Composés perfluorés (PFC)

2011


ANALYSE

51-

Études épidémiologiques

Les études épidémiologiques concernant les effets des perfluorés sur la fonction de reproduction sont peu nombreuses. Elles concernent essentiellement les taux d’hormones stéroïdes (trois études transversales, population générale et milieu professionnel) et les caractéristiques spermatiques (une étude transversale en population générale), la survenue d’incidents au cours de la grossesse, l’âge de la puberté (une étude) et la fécondité des couples (une cohorte). D’autres études se sont intéressées à diverses pathologies non liées directement à la reproduction.

Effets sur la fonction de reproduction masculine

Hormones gonadotropes, gonadiques et thyroïdiennes

Une étude transversale a été réalisée au Danemark auprès de 105 hommes jeunes (18 à 25 ans) de la population générale (Joensen et coll., 2009renvoi vers). Ces sujets constituaient un sous-groupe des participants à l’étude sur la fertilité des conscrits réalisée au Danemark et dans d’autres pays du nord de l’Europe depuis 1996 (Jorgensen et coll., 2006renvoi vers). Parmi les 546 hommes examinés en 2003 à Copenhague dans le cadre de cette étude, les auteurs ont sélectionné les 53 et 52 sujets présentant la concentration de testostérone la plus élevée ou la plus faible, respectivement. Un échantillon de sérum a été prélevé le même jour que celui du recueil de sperme, puis a été congelé. En 2008, un dosage de 10 composés perfluorés, dont le PFOA (médiane, 24,5 μg/l) et le PFOS (médiane, 4,9 μg/l) a été réalisé dans ces échantillons de sérum. La corrélation entre les concentrations de PFOA et PFOS était de 0,59 (p<0,01). Les associations entre les concentrations de biomarqueurs et les concentrations hormonales ont été quantifiées à l’aide de modèles de régression ajustées sur l’heure de la prise de sang, en codant les hormones en continu (généralement après une transformation logarithmique), et aussi en utilisant un score en catégories dépendant des valeurs des concentrations en PFOS et PFOA simultanément.
La concentration de PFOS n’était pas nettement associée aux hormones reproductives considérées. Les tendances les plus nettes avec le PFOS étaient observées pour le FAI (Free Androgen Index), qui avait tendance à diminuer avec le PFOS. Le PFOA n’était pas non plus associé nettement aux concentrations hormonales. Dans une analyse supplémentaire, les auteurs ont additionné les concentrations massiques de PFOA et PFOS, et ont caractérisé l’association entre cette somme (notée PFAA) et les mêmes hormones reproductives. L’association la plus nette était observée avec le Free Androgen Index (FAI) : le logarithme de cet indice diminuait de 0,006 (IC 95 % : -0,001 à 0,014) pour une augmentation de 1 μg/l des PFAA. Les auteurs insistent également sur la tendance à la diminution du ratio inhibine B/FSH avec la concentration de PFAA (-0,006 ; IC 95% : -0,034 à 0,022). L’ensemble des résultats sont présentés dans le tableau 51.Irenvoi vers. Les auteurs n’ont pas non plus trouvé de différences des concentrations de PFOS ou PFOA entre le groupe de sujets avec une concentration de testostérone faible et le groupe avec une concentration de testostérone élevée.
Cette étude est limitée par une taille relativement faible (mais c’est la première sur cette question) et par son caractère transversal (ce qui est une approche fréquente pour une question nouvelle). De plus, l’échantillonnage stratifié sur le niveau de testostérone, qui n’a pas été pris en compte dans l’analyse statistique, est susceptible d’avoir biaisé les résultats dans un sens difficilement prévisible. Ces limites font qu’on ne peut pas considérer que ce travail apporte des éléments forts en faveur d’une absence d’effet à court terme des PFOA et PFOS à l’âge adulte sur les hormones reproductives chez l’homme.

Tableau 51.I Variations (et IC 95 %) des concentrations d’hormones de la reproduction chez 105 hommes jeunes danois en relation avec les variations de concentration du PFOS, PFOA et de la somme des deux composés (PFAA) (Joensen et coll., 2009renvoi vers)

Hormonesa
PFOSb
PFOAb
PFAAb
Testostérone
-0,087 [-0,32-0,15]
-0,98 [-2,33-0,37]
-0,093 [-0,303-0,116]
Lnc Œstradiol
-0,01 [-0,008-0,005]
-0,012 [-0,051-0,027]
-0,001 [-0,007-0,005]
Ln SHBG
 0,002 [-0,007-0,012]
-0,009 [-0,067-0,048]
0,002 [-0,007-0,011]
Ln LH
 0,000 [-0,014-0,012]
-0,010 [-0,084-0,064]
 0,000 [-0,012-0,010]
Ln FSH
 0,004 [-0,13-0,22]
-0,037 [-0,14-0,064]
 0,003 [-0,013-0,018]
Ln inhibine B
-0,004 [-0,21-0,12]
 0,012 [-0,084-0,11]
-0,003 [-0,018-0,012]
Ln FAI
-0,006 [-0,015-0,002]
-0,038 [-0,087-0,011]
-0,006 [-0,014-0,001]
Ln Testostérone/LH
-0,003 [-0,017-0,011]
-0,037 [-0,12-0,045]
-0,003 [-0,016-0,009]
Ln FAI/LH
-0,006 [-0,020-0,009]
-0,028 [-0114-0,058]
-0,005 [-0,018-0,008]
Ln Œstradiol/testostérone
-0,003 [-0,005-0,010]
 0,035 [-0,010-0,081]
 0,003 [-0,004-0,010]
Ln Inhibine/FSH
-0,009 [-0,039-0,022]
 0,049 [-0,13-0,23]
-0,006 [-0,034-0,022]

a Les taux d’hormones sont ajustés par rapport à l’heure de prélèvement ; b Les variations sont données pour une augmentation de 1 μg/l de la concentration du composé perfluoré considéré ; c Ln : logarithme népérien

Les deux études transversales d’Olsen et coll. (1998renvoi vers) conduites auprès de 111 et 88 sujets exposés en milieu professionnel n’indiquaient pas de lien net entre les niveaux d’imprégnation au PFOA et les taux sériques des principales hormones stéroïdes sexuelles. L’analyse statistique (donnant les niveaux moyens de PFOA en fonction des dosages hormonaux) ne permet pas une confrontation aisée de ces résultats avec ceux de l’étude de Joensen et coll. (2009renvoi vers).

Caractéristiques spermatiques

L’étude de Joensen et coll. (2009renvoi vers) a également caractérisé l’association entre les niveaux de PFOS et PFOA d’un côté, et les caractéristiques spermatiques de l’autre. Comme pour les hormones reproductives, les auteurs ont examiné séparément l’association entre chaque caractéristique spermatique (log-transformée, sauf pour la morphologie, correspondant à la proportion de spermatozoïdes avec une morphologie considérée typique) et la concentration massique de PFOS, de PFOA, de leur somme (notée PFAA) et du score des PFAA. Les analyses sur la concentration ont été ajustées sur la durée d’abstinence sexuelle avant le recueil spermatique.
Les résultats (tableau 51.IIrenvoi vers) n’indiquent pas d’association statistiquement nette avec le PFOS ; toutefois la concentration spermatique tendait à diminuer avec la concentration de PFOS (diminution de 0,020 du log de la concentration spermatique pour toute augmentation de 1 μg/l de la concentration de PFOS, IC 95 % [-0,005 - +0,044], et il en allait de même pour la mobilité spermatique et la morphologie spermatique. La situation était similaire pour le PFOA et la somme des concentrations massiques des deux composés : tendances à la diminution de la concentration, mobilité et morphologie spermatiques, sans qu’aucune des associations soit nette statistiquement. Quand on considérait le score d’exposition aux PFAA, l’association la plus nette était observée pour la proportion de spermatozoïdes avec une morphologie normale, qui avait tendance à diminuer avec le score d’exposition combinée au PFOA et PFOS (p=0,04), et le nombre total de spermatozoïdes morphologiquement normaux (produit de la concentration spermatique par la proportion de spermatozoïdes morphologiquement normaux, p=0,03).
Les limites de cette analyse sont les mêmes que celles de l’analyse sur les hormones reproductives fondée sur la même population indiquée plus haut. L’effet possible des PFOA et PFOS sur la proportion et le nombre de spermatozoïdes morphologiquement normaux rapporté ici doit donc être considéré avec prudence à ce stade.

Tableau 51.II Variations (et IC 95 %) des caractéristiques spermatiques chez 105 hommes jeunes danois en relation avec les variations des concentrations de PFOS, PFOA et de la somme des deux composés (PFAA) (μg/l) (Joensen et coll., 2009renvoi vers)

Variablesa
PFOSb
PFOAb
PFAAb
Lnc volume de liquide séminal
0,00 [-0,012-0,011]
-0,002 [-0,070-0,066]
0,000 [-0,010-0,010]
Ln concentration de spermatozoïdes
-0,020 [-0,044-0,005]
-0,080 [-0,230-0,066]
-0,018 [-0,040-0,004]
Ln compte total de spermatozoïdes
-0,018 [-0,045-0,010]
-0,074 [-0,230-0,086]
-0,016 [-0,041-0,008]
Ln mobilité
-0,006 [-0,19-0,007]
-0,027 [-0,110-0,053]
-0,006 [-0,018-0,007]
Morphologie
-0,085 [-0,200-0,026]
-0,540 [-1,200-0,110]
-0,082 [-0,0181-0,018]

a Le volume, la concentration et le compte total ont été ajustés sur la durée d’abstinence ; la mobilité a été ajustée sur le temps entre l’éjaculation et l’analyse du sperme ; la morphologie n’a pas été ajustée sur les facteurs de confusion ; b Les variations sont données pour une augmentation de 1 μg/l de la concentration du composé perfluoré considéré ; c Ln : logarithme népérien

Effets sur la fonction de reproduction féminine

Effets sur la survie fœtale/survenue de fausse-couche spontanée

Le C8 Health Project1 a permis d’étudier l’association entre les niveaux de PFOS et PFOA chez la femme et différentes issues et troubles de grossesse (Stein et coll., 2009renvoi vers). Ce projet a été mené dans le cadre d’une action collective en justice de résidents des états de West Virginia et Ohio (États-Unis) vivant à proximité d’une usine ayant utilisé du PFOA à partir de 1951 pour synthétiser des polymères fluorés. La contamination de l’eau de boisson et la déposition de l’air contaminé sont les deux principales voies d’exposition supposées de cette population, dont les niveaux sériques de PFOA (médiane, 21 μg/l) sont élevés par rapport à la population générale, alors que ceux de PFOS (médiane, 14 μg/l) sont plus habituels, voire faibles par rapport à la population de femmes enceintes danoises étudiée par Fei et coll. (2009renvoi vers). Le protocole s’est appuyé sur un échantillonnage transversal de la population de six districts dont l’eau avait été contaminée par les rejets de l’usine, qui a répondu à un questionnaire de santé en 2005-2006 (taux de participation proche de 80 %) et a accepté un prélèvement de sang, qui a permis le dosage sérique de plusieurs composés perfluorés. La population de l’analyse concernant les PFOA a de plus été restreinte aux grossesses pour lesquelles la femme n’avait pas déménagé entre le début de la grossesse et la date du dosage des composés perfluorés, pour rendre les dosages sériques à l’inclusion dans l’étude plus représentatifs des niveaux durant la grossesse. Les auteurs ont caractérisé l’association entre les concentrations sériques de composés perfluorés et les issues des grossesses des 5 années précédant le prélèvement de sang. Ont été étudiées en particulier la survenue de fausse-couche spontanée, de prééclampsie (pathologie de la grossesse consistant en une hypertension et la présence de protéines dans les urines) et le poids de naissance des enfants (non détaillé ici) ainsi que les risques de malformation congénitale et de naissance prématurée (non détaillé ici). Les concentrations de PFOA et PFOS n’étaient que faiblement corrélées entre elles (r=0,2, p<0,001).
Les résultats n’indiquaient pas d’association entre les concentrations de PFOA et le risque de fausse-couche spontanée. Concernant le risque de prééclampsie, les analyses ont mis en évidence une augmentation du risque de prééclampsie en association avec les niveaux de PFOS. Le risque de prééclampsie tendait également à augmenter avec les concentrations de PFOA mais l’association était moins nette sur le plan statistique.
La limite principale de l’étude est due à son caractère rétrospectif, qui a des conséquences tant sur l’estimation de l’exposition (les niveaux d’exposition ont probablement varié dans une certaine mesure entre la grossesse considérée et le moment du dosage), sur les facteurs de confusion pris en compte (la consommation de tabac lors du recrutement, mais pas lors de la grossesse, était disponible) et sur la qualité de la mesure des événements de santé considérés.

Survenue de la puberté

Des résultats préliminaires ont été diffusés sur l’association entre PFOS, PFOA et survenue de la puberté. Lopez-Espinosa et coll. (2001renvoi vers) se sont intéressés à la survenue de la puberté en relation avec l’exposition aux composés perfluorés (PFOS et PFOA). L’analyse reposait sur la population de l’étude C8 (Survie fœtale). Le statut pubertaire était estimé à partir de dosages hormonaux (testostérone pour les garçons, œstradiol chez les filles). Les résultats indiquaient une diminution de la probabilité d’être pubère en association avec la concentration sérique de PFOS chez le garçon et la fille ; une association similaire était observée avec le PFOA, mais chez les filles seulement. Le caractère transversal de l’étude ne permet pas d’écarter un biais de causalité inverse.

Effets sur la fertilité du couple

Dans une étude réalisée auprès de 1 240 couples de la cohorte de naissance danoise (Danish National Birth Cohort), recrutés entre 1996 et 2002, les concentrations plasmatiques de PFOS et PFOA ont été mesurées à partir de prélèvements effectués entre 4 et 14 semaines de grossesse (Fei et coll., 2009renvoi vers). Les couples ont été catégorisés en quatre groupes de taille équivalente (ou quartiles) en fonction des concentrations de PFOS et PFOA. Ces femmes correspondent à un échantillon aléatoire de sujets de la Danish National Birth Cohort, d’où les couples déclarant que la grossesse n’avait pas été planifiée avaient été exclus. Un questionnaire renseigné durant le premier trimestre de grossesse par la femme a permis de quantifier le délai nécessaire pour concevoir, qui a été censuré statistiquement au-delà de 13 mois dans les analyses, comme il est préconisé pour s’affranchir des biais liés aux traitements médicaux de l’infertilité. Dans les analyses non ajustées, les concentrations moyennes de PFOA et PFOS avaient tendance à augmenter avec le délai nécessaire pour concevoir. Après ajustement sur différents facteurs susceptibles d’être associés à la fertilité, et notamment la corpulence de la femme, les caractéristiques socio-économiques du couple, la consommation d’alcool de la femme, le risque d’infécondité involontaire de plus de 12 mois augmentait avec la concentration de PFOS ; en prenant comme référence le quartile correspondant aux 25 % de sujets les moins exposés, le risque (odds-ratio) d’infécondité involontaire de plus de 12 mois était de 1,7 dans le second quartile (IC 95 % : 1,0-2,9), de 2,3 (IC 95 % : 1,4-3,9) dans le troisième quartile et de 1,8 (IC 95 % : 1,1-3,0) dans le quatrième quartile, correspondant à l’exposition la plus élevée (test de tendance, p=0,03). Dans une analyse à l’aide d’un modèle de survie prenant en compte l’ensemble des variations dans le délai nécessaire pour concevoir, la probabilité de grossesse par cycle menstruel (fécondabilité) diminuait avec l’exposition au PFOS. Des résultats similaires étaient observés dans les analyses considérant le PFOA : augmentation de la fréquence d’infécondité involontaire de plus de 12 mois (test de tendance, p=0,006 ; odds-ratio d’infécondité involontaire de plus de 12 mois associé au quartile d’exposition le plus élevé, 2,5 (IC 95% : 1,5-4,4), par rapport au premier quartile), et diminution de la fécondabilité (odds-ratio de fécondabilité associé au quartile le plus élevé, 0,6 (IC 95 % : 0,5-0,8)).
Par ailleurs, les auteurs (Fei et coll., 2009renvoi vers) rapportent que, dans des analyses non ajustées, les concentrations de PFOA et PFOS étaient associées à une fréquence plus élevée de cycles menstruels irréguliers, mais ces résultats doivent être considérés comme très préliminaires étant donné qu’aucune analyse statistique détaillée ne semble avoir été effectuée.
Les analyses statistiques ont été réalisées avec des approches adaptées et les associations très nettes entre les concentrations plasmatiques sont peu susceptibles d’être expliquées par un biais lié à la qualité de la mémorisation du délai pour obtenir la grossesse. De même, une analyse supplémentaire des auteurs indique que l’exclusion des couples n’ayant pas planifié leur grossesse n’est pas susceptible d’entraîner des associations statistiques dans le sens de celles observées. Une limite méthodologique de l’étude concerne l’estimation de l’exposition ; les auteurs ont dosé les concentrations de composés perfluorés en début de grossesse, c’est-à-dire ultérieurement à la période de recherche de grossesse, qui correspond à une fenêtre d’exposition biologiquement plus pertinente, comme les auteurs le rappellent. Le délai entre le début de cette période et le moment du prélèvement sanguin (en début de grossesse) était d’autant plus long que le délai pour concevoir était long. Ceci est susceptible d’avoir induit des erreurs de classement dans l’exposition ; la direction et l’amplitude d’un biais dans l’association entre exposition et risque d’infertilité qui aurait pu en découler ne sont pas faciles à prévoir ; la nature assez persistante des composés testés peut toutefois laisser penser que ce problème lié à la fenêtre d’exposition n’a pas entraîné de biais majeur. En termes de biais de confusion potentiels, les auteurs ont pris en compte plusieurs facteurs susceptibles d’influencer la fertilité des couples ; ils n’ont pas ajusté sur la consommation de tabac, pour laquelle seule l’information concernant le tabagisme durant (et non pas avant) la grossesse était disponible. Une analyse supplémentaire prenant en compte le tabagisme durant la grossesse n’entraînait pas de modification des résultats, pas plus qu’un ajustement sur l’activité professionnelle du partenaire masculin. Un ajustement sur la régularité du cycle menstruel ne modifiait pas non plus les résultats. Il faudrait connaître plus précisément les sources et situations d’exposition au PFOS et PFOA pour discuter de la plausibilité de l’existence d’autres facteurs de confusion potentiels non pris en compte, qui seraient associés simultanément à l’exposition et à des troubles de fertilité.
Comme c’est souvent le cas quand on s’intéresse à un marqueur global tel que la fertilité du couple, l’étude ne permettait pas de préciser les mécanismes biologiques par lesquels le PFOS et le PFOA pourraient influencer la fertilité ; dans la mesure où les expositions des deux partenaires d’un couple sont susceptibles d’être corrélées, on ne peut pas déterminer avec assurance si l’effet éventuel passe par un effet du côté féminin et/ou masculin, ni quelle(s) étape(s) ou paramètre(s) de la fonction de reproduction est (sont) potentiellement atteinte(s), des caractéristiques des ovocytes à la fonction sexuelle, la fertilisation, jusqu’aux premières phases du développement intra-utérin, avant la détection de la grossesse.

Autres effets en marge du domaine couvert par la présente expertise

Effets sur le développement fœtal

Plusieurs études ont cherché à caractériser l’association entre les concentrations sériques de PFOS ou PFOA et un marqueur de la croissance fœtale (en général, taille ou poids du nouveau-né corrigé sur la durée de la gestation). Bien que la croissance fœtale ne fasse pas partie du champ initial de la présente expertise, ce point mérite une attention particulière car il s’agit d’un des premiers événements de santé étudié chez l’homme, à la suite de travaux chez l’animal, et donc un des événements pour lesquels la littérature humaine est la moins parcellaire.
Au moins deux revues, reprenant notamment les études sur la croissance fœtale, ont été publiées. La revue épidémiologique réalisée par le département de médecine de la compagnie 3M, ayant produit des composés perfluorés (Olsen et coll., 2009renvoi vers) a revu cinq études en population générale publiées avant 2008 et reposant sur un dosage sérique des composés perfluorés mis en relation avec le poids de naissance, ainsi que deux études en milieu professionnel sans dosage des expositions. Les auteurs considéraient que les études en population générale ont fourni des résultats peu cohérents dans l’ensemble concernant un effet éventuel du PFOS et/ou du PFOA sur le poids, la taille ou le périmètre crânien à la naissance. Par ailleurs, dans son rapport de 2008, le panel Contam de l’EFSA2 estime que les études épidémiologiques disponibles n’indiquent pas de façon évidente d’associations positives entre les niveaux d’imprégnation au PFOS ou au PFOA et le poids de naissance ou l’âge gestationnel. Enfin, la revue plus récente de Steenland et coll. (2010renvoi vers) conclut, à partir de sept études ayant rapporté une association entre PFOS ou PFOA considéré de façon continue, et le poids de naissance considéré aussi de façon continue, que ces études suggèrent, mais de façon non cohérente (« inconsistent »), une diminution possible du poids de naissance en association avec la concentration sérique de PFOA ; concernant le PFOS, certaines études rapportaient un effet du PFOS similaire, plus fort ou plus faible sur le poids de naissance que pour le PFOA (Steenland et coll., 2010renvoi vers).
Nous discutons ci-dessous cette littérature sur la croissance fœtale, sans reprendre les études avec un effectif très faible (par exemple l’étude d’Inoue et coll. (2004renvoi vers), reposant sur 15 nouveau-nés), et en insistant sur les études ayant analysé le poids de naissance de façon continue, pour lesquelles une mise en parallèle de plusieurs études de taille et méthodologie satisfaisantes est possible. Les études concernant l’analyse du petit poids de naissance (<2 500 g) considéré de façon binaire requièrent des effectifs importants et ne seront pas discutées (par exemple, Fei et coll., 2007renvoi vers ; Stein et coll., 2009renvoi vers).
Les études de cohorte ayant un effectif supérieur à 100 naissances et avec un dosage des composés perfluorés à partir d’un prélèvement biologique (généralement durant la grossesse) et ayant étudié le poids de naissance ajusté sur la durée de gestation sont résumées dans le tableau 51.IIIrenvoi vers pour le PFOS et dans le tableau 51.IVrenvoi vers pour le PFOA. L’étude de Monroy et coll. (2008renvoi vers) dont l’effectif était de 101 naissances et qui n’a rapporté que des corrélations non ajustées entre l’exposition et le poids de naissance n’a pas été prise en compte ici. Les auteurs mentionnent que l’analyse ajustée n’a pas produit d’association significative, sans rapporter le paramètre correspondant. Pour la même raison, l’étude de So et coll. (2006renvoi vers) portant sur 19 enfants n’a pas été rapportée.

Tableau 51.III Synthèse des études épidémiologiques d’effectif supérieur à 100 naissances ayant rapporté l’association entre la concentration sérique de PFOS et le poids de naissance considéré en continu

Étude
Unité (PFOS)
n
Effet sur le poids de naissance
Effet sur le périmètre crânien
   
β
IC 95 %
β
IC 95 %
Apelberg et coll., 2007renvoi vers
μg/l (log-transformé)
293
-69
[-149-10]
-0,32
[-0,56--0,07]
Fei et coll., 2007renvoi vers
μg/l
1 400
-0,46
[-2,34-1,41]
  
Washino et coll., 2009renvoi vers
μg/l (log10-transformé)
428
-149
[-297-1]
-0,20
[-0,78-0,37]
Hamm et coll., 2010renvoi vers
μg/l (log-transformé)
252
31
[-43-106]
  

β représente la variation du paramètre considéré associé à l’augmentation d’une unité de PFOS (log transformé ou non)

Les travaux concernant les effets possibles du PFOS dosé dans un prélèvement biologique et considéré de façon continue (avec ou sans transformation logarithmique) sur le poids de naissance ajusté sur la durée de gestation et analysé aussi en continu, sont résumés (tableau 51.IIIrenvoi vers). Trois des quatre études rapportent une tendance à la diminution du poids de naissance avec la concentration sérique de PFOS, alors qu’une étude (Hamm et coll., 2009renvoi vers) rapporte une tendance non significative.
Dans le cas du PFOA (tableau 51.IVrenvoi vers), les quatre études rapportent une tendance à la diminution du poids de naissance avec la concentration sérique de PFOA, l’association n’étant statistiquement significative que pour l’étude ayant le plus grand effectif, qui s’appuie sur 1 400 paires mère-enfant de la Danish National Birth Cohort (Fei et coll., 2007renvoi vers). Constatant que les associations vont toutes dans la même direction pour toutes les études (ici, une diminution du poids de naissance avec l’exposition), nous pouvons considérer que ces quatre études apportent des résultats relativement cohérents. Des tests statistiques d’hétérogénéité permettraient de quantifier plus précisément l’homogénéité de ces résultats.

Tableau 51.IV Synthèse des études épidémiologiques d’effectif supérieur à 100 naissances ayant rapporté l’association entre la concentration sérique de PFOA et le poids de naissance considéré en continu

Étude
Unité (PFOA)
n
Effet sur le poids de naissance
Effet sur le périmètre crânien
   
β
IC 95 %
β
IC 95 %
Fei et coll., 2007renvoi vers
μg/l
1 400
-11
[-21--1]
  
Apelberg et coll., 2007renvoi vers
μg/l (loge-transformé)
293
-104
[-213-05]
-0,32
[-0,56--0,]
Washino et coll., 2009renvoi vers
μg/l (log10-transformé)
428
-75
[-192-42]
-0,05
[-0,50-0,40]
Hamm et coll., 2009renvoi vers
μg/l (loge-transformé)
252
-37
[-86-11]
  

β représente la variation du paramètre considéré associé à l’augmentation d’une unité de PFOA (log transformé ou non).

L’étude de Stein et coll. (2009renvoi vers) réalisée à partir du C8 project indiqué plus haut a, toujours dans la même population, étudié l’association entre PFOA, PFOS et la proportion de nouveau-nés avec un petit poids de naissance (inférieur à 2 500 g). Il n’y avait pas de relation dose-effet strictement monotone entre la concentration de PFOA et le risque de petit poids de naissance.

Autres événements de santé considérés

L’étude épidémiologique de Lundin et coll. (2009renvoi vers) n’a pas observé d’association entre une exposition professionnelle au PFOA et la prévalence de cancer du foie, du pancréas ou des testicules (avec un effectif ne permettant pas d’étudier un événement ayant la fréquence du cancer de façon satisfaisante), mais en revanche a fait état d’une association avec le cancer de la prostate, les maladies cérébro-vasculaires et le diabète (n=3 993 sujets).
L’étude de Steenland et coll. (2009renvoi vers) conduite chez des sujets (n=46 494) exposés essentiellement via l’eau de boisson produite dans une zone particulièrement contaminée, a montré une association positive entre les niveaux d’imprégnation au PFOS et au PFOA et les teneurs des principaux types de lipides (cholestérol, LDL, triglycérides, mais pas HDL).
En conclusion, le nombre d’études concernant les effets potentiels du PFOA et du PFOS sur la fonction de reproduction humaine est encore très limité. Excepté le poids de naissance (qui n’est pas dans le champ de cette expertise), chaque événement de la fonction de reproduction n’a pas été caractérisé dans plus d’une étude. Comme c’est souvent le cas pour les premières études s’attachant à caractériser l’impact potentiel d’un composé qui constitue une préoccupation récente, celles-ci sont souvent de nature transversale, c’est-à-dire avec un dosage simultané des composés chimiques et des paramètres biologiques ou événements de santé d’intérêt ; cette approche, très fréquente, est a priori plus sujette à des biais qu’une approche prospective. Cette limite est toutefois moins préoccupante dans le cas du PFOA et du PFOS, dont la demi-vie dans l’organisme est de plusieurs années, que pour d’autres composés moins persistants.
Les études réalisées ont rapporté un effet possible des composés perfluorés (sans pouvoir l’attribuer spécifiquement au PFOS ou au PFOA) sur la fertilité des couples (augmentation du risque d’infécondité involontaire). Un effet sur la morphologie spermatique a été suggéré dans une unique étude humaine et appelle à de nouveaux travaux reposant sur une approche longitudinale. Pour les autres événements de santé faisant partie du champ de cette expertise, les études sont trop limitées pour indiquer un effet possible des composés perfluorés. Par ailleurs, un effet du PFOA sur le poids de naissance (ajusté sur l’âge gestationnel) peut être considéré comme plausible, à partir d’un petit nombre d’études de cohortes de taille et méthodologie satisfaisantes.

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