Médicaments psychotropes
Consommations et pharmacodépendances

2012


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Recommandations
Dans un contexte où l’importance de la consommation de médicaments psychotropes est constatée en France, comme dans d’autres pays d’Europe, certains de ces médicaments, à l’instar d’autres substances psychoactives (alcool, tabac, cocaïne...), sont susceptibles d’engendrer chez les consommateurs abus, usage nocif, voire dépendance. La consommation, principalement renseignée par les enquêtes nationales déclaratives, est le résultat d’usages prescrits et non prescrits. Les risques de mésusage, d’abus et de pharmacodépendance inhérents à la prescription ne doivent cependant pas faire oublier les bénéfices de la prescription de médicaments psychotropes, y compris dans les groupes de patients les plus à même de développer une dépendance. Ainsi, les traitements de substitution de la dépendance aux opiacés ont démontré leur efficacité à réduire la mortalité des sujets dépendants à l’héroïne ainsi que les séroconversions VIH et hépatite C. De même, certaines benzodiazépines ont des indications dans la prévention et le traitement de l’épilepsie, notamment les crises liées au sevrage chez les sujets dépendants de l’alcool ou des sédatifs, ou dans le traitement des troubles anxieux sévères. Par ailleurs, pour une large part de prescriptions, il s’agit d’apporter un soutien médical au traitement de l’insomnie, de la souffrance liée à des difficultés de la vie familiale ou professionnelle, de la douleur en accompagnant la prise en charge des maladies chroniques ou bien encore, dans le cadre d’une gestion implicite des risques, d’éviter le recours à d’autres substances psychotropes comme l’alcool.
Cette relation aux substances, dont témoignent les consommations chroniques de médicaments psychotropes, ne s’apparente pas à celle qu’on associe plus généralement aux toxicomanies. Cela suggère de développer des pistes de recherche permettant de prendre en compte les multiples expressions du phénomène de dépendance, depuis les toxicomanies jusqu’aux diverses manifestations de la pharmacodépendance, sans négliger leurs différences, et notamment leur degré inégal de sévérité.
Par ailleurs, les études sur le mésusage de médicaments psychotropes et de médicaments de substitution aux opiacés chez les usagers de drogues ne font pas référence aux mêmes critères qu’en population générale. Selon l’approche socio-anthropologique, le mésusage renvoie à des logiques de mésusages pluriels, correspondant à des contextes multiples selon les produits, les groupes et les intentions.
De nombreuses données françaises ou internationales attestent de la relation qui lie le mésusage de médicaments psychotropes, les usages de drogues illicites, la morbidité (notamment psychiatrique) et également l’incarcération pénale. Ainsi, la population carcérale constitue un groupe à haut risque en matière d’usage de drogues et de mésusage de médicaments.
La France dispose de programmes de surveillance qui, par leur complémentarité, permettent d’accéder à un ensemble d’informations quantitatives ou qualitatives concernant le mésusage, l’abus et la dépendance aux médicaments psychotropes. En particulier, la France est le seul pays en Europe à avoir mis en place depuis les années 1990, un réseau national d’addictovigilance à travers les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance (CEIP), chargé de recueillir et d’évaluer les cas d’abus et de dépendance non seulement aux médicaments psychotropes mais également aux substances illicites.
On constate que les sources d’approvisionnement en médicaments psychotropes détournés sont nombreuses et variées. Une partie non négligeable des médicaments obtenus par la polyprescription, le nomadisme pharmaceutique, ou la falsification d’ordonnance alimente le marché de rue, qui représente la première source d’approvisionnement pour certaines personnes.
Des dispositions réglementaires en France, comme au plan international, visent à encadrer l’utilisation des médicaments psychotropes, selon leur classement comme stupéfiants ou substances psychotropes, afin de limiter les abus ou le détournement vers le trafic illicite tout en garantissant l’accès pour leur intérêt thérapeutique.
Des actions de prévention, adaptées aux différentes populations concernées (jeunes, adultes, personnes âgées, populations psychiatriques, toxicomanes...), aux types de consommation (médicaments prescrits, détournés...), aux diverses situations à risque, doivent s’intégrer dans une stratégie nationale s’appuyant sur le réseau existant de structures, de professionnels et des divers acteurs agissant dans le domaine sanitaire et médico-social de la prévention et des prises en charge des usagers de produits psychotropes.

Prévention en population générale

Sensibiliser et informer la population générale sur les risques liés à l’usage inapproprié de médicaments psychotropes
L’usage d’un médicament, quel qu’il soit, n’est pas anodin et engendre des effets divers liés à l’action pharmacologique du principe actif et de ses métabolites. La plupart des médicaments psychotropes permettent un traitement de la souffrance psychique et même physique. Par exemple, les antalgiques opiacés – dont certains sont en vente libre – sont largement utilisés pour lutter contre la douleur. De même, les hypnotiques sont fréquemment prescrits pour répondre à une plainte d’insomnie.
L’utilisation contrôlée des médicaments psychotropes, en suivant scrupuleusement les règles de prescription, limite le risque de pharmacodépendance. En revanche, ce risque deviendra beaucoup plus élevé dès lors qu’il y a mésusage. Le mésusage correspond souvent à un mode de consommation différent de celui prescrit (augmentation de la fréquence et des quantités absorbées...) ayant pour conséquence d’augmenter les concentrations cérébrales du produit psychotrope. Un certain nombre de circuits neuronaux et de cibles pharmacologiques sont maintenant bien identifiés comme jouant un rôle essentiel dans la mise en place des conduites addictives et leur maintien. Toutes les molécules capables d’interagir sur ces circuits et/ou ces cibles sont donc susceptibles de présenter des risques de mésusage et de pharmacodépendance.
Le groupe d’experts recommande de sensibiliser et mieux informer la population générale des risques liés à l’usage inapproprié de médicaments psychotropes. À l’instar des campagnes diffusées pour l’usage des antibiotiques, il apparaît important de sensibiliser la population via des campagnes d’information nationales, en partenariat avec l’Inpes, sur le bon usage des différentes classes de médicaments psychotropes.
En parallèle, pour prévenir un usage inapproprié des médicaments, et en particulier des médicaments psychotropes, des notions de pharmacologie pourraient être dispensées dans le cadre des programmes scolaires et des actions de prévention menées en milieu scolaire et universitaire.
Promouvoir une information du patient sur les risques lors de la primo-prescription
Pour permettre un bon usage des médicaments, et en particulier des médicaments psychotropes pour lesquels il y a un risque de survenue d’une dépendance, il convient que chacun dispose d’une information générale sur le médicament et soit renseigné au mieux sur le rapport bénéfice/risque lié à la prise des différentes classes de médicaments.
Sans remettre en cause l’intérêt thérapeutique des spécialités prescrites, plusieurs types de risques peuvent être encourus suite à la prise de médicaments psychotropes dans divers groupes de la population. Par exemple, chez les femmes enceintes, la prise de médicaments psychotropes (le plus souvent des benzodiazépines) prescrits afin de gérer l’anxiété, l’épilepsie, la pré-éclampsie ou l’éclampsie peut entraîner chez le nourrisson une hypotonie néonatale ou un syndrome de sevrage.
Le risque de pharmacodépendance n’est pas identique chez tous les individus. Parmi les facteurs de risque, l’existence d’antécédents d’abus ou de mésusages de produits psychoactifs peut induire des altérations neurobiologiques plus ou moins persistantes, rendant certains patients/utilisateurs plus vulnérables.
Compte tenu de la difficulté à interrompre un traitement anxiolytique ou hypnotique quand il est en place depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, il est nécessaire que les mesures de prévention, visant à éviter l’apparition d’une pharmacodépendance, ciblent particulièrement les primo-prescriptions.
Le groupe d’experts recommande au médecin d’informer le patient, tout particulièrement à l’occasion d’une primo-prescription, sur les indications du médicament psychotrope, les modalités du traitement (en particulier la dose et la durée), les bénéfices attendus, mais aussi les limites du traitement et les risques encourus par la personne dans certaines situations (manipulation d’engins, conduite automobile...). En particulier pour les benzodiazépines pour lesquelles l’efficacité clinique diminue, voire disparaît au-delà de la durée recommandée de traitement, une mesure de prévention du risque de pharmacodépendance consisterait à envisager d’emblée, lors de la primo-prescription, les modalités d’arrêt du traitement.
Même si les notices incitent à des restrictions d’usage pendant la grossesse, les femmes enceintes doivent bénéficier d’une information adaptée sur les bénéfices/risques d’une prise de médicament psychotrope pendant la grossesse et l’allaitement.
L’information sur les risques liés à l’usage inapproprié d’un médicament psychotrope, transmise par le médecin prescripteur lors de la consultation, peut être relayée par le pharmacien lors de la délivrance. Elle pourrait, d’autre part, faire l’objet de plaquettes explicatives disponibles dans les cabinets médicaux et les officines, ou figurer sur les notices insérées dans les boîtes de médicaments.
Afin de diffuser l’information et de sensibiliser les populations, il serait judicieux de s’appuyer sur les structures existantes en médecine préventive et médecine du travail, ainsi que sur les maisons de santé, les réseaux de gériatrie et les associations de patients et de familles. S’agissant des populations âgées, les programmes gériatriques en santé devraient participer à l’éducation thérapeutique concernant les médicaments psychotropes.

Prise en charge des populations dépendantes

Améliorer les conditions de prise en charge médicale des patients dépendants aux médicaments psychotropes
Gérer l’arrêt d’un traitement psychotrope est souvent difficile. La difficulté est d’autant plus patente que le patient est devenu dépendant. Une fois installée, la pharmacodépendance constitue une pathologie chronique qui nécessite des soins spécialisés, avec un risque de rechute élevé.
Afin de favoriser le sevrage et d’améliorer sa gestion, le groupe d’experts recommande aux médecins d’adapter aux différents cas cliniques des méthodes de sevrage préconisées par les autorités de santé, la plupart faisant appel à des décroissances progressives des doses de médicaments psychotropes, et ceci dans le cadre d’un cabinet ou d’une structure spécialisée pour traiter la dépendance. Il faut souligner la difficulté d’identifier les filières de soins capables de prendre en charge les patients dépendants, notamment en cas d’association avec une alcoolodépendance. À ce titre, les ARS (Agences régionales de santé) pourraient jouer un rôle important pour recenser, informer, afficher (par exemple sous la forme d’un site Internet ou d’un annuaire) et coordonner des filières de soins ambulatoires et résidentielles (hôpitaux, structures médico-sociales...) pouvant être amenées à accompagner les patients pour leur prise en charge.
Il paraît légitime de prendre en considération les actions complémentaires au sevrage (psychothérapies, accompagnement psychosocial). Selon la situation du patient, des aménagements de style de vie concernant en particulier les horaires de sommeil et les rythmes sociaux, peuvent contribuer à une diminution de la consommation de médicaments psychotropes, notamment celle d’hypnotiques.
Le groupe d’experts recommande que, passé le seuil d’efficacité clinique d’une prescription d’un médicament psychotrope avec un potentiel de mésusage et de pharmacodépendance, soit favorisée l’orientation du patient selon un parcours de soins coordonnés (psychiatre, psychothérapeute, travailleur social, spécialiste du sommeil...). L’évaluation des stratégies thérapeutiques doit être réalisée par des études rigoureuses (randomisées contrôlées). Une recherche clinique sur des stratégies thérapeutiques innovantes doit être encouragée dans le cadre des appels d’offres proposés actuellement dans le champ des addictions.
Concernant le traitement de la dépendance aux médicaments psychotropes chez un sujet alcoolodépendant, le groupe d’experts souligne la complexité de la prise en charge des polydépendances, et l’intérêt de faire appel à des structures de soins spécialisées, à des services hospitaliers dédiés ou aux Csapa (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie).
Délimiter le cadre de prescription des traitements de substitution aux opiacés pour mieux diversifier l’offre de soins
En cas de dépendance aux opiacés, l’efficacité clinique, sociale et économique de la politique de traitement de substitution aux opiacés (TSO) est reconnue. Environ 130 000 personnes ont reçu en 2007 un médicament de substitution aux opiacés dont la buprénorphine haut dosage (BHD) représente environ 80 % de l’ensemble. La majorité de ces patients sont considérés comme étant en traitement régulier. Un tiers est en traitement non régulier défini comme un suivi intermittent, associé à un plus grand risque de mésusages (recours abusif à des substances associées telles que l’alcool et les benzodiazépines, doses et fréquences de consommation non-conformes, modes d’administration inappropriés, particulièrement l’injection). On estime que le mésusage de BHD par injection (au cours du dernier mois) concernerait environ 15 % des patients en traitement.
À l’heure actuelle, le cadre réglementaire régissant la primo-prescription des médicaments de substitution aux opiacés (MSO) est différent pour la BHD et la méthadone. La BHD peut être proposée en primo-prescription par un médecin généraliste, tandis que la prescription de méthadone relève des praticiens de centres spécialisés ou des établissements de santé.
Afin de mieux adapter le traitement à la sévérité de la dépendance aux opiacés, le groupe d’experts recommande que la prescription des MSO soit confiée à des médecins formés et habilités, par exemple titulaires d’une capacité d’addictologie clinique ou d’une équivalence (prise en compte de l’expérience par une validation des acquis). En réservant à des praticiens qualifiés la prescription de MSO, il devient possible de diversifier l’offre de traitement (molécules, doses, fréquences, durée du traitement...) dans de meilleures conditions. Pour la prise en charge de certains patients présentant une dépendance sévère, ces médecins pourraient solliciter un avis auprès d’un réseau ou d’un dispositif local ou régional. La contractualisation des partenariats entre les différentes structures de soins ou d’accueil (Csapa, Caarud, mais aussi CMP ou CHRS voire médecine de ville) permettrait une offre de soins adaptés en particulier à la polydépendance et ainsi de limiter les mésusages.

Actions réglementaires

Améliorer le contrôle et l’encadrement de la délivrance des médicaments psychotropes
Dans leur grande majorité, les médicaments psychotropes commercialisés en France sont réglementés quant à leur prescription et leur délivrance. La durée de prescription est en général au maximum de 3 mois pour les médicaments figurant sur la liste I. Pour certains, elle est plus réduite (12 semaines pour les anxiolytiques, 4 semaines pour les hypnotiques). Pour d’autres figurant sur la liste des stupéfiants, la réglementation impose une prescription sur ordonnance sécurisée non falsifiable. La délivrance de médicaments par le pharmacien peut se faire par fraction de 7 jours, voire journalière. Enfin, certains médicaments ne peuvent être administrés qu’en milieu hospitalier ou primo-prescrits par un spécialiste ou un médecin exerçant en établissement de santé (méthadone). Le renouvellement des médicaments est soumis également à réglementation : le médecin précise le nombre de renouvellements ou la durée du traitement. Néanmoins, on observe des comportements de falsification d’ordonnance, de nomadismes médical (polyprescriptions) et pharmaceutique.
Face à une évolution éventuelle des législations au niveau européen et international, le groupe d’experts recommande que les médicaments psychotropes demeurent accessibles en France uniquement sur prescription médicale et délivrés obligatoirement par un pharmacien. Il faut souligner la situation problématique des spécialités à base de paracétamol codéiné, disponibles en automédication (produits contenant moins de 20 mg de codéine par unité thérapeutique), qui combinent le potentiel d’abus de la codéine (à l’origine d’une hausse de consommation) et la toxicité hépatique du paracétamol.
Différents moyens susceptibles de limiter le détournement de médicaments psychotropes existent (ordonnances sécurisées, e-prescriptions ou encore prescription par téléphone directement à l’officine, à l’exemple nord-américain...).
Le groupe d’experts préconise d’expérimenter l’extension d’ordonnances sécurisées à tous les médicaments psychotropes, voire à tous les médicaments présents sur les listes I et II des substances vénéneuses et délivrés sur prescription médicale. En fonction de l’évolution des technologies, différentes options pourraient être expérimentées : la mise en place d’un système de téléprescription entre médecin et pharmacien, un contrat de prescription entre médecin, patient et pharmacien. Par exemple, selon l’arrêté du 1er avril 2008, la prescription de BHD, méthadone, flunitrazépam, méthylphénidate nécessite la désignation de la pharmacie qui devra assurer la délivrance.
La prescription des médicaments psychotropes est de durée limitée pour ceux présentant des risques d’abus et de dépendance. Il serait souhaitable de disposer d’un conditionnement réduit (nombre limité de comprimés par boîte de médicament), voire la possibilité pour les pharmaciens d’un déconditionnement afin de limiter l’accès aux médicaments à risque de mésusage. Avant toute décision réglementaire ou action publique tendant à restreindre l’accès à un médicament psychotrope, il convient d’évaluer le risque de report de mésusage vers une autre substance potentiellement plus dangereuse. À ce titre, le groupe d’experts recommande que la base de l’Assurance maladie conserve les données sur les médicaments qui ne font plus l’objet d’un remboursement afin d’évaluer un éventuel transfert de prescription vers d’autres substances.
Le groupe d’experts recommande de favoriser les collaborations entre médecins et pharmaciens, éventuellement dans le cadre de réseaux de soins, afin de détecter les patients présentant des comportements à risque, dans un objectif d’éducation thérapeutique et de prise en charge. Une meilleure connaissance des délivrances antérieures du médicament, par exemple sur les trois derniers mois (d’après la carte vitale) y compris les délivrances dans les établissements de santé et les Csapa, permettrait également d’alerter le patient sur les risques de surdosage et d’interactions médicamenteuses.
Renforcer et pérenniser le dispositif de veille et de surveillance des médicaments psychotropes
Avant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un médicament psychoactif, la réglementation européenne recommande au laboratoire pharmaceutique, la réalisation d’études précliniques pour l’évaluation du potentiel d’abus et de dépendance. L’AMM est assortie d’un plan de gestion des risques et, éventuellement, d’une proposition de mesures de minimisation des risques par le laboratoire (galénique, conditionnement, prescription, délivrance...) ou encore de mesures d’éducation thérapeutique pour le patient.
Après la délivrance de l’AMM, il existe trois niveaux de recueil des cas de mésusage, d’abus et de dépendance : la notification spontanée par les médecins et les pharmaciens, les programmes d’observation et la possibilité de réaliser des études pharmaco-épidémiologiques.
On constate en France une sous-notification des cas d’abus et de dépendance aux médicaments psychotropes. Or, il est particulièrement important de pouvoir disposer de ces signaux d’alerte. Depuis 2011, le patient peut également signaler lui-même sa situation de dépendance auprès de l’Afssaps et des CEIP.
En France, différents réseaux de vigilance et un certain nombre de programmes et outils d’évaluation d’abus et de pharmacodépendance sont en place : le dispositif Trend/Sintes (Tendances récentes et nouvelles drogues/Système d’identification national des toxiques et substances, OFDT) permettant d’identifier les phénomènes émergents liés à l’usage de drogues ; les enquêtes Oppidum (Observation des produits psychotropes illicites ou détournés de leur utilisation médicamenteuse, CEIP/Afssaps) ; le dispositif Opema (Observation des pharmacodépendances en médecine ambulatoire, CEIP/Afssaps)... Ces deux derniers dispositifs sont spécialement conçus pour observer l’abus et la dépendance aux médicaments psychotropes. Cependant, de nombreuses interrogations se posent quant à la pérennité de la plupart de ces outils de recueil. Il est nécessaire de reconsidérer le dispositif d’observation dans son ensemble.
Enfin, la mise en évidence d’abus et de pharmacodépendance concernant un médicament psychotrope peut être effectuée par des études menées en conditions réelles de prescription et de consommation en complément de celles préconisées dans le cadre des plans de gestion des risques.
Par leur complémentarité, ces trois types de dispositifs apportent des connaissances précieuses sur les pratiques des usagers de substances psychotropes et leurs évolutions.
Le groupe d’experts rappelle l’obligation qui est faite à tous les professionnels de santé de déclarer les cas d’abus et de dépendance aux CEIP de leur région ou aux systèmes de pharmacovigilance (Articles R. 5219-1 à R. 5219-15 du Code de la santé publique). Afin de favoriser et améliorer cette veille sanitaire, le groupe d’experts recommande que les autorités en santé communiquent aux différents professionnels concernés un ensemble de critères diagnostiques pertinents afin d’apporter une aide au repérage. Il recommande par ailleurs de croiser les données avec celles des centres anti-poison et des autres indicateurs en santé publique. Le groupe d’experts recommande d’établir un recueil d’informations sur la morbidité et la mortalité liées aux médicaments psychotropes à partir des données émanant des services des urgences et de réanimation, en lien avec les institutions (InVS, CépiDc-Inserm, OFDT, Afssaps, Cnamts...).
Par ailleurs, tout cas significatif de complication somatique liée à l’usage de médicaments psychotropes devrait faire l’objet d’une notification et d’une analyse toxicologique approfondie. Ceci permettrait de déterminer les facteurs explicatifs qui peuvent venir du produit consommé ou de ses métabolites, des modes de consommation (surdose, traitement, prise récréative, mode d’administration), des produits co-consommés et des facteurs de vulnérabilité.
Concernant les programmes de surveillance, le groupe d’experts recommande de pérenniser le dispositif de veille et surveillance et de favoriser l’articulation des différents programmes et réseaux de vigilance. Les experts recommandent que les programmes d’observation soient évalués en toute indépendance scientifique et financés par un circuit indépendant de l’industrie pharmaceutique.
S’agissant du suivi pharmaco-épidémiologique des médicaments psychotropes, le groupe d’experts recommande qu’une organisation indépendante de l’industrie pharmaceutique sous l’égide des pouvoirs publics de santé soit constituée.

Études épidémiologiques

Caractériser et évaluer la population générale consommatrice au long cours de médicaments psychotropes
Une part essentielle des consommations chroniques de médicaments psychotropes et en particulier de benzodiazépines concerne les hypnotiques dans le cadre de la prise en charge de l’insomnie. La prescription de benzodiazépines hypnotiques représente à l’heure actuelle près d’un tiers des ordonnances de médicaments psychotropes. Ces médicaments sont particulièrement susceptibles d’induire une dépendance.
Le groupe d’experts recommande de conduire une étude de prévalence de la pharmacodépendance (selon les critères du DSM par exemple) en population générale pour évaluer le problème de santé publique.
Dans le but de réduire l’usage des hypnotiques et promouvoir des traitements alternatifs adaptés, le groupe d’experts recommande de réaliser des enquêtes auprès des médecins généralistes et de la Cnamts afin de mieux connaître les différents profils des consommateurs, d’identifier les facteurs associés aux troubles du sommeil, ainsi que les modes de dépistage et de traitement de ces troubles. Ce type d’enquêtes nécessiterait d’être accompagné d’enquêtes empiriques, cliniques et socio-anthropologiques, conduites en médecine générale, permettant de spécifier les types d’insomnies présents, leurs causes, les patients concernés et les alternatives thérapeutiques qui pourraient être trouvées à leur traitement dans le cadre actuel de l’offre de soins.
Selon le même objectif, le groupe d’experts recommande des études pharmaco-épidémiologiques et d’épidémiologie clinique et sociale, concernant par exemple l’indication et l’impact de la poursuite des traitements par les benzodiazépines au-delà de la durée de leur efficacité clinique. Les conséquences sur la santé et le fonctionnement socioprofessionnel de l’usage prolongé de ces médicaments devraient être évaluées par une étude de cohorte incluant différentes strates d’âge.
Il importerait également de pérenniser et de consolider le dispositif de recherche déjà en place avec la Cnamts, afin que les données de remboursement des hypnotiques et des médicaments psychotropes en général, puissent être étudiées à périodes rapprochées. Ce dispositif pourrait également permettre la conduite d’études ciblées, consacrées à la délivrance d’un groupe limité de spécialités ou de molécules, lorsqu’une question de santé publique implique de recueillir ces données.
Conduire des travaux épidémiologiques dans les populations de patients traités pour des affections psychiatriques, alcoolodépendance ou des douleurs chroniques
Il n’existe pas de données françaises sur la consommation et en particulier sur le mésusage, l’abus et la dépendance de médicaments psychotropes dans les populations psychiatriques, algiques et chez les sujets alcoolodépendants. D’après les études internationales, chez les patients qui présentent un trouble schizophrénique, des troubles bipolaires, des troubles dépressifs et des troubles de la personnalité, l’abus de médicaments psychotropes concerne jusqu’à 35 % des patients. Cette prévalence peut atteindre 75 % en cas de comorbidités addictives (alcool, substances addictives).
Les analgésiques opioïdes sont des médicaments dont l’usage est indispensable en clinique pour traiter les douleurs sévères et/ou chroniques. Le développement d’une tolérance, nécessitant des augmentations de la dose, et la crainte d’abus et de dépendance sont les facteurs qui tendent à limiter l’accès à ces médicaments. Pour la plupart des patients, l’usage médical rationnel des opioïdes pour soulager la douleur n’entraîne pas de dépendance. Néanmoins, dans certains cas, des pharmacodépendances peuvent apparaître, en particulier quand les patients continuent à consommer des opioïdes alors que leur état s’est amélioré.
Les troubles psychiatriques constituent un facteur de risque à la fois pour le mésusage des médicaments psychotropes et pour la dépendance.
Le manque d’études dans l’alcoolodépendance est très manifeste, sachant que l’abus et la dépendance aux médicaments psychotropes partagent des facteurs de risque biologiques et sociaux communs à l’alcoolodépendance.
Le groupe d’experts recommande d’initier des études clinico-épidémiologiques en France afin d’évaluer d’une part la prévalence de l’usage, du mésusage et de la dépendance aux médicaments psychotropes dans les populations psychiatriques, alcoolodépendantes et algiques (en impliquant par exemple les centres antidouleur) et de caractériser d’autre part les facteurs de risque et de protection de la survenue d’un mésusage, d’un abus ou d’une dépendance aux traitements psychotropes dans ces populations, ainsi que l’impact sur l’intensité symptomatique, la comorbidité, l’insertion socioprofessionnelle et la mortalité notamment par suicide.
Évaluer l’impact sanitaire et social du mésusage des médicaments psychotropes chez les usagers de drogues
Chez les usagers de drogues, la consommation à visée non thérapeutique des médicaments psychotropes s’intensifie parallèlement à d’autres dimensions problématiques de l’usage de drogues en général : polyusage, injection, précarité... L’impact individuel et en termes de santé publique du mésusage de médicaments psychotropes chez les usagers de drogues déjà polyusagers est peu étudié. Par ailleurs, la consommation des médicaments psychotropes à visée récréative a été peu explorée en France parmi les usagers de drogues fréquentant les différents espaces festifs et ceux socialement insérés ne fréquentant pas ces espaces.
À l’exception de quelques spécialités (Rohypnol®, Artane®...), des données qualitatives fines manquent sur les modes d’utilisation de certains médicaments par les usagers de drogues et sur les déterminants du choix d’une spécialité.
Le groupe d’experts recommande de mener des travaux tant qualitatifs que quantitatifs pour comprendre l’impact sanitaire (mortalité, morbidité...) et social (exclusion, délinquance, comportements à risque...) que représente la consommation hors prescription de différents médicaments psychotropes (notamment les benzodiazépines) chez les usagers de drogues. Il préconise de quantifier et qualifier les usages purement récréatifs parmi les populations socialement insérées non visibles des dispositifs de soins ou de réduction des risques.
Définir des indicateurs communs de mésusage et de détournement à différentes études menées chez les usagers de drogues au niveau européen
Le dispositif d’information actuel en France, comme en Europe, n’offre pas de mesure quantitative globale du mésusage des médicaments psychotropes chez les usagers de drogues. Les prévalences de mésusage et de détournement sont explorées à travers des batteries d’indicateurs qui diffèrent selon les objectifs de chaque étude, l’angle de vue et la logique des différentes institutions concernées.
Ainsi, les sources de données quantitatives varient, non seulement selon que l’on s’intéresse au produit ou à l’usager (potentiel d’abus d’une substance ou comportement d’un usager), selon le comportement que l’on cherche à mesurer (usage, mésusage, abus, dépendance...), selon les indicateurs choisis pour la mesure (injection, achat sur le marché parallèle, doses moyennes supérieures à un certain seuil...), selon la source d’information (déclaration de l’usager, déclaration d’un tiers, analyses biologiques, données de remboursements...), selon les groupes d’usagers auxquels on s’adresse (usagers en contact avec les structures de soins, de réduction des risques, fréquentant les scènes festives...) mais également selon les substances concernées et la précision de leur identification (par exemple, benzodiazépines, anxiolytiques ou une spécialité particulière).
Le groupe d’experts recommande l’adoption et la diffusion de concepts précis et communs, propres au mésusage et au détournement de médicaments chez les usagers de drogues de manière à affiner les connaissances disponibles et à progresser vers une vision plus synthétique du phénomène en s’appuyant sur les dispositifs déjà en place. Le choix collectif d’un ou deux indicateurs communs (par exemple injection pour le mésusage, obtention illicite via le marché de rue pour le détournement...) aux différentes études menées au plan national, européen voire international, en dépit de leurs approches variées, permettrait de mieux appréhender les différences entre populations d’usagers de drogues. La réalisation d’un tel travail au plan européen permettrait en outre des comparaisons internationales et de mieux appréhender la situation française.
Développer des études en milieu carcéral sur la consommation, le mésusage et le détournement des médicaments psychotropes
Des travaux sociologiques ont montré qu’une partie des usagers de drogues effectuent un transfert des usages de drogues illicites vers les médicaments psychotropes à l’entrée en détention. En outre, des initiations à l’utilisation détournée de médicaments psychotropes sont documentées chez des personnes détenues non usagères de drogues. À l’exception des données de la visite médicale obligatoire à l’entrée en détention, les études ne concernent le plus souvent que des populations déjà en contact avec le dispositif de soins. Cinq pour cent des sujets déclarent une consommation de médicaments psychotropes de type « toxicomaniaque » « prolongée et régulière » et près de 15 % sont en cours de traitement par médicaments psychotropes. En 2003, près de 8 % des entrants déclaraient avoir un traitement de substitution aux opiacés (8 fois sur 10, il s’agissait de BHD).
Au cours de l’incarcération, la prévalence d’usage de médicaments psychotropes reste peu documentée en France, en lien avec la difficulté de s’adresser directement aux personnes détenues. Concernant les traitements de substitution aux opiacés, 9 % de l’ensemble des personnes détenues bénéficient d’un traitement de substitution en 2010. On dispose de très peu de données quantifiées françaises sur les usages de substances illicites et des médicaments psychotropes détournés au cours de l’incarcération.
Le groupe d’experts souligne l’intérêt d’une étude quantitative associée à un volet qualitatif sur un échantillon aléatoire et représentatif de personnes détenues avec une méthodologie adaptée au monde carcéral garantissant l’anonymat des réponses et la validité des résultats (par exemple utilisation de questionnaires validés, dosages toxicologiques urinaires...).
Poursuivre les études sur les détournements émergents de médicaments psychotropes
Bien que leur prescription demeure pour l’instant marginale en France, des médicaments psychostimulants (tels que le méthylphénidate et le modafinil) et des anesthésiques (en particulier la kétamine) peuvent être détournés comme usages de drogue. Le potentiel d’abus et de pharmacodépendance de ces médicaments est particulièrement élevé.
Ce phénomène émergent a été mis en évidence pour les psychostimulants, en particulier dans certains sous-groupes de populations en région PACA. Dans un contexte de croissance de la consommation de psychostimulants illicites comme la cocaïne, un risque d’augmentation de ce phénomène est à surveiller. Concernant les anesthésiques (tels que la kétamine), des consommations sont observées essentiellement en contexte festif. Par ailleurs, si la prescription de kétamine se développe (en particulier chez les patients présentant des douleurs chroniques), le phénomène de détournement pourrait s’amplifier.
Le groupe d’experts recommande d’approfondir la connaissance des phénomènes émergents de détournement (modes d’obtention) de médicaments psychotropes (méthylphénidate, modafinil, kétamine) ainsi que des motivations et des contextes de mésusages de ces différents médicaments afin d’anticiper les risques.

Études cliniques et biologiques

Évaluer les risques à long terme d’une exposition précoce aux médicaments psychotropes dans une cohorte internationale
Des études ont été consacrées aux effets neurodéveloppementaux d’une exposition fÅ“tale aux substances psychoactives illicites, au tabac, à l’alcool et à certains médicaments anticonvulsivants. En revanche, il existe très peu de données sur les conséquences d’une exposition précoce aux médicaments psychotropes à risque d’abus tels que les benzodiazépines. Dans leur grande majorité, les études se sont focalisées sur les effets à court terme (trois ans en moyenne). Aucune étude n’a effectué, avec une méthodologie rigoureuse, un suivi à long terme du développement psychomoteur des enfants exposés in utero aux médicaments psychotropes à potentiel d’abus.
Il n’existe pas non plus beaucoup de données sur les effets potentiels à long terme d’une exposition aux médicaments psychotropes dans l’enfance. Chez les enfants et adolescents traités par le méthylphénidate pour un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), les études ont montré qu’il n’y avait pas d’augmentation du risque de dépendance ultérieure aux substances psychoactives.
Par ailleurs, peu d’études précliniques (études chez l’animal) ont porté spécifiquement sur les conséquences comportementales et sur les adaptations neurochimiques de l’exposition précoce à des médicaments psychotropes. Ceci est particulièrement vrai pour l’exposition à des médicaments de la classe des antidépresseurs et des anxiolytiques/hypnotiques pendant la gestation.
Le groupe d’experts recommande de développer la recherche sur les conséquences neurodéveloppementales (développement psychomoteur, capacités cognitives, apprentissage, troubles psychiatriques, modifications neurobiologiques...) de l’exposition prénatale aux médicaments psychotropes, principalement aux benzodiazépines en raison de la prévalence de leur consommation pendant la grossesse. Il préconise de mettre en place une étude de cohorte internationale (en raison du faible nombre de cas) sur les effets développementaux et comportementaux à moyen et long terme. En dépit de certaines limites méthodologiques (biais d’indication, habitudes de prescription, différents produits utilisés, faible incidence des événements, absence de randomisation...), cette étude devrait tout au moins permettre de comparer des médicaments d’indications équivalentes et, le cas échéant, d’identifier certains déficits passés jusqu’alors inaperçus.
Poursuivre les recherches sur les risques de pharmacodépendance aux médicaments psychotropes
Certaines populations apparaissent plus sensibles aux risques de pharmacodépendance, comme par exemple les jeunes, les personnes âgées et les sujets ayant des antécédents de mésusage de substances psychoactives. Par ailleurs, très peu d’études ont été menées en différenciant les hommes et les femmes.
De très nombreux travaux ont été consacrés ces dernières années au versant génétique des risques de dépendance vis-à-vis des substances d’abus, que ce soit l’alcool et le tabac, d’une part, et les drogues illicites d’autre part. La situation vis-à-vis de la susceptibilité génétique à des médicaments psychotropes semble être très variable d’un médicament à un autre. Si de nombreux travaux ont été consacrés à la susceptibilité aux opiacés et à la méthadone, peu d’études ont traité l’aspect pharmacogénétique de la réponse thérapeutique aux benzodiazépines et aux antidépresseurs, pourtant fortement consommés dans la population générale.
Des modifications épigénétiques résultant des interactions entre gènes et environnement (toxiques environnementaux, contextes familial et social...) apparaissent comme des mécanismes impliqués dans la dépendance et la réponse neurobiologique aux substances addictives, que ce soit l’alcool, la nicotine, la cocaïne, les amphétamines ou les opiacés. Le rôle des médicaments psychotropes dans les modifications épigénétiques et à l’inverse la place de l’épigénétique dans la réponse aux médicaments psychotropes n’ont pas encore été explorés.
Le groupe d’experts recommande d’étudier les risques de pharmacodépendance que présentent les médicaments psychotropes dans différentes populations, en tenant compte par exemple d’un éventuel dimorphisme lié au genre. Il préconise de développer une recherche ciblée sur les benzodiazépines et antidépresseurs afin de connaître plus précisément le poids de la génétique dans la réponse individuelle ou dans la dépendance à ces médicaments. En complément de ces études, il est urgent d’explorer les aspects épigénétiques de la réponse aux médicaments psychotropes.
Améliorer la connaissance pharmacologique et pharmacocinétique sur les médicaments psychotropes
Il a été identifié un très grand nombre de cibles pharmacologiques (récepteurs et voies de signalisation associées) via lesquelles les substances psychoactives, licites ou non, peuvent agir sur différentes structures cérébrales. La composition en sous-unités de certains récepteurs est déterminante dans leur participation au phénomène de dépendance. Il est donc important de caractériser au mieux les différents récepteurs, d’un point de vue fonctionnel, et de définir de façon précise leur distribution.
Dans une même classe de médicaments, comme par exemple les benzodiazépines, il est maintenant bien établi que les principes actifs peuvent présenter des affinités différentes pour chaque type de sous-unité formant le récepteur GABA A, et donc induire des effets pharmacologiques variés. La caractérisation des propriétés pharmacologiques des différents médicaments psychotropes permet une meilleure évaluation de leur potentiel d’abus et de pharmacodépendance. Les médicaments, une fois absorbés, ayant une distribution très large, c’est l’activation de l’ensemble des cibles qui entraînera une réponse pharmacologique.
Le groupe d’experts recommande de poursuivre les recherches sur l’analyse des cibles pharmacologiques et leurs implications dans les phénomènes de dépendance. Il recommande également de développer des approches intégrées, associant différentes disciplines : analyses comportementales, biologie moléculaire, imagerie, pharmacocinétique, pharmacodynamie... Il est par ailleurs nécessaire de prendre en considération la capacité des différents médicaments à franchir la barrière hémato-encéphalique et, dans le cas d’une exposition in utero, à traverser la barrière placentaire.
La mise en évidence de l’implication de différents neurotransmetteurs constitue une avancée majeure dans la compréhension des phénomènes de dépendance. Entre autres mécanismes, il est maintenant suggéré que la dopamine, la sérotonine, la noradrénaline, le GABA, le glutamate, et de nombreux peptides jouent un rôle essentiel soit dans la mise en place, soit dans le maintien d’une dépendance.
Le groupe d’experts recommande de mener des études approfondies chez les animaux (mâles et femelles, jeunes et adultes) sur l’impact des médicaments psychotropes, en particulier ceux qui font l’objet de phénomènes de détournement émergents. Ces études devraient porter sur les différents systèmes de neurotransmetteurs chez des animaux préalablement exposés ou non à des médicaments psychotropes ou à des événements de vie susceptibles d’augmenter la vulnérabilité à la dépendance (par exemple le stress pendant le développement in utero et/ou en période postnatale).

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