Composés perfluorés (PFC)

2011


ANALYSE

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Conclusions et perspectives de recherche

Les « composés perfluorés » (PFC) se caractérisent par des propriétés à la fois hydrophobes et lipophobes. Ils sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, notamment pour les traitements anti-taches et imperméabilisants de textiles (vêtements, tissus, tapis, moquettes...), les enduits résistants aux matières grasses pour les emballages en papier et/ou carton autorisés pour le contact alimentaire, les revêtements anti-adhésifs, les mousses anti-incendie, les tensioactifs utilisés dans l’exploitation minière et les puits de pétrole, les cires à parquet, ou encore certaines formulations d’insecticides. Les consommateurs des pays industrialisés sont aujourd’hui en contact avec ces composés dans leur vie quotidienne, à travers un grand nombre de produits manufacturés. Les PFC relargués dans l’environnement se retrouvent dans la chaîne alimentaire et in fine dans les organismes vivants. Le sulfonate de perfluorooctane (PFOS) et l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), deux tensio-actifs organiques (per)fluorés, sont également les principaux produits de dégradation finaux de nombreux PFC. Ils sont retrouvés de façon prépondérante dans les matrices environnementales ou biologiques.
L’exposition aux PFC estimée varie de quelques ng à quelques dizaines de ng/kg/j. Ces valeurs apparaissent en deçà des limites tolérées pour l’adulte en population générale, mais restent questionnables pour des sous-populations particulièrement exposées (par exemple les forts consommateurs de poissons) et/ou à risque (fœtus, nourrisson...). La présence de plusieurs représentants de cette classe de polluants chimiques dans certains fluides et tissus biologiques humains est avérée. Dans le sérum, les teneurs observées sont de façon générale de l’ordre de quelques ng à quelques dizaines de ng/ml. Le PFOS et le PFOA apparaissent comme étant deux principaux biomarqueurs d’exposition aux PFC, et l’essentiel des études disponibles concernent l’un et/ou l’autre de ces deux composés. Les données portant sur d’autres représentants de cette catégorie de polluants sont beaucoup plus limitées, bien que quelques études mentionnent également certains composés pour lesquels les niveaux d’exposition et d’imprégnation rapportés justifieraient une caractérisation plus précise sur le plan toxicologique (par exemple le PFHxS ou le PFNA). Une tendance séculaire à la diminution de ces niveaux d’imprégnation en population générale est observée aux États-Unis depuis 2002, date correspondant à l’arrêt de la production d’une des principales sociétés productrices. En revanche, l’absence de telles données concernant les autres pays ne permet pas de généraliser cette observation. L’existence d’une exposition fœtale aux PFC est démontrée, plusieurs études ayant fait état d’un transfert mère-fœtus via le sang du cordon. Toutefois, les niveaux de concentration rapportés dans le sang du cordon sont systématiquement inférieurs aux teneurs observées dans le sang maternel (d’un facteur 1,5 à 3,5). L’existence d’une exposition du nourrisson allaité via le lait maternel est de même démontrée, même si cette voie de transfert de la mère à l’enfant apparaît plus limitée que pour d’autres classes de polluants organiques halogénés tels que les dioxines, les PCB, ou les retardateurs de flamme bromés. Les demi-vies plasmatiques estimées pour le PFOS et le PFOA sont globalement de l’ordre de quelques heures chez le rongeur, quelques jours chez le primate et quelques années chez l’homme, ce qui en fait des polluants à la fois bioaccumulables mais moins persistants que d’autres substances plus lipophiles telles les dioxines ou les PCB. Par ailleurs, une importante variabilité inter- et intra-espèce est observée concernant les paramètres pharmacocinétiques de ces polluants. De même, ces paramètres varient selon le composé considéré, et en particulier selon la longueur de chaîne carbonée, les composés à plus longue chaîne présentant un caractère plus persistant. Les réactions de biotransformation (métabolisme) touchant les PFC semblent très limitées.
Le nombre d’études concernant les effets potentiels du PFOA et du PFOS sur la fonction de reproduction humaine est encore très limité. Comme c’est souvent le cas pour les premières études s’attachant à caractériser l’impact potentiel d’un composé qui constitue une préoccupation récente, celles-ci sont souvent de nature transversale, c’est-à-dire avec un dosage simultané des composés chimiques et des paramètres biologiques ou événements de santé d’intérêt. Cette approche est a priori plus sujette à des biais qu’une approche prospective. Cette limite est toutefois moins préoccupante dans le cas du PFOA et du PFOS, dont la demi-vie dans l’organisme est de plusieurs années, que pour d’autres composés moins persistants. Les études réalisées ont rapporté un effet possible des composés perfluorés (sans pouvoir l’attribuer spécifiquement au PFOS ou au PFOA) sur la fertilité des couples (augmentation du risque d’infécondité involontaire). Un effet sur la morphologie spermatique a été suggéré dans une unique étude humaine et appelle à de nouveaux travaux reposant sur une approche longitudinale. Pour les autres événements de santé faisant partie du champ de cette expertise, les études sont trop limitées pour indiquer un effet possible des composés perfluorés. Par ailleurs, un effet du PFOA sur le poids de naissance (ajusté sur l’âge gestationnel) peut être considéré comme plausible, à partir d’un petit nombre d’études de cohortes de taille et méthodologie satisfaisantes. S’agissant des études chez l’animal, la nature chimique des PFC semble être une variable importante dans la prise en compte des effets de ces substances. Un autre paramètre majeur est l’espèce (rat) ou la lignée de souris utilisée. Les effets potentiels des PFC sur la stéroïdogenèse mâle et femelle n’apparaissent pas modifier la fertilité des animaux à des doses compatibles avec celles pouvant être observées chez l’être humain. Plus préoccupante, la modification de la sensibilité aux hormones stéroïdes décrite chez la femelle pourrait altérer le développement de la glande mammaire.
De façon générale, un manque de données peut être constaté, pour les composés perfluorés autres que le PFOS et le PFOA chez l’homme, tant en termes d’exposition, d’imprégnation, de métabolisme, pharmacocinétique, que de lien avec certains paramètres cliniques. En particulier, les précurseurs de type fluorotélomères, ou encore polyfluoroalkyl phosphate surfactants (PAPS) récemment mentionnés dans la recommandation 2010/161/EU de la Commission Européenne, sont des composés qui n’ont pas encore été étudiés sur le plan de l’évaluation du risque. Des études dédiées à ces substances perfluorées (formes précurseur et composés de substitution émergents) sont donc à initier dans tous ces domaines.

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