III. Processus de réception et traitements des messages sanitaires

2017


ANALYSE

9-

Niveaux d’attention, processus cognitifs et influence des messages sanitaires dans les publicités alimentaires

L’objectif de ce chapitre est de mieux comprendre les processus psychologiques et psychosociaux impliqués dans la réception et l’influence des mentions sanitaires qui, conformément à la réglementation, accompagnent les publicités des produits alimentaires. Depuis la loi du 9 août 2004 (Arrêté du 28 février 2007), l’objectif des mentions sanitaires est de contribuer à la lutte contre le surpoids et l’obésité en France, chez les adultes et chez les enfants. Ajoutées en surimpression le plus souvent en bas des publicités imprimées (presse, affichage…) ou télévisées, les mentions sanitaires doivent s’inscrire dans un bandeau d’une taille de 7 % de l’annonce concernée. À la radio, elles suivent le plus souvent l’annonce publicitaire.
Comment sont reçues les mentions sanitaires ? Quels sont les processus cognitifs et affectifs qui s’opèrent à leur contact ? Quelles traces laissent-elles en mémoire ? Dans un but de santé publique, les mentions sanitaires et plus généralement les messages nutritionnels ont pour objectif explicite d’influencer les personnes afin, notamment, que leur alimentation soit plus saine et qu’elles pratiquent davantage d’activité physique. Comment opère cette influence sur les cognitions, jugements, attitudes et comportements en lien avec l’alimentation et les pratiques physiques ? Quels sont les principaux déterminants et médiateurs impliqués ?
Dans l’objectif qui est ici le nôtre, répondre à ces questions théoriques est primordial. En effet, mieux on connaît les processus impliqués, mieux on pourra, sur le plan pratique, concevoir des mentions, messages et plus généralement des opérations de communication sanitaires efficientes. De même, mieux on pourra diminuer les résistances et les freins au changement. C’est à partir d’une synthèse de recherches expérimentales menées sur ces questions que ce chapitre dresse un bilan théorique mis en perspective.
En nous inspirant des modèles duaux en psychologie sociale et en communication persuasive (Gawronski et Creighton, 2013renvoi vers ; Sherman et coll., 2014renvoi vers) et notamment du modèle Associative-Propositional Evaluation (APE) de Gawronski et Bodenhausen (2011renvoi vers), nous détaillons deux grands types de processus correspondant à deux grandes voies d’influence : une voie des influences non conscientes et une voie des influences suite à des traitements propositionnels. L’orientation vers une voie ou une autre dépend du niveau d’attention et des ressources cognitives allouées par le récepteur à la mention sanitaire.
Lorsque le récepteur n’alloue pas ou très peu de ressources attentionnelles à la mention sanitaire, c’est la voie des influences non conscientes qui se développe. Au regard de ce qu’il est possible d’observer dans la vie quotidienne, il semble que ce soit la voie la plus fréquemment suivie. En effet, si d’une manière générale, non seulement les récepteurs allouent peu d’attention à la publicité (Courbet et Fourquet-Courbet, 2014renvoi vers ; Derbaix et coll. 2014renvoi vers), ils vont sans doute en allouer encore moins à une mention subalterne au sein des messages publicitaires.
Comme aucune publication dans la littérature scientifique ne porte directement sur les processus d’influence des mentions sanitaires reçues sans ou avec très peu d’attention, nous établissons une synthèse des recherches expérimentales menées dans le contexte où les conditions de réception sont relativement proches, celui de la réception des messages publicitaires. En effet, un courant de recherche sur les influences « non conscientes » s’est développé depuis plusieurs années. L’objectif est alors de comprendre les processus cognitifs sous-tendant les influences des publicités reçues dans ces conditions de réception, de manière à élaborer, dans un deuxième temps, des recommandations pour pouvoir produire des messages sanitaires plus efficients.
Lorsque le niveau d’attention allouée aux mentions sanitaires est plus élevé, la voie conduisant aux influences est alors constituée de traitements propositionnels. Cette seconde voie est sous-tendue par des processus propositionnels (donc « conscients ») qui conduisent les récepteurs à produire du sens à la suite de la lecture du contenu des messages. Ils mettent ensuite en route des traitements plus ou moins élaborés qui les conduiront à changer ou non leurs attitudes, cognitions ou comportements en lien avec l’alimentation et les activités physiques. Examinons chacune de ces deux voies en détail.

Voie des influences non conscientes

Au sein de cette voie que nous modélisons à partir de recherches effectuées sur la réception de la publicité commerciale, nous distinguons deux types de processus cognitifs. Premièrement, des processus opérant au cours des influences sans attention, suite à des perceptions non conscientes de messages publicitaires. Deuxièmement, des processus cognitifs opérant avec une faible allocation d’attention lors des influences de messages à peine vus et aussitôt oubliés.

Influences suite à des perceptions non conscientes

Dans la vie quotidienne, la plupart des messages publicitaires apparaissant en bas ou en haut d’un écran ou d’un magazine n’est pas regardée avec attention. Ils entrent tout de même dans le champ visuel des récepteurs sans que ces derniers en soient conscients ou soient capables d’identifier consciemment le signataire du message (Fang et coll., 2007renvoi vers). Plusieurs recherches expérimentales montrent que la publicité laisse des traces en mémoire pouvant influencer favorablement les jugements sur la marque et les intentions d’achat. Par exemple, dans l’expérimentation de Courbet et coll. (2008renvoi vers), la procédure consistait à faire lire à des sujets un texte sur un site Web pendant que des bannières publicitaires constituées de marques inédites (les bannières expérimentales) apparaissaient en haut de l’écran, dans la région visuelle périphérique. Pour être certain que les publicités apparaissaient dans cette région visuelle, les saccades oculaires étaient suivies en temps réel en utilisant un système reliant une caméra enregistrant en direct les mouvements oculaires (système d’eye tracking) à un programme informatique. Aussitôt que les yeux sortaient du parcours de lecture du texte au centre de l’écran pour s’orienter vers la bannière publicitaire, le système informatisé la faisait automatiquement et instantanément disparaître et la remplaçait par une bannière non pertinente. Cette méthode garantissait le caractère périphérique des expositions aux bannières expérimentales, c’est-à-dire hors des zones de vision centrale sur lesquelles était focalisée l’attention. Les bannières apparaissaient à une distance suffisamment éloignée du point de fixation visuelle pour que, quand on leur remontrait explicitement les marques quelques minutes après, les sujets soient incapables de les reconnaître et disent ne jamais les avoir vues auparavant.
Dans ce contexte de réception que l’on rencontre souvent dans la vie quotidienne, si des éléments figurant sur la bannière sont traités par le système cognitif, on peut dire, sans trop de risque de se tromper, que les récepteurs n’en sont pas conscients. Un événement psychologique (processus, traitements, stimulus…) est dit « non conscient » quand les sujets sont incapables de produire intentionnellement une réponse symbolique et verbale sur cet événement. Autrement dit, en simplifiant, est « non conscient » ce qui ne peut pas être verbalisé. Dans cette expérimentation, les effets ont été mesurés soit quinze minutes plus tard pour une partie des 247 sujets, soit une semaine plus tard pour une autre partie, dans un contexte où ils pensaient répondre à une étude marketing destinée à évaluer de nouvelles marques. Les résultats ont montré la présence d’effets non conscients favorables aux marques figurant sur les bannières expérimentales. Ces effets étaient davantage prononcés quand les publicités étaient répétées quinze fois par rapport à cinq fois : les sujets aimaient davantage les marques publicisées et avaient davantage l’intention d’acheter les produits. Les publicités répétées quinze fois laissaient des traces en mémoire quinze minutes après l’exposition. Une partie de ces traces étaient même toujours observables une semaine après l’exposition.
D’autres recherches où des publicités sont perçues sans conscience ont montré que des processus psychologiques sont capables d’activer automatiquement les réseaux de représentations et d’affects liés aux marques déjà existantes en mémoire, comme, par exemple, le secteur de produit qu’elles commercialisent (Pham et Vanhuele, 1997renvoi vers ; Droulers, 2004renvoi vers). Les processus dits automatiques sont des activités non conscientes, qui ne consomment pas d’attention et qui sont inaccessibles à l’expérience subjective. Ils sont involontaires (la volonté n’intervient pas dans leur déclenchement), rapides et irrépressibles (une fois déclenchés, il n’est guère possible de les modifier de manière intentionnelle). Dans le cadre de la perception non consciente, si ces activations automatiques sont répétées, elles auraient notamment pour conséquence de mieux faire apprécier la marque et d’augmenter la probabilité qu’elle soit ensuite choisie parmi ses concurrentes (Janiszewski, 1988renvoi vers et 1993renvoi vers ; Shapiro et coll., 1997renvoi vers ; Shapiro, 1999renvoi vers ; Janiszewski et Meyvis, 2001renvoi vers ; Lee et Labroo, 2004renvoi vers).
Les traitements en vision périphérique restent évidemment superficiels et dépendent de l’angle entre le centre de la zone de vision fovéale et les stimuli à traiter. Par exemple, dans l’expérimentation de Courbet et coll. (2008renvoi vers), les auteurs ne sont pas parvenus à créer une association sémantique entre la marque publicisée et une photo du produit. Au regard des théories psychocognitives modélisant des traitements de différentes profondeurs, notamment dans la vision (Baccino et coll., 2015renvoi vers), les éléments iconiques (comme le logotype d’une marque) ont plus de chances de laisser des traces favorables en mémoire par rapport à des éléments linguistiques (comme des mots) qui nécessitent, pour déclencher des effets durables, un traitement sémantique plus profond et souvent un minimum de ressources attentionnelles.
Des influences relativement identiques ont également été mises en évidence dans le cas de la perception sans conscience de messages à la radio. Perfect et Edwards (1998renvoi vers) ont montré qu’à la suite de traitements automatiques de représentations sonores en provenance de publicités radiophoniques, les individus appréciaient davantage les publicités.

Effets de la fluidité perceptive

Comment expliquer les processus qui sous-tendent ces effets observés suite à des perceptions non conscientes de simple exposition (mere exposure ; Zajonc, 1980renvoi vers ; Lee, 2001renvoi vers) ? Ils se dérouleraient en deux temps (Shapiro et Nielsen, 2013renvoi vers). Prenons l’exemple d’une nouvelle marque que la personne ne connaît pas et dont la publicité apparaît à plusieurs reprises dans le champ visuel périphérique. Le modèle de la « fluidité perceptive » explique que si le récepteur a plusieurs contacts sensoriels avec le logotype de la marque, sa forme, c’est-à-dire le dessin ou la représentation structurale du logotype, est automatiquement stockée en mémoire, sans qu’il en ait conscience. C’est le premier temps.
Dans un deuxième temps, lorsqu’il est de nouveau en contact avec la marque, par exemple plusieurs jours après sur le lieu de vente, la représentation structurale du logotype, stockée en mémoire est alors automatiquement activée, en quelques millisecondes, sans que la personne en ait conscience. Cependant, la personne n’est ni capable de rappeler le contexte d’exposition, ni de dire qu’elle a déjà vu la marque dans des publicités. Le système perceptif infraconscient la « reconnaît » et la traite beaucoup plus rapidement. Ce serait un effet de fluidité perceptive qui provoquerait une vague sensation de familiarité avec la marque.
Au moment du jugement ou du choix, la fluidité perceptive serait alors utilisée comme base principale du jugement, soit de manière non consciente et automatique pour Mandler (modèle de la « mésattribution de la fluidité », 1980renvoi vers), soit de manière très rapide mais plus consciente pour Whittlesea et Leboe (modèle de « l’attribution du désaccord », 2002renvoi vers ; voir aussi Topolinski et Strack 2009renvoi vers ; Topolinski, 2013renvoi vers). Ces processus conduisent à produire des cognitions (attributs ou croyances) et des jugements affectifs favorables à la marque. La fluidité perceptive peut conduire le consommateur à penser, par exemple, que la marque est de bonne qualité, alors qu’en fait il ne sait rien d’elle. À la suite de perception sans conscience de messages, les consommateurs émettent des jugements et une éventuelle décision d’achat essentiellement à partir de la facilité qu’ils ont à traiter l’information lorsqu’ils sont de nouveau en contact avec la marque.

Influences à long terme des messages à peine vus et aussitôt oubliés

Un autre type d’influence non consciente concerne les cas où le message publicitaire est entrevu rapidement et aussitôt oublié (Grimes et Kitchen, 2007renvoi vers). Si la personne a une certaine conscience de voir la publicité, elle ignore que la courte exposition (par exemple trois secondes) peut laisser pendant plusieurs semaines – voire mois – des traces en mémoire qui seront ensuite utilisées par le système cognitif pour former des jugements souvent favorables aux marques. Ce type d’influence fonctionne notamment pour les messages de petits formats (comme les bannières ou « pop-up » sur Internet) proches de ceux des bandeaux sur lesquels figurent des mentions sanitaires. Par exemple, Courbet et coll. (2014renvoi vers) ont mis en oeuvre la procédure expérimentale suivante. Pendant que des personnes surfaient sur Internet, apparaissaient pendant trois secondes et à quatre reprises trois pop-ups pour une nouvelle marque. Dans le premier figurait uniquement le logotype de la marque. Dans le deuxième était ajoutée une image du produit commercialisé. Dans le troisième, à la place de l’image, il était écrit en toutes lettres le nom du produit vendu. Les effets de ces courtes expositions publicitaires ont été mesurés pour une partie des sujets sept jours après, pour une autre partie des sujets trois mois après. Aucun des 400 participants ne se souvenait alors avoir déjà vu la marque ou ses publicités auparavant. Cependant, des mesures implicites (reposant sur le temps de réponse de sujets), plus sensibles que les mesures habituellement utilisées dans les études sur les effets de la publicité (voir De Houwer et coll., 2009renvoi vers), ont montré que les e-publicités ont laissé des traces « non conscientes » en mémoire, globalement favorables à la marque, trois mois après l’exposition, alors que les personnes interrogées étaient certaines, à tort bien entendu, qu’elles n’avaient jamais vu la marque auparavant.

Effets différents des images et des mots en mémoire implicite

Ces effets sont cependant différents selon le contenu des publicités. Si la publicité contenait une image du produit commercialisé (versus le nom du produit écrit en toutes lettres), les personnes ont davantage apprécié la marque et ont davantage eu l’intention d’acheter le produit. Si, dans la publicité, le type de produit commercialisé n’était pas montré sous forme d’image mais écrit en toutes lettres, en mémoire implicite, la marque était davantage associée au produit. Pour la définir simplement, la mémoire implicite est un type de mémoire « inconsciente » où l’on ne retient pas l’expérience qui en est à l’origine. Les images et les mots dans les publicités entrevues rapidement et aussitôt oubliées agiraient donc de manière différente :les images auraient des effets affectifs et incitatifs à l’achat plus marqués ; les mots auraient des effets sémantiques plus forts, notamment dans la construction de l’image de marque. Pour quelles raisons ?
La publicité, associant la marque avec le type de produits commercialisés écrits en toutes lettres, déclencherait une lecture automatique et irrépressible, plus ou moins consciente, conduisant à associer la marque et le secteur de produits en mémoire (Topolinski et Strack, 2009renvoi vers). Plus les sujets sont exposés et plus la fluidité conceptuelle des réseaux sémantiques associant les deux stimuli en mémoire augmente. Ensuite, après un contact sensoriel avec un des deux stimuli qui active sa représentation en mémoire, l’autre, automatiquement pré-activé, est plus facilement récupéré. La fluidité conceptuelle reflète la facilité avec laquelle la marque vient à l’esprit du consommateur quand il traite des concepts ou des significations qu’il a associés à la marque en mémoire (Lee et Labroo, 2004renvoi vers). Plus l’association « marqueproduits commercialisés par la marque » est vue fréquemment dans des publicités, plus le réseau sémantique associant la marque et son secteur de produits en mémoire est activé, plus le seuil d’activation du réseau est diminué et plus l’accessibilité de la marque est augmentée.
Les influences de l’image sont différentes. L’image est traitée plus globalement (Paivio, 1986renvoi vers). Parce qu’elle ne fait pas l’objet d’une « traduction en mot » au moment de la réception, elle instaure moins de fluidité conceptuelle que les mots. D’autre part, il est probable également qu’en associant une image avec une marque, la publicité développe, d’une part, davantage de fluidité perceptive et, d’autre part, davantage de traces affectives positives en mémoire (appelées également fluidité hédonique dans le Hedonic Fluency Model ou HFM ; Winkielman et Cacioppo, 2001renvoi vers) par rapport à la publicité qui associe marque et mots. Dans l’expérimentation de Courbet et coll. (2014renvoi vers), les personnes ont alors davantage aimé la marque, ont davantage trouvé qu’elle était de bonne qualité et avaient également davantage l’intention de l’acheter. Ces traces sont suffisamment fortes pour être toujours observables trois mois après les expositions et orienter l’intention d’achat.

Fluidité conceptuelle : un processus clé des effets non conscients

Comme pour la fluidité perceptive, la fluidité conceptuelle conduirait à émettre des évaluations affectives favorables à la marque, sans que les sujets ne se souviennent des contextes d’exposition. Cependant, à la différence de la fluidité perceptive, une forte fluidité conceptuelle permettrait d’activer automatiquement des éléments sémantiques liés en mémoire avec la marque (Lee et Labroo, 2004renvoi vers). Ainsi, lorsqu’on entre dans le rayon des boissons dans un hypermarché, cela pré-activerait et amorcerait, sans même qu’elle ne soit vue, la marque de boisson qui est la plus accessible en mémoire. Si ensuite, la marque est effectivement vue dans les rayons, elle pourrait être plus facilement préférée parce que plus familière.
Les fluidités perceptives et conceptuelles, formées à la suite des messages publicitaires, contribuent à former, de manière différente, l’attitude à l’égard de la marque et l’éventuelle intention d’achat (Lee, 2002renvoi vers). L’effet de fluidité perceptive, robuste, ne dépend pas du niveau d’attention allouée au moment de l’exposition (Finlay et coll., 2005renvoi vers) : il s’observe dans des réceptions en attention divisée ou pleine. L’effet serait même amplifié en absence d’attention focalisée (Mäntylä et Raudsepp, 1996renvoi vers). Il s’observe également quelle que soit la nature des traitements, superficiels ou élaborés (Rajaram, 1993renvoi vers), en présence ou non d’émotions (Dewhurst et Parry, 2000renvoi vers).
La littérature sur la publicité donne des pistes intéressantes, d’une part, pour mieux comprendre les processus sous-tendant l’influence des mentions sanitaires reçues sans ou avec une faible allocation d’attention et, d’autre part, pour aider à la conception de messages sanitaires reçus dans un tel contexte. Les recommandations basées sur cette littérature seront explicitées dans la partie spécifiquement dédiée de ce rapport, mais on voit d’ores et déjà l’intérêt à insérer une image constituée, par exemple, d’une signalétique visuelle, faisant fonction de logotype, avec un sens univoque qui serait systématiquement associée aux conseils nutritionnels dans tous les bandeaux sanitaires et, plus généralement, dans toutes les campagnes de lutte contre l’obésité.

Voie des influences suite à des traitements propositionnels

La deuxième voie d’influence est sous-tendue par des processus propositionnels (donc « conscients ») qui conduisent les récepteurs à produire du sens à la suite d’une lecture ou des traitements du contenu des messages. Le niveau d’attention allouée aux mentions est donc plus grand que dans la voie des influences non conscientes. Dès lors, nous commençons par mener une analyse succincte de la rhétorique des bandeaux et mentions sanitaires pour comprendre le contexte qui va déclencher le traitement des informations chez les récepteurs. Ensuite, au sein de cette voie, nous distinguons deux types de processus de réception et d’influence selon que les récepteurs considèrent les risques comme étant ou non importants et pertinents pour eux (Weinstein, 1980renvoi vers)1 .

Rhétorique des mentions sanitaires

Un des objectifs des messages sanitaires est de provoquer des changements de cognitions et de comportements à partir, notamment, d’un message composé de quelques mots. Sur le plan de la rhétorique linguistique, les mentions sanitaires actuelles sont construites suivant une logique conforme à certaines recommandations d’Allen et Witte (2004renvoi vers) : « Pour réaliser un but pertinent pour la personne ou valorisé socialement (comme la valeur « santé ») : voilà quelle(s) action(s) concrète(s) mettre en place… ». Leur cadrage est plutôt positif avec des actions recommandées qui :
• soit incitent à réaliser deux comportements favorables à la santé : « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour » et « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière » ;
• soit incitent à éviter deux comportements non favorables à la santé : « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » et « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas ».
Cependant le but visé, la santé, est-il important pour tous les récepteurs ? En effet, les travaux de Régnier (Régnier et Masullo, 2009renvoi vers) indiquent que les catégories socio-professionnelles les moins favorisées seraient bien moins sensibles à l’argument « santé » que les catégories socio-professionnelles favorisées.
Dans les mentions sanitaires destinées aux enfants, on trouve :
• soit un but de santé : « Pour ta santé… » ou « pour être en forme » : dans six mentions sur les huit indiquées dans la réglementation ;
• soit le but de « bien grandir » (dans deux mentions sur les huit).
Cependant, il serait intéressant de connaître combien d’enfants sont effectivement motivés par le but de santé utilisé dans la plupart des mentions sanitaires. Ne serait-il pas davantage motivé par le but de « bien grandir », bien moins souvent utilisé dans les mentions ?
Sur le plan stylistique, les mentions utilisent le mode impératif : « mangez », « pratiquez », « évitez »… Or, des recherches récentes montrent qu’un tel mode fonctionnerait surtout auprès des personnes impliquées par le thème (Baek et coll., 2015renvoi vers) et moins avec des personnes non impliquées.
Dans leur méta-analyse, Allen et Witte (2004renvoi vers) expliquent que pour optimiser les chances de suivre les recommandations indiquées dans les messages, celles-ci doivent être non ambiguës. Or, certaines recommandations figurant dans les messages sanitaires actuels pourraient l’être ; par exemple, qu’est-ce qu’une activité physique régulière ? Que signifie exactement : ne pas manger « trop gras », « trop sucré » ou « trop salé » ? Que veut dire précisément « bien se dépenser » ?
Ces études montrent donc qu’il serait possible d’améliorer encore la rhétorique des mentions sanitaires.

Processus de réception quand le récepteur estime que les risques sont importants et pertinents pour lui

Contrôle des risques et contrôle des émotions négatives

Un certain inconfort psychologique, voire de la peur, apparaissent lorsque le récepteur traite un message où il est question de risques (de menaces ou de dangers) importants pour sa santé et lorsqu’il estime qu’ils sont pertinents pour lui. Quels rôles ont ces émotions négatives dans le processus de réception et d’influence des messages ? La peur est définie comme une réaction affective évaluée négativement, accompagnée d’un haut niveau d’éveil et générée par l’identification d’une menace (danger ou risque) personnellement pertinente. Face à un message représentant un danger pour lui, le récepteur impliqué par le thème met en place deux types de réponses en parallèle, selon deux voies. Premièrement, il traite le danger lui-même et, deuxièmement, tente de diminuer la peur que déclenche le message (Leventhal, 1970renvoi vers). Dans le modèle étendu des réponses parallèles, Witte (1992renvoi vers et 1998renvoi vers) précise les interactions entre les deux voies et les raisons qui font s’orienter le sujet vers l’une ou l’autre. Dans la première voie, le sujet essaye de contrôler le danger par un processus de résolution de problème et évalue le rapport efficacité/menace. Si l’efficacité perçue (« je peux facilement lutter contre ce danger ») est plus forte que la menace perçue, le sujet suit la voie du contrôle du danger et est motivé pour se protéger contre le danger. Il accepte le message et change son intention comportementale. Si la menace perçue est plus forte que l’efficacité (« c’est grave et je ne peux rien faire »), une peur plus ou moins intense est souvent ressentie. C’est la deuxième voie qui est alors suivie, de manière généralement irrépressible, celle du contrôle de la peur. Le sujet rejette le message et résiste à la persuasion.
Selon le modèle de Witte, les individus évaluent d’abord la menace contenue dans le message. Plus les individus se croient vulnérables face à une menace grave, plus ils sont motivés à poursuivre leurs traitements pour évaluer l’efficacité des recommandations. Si la menace est perçue comme étant improbable ou insignifiante, le sujet n’est alors plus motivé à traiter le message plus en avant et ignore l’appel à la peur. Au contraire, quand une menace est décrite comme étant crédible et pertinente (par exemple : « Je suis susceptible de contracter une terrible maladie »), les individus sont effrayés. Afin de réduire leur peur, ils vont suivre les recommandations. La peur joue donc comme une motivation à suivre l’action. L’efficacité perçue (composée de l’efficacité des recommandations et de l’auto-efficacité) détermine si les individus sont plutôt motivés à contrôler le danger émanant de la menace ou plutôt motivés à contrôler leur peur de la menace. Quand les sujets croient être capables de mettre en place les recommandations contre la menace (forte auto-efficacité et forte efficacité perçue des recommandations), ils sont motivés à contrôler le danger. Ils réfléchissent alors consciemment et logiquement à des moyens de supprimer ou de faire diminuer la menace. Généralement, ils se tournent vers les recommandations du message et adoptent celles qui leur permettent de contrôler le danger. Au contraire, quand les sujets doutent de l’efficacité des recommandations (faible efficacité perçue des recommandations) et/ou s’ils ne se sentent pas capables d’adopter les recommandations (faible auto-efficacité perçue, « je n’arrive pas à arrêter de fumer »), ils sont motivés à contrôler leur peur (car ils croient qu’il est vain de vouloir contrôler le danger). Ils développent alors différents types de stratégies pour éliminer leur peur, appelées stratégies de coping, comme le déni (« ce n’est pas en fumant un demi-paquet par jour que je vais contracter un cancer »), le fatalisme (« il faut bien mourir de quelque chose »), la réactance (« ils veulent supprimer ma liberté de fumer, je vais les ignorer »), l’évitement défensif (« c’est trop effrayant, je ne vais plus y penser ») ou de l’optimiste comparatif (la personne croît que les autres sont plus vulnérables au risque qu’elle). L’optimisme comparatif est la tendance à évaluer (à tort) son propre avenir plus favorablement que l’avenir d’autrui (Weinstein, 1980renvoi vers ; Milhabet, 2010renvoi vers). Déclenché dans ce contexte, l’optimisme comparatif peut notamment réduire l’anxiété causée par la menace. Par exemple, Taylor et coll. (1992renvoi vers) ont montré que des hommes homosexuels séropositifs forment de l’optimisme comparatif en affirmant qu’ils ont moins de risques de développer le sida que d’autres hommes également séropositifs.
Ces processus sont proches de ceux mentionnés dans la théorie des traitements défensifs biaisés (Liberman et Chaiken, 1992renvoi vers). Ces auteurs expliquent que lorsque la personne est fortement impliquée et cherche à contrôler la peur générée par le message, elle peut traiter le contenu argumentaire de manière biaisée : elle « s’arrangera » pour que la réponse finale, issue de ses traitements, conforte son point de vue initial et ne la fasse changer ni d’avis, ni d’habitude. Les réponses, a priori illogiques, issues de ce traitement défensif et biaisé sont multiples : minimisation des risques, déni du danger, fatalisme… Selon cette théorie, comme les personnes refusent d’accepter le message, il est peu probable qu’elles changent leur comportement à risque.

Comment faire des messages de santé efficaces ?

Le modèle de Witte (1992renvoi vers et 1998renvoi vers) a une double utilité scientifique et pratique puisqu’il offre aux praticiens un cadre de travail opérationnel et des outils d’aide à la conception des messages. Les appels à la peur produisent à la fois des réactions au contrôle du danger et au contrôle de la peur. Plus la menace contenue dans le message est forte, plus les individus semblent être motivés à traiter le message. Les campagnes d’appels à la peur semblent efficaces quand elles dépeignent une menace signifiante et pertinente (pour augmenter les perceptions de la sévérité et de la vulnérabilité) et quand elles décrivent des recommandations efficaces qui paraissent faciles à réaliser (pour augmenter le sentiment d’auto-efficacité et l’efficacité des recommandations). Les appels à la peur comportant une menace faible semblent produire un effet persuasif minime, voire nul. Les appels à la peur motivent le changement d’attitude, d’intentions et de comportement, surtout les appels à la peur accompagnés de messages montrant la haute efficacité des recommandations.
Cependant, les appels à la peur doivent être utilisés avec prudence, étant donné qu’ils peuvent avoir un effet « boomerang », si le public-cible ne s’estime pas capable d’écarter la menace. Une question fondamentale dans la conception des messages concerne alors « le cadrage » : faut-il montrer les conséquences positives des comportements sécuritaires (« arrêter de fumer donne une meilleure forme physique ») ou les conséquences négatives des comportements à risque (« fumer provoque le cancer ») ?
Les résultats expérimentaux mettent en évidence que les messages avec un cadrage négatif sont plus efficaces lorsque des personnes considèrent leurs conduites comme risquées. Des messages avec cadrage positif sont plus persuasifs lorsque les comportements sont considérés comme peu ou pas risqués. Par exemple, si de jeunes étudiants sont persuadés qu’à leur âge ils peuvent avoir une maladie coronarienne, un message avec cadrage négatif (versus positif) augmente (versus diminue) leur intention de mesurer leur taux de cholestérol. Lorsque les étudiants pensent que seules les personnes plus âgées risquent d’avoir une maladie coronarienne, leur intention de dépister leur cholestérol est plus élevée (versus plus faible) lorsque le message a un cadrage positif (versus négatif) (Meyerowitz et coll., 1991renvoi vers). Les effets du cadrage sont également déterminés par l’implication des personnes (Rothman et coll., 2006renvoi vers). Lorsqu’elles sont intéressées et impliquées par le thème, un message de cadrage négatif où on présente les risques que l’on prend si on ne suit pas les recommandations (« si vous ne mettez pas votre ceinture de sécurité, vous risquez de graves blessures ») est plus efficace qu’un cadrage positif où on montre les avantages du comportement (« si vous mettez votre ceinture de sécurité, vous avez des chances de vous en sortir indemne »). Lorsque les personnes sont faiblement intéressées et faiblement impliquées, le cadrage positif est plus efficace (Block et Keller, 1997renvoi vers). Plus généralement, plus le cadrage est négatif, c’est-à-dire plus le risque est montré comme étant important et personnellement pertinent, plus il peut provoquer de la peur chez les récepteurs.
Allen et Witte (2004renvoi vers) établissent des recommandations pour les professionnels de la communication de santé lorsque le récepteur a connaissance des risques et qu’il les estime pertinents pour lui :
• les professionnels de la santé publique peuvent concevoir des messages générant de la peur efficaces en augmentant les références à la sévérité de la menace (ampleur des risques encourus) et les références à la vulnérabilité des individus-cibles par rapport à la menace (leur probabilité d’expérimenter la menace). Un vocabulaire cru et des images décrivant les horribles conséquences du danger pour la santé, augmentent les perceptions de la sévérité de la menace. Un vocabulaire personnalisé (« si vous fumez dix cigarettes par jour, vous avez x % de chance de mourir d’un cancer ») rend la menace plus pertinente pour les récepteurs et augmente le sentiment de vulnérabilité ;
• les messages qui présentent un risque sérieux et pouvant se produire, sont les plus motivants. De faibles appels à la peur ne favorisent pas le changement de comportements. A contrario, une peur forte motive le changement d’attitude et conduit à une plus forte intention de modifier le comportement néfaste ;
• les appels à la peur de forte intensité sont efficaces uniquement quand ils sont accompagnés par des messages montrant comment il faut faire pour diminuer le risque. Les sujets doivent se sentir capables de réaliser les recommandations du message (fort sentiment d’auto-efficacité). Les recommandations doivent sembler efficaces pour écarter ou faire diminuer la menace (perception d’une forte efficacité des recommandations). Pour augmenter le sentiment d’auto-efficacité, les professionnels de la santé publique doivent identifier les freins qui empêchent un individu de se sentir capable de réaliser les recommandations et inclure celles-ci directement dans le message (« vous pouvez effectivement y arriver si vous en parlez avec votre médecin »). Pour augmenter les perceptions de l’efficacité des recommandations, les professionnels de la santé doivent clairement indiquer, dans un argumentaire, comment, pourquoi et quand une recommandation élimine ou diminue les chances d’expérimenter la menace.

Lorsque le récepteur a peu de connaissances des risques et/ou les considère comme peu pertinents pour lui : procédés pour inciter au changement

On trouve dans la littérature de nombreux travaux montrant une plus forte efficacité des messages basés sur des théories construites expérimentalement. Nous les classons en deux catégories.

Connaître les valeurs, représentations et identité sociales pour accroître l’efficacité des messages

En matière de persuasion, l’important n’est pas tant le risque objectif lui-même mais les représentations que les récepteurs en ont. Dans le Common-Sense Model, Leventhal et coll. (2003renvoi vers) précisent, en effet, que les représentations communes peuvent être de puissants freins aux campagnes de persuasion dans la mesure où le risque perçu est différent du risque objectif. Or, c’est ce dernier qui est souvent à la base de l’argumentation dans les publicités. Dans un grand nombre de représentations communes, on trouve des assertions telles que « il faut manger gras en hiver ou en cas d’activité physique », « il faut beaucoup manger pour grandir ». De même, les médias véhiculent parfois des représentations qui conduisent à construire des représentations sociales ambiguës, voire contradictoires, des risques (par exemple, « boire du vin est bon pour santé »). Aussi, non seulement est-il indispensable de bien connaître les représentations sociales et communes des risques, mais aussi de mieux informer sur les risques objectifs, si ces derniers sont mal connus.
De même, plusieurs recherches montrent qu’un message peut difficilement être accepté s’il est en contradiction avec les valeurs et buts personnels de la cible (Gebhardt, 2006renvoi vers). Par exemple, si une des principales valeurs d’une personne est l’hédonisme et que l’alimentation est une de ses sources principales de plaisir existentiel, il sera difficile de lui demander de diminuer son plaisir pour qu’elle vise, avant tout, la valeur et le but de « santé ».
Les comportements en lien avec l’alimentation sont également source d’identité personnelle et sociale. Falomir et Mugny (2004renvoi vers) ont montré la difficulté qu’il y a à accepter des messages sanitaires qui demandent de changer des comportements qui sont une importante source d’identité pour la personne. Par exemple, si une personne construit une partie de son identité personnelle et sociale à partir d’assertions telles que « une bonne mère de famille/épouse doit beaucoup donner à manger à ses enfants/son mari » ou « les personnes grosses sont fortes », il sera difficile de faire changer ses comportements alimentaires inadaptés parce qu’ils sont en adéquation avec les fondements de son identité. Les messages devront alors contenir d’autres arguments.
Ainsi, les campagnes de lutte contre les risques ont d’autant plus de chances d’être efficientes si, d’une part, elles sont construites après avoir mené des enquêtes sur les représentations, valeurs et identités sociales des différentes cibles. D’autre part, si à partir de ces enquêtes, elles peuvent « tailler sur mesure » leur argumentation.

Recherches sur l’efficacité de la rhétorique des messages

Lorsque les récepteurs ont peu de connaissance des risques et/ou considèrent qu’ils sont peu pertinents pour eux, certaines recherches montrent les effets positifs de figures de rhétorique consistant à davantage les interpeller et les impliquer (par exemple : « ça vous concerne »), en veillant cependant à ne pas utiliser un mode grammatical impératif qui ne convient pas aux personnes faiblement impliquées (Baek et coll., 2015renvoi vers). De même, en accord avec la théorie des réponses cognitives (Greenwald, 1968renvoi vers ; Petty et Cacioppo, 1986renvoi vers), l’usage dans les messages du mode interrogatif permet de favoriser la production chez les récepteurs de réponses cognitives pertinentes. Poser des questions permet également de favoriser la mémorisation dans la mesure où les réponses cognitives produites sont davantage mémorisées que les arguments directement présentés dans le message.
Les recherches effectuées dans le contexte de la théorie de l’engagement, notamment sur le concept de communication engageante (Bernard et coll., 2010renvoi vers ; Girandola et Joule, 2012renvoi vers), mettent en évidence l’importance à mentionner le fait que la décision de changer ou non provient uniquement du récepteur lui-même qui a donc la liberté de changer ou non ses comportements. Cette mention accroît en effet la probabilité d’effectuer réellement les comportements attendus. Ce qui peut être important notamment pour les enfants ou adolescents qui voient parfois les pratiques alimentaires en tant qu’opportunité de s’affranchir de l’autorité parentale et de faire leur propre choix leur permettant de gagner en autonomie.
La recherche publicitaire a également montré l’intérêt qu’il y a à utiliser des figures de rhétorique ludique permettant par exemple de faire davantage mémoriser certains messages. Un des principaux processus cognitifs impliqués dans la mémorisation reposerait alors sur l’activation répétée de la boucle phonologique (« la petite voix avec laquelle on se parle dans sa tête ») en mémoire de travail (Baddeley, 1986renvoi vers). La reprise des figures de rhétorique ludique dans les interactions sociales quotidiennes peut même conduire à les insérer dans le langage quotidien des Français (Berthelot-Guiet, 2013renvoi vers ; la fameuse formule « un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts ») et faire le « buzz » sur les réseaux sociaux numériques.
Un autre frein conduisant à l’inefficacité des messages de santé vient du fait que, même si la personne est effectivement persuadée, elle estime ne pas avoir les ressources suffisantes pour effectivement changer ses comportements en matière d’alimentation ou d’activités physiques. Plusieurs recherches mentionnent donc la nécessité de renforcer, dans le message, la composante méta-cognitive qu’est l’efficacité personnelle perçue (Bandura, 1986renvoi vers) avec des formules d’encouragement du type « vous allez y arriver ».
Une autre idée consiste à souligner le fait que c’est la personne elle-même qui décide de ses propres comportements, qu’elle est capable de contrôler les situations sans voir son comportement dicté par le contexte ou par les personnes de son entourage. Il s’agit alors ici de favoriser ce que les psychologues nomment un lieu du contrôle interne (locus of control ; Horner, 1998renvoi vers), avec des messages évoquant l’idée « c’est vous qui décidez, ne vous laissez pas influencer par votre environnement ».
En matière d’alimentation, c’est le contrôle de soi qui permet de résister aux envies et aux tentations pouvant interférer avec les intérêts de la personne sur le long terme. Une piste qui a également fait ses preuves consiste à stimuler, par des messages, les capacités de l’individu à exercer un contrôle de soi dans la régulation de ses buts liés à l’alimentation (Baumeister et coll., 1998renvoi vers).
Enfin, d’une manière générale, dans la littérature, la plupart des modèles sur la communication de santé insistent sur la nécessité de concevoir des recommandations claires, explicites, non ambiguës, faciles à mettre en Ĺ“uvre et perçues comme étant efficaces (Witte, 1992renvoi vers et 1998renvoi vers).

Conclusion

Ce chapitre montre l’importance qu’il y a à bien connaître les processus et déterminants impliqués dans la réception et l’influence des mentions sanitaires et messages nutritionnels pour améliorer l’efficience des actions de communication et de prévention. Les processus psychologiques et psychosociaux impliqués dans la réception et l’influence des mentions sanitaires qui accompagnent les publicités des produits alimentaires, peuvent être regroupés en deux grandes voies d’influence : une voie des influences non conscientes et une voie des influences suite à des traitements propositionnels. L’orientation vers l’une ou l’autre voie dépend du niveau d’attention et de ressources cognitives allouées par le récepteur à la mention sanitaire. Au sein de la voie des influences non conscientes que nous avons modélisée à partir de recherches effectuées sur la réception de la publicité commerciale, nous avons distingué deux types de processus cognitifs. Premièrement, des processus basés sur de la fluidité perceptive suite à des perceptions non conscientes des messages. Deuxièmement, des processus cognitifs basés sur des fluidités perceptives et conceptuelles opérant avec une faible allocation d’attention lors de l’influence de messages à peine vus et aussitôt oubliés. Les recherches que nous avons synthétisées indiquent les principales conditions dans lesquelles les mentions sanitaires sur lesquelles le regard ne s’est pas ou à peine porté peuvent tout de même avoir des effets favorables sur les attitudes et cognitions. Au sein de la deuxième voie, celle des influences suite à des traitements propositionnels, nous avons distingué deux types de processus de réception et d’influence selon que les récepteurs aient ou non des connaissances sur les risques et qu’ils les considèrent ou non comme pertinents pour eux. Nous avons alors indiqué quelques conditions menant à la conception de messages sanitaires plus efficaces. Cependant, d’autres recherches expérimentales doivent encore être menées, premièrement, pour mieux comprendre les processus psychologiques et psychosociaux spécifiques à la réception et à l’influence des bandeaux et mentions sanitaires associés aux publicités commerciales. Deuxièmement, pour étudier les effets de ce type de communication de santé sur les changements effectifs de comportement, et pas seulement sur les cognitions, attitudes ou intentions d’action.

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