaircissement de ces déterminations sociales et culturelles. Les sciences sociales se fondent sur une « hypothèse réaliste » selon laquelle la réalité des autres (objet d’investigation du chercheur) envisagée comme « réel de référence » doit être considérée comme existant « en soi » (Olivier De Sardan, 2008renvoi vers). Bien que la « réalité sociale de référence » soit considérée comme extérieure à notre conscience et à notre expérience individuelle, sa connaissance relative et partielle par l’enquête ne doit pas être confondue avec « l’illusion réaliste » qui, croyant à un accès direct à ce réel de référence, « oublie que ce dernier est une construction sociale » (Olivier De Sardan, 2008renvoi vers).
L’approche socio-anthropologique distingue les dimensions Emic et Etic dans la production et l’analyse des données, en clarifiant ce qui relève des comportements et des représentations des acteurs (emic), de l’analyse de l’anthropologue ou des interprétations savantes faites à leur propos (etic). Des réflexions faites en France ces dernières années ont précisé ces clarifications en considérant, par exemple, que le savoir scientifique est un savoir comme un autre et que, dans cette perspective, il doit être envisagé comme une donnée emic (Passeron, 1991renvoi vers ; Olivier De Sardan, 1998renvoi vers et 2008renvoi vers). Ainsi, des données recueillies à partir des discours des usagers, des professionnels de santé, des experts en santé publique, des chercheurs ou des « décideurs » seront intégrées dans l’analyse, afin de restituer la complexité du contexte où émergent ces phénomènes. L’ethnographie des usages de drogues a montré l’intérêt de prendre en compte autant le point de vue des usagers sur leurs pratiques que les cultures, les contextes politiques, économiques et sociaux où elles s’inscrivent (Carlson et coll., 2009renvoi vers).
En envisageant l’analyse à partir des différents discours tenus sur l’usage de drogues, le soin et la réduction des risques, les problématiques de mésusages et de pharmacodépendances chez les usagers de drogues se construisent entre intentionnalités thérapeutiques, d’une part, et usages problématiques, d’autre part. Dans cette approche, comprendre les logiques de mésusages implique d’intégrer le rapport dynamique qui s’établit entre prescripteur et usager. À prendre en compte les logiques symboliques, les intentionnalités et les pratiques propres à chaque champ, l’enjeu de l’analyse s’appréhende à la croisée du champ des usagers, du champ thérapeutique et du champ de la réduction des risques.

Terrain des usagers de drogues

Pour améliorer les connaissances en matière d’usages de drogues, les chercheurs mènent des investigations à partir de deux grandes catégories de populations : les enquêtes dites en population générale et les travaux développés auprès des populations à haute prévalence d’usage. Les études en direction des usagers de drogues sont menées auprès de personnes consommatrices de substances illicites ou détournées, approchées du fait de leur fréquentation de lieux institutionnels spécifiques à caractère sanitaire, social ou judiciaire (Toufik et coll., 2000renvoi vers). Une autre part des travaux développés auprès des usagers de drogues se construit à partir d’espaces plus ou moins raisonnés et homogènes comme, par exemple, l’espace festif (Bello et coll., 2001renvoi vers) ou la rue (Jamoulle, 2000renvoi vers).
De la même manière que les usages envisagés en population générale font l’objet de segmentations par âge ou de sous-catégories sociales ou régionales, la population dite des usagers de drogues fait l’objet de sous-segmentations à partir des différents espaces définis. Citons à titre d’exemple des travaux menés dans le milieu festif de la culture rock (Aquatias, 2002renvoi vers), dans l’espace festif « musique électronique » (Reynaud-Maurupt et coll., 2007renvoi vers), en contextes festifs gais (Fournier et Escots, 2010renvoi vers), ou usagers nomades ou en errance urbaine (Bello et coll., 2005renvoi vers).
Ces enquêtes ne prétendent pas représenter l’exhaustivité de la population, mais des segments de celle-ci limitant ainsi les conclusions possibles. Il serait illusoire d’envisager la population dite des usagers de drogues de façon homogène. Elle recouvre des sous-groupes socioculturels et des trajectoires individuelles d’usage très disparates.
Au sein de ces différents segments de la population dite des usagers de drogues, les phénomènes de mésusages et de pharmacodépendances aux médicaments psychotropes sous forme d’usage non conforme, d’usage problématique, de détournement des modes d’administration ou d’obtention, d’addiction ou de toxicomanie, y sont observables dans des proportions variables selon les médicaments concernés, les contextes sociodémographiques et d’usage.

Sémiotique1 du mésusage dans le champ des usages de drogues

Une clarification des champs sémantiques est utile pour se repérer et situer les enjeux de l’expertise. Différents termes sont utilisés dans la littérature pour parler du mésusage. Barrett et ses collaborateurs ont réalisé en 2008, une analyse des définitions concernant les mésusages de médicaments psychotropes (prescription drug misuse), utilisées dans les publications scientifiques de langue anglaise entre 2001 et 2008. Il ressort de cette analyse une absence de consensus pour définir le mésusage. En effet, il n’y a pas actuellement dans la littérature internationale de normes communément admises pour définir en quoi consiste le mésusage et une large gamme de critères est utilisée selon les travaux (Barrett et coll., 2008renvoi vers). Selon ces auteurs, les différents travaux s’organisent à partir de plusieurs axes que l’on peut regrouper dans le tableau 7.Irenvoi vers.

Tableau 7.I Critères de définition du mésusage utilisés dans la littérature (d’après Barrett et coll., 2008renvoi vers)

Statut de l’usage
Utilisation hors prescription
Motif de l’usage
Recherche de « défonce » ou d’euphorie
Conséquences de l’usage
Symptômes d’abus ou de dépendance
Combinaison de plusieurs d’entre eux
Dans le cadre de ce rapport, le terme de mésusage est réservé à la consommation sans prescription médicale ou bien à la consommation non conforme aux indications de la prescription. Le terme de détournement est appliqué aux voies d’obtention du médicament hors prescription (marché de rue, don...) ou bien en dehors des règles de délivrance (polyprescription, ordonnances volées ou falsifiées...). Néanmoins, les termes utilisés par les auteurs des articles analysés dans le chapitre sont conservés.
En France, la notion de mésusage est souvent associée à l’usage détourné ou au détournement d’usage. Dans plusieurs publications, l’OFDT utilise « usage détourné » mais, contrairement à d’autres notions fréquemment utilisées, ce terme ne fait pas l’objet d’une définition indexée dans son glossaire2 . Il recouvre, selon les publications, des caractéristiques différentes combinant la non conformité de l’usage du point de vue médical, sa finalité, le mode d’administration ou le mode d’obtention. On retrouve la même situation dans l’enquête Oppidum (Observation des Produits Psychotropes Illicites ou Détournés de leur Utilisation Médicamenteuse) (Afssaps, 2007renvoi vers) des CEIP (Centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance) où la notion de détournement s’appréhende au travers d’une série de critères combinés. Ainsi, s’agissant de détournement d’usage de benzodiazépines, l’enquête prend en considération le statut illégal du mode d’obtention et l’usage non conforme appréhendé au travers du non-respect des doses recommandées. La finalité de l’usage n’est pas prise en compte et les conséquences sont envisagées en termes d’abus ou de dépendance.
Les derniers rapports du dispositif Trend proposent de donner des repères à propos du mésusage dans le cadre de l’usage détourné de BHD (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Dans ces rapports, mode d’acquisition, trafic, intentionnalité de l’usage et mode d’administration non conforme, constituent les dimensions du mésusage. Pour les auteurs, si le mésusage est référable à un « usage hors normes d’usage définies par l’AMM3 (...) l’usage à visée thérapeutique est loin d’être exempt de mésusage ». L’intention de l’usager d’améliorer sa situation sanitaire ou sociale se réalise parfois dans des pratiques considérées comme des formes de mésusages.
Lovell distingue la notion d’usage détourné qu’elle réfère aux indications pharmacologiques officielles, de celle de fuitage pharmaceutique qui traduit la notion anglophone de pharmaceutical leakage (Lovell et Aubisson, 2008renvoi vers). Cette notion que l’on peut rattacher aux apports de l’interactionnisme symbolique concernant la sociologie de l’usage de drogue (Becker, 1985renvoi vers et 2001renvoi vers) se caractérise par un « transfert du médicament du cadre médical d’utilisation vers un autre espace social » (Lovell et Aubisson, 2008renvoi vers). Fort utilement, Lovell propose de distinguer la question des drogues, appréhendée comme un problème social (Duprez et Kokoreff, 2000renvoi vers) ou un problème sécuritaire (Feroni et Lovell, 2007renvoi vers), des logiques, des significations et des relations établies de façons individuelles et collectives par les consommateurs de drogues. Cet ensemble de dimensions pratiques et sémiotiques spécifiquement attaché aux usagers de drogues, se retrouve dans la sociologie française sous la notion de « mondes de la drogue ».
Ainsi, mésusage est une notion englobante qui fonctionne avec « et » et « ou ». Elle s’appréhende dans trois dimensions distinctes (figure 7.1Renvoi vers).
Figure 7.1 Dimensions appréhendant la notion de mésusage
Qu’il s’agisse des modes d’obtention, de la conformité ou non de l’usage, ou des conséquences de celui-ci, la caractérisation de ces phénomènes reste accessible à partir de critères objectivables et extérieurs à l’usager lui-même. En revanche, la question des finalités de l’usage fait intervenir des logiques qui mettent en jeu à la fois des dimensions sémiotiques, pratiques et contextuelles propres à chaque consommateur. Elles ne peuvent se déduire qu’à partir des discours des usagers et de l’observation de leurs pratiques.

Approche sémiotique des finalités des mésusages

Les finalités d’usage d’un médicament psychotrope en dehors du champ médical sont multiples et recoupent des contextes et des moments différents dans l’histoire de l’individu. De plus, les usagers sont souvent engagés dans des polyconsommations où chaque molécule peut avoir, pour une même personne, des finalités différentes. Enfin, l’inscription sociale de l’usage peut s’appréhender selon un axe polarisé entre affiliation et désaffiliation sociale (Castel, 1994renvoi vers et 2000renvoi vers) où chaque situation se présente rarement de façon univoque. Les usagers sont engagés à des degrés variables dans des modes de vie liés aux drogues, développant dans le temps plusieurs stratégies de survie (Jamoulle, 2001renvoi vers). Néanmoins, la clarification des différents sens que peuvent revêtir pour les usagers les formes d’usage en dehors du cadre médical est utile pour comprendre les phénomènes de mésusages et de pharmacodépendances.
Si, du point de vue de l’observateur, tous les mésusages peuvent s’apprécier de façon équivalente, ils ne s’inscrivent pas pour autant du point de vue de l’usager dans la même logique de finalité. Indépendamment des modes d’obtention et des modalités d’usage non conforme, une première distinction opère dans le discours des usagers et dans l’observation que l’on peut faire de leurs pratiques de consommation, entre logique d’automédication et logique de l’usage de drogue (figure 7.2Renvoi vers).
Figure 7.2 Sens et fonctions des usages de médicaments psychotropes en dehors du champ médical analysés à partir d’études réalisées auprès de populations d’usagers de drogues
L’automédication est une forme de rapport aux médicaments qui n’est pas propre aux usagers de drogues et l’observation de ce phénomène ne se réduit pas aux médicaments psychotropes. L’automédication de souffrances psychiques existe chez des personnes socialement insérées qui consomment aussi des drogues illicites (Fontaine et Fontana, 2003renvoi vers et 2004renvoi vers). Elle est observée également dans des populations d’usagers précarisés. Dans tous les cas, les médicaments concernés sont essentiellement des benzodiazépines ou des opiacés de substitution. En dehors du clonazépam (Rivotril®) et du flunitrazépam (Rohypnol®), différentes benzodiazépines sont utilisées pour les mêmes fonctions chez les usagers de drogues (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). L’utilisation ponctuelle en dehors du champ médical d’une benzodiazépine pour soulager une souffrance ou un symptôme psychique existe aussi chez les usagers de drogues, par exemple avec des molécules comme le clorazépate dipotassique (Tranxène®) ou le flunitrazépam (Rohypnol®) (Reynaud-Maurupt et Reynaud, 2003renvoi vers). Les opiacés de substitution peuvent également être utilisés dans les mêmes finalités ; la BHD, par exemple, est utilisée parfois en automédication de l’anxiété (Escots et Fahet, 2004renvoi vers).
L’automédication ne vise pas seulement la réduction ou la disparition d’un phénomène symptomatique vécu comme problématique (angoisse, anxiété, trouble du sommeil...), mais peut aussi tendre explicitement à améliorer les performances de la personne sur différents plans de son existence (endurance dans des activités festives, professionnelles, sexuelles), en levant des inhibitions sur le plan social et relationnel, pour entrer en contact, ou s’intégrer dans des groupes. C’est le cas pour certains usagers qui utilisent la BHD en contexte festif ou dans le cadre de leur activité professionnelle pour améliorer leur sociabilité, chez des commerciaux par exemple (Escots et Fahet, 2004renvoi vers). L’utilisation détournée de benzodiazépines permet pour certains usagers très précarisés de faire face aux conditions difficiles de leur mode de vie, voire de trouver le courage de passer à l’acte (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). L’amélioration des performances sexuelles est aussi mentionnée avec la BHD (Escots et Fahet, 2004renvoi vers) ou dans l’utilisation de benzodiazépines comme aphrodisiaque (Reynaud-Maurupt et Reynaud, 2003renvoi vers).
Le recours des usagers de drogues à des médicaments en dehors du champ médical pour gérer des symptômes de sevrage aux opiacés est probablement aussi ancien que l’usage moderne des drogues (Yvorel, 1993renvoi vers). Rappelons qu’avant 1996, le Néocodion® (qui contient de la codéine) était très largement utilisé à cette fin (Allaert et coll., 1999renvoi vers ; Toufik et coll., 2010renvoi vers). Benzodiazépines et médicaments de substitution aux opiacés (MSO) sont consommés par les usagers de drogues pour gérer les situations de manque d’opiacés (Reynaud-Maurupt et Verchère, 2003renvoi vers).
Les médicaments psychotropes sont également utilisés de façon non conforme pour modifier l’état physique ou psychique résultant de la consommation d’un autre psychotrope licite ou illicite. La régulation des effets des psychotropes dans le cadre de polyconsommations est décrite depuis le début de l’observation systématique des phénomènes d’usage de drogues en France. Dans ces observations, en dehors de la kétamine et du gamma-hydroxybutyrate (GHB), les médicaments principalement retrouvés sont des benzodiazépines et des opiacés. Les descriptions de différentes associations de produits parmi lesquels des médicaments psychotropes détournés, ont permis de dégager onze fonctions réparties selon quatre grandes catégories de finalités : maximaliser, équilibrer, contrôler et substituer les effets des psychotropes (Toufik et coll., 2000renvoi vers). L’utilisation substitutive de médicaments psychotropes pour réguler, c’est-à-dire corriger les effets d’une autre substance, ne répond pas aux mêmes logiques selon les contextes. Remplacer un produit par un autre pour poursuivre un épisode de défonce en gérant la pénurie d’un produit recherché ou en utilisant un autre produit pour limiter des effets indésirables, n’est pas la même chose que gérer le manque pour sortir de l’épisode de consommation, comme par exemple en utilisant de la méthadone au terme d’une séquence d’usage d’héroïne, ponctuelle mais suffisamment intense pour induire un syndrome de sevrage.
En examinant l’usage contemporain des substances psychoactives illicites ou détournées, dans une perspective anthropologique qui vise à rendre compte de la logique interne de l’usage, on repère dans la littérature un type de finalité nommé ou décrit en termes de défonce ou d’usage toxicomaniaque. Lalande et Grelet, par exemple, parlent de pratique de défonce (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers). De nombreux auteurs ont recours à cette notion, laissant supposer qu’elle correspond à une réalité spécifique sans toutefois parvenir à en préciser nettement les contours. L’usage toxicomaniaque peut recouvrir l’ensemble des fonctions précédemment décrites sans distinction de ce qui relève de finalités différentes, dès lors que, s’agissant des médicaments psychotropes, l’usage considéré n’est pas conforme au cadre pharmaceutique et médical. De même, la notion de défonce peut recouvrir des réalités variées selon que l’auteur situe son analyse dans une logique de recherche de plaisir, de modification de l’état de conscience, ou en considérant un niveau élevé d’intensité d’effet. Dans la démarche de catégorisation d’une recherche de défonce chez l’usager, il n’est pas toujours aisé de distinguer la part de recherche de désinhibition ou d’automédication, d’une troisième dimension qui relèverait d’une finalité spécifique. Ces distinctions n’apparaissent pas toujours clairement dans les discours des usagers ; et selon les contextes de consommation et les moments de la trajectoire d’usage, les différentes fonctions coexistent dans un même discours pour un même sujet (Fontaine et Fontana, 2003renvoi vers).
Une distinction devient possible pour le chercheur s’il utilise le matériel recueilli de façon déductive en s’intéressant, en matière d’état de conscience recherché, à la phénoménologie de ce qui constitue finalement l’objet de ce qui est éprouvé par le sujet du discours. En effet, il existe une forme de discours sur la finalité de l’usage où ne se manifeste aucune autre fin que celle d’éprouver en soi l’effet de la substance. La fonction de la substance incorporée n’opère pas sur une partie du sujet (son mal-être, son inhibition) mais sur son être considéré dans le discours comme une totalité. C’est cette forme de discours spécifique où l’usage s’articule à partir d’expression comme « se défoncer », « se casser », « se mettre à l’envers »... ou bien au travers d’états ou d’actions qui concernent le sujet : il s’agit « d’être soi », de « se connaître », « s’éprouver »..., la forme pronominale renvoyant précisément à un soi global visé par l’usage.
Parmi les usagers de drogues intégrés professionnellement, Fontaine et Fontana distinguent un type d’attitude dans la recherche d’effet où l’usager cherche à se défoncer (Fontaine et Fontana, 2003renvoi vers). Cette étude qualitative met particulièrement en évidence ce type d’usage où la substance fonctionne comme une forme particulière de rapport à soi (Fontaine et Fontana, 2003renvoi vers). Pour ces auteurs, « s’expérimenter, s’observer et apprendre à maîtriser ses émotions, trouver sa manière personnelle de consommer, s’éprouver, se connaître, font partie de l’expérience des états modifiés de conscience. ». Dans le cadre d’usage détourné, ce type de recherche d’effet a été mis en évidence dans de nombreux travaux. Les rapports Trend l’ont systématiquement décrit pour l’ensemble des médicaments psychotropes détournés. Le dernier rapport publié en 2010 oppose l’usage thérapeutique à l’usage toxicomaniaque pour caractériser le mésusage de BHD (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Reynaud-Maurupt a montré que les benzodiazépines pouvaient signifier pour certains usagers une défonce plus accessible (Reynaud-Maurupt et Reynaud, 2003renvoi vers) dans le sens d’un « bon » rapport entre les efforts pour se procurer le produit et l’efficacité des effets obtenus. Des logiques d’usages dérivés de cultures d’utilisation non médicale conduisent parfois à utiliser les traitements de substitution aux opiacés (TSO) dans des objectifs de défonce (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers). D’autres travaux ont mis en évidence un type de rapport entretenu par certains usagers avec la BHD, qui fonctionne dans une logique d’effets identique à celle que l’on peut rencontrer avec l’héroïne ou la cocaïne (Escots et Fahet, 2004renvoi vers ; Guichard et coll., 2006renvoi vers).
À l’examen, les différentes formes de finalités d’usage en dehors du champ médical se recoupent dans la littérature au travers de dynamiques où la recherche hédoniste est une intentionnalité centrale. L’usager actualise de multiples intentionnalités dans plusieurs types d’usages qui l’inscrivent dans des positions instables d’affiliation et de désaffiliation sociales, entre pratiques hédonistes, toxicomanie et pratiques pour sortir de la toxicomanie. Se dessine alors un parcours sémiotique et pratique où chaque position peut en entraîner une autre dans un enchaînement logique : « le vouloir être » hédoniste pouvant impliquer l’état social non voulu de toxicomane (Castel, 1994renvoi vers) impliquant à son tour un « vouloir faire » pour sortir de cet état social subi.

Examen des phénomènes de mésusage pour différents types de médicaments psychotropes

L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) définit les usagers problématiques de drogues selon deux critères : l’usage intraveineux ou l’usage régulier d’opiacés ou de stimulants (cocaïne, amphétamine) (Costes, 2010renvoi vers). En France, parmi les 230 000 usagers problématiques de drogues estimés de 15-64 ans, 81 000 sont des utilisateurs « actuels » de la voie veineuse (Costes, 2009renvoi vers). Pour ce qui concerne les médicaments psychotropes, ces usagers problématiques de drogues sont essentiellement concernés par la consommation de médicaments de substitution aux opiacés, de somnifères et d’anxiolytiques (Toufik et coll., 2008renvoi vers). Pendant plusieurs années, le flunitrazépam (Rohypnol®) a concentré une grande partie des mésusages de médicaments psychotropes non-opiacés chez les usagers de drogues. À la suite de la restriction de son AMM en 2001, on a observé le développement du mésusage d’autres molécules de la famille des benzodiazépines, notamment le clonazépam (Rivotril®) et le diazépam (Valium®) (Bello et coll., 2004renvoi vers).
Les données les plus récentes concernant les TSO (Canarelli et Coquelin, 2010renvoi vers) montrent une nette prédominance de prescriptions de BHD par rapport à celles de méthadone en France. L’injection de BHD reste une pratique préoccupante et certains usagers ne parvenant pas à renoncer à ce mode d’administration s’injectent tout ou partie de leur traitement (Toufik et coll., 2010renvoi vers). Un nombre significatif d’usagers perçoit les MSO comme plus problématiques que l’héroïne. En 2008, la BHD apparaît à 22 % des usagers enquêtés dans les Caarud (Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction de risques pour Usagers de Drogues) comme le produit le plus problématique (Toufik et coll., 2008renvoi vers). La BHD fait l’objet de trafic, ce qui a conduit à la mise en place d’action de contrôle par l’Assurance maladie à partir de 2004. Depuis, les indicateurs de détournement sont en baisse significative (Canarelli et Coquelin, 2010renvoi vers). Pour autant, ces actions n’ont eu finalement que peu d’impact sur la disponibilité de la BHD sur les marchés parallèles, ceux-ci s’étant progressivement adaptés et restructurés à partir de 2006 (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Cet ensemble d’éléments rend légitime de s’intéresser tout particulièrement au phénomène de mésusage et de détournement de cette molécule.
Les modalités de la mise sur le marché de ce MSO sont une singularité française qui résulte d’un contexte socio-sanitaire spécifique (Coppel, 2002renvoi vers) où l’on assiste à un véritable changement de paradigme en matière de soins aux toxicomanes (Bergeron, 1999renvoi vers). Rappelons que la BHD a été introduite en France au milieu des années 1990, à côté du système de soins où domine alors un paradigme psychodynamique (Bergeron, 1999renvoi vers ; Coppel, 2002renvoi vers) qui postule le recours aux drogues comme résultat d’une problématique psychique du sujet. L’introduction de TSO induit à cette époque un changement majeur de cadre conceptuel, mais qui va rester « souterrain » dans les premiers temps de sa mise en place car les professionnels sont peu formés ou informés des conséquences de cette évolution (Coppel, 2004renvoi vers). Ce contexte historique conduit à appréhender les phénomènes de mésusage de la BHD dans la globalité de l’offre de soins et de TSO. En effet, ces phénomènes de mésusages s’inscrivent dans la réalité française actuelle de l’offre de soins aux usagers de drogues, qui résulte de choix politiques dans une situation historique de conflits et de contradictions entre différents acteurs et niveaux politiques, économiques et sanitaires.
Les anesthésiques détournés comme la kétamine ou le GHB concernent des sous-groupes de populations essentiellement en contexte festif ou très marginalisés dans des usages récréationnels qui cependant génèrent du trafic, des abus d’usage et des usages problématiques (notamment à l’origine de comas), mais peu de pharmacodépendances (Reynaud-Maurupt et Akoka, 2004renvoi vers ; Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers ; Fournier et Escots, 2010renvoi vers). En ce qui concerne la kétamine, sa disponibilité s’accroît ces dernières années et, d’un usage majoritairement opportuniste4 , elle serait à l’origine d’une demande plus active chez les nouveaux usagers ; de plus, des usages quotidiens sont signalés de façon marginale (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers) avec, pour corollaire, les risques connus de tolérance et de pharmacodépendance (Pal et coll., 2002renvoi vers). Contrairement à la kétamine, l’usage du GHB reste cantonné aux contextes festifs.
Les antidépresseurs, les antipsychotiques et les antiparkinsoniens ne font pas l’objet de phénomènes significatifs de mésusage ou de pharmacodépendance chez les usagers de drogues ou de façon exceptionnelle et à la marge (Fontaine et Fontana, 2003renvoi vers ; Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Toutefois, le mésusage de trihexyphénidyle (Artane®) est signalé depuis le début de l’observation systématique des usages de drogues en France (Toufik et coll., 2000renvoi vers). Il s’agit d’un usage limité à des populations très précarisées et souvent affectées de troubles psychiatriques, qui recherchent soit un soutien pour faire face aux conditions de vie de la rue en utilisant de faibles doses, soit les effets hallucinogènes induits par des dosages élevés (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers).
Les médicaments psychostimulants (méthylphénidate ou Ritaline® ; modafinil ou Modiodal®) font l’objet d’observations ces dernières années qui conduisent à s’interroger sur l’émergence d’un phénomène de fuitage pharmaceutique pour cette classe pharmacologique. Plusieurs sources convergent pour confirmer l’hypothèse de l’installation de mésusages de méthylphénidate (Ritaline®) dans certains sous-groupes de populations précarisées en région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) où l’injection du produit serait majoritaire (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). À Paris, des observations de mésusages émanent de contextes festifs ou dans le cadre de prescription chez des consommateurs de cocaïne (hors AMM). Ces mésusages interpellent dans un contexte global de développement d’une demande de psychostimulants qui va bien au-delà d’un usage médical, pour aboutir à ce que Jérôme Goffette définit comme usages anthropotechniques (Goffette, 2008renvoi vers). Cette demande s’inscrit dans un mouvement de transhumanisme décrit par des philosophes et des anthropologues, où ces techniques de transformations de l’homme (anthropotechnie) posent la question des frontières entre curing et enhancing (guérir et faciliter).
Ces mésusages de médicaments psychostimulants émergent dans un contexte sans précédent de diffusion de psychoactifs stimulants (cocaïne, amphétamines...), tant en population générale que chez les usagers de drogues (Costes, 2010renvoi vers).

Phénomènes de mésusages des opiacés de substitution chez les usagers de drogues

Les usagers de drogues ont un rapport avec les opiacés de substitution différent selon qu’ils demandent une prise en charge de soins, visent une gestion du manque ou recherchent des effets psychotropes en soi (Guichard et coll., 2006renvoi vers). Les patients bénéficiant d’une prescription de TSO, rencontrés par Lalande et Grelet dans leur étude, montrent que s’ils venaient pour traiter un problème médical ou chercher une aide, aucun ne recherchait une prise en charge de ses problèmes de toxicomanie (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers). En effet, il existe une différence pour l’usager entre demander une aide pour traiter les conséquences sanitaires ou sociales de l’usage et traiter « sa » toxicomanie envisagée comme une pathologie qu’il ne reconnaît pas pour sienne. Les profils sociodémographiques, psychopathologiques, les trajectoires d’usage et les attentes spécifiques à l’égard des traitements, conduisent à une diversité de besoins (Aides, 2002renvoi vers).
L’examen de la littérature montre que des formes de mésusages de méthadone existent, mais qu’ils sont moins significatifs dans leur ampleur et les problèmes qu’ils posent, que ceux relatifs à la BHD (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Le trafic de méthadone se structure lentement et les auto-substitutions progressent, notamment dans une finalité de gestion du manque et de « descente de stimulants ». La forme de méthadone gélule est désormais disponible et des cas d’injection sont signalés de façon marginale (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers).
Les sulfates de morphine ne disposent d’aucune AMM dans le traitement des pharmacodépendances majeures aux opiacés bien qu’une note de la DGS5 de juin 1996, tolère leur utilisation en cas de nécessité thérapeutique dans certains cas particuliers (contre-indication, inadaptation des autres traitements). La disponibilité des sulfates de morphine concerne essentiellement le Skénan®, spécialité dont l’accessibilité hors prescription est globalement faible et dont le trafic fluctue selon les endroits en fonction des pratiques médicales. Il existe une demande de Skénan® chez les usagers pour qui l’image est souvent très positive du fait de son profil pharmacologique d’agoniste des récepteurs aux opiacés et de la possibilité d’injection. Le dispositif Trend6 a décrit trois types d’usagers de sulfates de morphine : d’anciens héroïnomanes relativement âgés, dont certains s’assurent une vie sociale insérée en recourant à cet usage ; d’autres usagers aussi âgés que les précédents, mais précarisés, qui s’injectent des sulfates de morphine dans une logique d’usage de drogue, substituant héroïne ou BHD à cette fin ; enfin, des usagers plus jeunes, nomades ou en errance urbaine, qui s’injectent le Skénan® à fortes doses dans des logiques d’usages de drogues (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Parmi les usagers de crack ou de free base, les sulfates de morphine sont utilisés comme d’autres opiacés dans une logique de régulation d’épisode de consommation (Escots et Sudérie, 2010renvoi vers).
Une part significative des usages de BHD s’inscrit en dehors de tout projet thérapeutique individuel (Perrin et coll., 2002renvoi vers). Ce constat a été confirmé à plusieurs reprises par les enquêtes Prelud 2003 et 2006, ENa-Caarud 2008, Oppidum 2010 (Cadet-Taïrou et coll., 2007renvoi vers ; Toufik et coll., 2008renvoi vers ; Afssaps, 2010renvoi vers ; Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Toutefois en centres spécialisés de soins aux toxicomanes (Csapa : Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie), une majorité des usagers consommateurs de BHD le sont dans un protocole thérapeutique (Afssaps, 2010renvoi vers ; Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Ces dernières années, la proportion d’usagers inscrits dans un protocole thérapeutique en Csapa est plus importante avec la méthadone que la BHD (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers ; Afssaps, 2010renvoi vers).
L’usage non substitutif a été identifié dès les premières années qui ont suivi la mise sur le marché de la BHD. Il concerne des usagers pour qui la BHD est le premier opiacé consommé ou celui qui est la cause d’une primo-dépendance aux opiacés (Escots et Fahet, 2004renvoi vers). Deux logiques d’usage ont été identifiées dans une étude entièrement dédiée à ce phénomène : l’usage de drogue et l’automédication qui recouvre les fonctions déjà mentionnées de soulagement d’une souffrance psychique ou d’amélioration des performances (Escots et Fahet, 2004renvoi vers). Cette enquête a montré que si les usages non substitutifs concernent les usagers jeunes et précarisés, ainsi que des usagers socialement intégrés, ce type d’usage est observable dans différents espaces festifs, confirmant ainsi le potentiel de diffusion de la BHD à l’ensemble des populations d’usagers de drogues. Cette diffusion large de la BHD est confirmée dans le dernier rapport Trend (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). L’usage non substitutif représentait en 2002 un quart des usagers de BHD fréquentant les structures de première ligne. Primo-consommation et primo-dépendance à la BHD apparaissent en baisse dans l’enquête Oppidum de 2008 qui concerne une population dont le recrutement est différent (Caarud pour l’enquête structures de première ligne de l’OFDT ; médecine générale et Csapa pour Oppidum) (Afssaps, 2010renvoi vers). L’usage non substitutif est probablement sous-estimé dans la mesure où la reconstitution du parcours d’usage nécessaire à son identification n’est pas facile à établir notamment avec des usagers jeunes et précarisés (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers), d’autant que l’image peu valorisée de la BHD tend à en sous-déclarer la primo-dépendance (Escots et Fahet, 2004renvoi vers).
Dans les premières études menées auprès des usagers de drogues, il apparaissait une prévalence significative de l’injection de BHD (Vidal-Trécan et coll., 2001renvoi vers). L’injection de BHD demeure fréquente, notamment dans certains sous-groupes de population les plus en difficultés avec leur pharmacodépendance ou très précarisés (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Toutefois, l’injection apparaît en légère baisse ces dernières années dans l’enquête Oppidum 2008 (Afssaps, 2010renvoi vers). Pour certains auteurs, il n’y a pas de corrélation entre troubles psychiques et injection de BHD (Phan et coll., 2005renvoi vers). Dans les enquêtes qui sollicitent le point de vue des usagers, l’injection de BHD est associée à différents éléments : à l’échec et à l’insatisfaction vis-à-vis du traitement (Aides, 2002renvoi vers) ; à la difficulté à renoncer à l’effet de « flash » lié à l’élévation rapide de la concentration plasmatique, malgré parfois le désir de sortie de la toxicomanie (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers) ; aux inconvénients des autres modes d’administration (moindre effet ressenti, goût désagréable en prise sublinguale) (Aides, 2002renvoi vers ; Escots et Fahet, 2004renvoi vers) ; ou aux effets de défonce ressentis par injection dans le cadre d’usage non substitutif (Escots et Fahet, 2004renvoi vers). Enfin, l’injection de BHD est présentée dans plusieurs études comme liée à la jeunesse, à la précarité et aux modes de vie de rue (Obadia et coll., 2001renvoi vers ; Aides, 2002renvoi vers ; Escots et Fahet, 2004renvoi vers ; Lovell et Aubisson, 2008renvoi vers).
Le « snif » et la « fumette » de BHD sont aussi considérés comme des formes de mésusage (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Ces modes d’administration non conformes, moins fréquents que l’injection, s’observent chez des injecteurs qui préservent un capital veineux dégradé ou chez des jeunes primo consommateurs d’opiacés (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). Leur présence dans les études est bien moindre et renvoie à des pratiques liées à des sous-cultures des mondes de la drogue (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers). On peut les considérer comme des effets de reconfiguration des usages liés au fuitage pharmaceutique (Lovell et Aubisson, 2008renvoi vers). L’adoption d’un mode d’administration est liée en partie à la valorisation de celui-ci dans le groupe de référence où l’usager débute ou inscrit sa consommation (Escots et Fahet, 2004renvoi vers). Ainsi, le snif ou la fumette de BHD se rencontrent plus fréquemment en milieu festif ou parmi les consommateurs de crack ou de free base.
Dans l’analyse du mésusage, il convient de distinguer l’approvisionnement de la BHD hors prescription qui inscrit le mésusage dans une dimension socio-économique, des autres formes de mésusages (modes d’administration, doses, fréquences, finalités) qui concernent en premier lieu une dimension personnelle de l’usage (Obadia et coll., 2002renvoi vers ; Lovell et Aubisson, 2008renvoi vers). En 2006, 30 % des usagers fréquentant les structures de première ligne interrogés dans l’enquête Prelud, et qui s’approvisionnaient exclusivement au marché noir, déclaraient utiliser la BHD uniquement dans un but thérapeutique (auto-substitution) (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). La revente de BHD constitue un revenu pour un petit nombre d’usagers précarisés alors que le trafic organisé (notamment à visée internationale) est plutôt le fait de dealers (Cadet-Taïrou et coll., 2010renvoi vers). À titre indicatif, la part des bénéficiaires dont la prescription de BHD est supérieure à 32 mg est inférieure à 2 % (Canarelli et Coquelin, 2010renvoi vers). Une partie du trafic s’apparente plus à du dépannage qu’à une véritable activité organisée. L’obtention en dehors d’une prescription médicale peut être aussi le résultat d’échange dans des réseaux sociaux, dans le cadre de troc en prison ou de partage d’une partie d’un traitement au sein d’un couple (Escots et Fahet, 2004renvoi vers).
Depuis 1996, au fil des années, l’image de la BHD par les usagers s’est transformée à l’intérieur des mondes de la drogue. Après une première période où la BHD apparaissait aux usagers comme positive par rapport à l’héroïne, la tendance entre les deux produits s’est progressivement inversée à partir des années 2000 (Toufik et coll., 2010renvoi vers). Au cours de cette période, la BHD a acquis une réputation de drogue de rue (Canarelli et Coquelin, 2010renvoi vers). Pour une part d’usagers engagés dans une démarche de soin, la BHD conserve une image positive, alors que pour d’autres, elle a perdu de l’intérêt comme alternative à l’héroïne. Certains usagers légitiment le recours au marché noir, par le fait qu’il permet de compléter des prescriptions qu’ils estiment inadaptées à leurs besoins. Indirectement, le trafic renforce le mésusage du fait de l’altération significative de la représentation sociale d’un médicament utile au profit de l’image de « mauvaise drogue » (Obadia et coll., 2002renvoi vers ; Escots et Fahet, 2004renvoi vers).
En précisant le rapport des usagers à la BHD, Guichard et ses collaborateurs proposent de caractériser des profils d’usagers à partir de cinq axes : mode d’appropriation du produit ; modes d’usage ; vécu de la toxicomanie ; situations sociales, réseaux dans lesquels l’usager inscrit ses relations sociales, modes de vie ; image de soi (Guichard et coll., 2006renvoi vers). L’étude montre que du point de vue des usagers, la BHD peut être un médicament ressource pour sortir de la toxicomanie, un traitement de maintenance et de confort envisagé à long terme, une drogue pour se défoncer et même un « produit diabolique » qui persécute l’usager en aggravant sa situation sanitaire et sociale. Ainsi pour certains, y compris un sous-groupe engagé dans des usages qui ne sont pas toujours conformes, la BHD est une ressource pour sortir de la toxicomanie. Pour d’autres, il s’agit de mieux gérer une vie dans laquelle l’usage de drogue est une composante. Et pour d’autres encore, la BHD constituera un processus continu de détérioration des conditions de vie. Si de nombreux indicateurs épidémiologiques se sont améliorés, cette situation pose question sur l’amélioration de la situation sociale et la qualité de vie d’un certain nombre d’usagers (Guichard et coll., 2006renvoi vers).

Contexte des mésusages d’opiacés de substitution chez les usagers de drogues

Pour des raisons qui sont à la fois pharmacologiques, psychiques et sociales, le rapport qu’un usager pharmacodépendant va développer dans le temps avec les opiacés est dynamique et évolutif (Gibier, 1999renvoi vers). L’introduction de MSO dans cette dynamique est un paramètre qui va en influencer l’évolution, y compris dans les premières phases de la trajectoire d’usage. Les nouveaux usagers d’héroïne décrits dès le début des années 2000, ont rapidement accès aux TSO. Ils influencent ainsi de façon précoce leur « carrière » d’usagers d’héroïne en amorçant une phase de sortie dès les premiers signes de dépendance (Reynaud-Maurupt et Verchère, 2003renvoi vers). Ce constat clinique d’un rapport au produit dynamique et évolutif chez l’usager d’opiacé a conduit à envisager différentes stratégies de prises en charge en distinguant des seuils d’exigence qui correspondent à des intentionnalités thérapeutiques différentielles (Hervé, 2004renvoi vers). En effet, le choix du MSO, de son dosage, le mode de prescription et de délivrance plus ou moins individualisé ou standardisé, le contrôle ou non des prises, le type d‘accompagnement proposé, l’objectif évoluant plutôt vers l’abstinence ou la gestion du manque... dessinent des stratégies de TSO qui mettent en œuvre des intentionnalités différentes (Gibier, 1999renvoi vers).
Sous le terme de TSO, sont désignées en une même dénomination des intentions et des pratiques très différentes : le soin et la réduction des risques. En effet, les objectifs de la prise en charge médicale des usagers de drogues restent partagés entre deux philosophies : une stratégie de soin de la toxicomanie et la réduction des risques sanitaires et sociaux liés aux usages de drogues (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers). La première perspective vise au traitement de la dépendance en agissant sur les mécanismes de renforcement, la seconde au remplacement d’une substance par une autre dont les dangers sont réduits (Auriacombe et Daulouède, 2004renvoi vers). Dans le second cas, on ne cherche pas à intervenir sur la dépendance, mais sur les aspects socio-sanitaires liés à la consommation. Ces objectifs pluriels sont sources de tensions dans les pratiques médicales (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers). Le problème de pharmacodépendance lié à la BHD n’est pas simplement le résultat de ses propriétés pharmacologiques, mais se construit à partir des pratiques thérapeutiques, des cadres de régulations sociales, des modes de consommation individuelle et des polémiques publiques qui déterminent le contexte de prescription et d’usage (Lovell et Feroni, 2006renvoi vers).
Initialement en France, les deux MSO ont été positionnés du côté du soin (seuil haut d’exigence) sans prise en compte de la nécessité de seuil plus bas, laissant les usagers régler eux-mêmes ce besoin (Gibier, 1999renvoi vers). Ainsi, une part des usagers recherche une prise en charge médicale, alors qu’une autre est plus souvent en quête de produits que d’un médecin (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers ; Escots et Fahet, 2004renvoi vers). Dans une logique d’usage de drogues, l’acte médical se réduit parfois à une prescription dont le fondement ne repose ni sur l’interrogatoire, ni sur l’examen clinique ou biologique, pour un patient qui ne se considère ni malade, ni en demande d’un quelconque soin ou d’une relation thérapeutique. La relation médecin/usager se passe alors comme si le médecin ne se comportait plus comme un médecin face à un patient qui ne se comporte pas comme un malade (Escots et Fahet, 2004renvoi vers). À moins qu’à l’instar de certains praticiens, les prescripteurs, pour dépasser ces contradictions, acceptent de tenir une place médicale malgré la persistance de consommation de défonce à côté du traitement (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers). Ce type de situations cliniques à forte personnalisation de la pratique médicale suppose une compétence spécialisée. Or, si moins de la moitié des médecins généralistes (45 % en 2001) déclare avoir suivi une formation en toxicomanie, seulement moins d’un quart se considèrent formés (Duburcq et coll., OFDT, 2002renvoi vers). La question de l’acquisition de compétences spécialisées pour les prescripteurs de TSO a souvent été soulignée (Toulemonde et coll., 2003renvoi vers). Des données récentes concernant le département d’Ille-et-Vilaine tendraient à montrer que ce problème persiste, puisque seulement 33 % des prescripteurs de TSO dans une enquête menée auprès de médecins généralistes libéraux avaient bénéficié d’une formation à la prescription des TSO (Neau, 2010renvoi vers).
Pour certains auteurs, l’absence de médicaments de substitution adaptés aux besoins d’usagers de drogues qui n’envisagent pas de modifications immédiates de leurs comportements addictifs est responsable d’une part des mésusages observés avec les MSO (Lalande et Grelet, 2001renvoi vers ; Auriacombe et Daulouède, 2004renvoi vers ; Guichard et coll., 2006renvoi vers), le mésusage de TSO pouvant correspondre à une forme d’auto-régulation.
En conclusion, les études sur le mésusage de médicament chez les usagers de drogues ne font pas toujours référence aux mêmes critères pour construire leurs travaux. Une analyse sémiotique (sens) des concepts utilisés dans les différents champs sémantiques (du monde de la drogue, du monde médical ou de la réduction des risques), permet de contextualiser et de clarifier ce que chacun entend par mésusage, mais surtout quels sont les enjeux propres des différents acteurs.
Au-delà d’une position unique qui entendrait définir le mésusage de « l’extérieur », une approche socio-anthropologique permet de retrouver les logiques des acteurs de « l’intérieur » pour en dégager les points d’articulation en situation. Dans cette perspective, le mésusage renvoie à des logiques de mésusages pluriels correspondant à des contextes multiples selon les produits, les groupes et les intentions.
Si les différents mésusages de MSO observés sont une préoccupation médicale, sociale et politique, leur compréhension relève d’une mise en perspective à la fois historique (mise en place des TSO en France), des systèmes socio-sanitaires actuels (dispositifs de soins, de réduction des risques, et d’aides sociales), et de l’évolution des usages de drogues ces dernières années, avec les logiques de consommation des usagers et d’intervention des acteurs.

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