2011


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Annexe

Annexe 1

Expertise collective Inserm : éléments de méthode

L’Expertise collective Inserm1 apporte un éclairage scientifique sur un sujet donné dans le domaine de la santé à partir de l’analyse critique et de la synthèse de la littérature scientifique internationale. Elle est réalisée à la demande d’institutions souhaitant disposer des données récentes issues de la recherche utiles à leurs processus décisionnels en matière de politique publique. L’Expertise collective Inserm doit être considérée comme une étape initiale, nécessaire mais le plus souvent non suffisante, pour aboutir aux prises de décision. Les conclusions apportées par les travaux d’expertise collective contribuent, mais ne peuvent se substituer, au débat des professionnels concernés ou au débat de société si les questions traitées sont particulièrement complexes et sensibles.
L’Expertise collective Inserm peut être complétée, à la demande d’un commanditaire, par une expertise « opérationnelle » qui s’intéresse à l’application des connaissances et recommandations en tenant compte de facteurs contextuels (programmes existants, structures, acteurs, formations...). Ce type d’expertise sollicite la participation d’acteurs de terrain susceptibles de répondre aux aspects de faisabilité, de représentants d’administrations ou institutions chargées de promouvoir les applications dans le domaine concerné, d’experts ayant participé aux expertises, de représentants d’associations de patients. La mise en commun de cultures et d’expériences variées permet une approche complémentaire à l’expertise collective dans un objectif d’opérationnalité. De même, différents travaux (recommandations de bonnes pratiques, audition publique...) conduits sous l’égide de la Haute autorité de santé (HAS) peuvent faire suite à une expertise collective Inserm.
L’expertise collective est une mission de l’Inserm depuis 1994. Une soixantaine d’expertises collectives ont été réalisées dans de nombreux domaines de la santé. L’Institut est garant des conditions dans lesquelles l’expertise est réalisée (exhaustivité des sources documentaires, qualification et indépendance des experts, transparence du processus).
Le Centre d’expertise collective Inserm organise les différentes étapes de l’expertise depuis la phase d’instruction jusqu’aux aspects de communication du rapport avec le concours des services de l’Inserm. L’équipe du Centre d’expertise collective constituée d’ingénieurs, de chercheurs et d’un secrétariat assure la recherche documentaire, la logistique et l’animation des réunions d’expertise, et contribue à la rédaction scientifique et à l’élaboration des produits de l’expertise. Des échanges réguliers avec d’autres organismes publics (EPST) pratiquant le même type d’expertise collective ont permis de mettre en place des procédures similaires.

Instruction de la demande

La phase d’instruction permet de définir la demande avec le commanditaire, de vérifier qu’il existe bien une littérature scientifique accessible sur la question posée et d’établir un cahier des charges qui précise le cadrage de l’expertise (état des lieux du périmètre et des principales thématiques du sujet), sa durée et son budget à travers une convention signée entre le commanditaire et l’Inserm.
Au cours de cette phase d’instruction sont également organisées par l’Inserm des rencontres avec les associations de patients pour prendre connaissance des questions qu’elles souhaitent voir traitées et des sources de données dont elles disposent. Ces informations seront intégrées au programme scientifique de l’expertise. Pour certains sujets, un échange avec des partenaires industriels s’avère indispensable pour avoir accès à des données complémentaires inaccessibles dans les bases de données.

Mise en place d’un comité de suivi et d’une cellule d’accompagnement de l’expertise

Un comité de suivi constitué de représentants du commanditaire et de l’Inserm est mis en place. Il se réunit plusieurs fois au cours de l’expertise pour suivre la progression du travail des experts, évoquer les difficultés éventuelles rencontrées dans le traitement des questions, veiller au respect du cahier des charges et examiner d’éventuels nouveaux éléments du contexte réglementaire et politique utiles pour le travail en cours. Le comité est également réuni en fin d’expertise pour la présentation des conclusions de l’expertise avant l’établissement de la version finale du rapport.
Pour les expertises traitant de sujets sensibles, une cellule d’accompagnement est également mise en place qui réunit des représentants de la Direction générale de l’Inserm, du conseil scientifique, du comité d’éthique de l’Inserm, du département de la communication, des chercheurs en sciences humaines et sociales et des spécialistes d’histoire des sciences. Cette cellule a pour rôle de repérer au début de l’expertise les problématiques susceptibles d’avoir une forte résonance pour les professionnels concernés et pour la société civile et de suggérer l’audition de professionnels des domaines connexes, de représentants de la société civile et d’associations de patients. En bref, il s’agit de prendre la mesure de la perception que les différents destinataires pourront avoir de l’expertise. Avant la publication de l’expertise, la cellule d’accompagnement porte une attention particulière à la façon dont la synthèse et les recommandations sont rédigées incluant si nécessaire l’expression de différents points de vue. En aval de l’expertise, la cellule a pour mission de renforcer et d’améliorer la diffusion des résultats de l’expertise en organisant par exemple des colloques ou séminaires avec les professionnels du domaine et les acteurs concernés ou encore des débats publics avec les représentants de la société civile. Ces échanges doivent permettre une meilleure compréhension et une appropriation de la connaissance issue de l’expertise.

Réalisation de la recherche bibliographique

Le cahier des charges, établi avec le commanditaire, est traduit en une liste exhaustive de questions scientifiques correspondant au périmètre de l’expertise avec l’aide de scientifiques référents du domaine appartenant aux instances de l’Inserm. Les questions scientifiques permettent d’identifier les disciplines concernées et de construire une arborescence de mots clés qui servira à une interrogation systématique des bases de données biomédicales internationales. Les articles et documents sélectionnés en fonction de leur pertinence pour répondre aux questions scientifiques constituent la base documentaire qui sera transmise aux experts. Il sera demandé à chacun des membres du groupe de compléter tout au long de l’expertise cette base documentaire.
Des rapports institutionnels (parlementaires, européens, internationaux...), des données statistiques brutes, des publications émanant d’associations et d’autres documents de littérature grise sont également repérés (sans prétention à l’exhaustivité) pour compléter les publications académiques et mis à la disposition des experts. Il leur revient de prendre en compte, ou non, ces sources selon l’intérêt et la qualité des informations qu’ils leur reconnaissent. Enfin, une revue des principaux articles de la presse française est fournie aux experts au cours de l’expertise leur permettant de suivre l’actualité sur le thème et sa traduction sociale.

Constitution du groupe d’experts

Le groupe d’experts est constitué en fonction des compétences scientifiques nécessaires à l’analyse de l’ensemble de la bibliographie recueillie et à la complémentarité des approches. L’Expertise collective Inserm étant définie comme une analyse critique des connaissances académiques disponibles, le choix des experts se fonde sur leurs compétences scientifiques, attestées par leurs publications dans des revues à comité de lecture et la reconnaissance par leurs pairs. La logique de recrutement des experts fondée sur leur compétence scientifique et non leur connaissance du terrain est à souligner, dans la mesure où il s’agit d’une source récurrente de malentendus lors de la publication des expertises.
Les experts sont choisis dans l’ensemble de la communauté scientifique française et internationale. Ils doivent être indépendants du partenaire commanditaire de l’expertise et de groupes de pression reconnus. La composition du groupe d’experts est validée par la Direction générale de l’Inserm.
Plusieurs scientifiques extérieurs au groupe peuvent être sollicités pour apporter ponctuellement leur contribution sur un thème particulier au cours de l’expertise.
Le travail des experts dure de 12 à 18 mois selon le volume de littérature à analyser et la complexité du sujet.

Première réunion du groupe d’experts

Avant la première réunion, les experts reçoivent un document explicatif de leur mission, le programme scientifique (les questions à traiter), le plan de travail, la base bibliographique de l’expertise établie à ce jour ainsi que les articles qui leur sont plus spécifiquement attribués selon leur champ de compétence.
Au cours de la première réunion, le groupe d’experts discute la liste des questions à traiter, la complète ou la modifie. Il examine également la base bibliographique et propose des recherches supplémentaires pour l’enrichir.

Analyse critique de la littérature par les experts

Au cours des réunions, chaque expert est amené à présenter oralement son analyse critique de la littérature sur l’aspect qui lui a été attribué dans son champ de compétence en faisant la part des acquis, incertitudes et controverses du savoir actuel. Les questions, remarques, points de convergence ou de divergence suscités par cette analyse au sein du groupe sont pris en considération dans le chapitre que chacun des experts rédige. Le rapport d’analyse, regroupant ces différents chapitres, reflète ainsi l’état de l’art dans les différentes disciplines concernées par le sujet traité. Les références bibliographiques utilisées par l’expert sont citées au sein et en fin de chapitre.

Synthèse et recommandations

Une synthèse reprend les grandes lignes de l’analyse de la littérature et en dégage les principaux constats et lignes de force. Certaines contributions d’intervenants extérieurs au groupe peuvent être résumées dans la synthèse.
Cette synthèse est plus spécifiquement destinée au commanditaire et aux décideurs dans une perspective d’utilisation des connaissances qui y sont présentées. Son écriture doit donc tenir compte du fait qu’elle sera lue par des non scientifiques.
Dès la publication du rapport, cette synthèse est mise en ligne sur le site Web de l’Inserm. Elle fait l’objet d’une traduction en anglais qui est accessible sur le site du NCBI/NLM (National Center for Biotechnology Information de la National Library of Medecine) et Sinapse (Scientific INformAtion for Policy Support in Europe, site de la Commission Européenne).
À la demande du commanditaire, certaines expertises collectives s’accompagnent de « recommandations ». Deux types de « recommandations » sont formulés par le groupe d’experts. Des « principes d’actions » qui s’appuient sur un référentiel scientifique validé pour définir des actions futures en santé publique (essentiellement en dépistage, prévention et prise en charge) mais qui en aucun cas ne peuvent être considérés comme des recommandations « opérationnelles » dans la mesure où les éléments du contexte économique ou politique n’ont pas été pris en compte dans l’analyse scientifique. Des « axes de recherche » sont également proposés par le groupe d’experts pour combler les lacunes de connaissances scientifiques constatées au cours de l’analyse. Là encore, ces propositions ne peuvent être considérées comme des recherches « prioritaires » sans une mise en perspective qu’il revient aux instances concernées de réaliser.

Lecture critique du rapport et de la synthèse par des grands « lecteurs »

Pour certaines expertises traitant de sujets sensibles, une note de lecture critique est demandée à plusieurs grands « lecteurs » choisis pour leurs compétences scientifiques ou médicales, exerçant des fonctions d’animation ou d’évaluation dans des programmes de recherche français ou européens ou encore participant à des groupes de travail ministériels. De même, le rapport et la synthèse (et recommandations) peuvent être soumis à des personnalités ayant une bonne connaissance du « terrain » et susceptibles d’appréhender les enjeux socioéconomiques et politiques des connaissances (et propositions) qui sont présentées dans l’expertise.

Présentation des conclusions de l’expertise et mise en débat

Un séminaire ouvert à différents milieux concernés par le thème de l’expertise (associations de patients, associations professionnelles, syndicats, institutions...) permet une première mise en débat des conclusions de l’expertise. C’est à partir de cet échange que peut être établie la version finale du document de synthèse intégrant les différents points de vue qui se sont exprimés.


Annexe 2

Institutions dans le champ de la santé au travail en France et leur évolution

Traditionnellement et historiquement, la prévention des risques pour la santé dans le monde du travail en France a reposé très longtemps (depuis le début du XXe siècle) sur trois piliers que sont l’Inspection du travail, les services de prévention de la Sécurité Sociale et le système de Médecine du travail. Pendant toutes ces décennies, le travail n’étant pas pris comme un déterminant de santé par la « Santé Publique », leurs interventions se sont faites sur les lieux de production considérés, dans les entreprises, comme exclus du champ de visibilité de la société civile ou du regard du juge.
L’arrêt de la Cour de Cassation du 28/02/2002 concernant l’exposition des salariés à l’amiante (substance cancérigène) a été l’occasion d’un passage de l’obligation de moyens à l’obligation de résultats en matière de sécurité et de santé au travail, en fonction de l’état des connaissances, aussi bien pour les employeurs que pour l’État. La santé au travail a ainsi fait irruption dans les tribunaux.
Dans le même temps, se sont mis en place :
• l’obligation pour tous les employeurs d’évaluer les risques professionnels dans leurs entreprises et de mettre en place un plan de prévention de ces risques (transcription en Droit Français en 2001 d’une Directive Européenne de 1991) ;
• le renforcement du rôle des partenaires sociaux dans le domaine de la santé au travail (Traité d’Amsterdam 1997, Mouvement de refondation sociale avec accord de septembre 2000, Loi du 21/01/2008, Transcription de l’accord Européen sur le stress le 02/07/2008...) ;
• l’encadrement par l’État du paritarisme social avec la création du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) et des Comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP).
La Santé publique et l’Environnement ont alors intégré le travail comme déterminant de santé pour les populations au travail, dimension qui est alors retrouvée dans différents plans nationaux et lois : Plan Cancer, Plan national Santé-Environnement (PNSE 1 et 2), Loi de Grenelle de l’Environnement (2009), Loi de Santé Publique (2004), Plan national santé au travail (PNST 1 et 2).
Parallèlement, à partir de 2002, l’État se réforme avec la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) – attribution de moyens financiers en fonction de résultats et non plus en fonction de normes – et crée une expertise indépendante par la volonté de séparer l’évaluation et la gestion des risques, et de séparer également l’expertise scientifique de la négociation sociale à la recherche de compromis socialement acceptables d’un niveau de risques. D’où la création du Département Santé Travail de l’Institut de veille sanitaire (InVS) dépendant du ministère de la Santé, et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset1 ) sous la tutelle du ministère chargé du travail.
Nous avons aujourd’hui un décloisonnement des champs d’action des différents ministères.
La Direction de la sécurité sociale2 a pour mission d’élaborer la politique et la législation en matière d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, de préparer les actions gouvernementales, de préparer des projets de textes de loi et l’élaboration des mesures réglementaires, et exerce la tutelle sur :
• la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), établissement public géré par les partenaires sociaux dans le cadre de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP), et assureur du risque professionnel en France ;
• les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat, auparavant dénommées Cram, au nombre de 16) dont la mission est de développer et coordonner la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, avec des comités techniques régionaux où siègent les partenaires sociaux (représentants employeurs et salariés). Les Carsat financent des consultations de pathologies professionnelles situées dans des Centres hospitaliers universitaires, et qui sont intégrées dans un réseau de veille appelé Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P), lui même associé à l’InVS ;
• les Comités techniques nationaux (CTN) (au nombre de 9) : composés de représentants des employeurs et des salariés, ces comités étudient les risques propres aux professions ou groupes de profession et font des propositions de recommandations techniques par branche d’activité ;
• l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), organisme géré par les partenaires sociaux placé sous l’autorité de la CNAMTS, financé par le fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, et qui a pour mission de mieux connaître les risques professionnels (études et recherches, information, formation, contrôle des substances chimiques nouvelles).
Le ministère en charge du travail avec la Direction générale du travail (DGT) a en charge la politique publique nationale de prévention sur les lieux de travail, assisté d’un organe consultatif : le COCT (cf. supra) auparavant dénommé le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. La DGT prépare, anime et coordonne la politique du travail afin d’améliorer les relations collectives et individuelles et les conditions de travail dans les entreprises ainsi que la qualité et l’effectivité du droit qui les régit. Elle exerce son autorité sur les services déconcentrés de l’État en région : les Directions régionales des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte, au nombre de 23) et les Unités territoriales (ex-DDTEFP) au niveau départemental.
Les Direccte, avec le concours des médecins inspecteurs du travail et des inspecteurs du travail, exercent un contrôle sur les Services de santé au travail (SST) inter entreprises ou autonomes des différents régimes de sécurité sociale (régime général et agricole), des différentes fonctions publiques (d’État, hospitalière ou territoriale), ainsi que sur l’activité des médecins du travail et des autres professionnels de ces services dont les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), acteurs de ce qu’on appelle la « pluridisciplinarité » en médecine du travail.
D’autres organismes participent à la prévention des risques professionnels :
• l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), établissement public dont le Conseil d’administration réunit des représentants de l’État, des travailleurs et employeurs et des personnes qualifiées, organisé avec 24 antennes régionales (Aract) chargées du développement de méthodes novatrices de changement technique, organisationnel et social pour l’amélioration des conditions de travail ;
• l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP).



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