Effets de xénobiotiques sur la reproduction

2011


ANALYSE

16-

Conclusions et perspectives de recherche

Les perturbateurs endocriniens peuvent agir à plusieurs niveaux : au niveau de la production d’hormone et de son transport ; au niveau des récepteurs endocriniens, de la régulation de leur expression ou de leur activité.
Parmi les nombreux mécanismes d’actions potentiels des perturbateurs endocriniens, seuls quelques uns ont été associés à des phénotypes au niveau de l’appareil reproducteur. La vaste majorité des études se focalise sur des effets de type anti-androgénique ou œstrogénique sans pour autant démontrer l’implication des récepteurs nucléaires correspondants. Quelques mécanismes précis ont été proposés pour des substances dites à activité œstrogénique ou anti-androgénique. Les substances de type œstrogènique peuvent causer des anomalies structurelles ou fonctionnelles chez le mâle et la femelle au cours du développement alors que les substances de type androgènes affectent essentiellement les femelles et les anti-androgènes essentiellement les mâles.
Un effort de recherche important a été mis en œuvre pour la caractérisation des substances altérant la signalisation des récepteurs nucléaires « canoniques » aux œstrogènes et aux androgènes, mais d’autres modes d’actions doivent être envisagés via des récepteurs hormonaux moins classiques : membranaires (GPR30) ou via d’autres récepteurs nucléaires (PPAR, TR, PXR, CAR, RAR, récepteurs orphelins comme ERRγ, récepteur de la dioxine AhR). Vu la variété des actions spécifiques possibles d’une molécule donnée (stabilité, toxicocinétique, plusieurs récepteurs différents...), il n’est pas étonnant que le lien in vitro/in vivo soit difficile à établir.
Deux types de démarches devraient pouvoir être envisagés dans l’avenir :
• étudier les effets d’une molécule donnée dans des modèles génétiques (souris ou zebrafish essentiellement) où un récepteur putatif est inactivé. Par exemple, est-ce que le BPA produit les mêmes types d’effets dans des souris mutantes pour ERα et ERβ ?
• caractériser à l’échelle génomique la réponse à ces molécules en ce qui concerne les gènes régulés.
Connaître l’intégralité des gènes régulés par une molécule donnée permettrait de comparer ce réseau avec ceux des ligands endogènes des récepteurs cibles putatifs et donc d’établir éventuellement des correspondances fortes. On peut citer à titre d’exemple l’étude de Rosen et coll. (2010renvoi vers). Ces auteurs montrent par une analyse transcriptomique que le PFOS, un activateur de PPARα, induit dans des souris de type sauvage une signature transcriptionelle typique de l’activation de PPARα mais que dans des souris PPARα déficientes (knock-out) on observe toujours une réponse transcriptionelle à PFOS. Ceci suggère que bien que PFOS active effectivement la voie PPARα il existe également des effets PPARα-indépendants médiés par cette molécule.
Par ailleurs, on peut mettre en évidence l’interaction avec plusieurs voies de signalisation pour une même substance « reprotoxique » comme par exemple une perturbation de la signalisation stéroïdienne et de la signalisation rétinoïdienne par l’intermédiaire d’un même récepteur (SHP).
Dans de nombreux cas, une altération du poids ou de la structure des organes reproducteurs, ou de la prolifération des cellules, ou encore de la sécrétion hormonale d’un tissu, est rapportée sans que le mécanisme d’action n’ait été élucidé. Ceci est en partie dû au fait que la connaissance fondamentale, y compris les fonctions des récepteurs nucléaires, est encore incomplète. L’effet sur d’autres voies de signalisation telles que celles des hormones thyroïdiennes, qui sont importantes pour la taille des testicules et la production spermatique (prolifération des cellules de Sertoli) ou des rétinoïdes, acteurs centraux de la détermination du sexe des cellules germinales, est très peu étudié. Enfin, la possible implication de mécanismes altérant le profil de méthylation de l’ADN et la transmission aux générations futures, doit être approfondie.
Un des premiers paramètres compliquant l’analyse des effets des substances « reprotoxiques » est leur fréquente spécificité d’action en fonction du stade de développement. Ainsi, par exemple certaines substances affectent plus fortement ou spécifiquement la gonade fœtale en comparaison de la gonade adulte ou inversement. Il est même fréquent d’observer des différences d’effet à quelques jours d’écart au cours du développement de la gonade fœtale. De telles fenêtres d’action très spécifiques sont couramment décrites pour la gamétogenèse et la stéroïdogenèse fœtale, deux fonctions dont la mise en place est extrêmement dynamique.
Les effets des expositions chroniques à de faibles doses sont mal connus, de même que ceux des mélanges alors que la plupart des expositions sont multiples. Les interactions entre les modes d’action (synergie, opposition, indépendance) des substances présentes lors des multi-expositions, sont elles aussi difficilement analysées.
La compréhension des mécanismes d’action des substances « reprotoxiques » reste primordiale pour :
• l’établissement de la vraisemblance biologique de la relation de cause à effet ;
• une démarche de toxicologie prédictive ;
• une approche préventive en santé publique.

Bibliographie

[1] ROSEN MB, SCHMID JR, CORTON JC, ZEHR RD, DAS KP, et coll. Gene expression profiling in Wild-Type and PPARα-Null mice exposed to perfluorooctane sulfonate reveals PPARα-independent effects. PPAR Res. 2010; :ID 794739Retour vers

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