2013


ANALYSE

8-

Surdicécité

Depuis la reconnaissance de personnes présentant une surdicécité au XIXe siècle, cette situation de handicap a considérablement évolué au niveau de ses causes, de ses formes d’expression, des contextes sociologiques où elle s’exprime, des paradigmes scientifiques qui cherchent à la décrire et des modalités d’intervention. Son rattachement à la notion de handicap rare s’inscrit dans une chaîne conceptuelle qui a déjà traversé plusieurs phases historiques dans les représentations du handicap.

La surdicécité, un concept résilient

Les expériences d’éducation d’enfants sourdaveugles sont documentées depuis la fin du XIXe siècle (Enersvedt, 1996renvoi vers) : Helen Keller aux États-Unis, les sœurs Marie et Marthe Heurtin, à Poitiers. La double déficience de ces enfants constituait un défi pour leurs éducatrices dont les compétences s’appliquaient jusqu’alors à des enfants « seulement » sourds ou « seulement » aveugles. Inaptes à bénéficier des contextes habituels d’éducation, ces enfants « sourdaveugles » avaient besoin de dispositifs éducatifs spécifiques. Qu’ils soient sourds profonds et aveugles complets n’était pas mis en doute par les professionnels de l’éducation des sourds ou des aveugles, ce qui n’était pas nécessairement le cas pour d’autres professionnels. C’est ainsi que les parents de Marie Heurtin virent leur fille rejetée par un établissement parce qu’elle « voyait parfaitement » mais « était idiote » (Arnoult, 1948 p 38renvoi vers). À cette époque, les méthodes d’éducation reposaient essentiellement sur les techniques destinées aux aveugles (braille) additionnées à celles pratiquées avec les sourds (langue des signes, dactylologie) en les transposant, si nécessaire, dans la modalité tactile (Arnoult, 1948renvoi vers). La communication était alors essentiellement perçue comme une affaire de langage et les premiers rapports éducatifs mettaient en exergue le moment où l’enfant fait le lien entre un objet et un mot qu’on lui prononce dans la main (en langue des signes ou en épelant avec l’alphabet dactylologique). Communiquer, c’était faire usage de la langue, celle-ci étant conçue comme la somme des mots et des règles syntaxiques qu’elle comporte. L’ajustement pédagogique consistait donc à rendre ces mots accessibles dans une modalité partagée (le toucher). On comprit très vite que le langage ne peut pas fonctionner sans une connaissance partagée d’un monde extérieur accessible par le toucher, au cours d’expériences pratiques occasionnelles ou provoquées, où s’échangent des émotions, pour que les mots concrets et abstraits puissent prendre un sens. La dimension tactile est donc au tout premier plan et la surdicécité était une évidence solidement construite sur des intuitions pratiques.
De la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, seuls un petit nombre d’enfants sourdaveugles sont éduqués en Europe et en Amérique du Nord (Enersvedt, 1996renvoi vers). Sont considérés comme « inéducables » les enfants présentant d’autres déficiences (retard mental, troubles considérés comme psychiatriques) qui les rendent incapables de profiter des dispositifs alors mis en place pour les sourdaveugles. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, on commence à s’intéresser à des catégories autrefois négligées comme les enfants ayant souffert d’une embryopathie rubéolique : leur double déficience sensorielle s’inscrit dans un contexte complexe (prématurité, problèmes de motricité fine, comportements stéréotypés, retard mental, cardiopathies…) où il n’est pas facile de distinguer ce qui caractérise les déficiences et ce qui découle des conditions d’interaction entre l’enfant et son entourage (Souriau, 2001renvoi vers). Les aspects somatiques relevant de l’anatomie (conduisant éventuellement à des interventions chirurgicales) semblent les plus simples à analyser, alors que les déficiences sensorielles sont plus difficiles à mesurer du fait des problèmes de communication et de la rareté des systèmes objectifs d’évaluation. Quant aux problèmes de comportement et de communication, comment distinguer ceux relevant du tableau étiologique, ceux indiquant la présence d’une pathologie associée (autisme, psychose) où ceux découlant de dysfonctionnements au niveau des interactions entre l’enfant et son environnement humain ?
À partir des années 1970, avec l’accueil des enfants présentant une surdicécité d’origine rubéolique par les services spécialisés, s’ouvre une nouvelle ère (Souriau, 2001renvoi vers) : il s’agit de prendre en compte un cadre de déficience intégrant des dimensions motrices et sensorielles plus nombreuses et plus complexes que la simple surdicécité, la gravité d’une déficience visuelle ou auditive ne pouvant plus se mesurer indépendamment des autres composantes du système sensorimoteur (Van Den Tillart et coll., 2000renvoi vers). Le profil communicatif de ces enfants ne peut pas non plus se construire sur la seule base du transfert vers la dimension tactile de systèmes de communication à caractère visuel ou auditif. Il doit prendre en compte la complexité du spectre des potentialités et des limitations sensorielles individuelles. Il constitue une synthèse dynamique où l’utilisation des restes visuels ou auditifs doit s’articuler avec la dimension tactilokinesthétique et prendre en compte les processus de traitement au niveau du système nerveux central, qu’il soit lui-même déficient (du fait de l’étiologie) ou qu’il soit soumis à de fortes surcharges en raison des déficiences périphériques. Enfin, sur le plan thymique et relationnel, l’entourage doit affronter les défis que constituent le repli sur soi, les comportements auto-agressifs, les stéréotypies motrices, le manque de motivation, les comportements étranges… L’effort pour comprendre et donner sens à ces manifestations a sans doute considérablement stimulé l’élaboration de cadres théoriques et scientifiques mieux adaptés à la compréhension des phénomènes et à l’organisation des interventions.
Cette évolution a aussi une dimension sociologique : la surdicécité ne concerne plus seulement des cas individuels parfois très connus, mais des groupes, des institutions, des écoles où se côtoient des enfants aux profils variés et des personnels qui ne peuvent se contenter d’appliquer des méthodes connues et doivent construire de nouvelles approches (Souriau, 2001renvoi vers). Ces évolutions s’observent dans l’articulation entre paradigmes scientifiques et approches pédagogiques. Dans un premier temps, les approches comportementalistes basées sur le corpus scientifique des théories de l’apprentissage, ont tenté de résoudre la question de l’accès au symbolique et à la communication. Cette approche, dominante dans les pays anglo-saxons, a toutefois montré ses limites pour ce qui est de la compréhension et du traitement des problèmes comportementaux. C’est alors que la théorie de l’attachement, modèle qui intègre des données biologiques et sociales (Ainsworth, 1974renvoi vers), s’est révélée particulièrement adaptée à la compréhension de ces phénomènes et à l’élaboration de cadres d’intervention mieux ajustés et capables de réduire l’anxiété de base qui les sous-tend : on passe progressivement de l’application mécanique de procédures d’apprentissage à la construction de cadres relationnels faits de prévisibilité dans l’environnement, d’ajustements corporels et rythmiques, de sensibilité aiguisée aux expressions les moins visibles, approches plus conformes aux interactions naturelles des proches (Van Den Tillart et coll., 2000renvoi vers).
Au cours des années 1990, on constate les limites des approches mécanistes propres au béhaviorisme ou comportementalisme dans les domaines du langage et de la communication : à long terme, les enfants se montrent passifs, peu capables d’initiatives et stéréotypés dans leurs manifestations communicatives. Prises en charge et activités de recherche (pédagogiques et scientifiques) se réorientent alors progressivement vers d’autres champs scientifiques, par exemple les concepts et méthodes développés dans l’étude des compétences communicatives chez les tout-petits (pour ce qui a trait au développement des interactions) ou les paradigmes issus des travaux en sémiotique cognitive (pour ce qui est de la compréhension des expressions non verbales). Toutes ces recherches sont menées avec le souci de prendre en compte leur mode de correspondance avec les modèles développés en neurosciences (Souriau, 2000renvoi vers).
Alors que le champ de la surdicécité s’est historiquement construit sur l’expérience acquise auprès des enfants sourdaveugles de naissance, parallèlement, le monde de la surdicécité acquise ne cesse d’agrandir son territoire dans les pratiques de réadaptation et de recherche. Il y a 100 ans, parler de la surdicécité, c’était faire référence à quelques cas individuels qui, pour la très grande majorité présentaient ce double handicap depuis leur naissance ou très tôt dans leur vie. Au début du XXIe siècle, le monde de la surdicécité comprend une large majorité des personnes présentant une surdicécité acquise (liées à des maladies génétiques ou tout simplement au vieillissement) et une petite minorité de sourdaveugles congénitaux. Ces deux univers qui présentent à la fois de nombreux traits communs et de très grandes différences se revendiquent tous les deux comme appartenant au monde de la surdicécité. Les travaux présentés dans la suite de ce chapitre reflètent cette diversité de situations dont le tableau historique qui vient d’être présenté constitue la toile de fond.

Généralités sur la surdicécité

La surdicécité a fait l’objet de nombreuses définitions. L’une des plus pratiques est celle qu’utilise l’organisation Sense au Royaume-Uni : « On considère qu’une personne est sourdaveugle si la combinaison d’une déficience visuelle et d’une déficience auditive entraîne des difficultés pour la communication, l’accès à l’information et la mobilité…. Une personne qui ne présente qu’une déficience visuelle ou auditive peut utiliser la voie sensorielle valide pour compenser la perte de l’autre ; alors qu’une personne sourdaveugle ne dispose ni d’une vision ni d’une audition suffisantes pour faire cela »1 .
Depuis 1992, on tend à utiliser les néologismes « surdicécité » ou « sourdaveugle » (deafblind, sordociego…) pour souligner l’idée que la surdicécité est plus que l’addition de deux déficiences. Cet usage a été validé par l’association DbI (Deafblind International)2 (Schwartz, 2009renvoi vers).
On considère qu’il existe 4 catégories de sourdaveugles (Souriau, 2000renvoi vers et 2001 renvoi vers) :
• les personnes qui naissent avec la double déficience visuelle et auditive ;
• celles qui naissent sourdes et deviennent aveugles ;
• celles qui naissent aveugles et deviennent sourdes ;
• celles qui deviennent tardivement sourdaveugles.
Les taux de prévalence estimés se situent entre 5 et 11 pour 100 000 dont au moins 2/3 sont des surdicécités acquises (Schwartz, 2009renvoi vers).
Le 1er avril 2004, une déclaration écrite (1/20 014) a été adoptée par le Parlement Européen. Signée par 323 députés, elle appelle les États de l’Union à reconnaître la surdicécité comme handicap spécifique (Drescher, 2004renvoi vers).
Les causes de la surdicécité sont multiples (Chen, 2004renvoi vers ; Holte et coll., 2006renvoi vers) (tableau 8.Irenvoi vers).

Tableau 8.I Causes de la surdicécité

Maladies génétiques et chromosomiques
Syndrome d’Alport, syndrome d’Astrom, syndrome de Bardet-Biedl, syndrome Charge, syndrome de Cockayne, syndrome de Cornelia de Lange, syndrome de Flynn-Aird, syndrome de Goldenhar, syndrome de Hallgren, syndrome de Hurler, syndrome de Kearns-Sayre, syndrome de Laurence-Moon, syndrome de Lowe, anomalies mitochondriales, mucopolysaccharidoses, syndrome de Norrie, syndrome de Refsum, syndrome de Stickler, syndromes avec microcéphalie et hydrocéphalie, trisomie 13, 18 et 21, syndrome de Turner, syndrome de Usher, syndrome de Waardenburg, syndrome de Zellweger
Infections congénitales
Cytomégalovirus, encéphalite, herpes, HIV (sida), embryopathie rubéolique, syphillis, toxoplasmose
Agressions fœtales
Alcoolisme fœtal, hyperbilirubinémie, médicaments ototoxiques, thalidomide
Causes postnatales
Asphyxie, encéphalite, traumatisme crânien, herpes, HIV (sida), hypothyroïdie, rougeole, méningite, oreillons, scarlatine, accident vasculaire cérébral, tumeur
Il est difficile de trouver des statistiques claires sur le poids de chacune de ces étiologies à l’intérieur de la population des sourdaveugles, d’autant plus que des évolutions importantes ont eu lieu au cours des 40 dernières années au niveau de leur prévention, de leur détection et de leur déclaration. Certaines étiologies sont beaucoup plus fréquemment observées et étudiées : l’embryopathie rubéolique, le syndrome Charge, le syndrome de Usher. Elles sont très représentées dans les travaux de recherches et publications relatifs à la surdicécité parce que les autres causes sont beaucoup plus dispersées et isolées dans les effectifs des dispositifs (établissements, services et autres structures de prise en charge) qui traitent de la surdicécité. On peut toutefois citer quelques données : dans les années 1970, l’embryopathie rubéolique concernait les 2/3 des 24 enfants accueillis au Centre d’éducation spécialisée pour sourdaveugles (Cessa) de Larnay. Depuis, l’étiologie rubéolique a presque disparu, mais elle est encore très présente dans les structures pour sourdaveugles adultes congénitaux. Le syndrome de Usher représente un pourcentage beaucoup plus important de la population. Par exemple, parmi les 323 usagers sourdaveugles suivis par l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ), 50 % étaient atteints de la maladie de Usher et 4 % seulement présentaient une surdicécité congénitale. Ces données doivent se lire dans un contexte où les deux tiers des usagers répertoriés avaient plus de 65 ans (Cote et Cloutier, 2005renvoi vers). En fait les chiffres évoluent autant en raison de changements dans la sphère médicale (par exemple : vaccin contre la rubéole) que d’évolutions à caractère sociologique : il n’y avait pas moins de syndromes de Usher il y a 50 ans, mais ils n’étaient pas répertoriés comme tels, du fait que leurs besoins n’étaient pas perçus de la même manière.
La connaissance de ces maladies s’est construite sur les influences réciproques entre la recherche médicale, l’expérience pratique des sujets et les observations des personnes qui les entourent. La connaissance des caractéristiques somatiques liées à ces maladies permet en effet d’orienter le travail d’intervention, et réciproquement, les observations faites en milieu naturel donnent des pistes pour les investigations à caractère médical. Les stratégies d’intervention impliquent :
• une connaissance des caractéristiques générales de la maladie ;
• une connaissance du mode d’expression de la maladie pour un sujet donné ;
• la reconnaissance des stratégies adaptatives dans lesquelles s’engagent les sujets ;
• l’ouverture et la créativité nécessaires à l’exploration de voies nouvelles et ajustées.
La qualité des interventions repose donc sur la capacité des proches, des aidants et des professionnels à intégrer des connaissances générales sur la maladie et des données individuelles en termes de stratégie adaptative. D’une façon générale, on observe d’un côté, la construction progressive d’un consensus sur la description strictement médicale, et d’un autre côté, l’absence d’unanimité sur les stratégies d’intervention, y compris quand elles émanent du corps médical. Ces différences s’expliquent probablement par la variabilité interindividuelle et par la difficulté à faire le lien entre des conditions médicales (qui peuvent évoluer) et des approches éducatives ou adaptatives qui doivent tenir compte de l’ensemble des paramètres impliqués, à savoir la totalité des déficiences (et les interactions entre elles) en lien dynamique avec le milieu humain où elles s’expriment. Une stratégie d’intervention n’est pas une somme de prescriptions dont chacune serait liée à une déficience particulière mais une démarche d’ensemble et évolutive qui tient compte des engagements mutuels entre la personne et son milieu.

La rubéole

L’infection par le virus de la rubéole pendant les premiers mois de grossesse peut être à l’origine de malformations congénitales. C’est en 1941, en Australie, à la suite d’une importante épidémie de rubéole, que Norman McAlister Gregg (McAlister, 1941renvoi vers), un ophtalmologiste australien de Sydney, a montré le lien entre les cataractes congénitales observées à la naissance et la rubéole de la mère pendant la grossesse. Le virus de la rubéole est susceptible de provoquer une ou plusieurs des atteintes suivantes :
• surdité neurosensorielle ;
• anomalies oculaires telles que cataracte, rétinopathie ou glaucome ;
• cardiopathie ;
• atteintes du système nerveux central.
Quand ces atteintes sont présentes simultanément, on parle de syndrome rubéolique congénital.
Pour les familles et les éducateurs, le comportement des enfants présentant un syndrome rubéolique congénital a constitué un énorme défi. Beaucoup d’entre eux manifestaient des comportements difficiles à réguler et les méthodes habituellement appliquées aux enfants sourdaveugles se révélaient en partie inadaptées. Un travail très important mené en Australie par Jan Van Dijk et Heather Hewitt (Van Dijk, 1982renvoi vers) a permis de mieux comprendre le problème. Les auteurs ont étudié le développement de 81 enfants nés pendant l’épidémie australienne de rubéole des années 1960 et présentant une surdité. Dix huit de ces enfants sourds avaient aussi une cataracte bilatérale et constituaient le groupe de sourdaveugles. Trois paramètres ont été étudiés : la durée de la grossesse, le moment de l’infection par le virus et le poids de l’enfant à la naissance. L’objectif était de rechercher un lien possible entre ces paramètres et la présence de comportements de type autistique, les difficultés d’apprentissage, le développement moteur et la difficulté à communiquer ou à apprendre à parler. Il a été démontré que les trois variables avaient un impact sur le développement : plus le virus intervenait tôt pendant la grossesse, plus le développement se trouvait perturbé. En plus de ces trois facteurs, la cataracte s’est aussi révélée un facteur de perturbation très important. Suite à ce travail, les auteurs ont recommandé que les enfants concernés bénéficient d’une attention particulière dans les domaines de la motricité, des interactions et de la communication et de l’usage de la vision résiduelle. Dans une étude portant sur l’évolution à long terme de ce groupe (Van Dijk et coll., 1991renvoi vers), les auteurs ont constaté une grande variabilité dans les profils de développement, au point de catégoriser ces enfants en « vainqueurs » ou « victimes ». Ne pouvant expliquer ces différences par les seules conditions de déficience physique à la naissance, ils se sont intéressés aux effets des styles de relation sociale sur les processus de développement. Ceci les a conduit à introduire dans le champ de la surdicécité les paradigmes scientifiques développés à partir de la notion d’attachement (Bowlby, 1968renvoi vers ; Ainsworth, 1974renvoi vers). Cette approche théorique se révélait en effet apte à décrire comment la gravité et la complexité des déficiences pouvaient mettre en difficulté l’enfant et ses proches dans la mise en place du lien de sécurité nécessaire à tout développement harmonieux. Un attachement de qualité chez les humains repose sur la capacité de l’adulte à percevoir les expressions de l’enfant et à y réagir de façon adaptée du point de vue du contenu et du timing, tâche particulièrement difficile quand les systèmes sensorimoteurs des partenaires ne sont pas d’emblée synchrones en raison des déficiences sensorielles et motrices de l’enfant. La théorie de l’attachement a ouvert la voie à des modalités d’intervention qui donnent toute sa place à la dimension émotionnelle dans la mise en place des apprentissages (Van Den Tillart et coll., 2000renvoi vers).

La rubéole actuellement

En France, grâce au plan de vaccination mis en place en 1970 et modifié en 1983 et 2005, le nombre d’infections rubéoleuses diagnostiquées durant la grossesse est inférieur à 10 cas par an depuis 2006. Aucune infection congénitale n’a été diagnostiquée en 2008 (recensement par le réseau Rénarub). Il n’est toutefois pas certains que tous les cas soient effectivement recensés3 . Au Royaume-Uni, 8 enfants présentant un syndrome rubéolique congénital ont été signalés sur la période 1999-2002, dont 5 sont nés de mamans qui avaient contracté la rubéole en début de leur grossesse en Afrique ou en Asie (Tookey, 2002renvoi vers). La rubéole reste donc un sujet d’actualité d’autant plus que les enfants nés pendant les années 1960 sont maintenant des adultes vieillissants pour lesquels des évolutions tardives viennent compliquer le tableau : diabète sucré, atteintes thyroïdiennes, déficit de l’hormone de croissance, troubles du comportement (Dontigny et coll., 2008renvoi vers).

Le syndrome Charge

Le syndrome Charge (Blake et Prasad, 2006renvoi vers) a été décrit pour la première fois en 1979 par Hall à partir de l’atrésie des choanes (Hall, 1979renvoi vers) et par Hittner (Hittner et coll., 1979renvoi vers) à partir des colobomes. D’abord connu comme syndrome de Hall-Hittner, cette association de déficiences a été appelée syndrome Charge par Pagon (Pagon et coll., 1981renvoi vers). L’acronyme « Charge » vient des mots anglais qui désignent les principales malformations observées :
coloboma (colobome) ;
heart defects (malformations du cœur) ;
atresia choanae (atrésie des choanes) ;
retardation of growth and development (retard de croissance et de développement) ;
genitourinary problems (anomalies de l’appareil uro-génital) ;
ear abnormalities (anomalies des oreilles).
En 1998, un groupe d’experts a défini 4 critères majeurs et des critères mineurs pour établir le diagnostic (Blake et Prasad, 2006renvoi vers).
Les 4 critères majeurs (les 4 C) sont :
• colobome oculaire (de la rétine, de l’iris ou de la choroïde) ; microphtalmie ;
• atrésie des choanes ;
• anomalies des nerfs crâniens : problèmes olfactifs, surdité neurosensorielle (la surdité est présente chez 80 % des sujets, Edwards et coll., 2002renvoi vers), paralysie faciale, problèmes de déglutition ;
• anomalies caractéristiques de l’oreille : malformation de l’oreille externe ou moyenne (malformation des osselets, otites séreuses) et problèmes sur les canaux semicirculaires et la cochlée…
Les critères mineurs sont :
• malformations cardiovasculaires ;
• hypoplasie génitale ;
• fente palatine ;
• fistule trachéo-œsophagienne ;
• traits caractéristiques du visage (front tombant, nez aplati) ;
• retard de croissance ;
• retard de développement (moteur, mental et langagier).
On considère que les sujets qui présentent les 4 critères majeurs ou 3 majeurs plus 3 mineurs sont atteints du syndrome Charge. Les estimations de prévalence vont de 0,1 à 12/10 000 (Blake et Prasad, 2006renvoi vers). Le syndrome Charge est dû à une anomalie de développement qui survient pendant le premier trimestre de la grossesse. Chez 75 % des patients, on observe une altération (mutation) du gène CHD7, situé sur le chromosome 8, mutation non transmise par les parents.
Les enfants qui présentent le syndrome Charge nécessitent souvent de nombreuses interventions chirurgicales et des soins médicaux prolongés pour restaurer ou améliorer entre autres, le fonctionnement cardiaque, le transit des aliments ou les fonctions sensorielles (Blake et Prasad, 2006renvoi vers). Le début de leur vie est donc très marqué par la prise en charge médicale. On observe aussi chez eux toute une série de « comportements » qui n’ont pas manqué d’interroger les parents ou les professionnels. Ainsi, sur la base d’un questionnaire rempli par 71 familles (de France, Angleterre, Italie et Espagne) et concernant des individus de 6 mois à 30 ans, certains traits de comportement ont été rapportés avec des fréquences variables dans différents domaines (sensoriel, moteur, niveau d’anxiété, contrôle de l’action, style relationnel). Ces traits pourraient faire penser à des troubles neuropsychiatriques appartenant par exemple au spectre autistique (Souriau et coll., 2005renvoi vers). Le syndrome Charge semble toucher toutes les dimensions de la vie organique (Strömland et coll., 2005renvoi vers).
Toutes les études montrent une grande variabilité interindividuelle, ainsi les traits typiquement décrits ne sont pas toujours présents dans le syndrome. De plus, alors qu’on peut faire état légitimement de la présence de comportements « problématiques », il faut souligner le remarquable niveau d’adaptation atteint par un nombre important de sujets (par exemple dans le domaine de l’humeur ou du développement cognitif) eu égard au nombre et à la gravité des déficiences. Ainsi, Vervloed et coll. montrent que sur 27 sujets, ceux (19) présentant des problèmes cardiaques (y compris nécessitant une intervention chirurgicale) avaient moins de comportements de retrait et une humeur meilleure que les autres ; de la même manière, les sujets qui avaient été nourris par sonde gastrique (13), manifestaient un comportement social plus positif (Vervloed et coll., 2006renvoi vers).
Quoiqu’il en soit, les comportements inhabituels fréquemment observés et affectant concrètement la vie des familles ont conduit à s’interroger sur leur origine : sont-ils liés à l’existence chez certains de ces enfants de troubles appartenant, par exemple, au spectre autistique ou sont-ils le résultat de stratégies adaptatives mises en œuvre par les sujets pour affronter les obstacles que représentent leurs déficiences dans leurs relations avec l’environnement physique et humain ? Cette question sera traitée dans une autre partie de ce texte dans la mesure où elle implique des questionnements méthodologiques et éthiques (voir partie « Surdicécité et pathologies mentales »).

Les syndromes de Usher

Les syndromes de Usher constituent la cause principale de la surdicécité. Ils appartiennent au groupe des maladies rares, avec une prévalence de 3 à 6 pour 100 000. D’origine génétique (9 gènes ont été identifiés), ils sont transmis selon le mode autosomique récessif (Blanchet, 2010renvoi vers). On en distingue trois types.
Le type 1 associe surdité profonde congénitale, atteinte vestibulaire et rétinite pigmentaire. Il représente 30 à 40 % des syndromes de Usher (Cohen et coll., 2007renvoi vers). À la naissance, l’enfant ne perçoit pas la voix humaine. Beaucoup d’adultes pratiquent la langue des signes. Les générations récentes bénéficient d’une implantation cochléaire. Un retard dans l’acquisition de la marche chez les sujets sourds est un bon indicateur de la présence d’un Usher type 1 (Loundon et coll., 2003renvoi vers ; Cohen et coll., 2007renvoi vers). La rétinite pigmentaire se manifeste d’abord par une perte de la vision dans l’obscurité (observable pendant la première décade). Elle conduit à une réduction du champ visuel qui peut aboutir, dans de rares cas à une cécité complète.
Le type 2 associe surdité moyenne à sévère congénitale et rétinite pigmentaire. Il représenterait plus de 50 % des syndromes de Usher (Cohen et coll., 2007renvoi vers). À la naissance, l’enfant perçoit suffisamment la voie humaine pour accéder au français oral. Les symptômes de déficience visuelle se manifestent plus tardivement que dans le type 1.
Le type 3 associe surdité progressive et rétinite pigmentaire, l’atteinte vestibulaire étant variable. Il représenterait 1 à 40 % des syndromes de Usher selon les pays (Cohen et coll., 2007renvoi vers).
Selon Cohen et coll. (2007renvoi vers), il ne semble pas y avoir de lien phénotype-génotype. Les trois types traditionnellement cités n’ont pas de causes génétiques distinctes et il existerait des cas qui ne relèvent pas exactement de la catégorisation traditionnelle.
Le caractère évolutif des déficiences sensorielles impose la mise en place de stratégies d’adaptation dans les domaines de l’accès à l’information, de la mobilité et de la communication (Souriau, 2001renvoi vers). Les personnes peuvent avoir recours à des aides techniques auditives (prothèses auditives, boucles magnétiques, systèmes d’amplification et de transfert des sons) ou visuelles (systèmes d’amplification visuelle). Elles doivent aussi réorganiser totalement leur système de perception (passage de la langue des signes visuelle à la langue des signes tactile ou de l’écrit en noir au braille). Ces réajustements exigent la mise en œuvre d’apprentissages relevant des techniques de basse vision ou de locomotion.
Sur le plan psychique, les sujets doivent faire face à la découverte progressive de l’évolution de leurs déficiences avec les conséquences que cela entraîne quant à leur maîtrise de l’accès au monde extérieur et dans la réorganisation de leur réseau relationnel. Il importe donc que les actions de réadaptation s’inscrivent dans une démarche intégrant la dimension psychique qui peut être prise en compte par les professionnels au cours de leurs activités de réadaptation, dans le cadre d’entretiens individuels de type aide psychologique, mais aussi dans des rencontres entre pairs favorisant le soutien mutuel (Souriau, 2001renvoi vers).

Évaluation des compétences neurosensorielles et des capacités de communication

Le problème des évaluations se pose dans deux contextes différents : la connaissance des individus (en vue d’un diagnostic) et celle des populations (à des fins de recherche). La complexité des configurations de déficiences et les obstacles à la communication amènent à faire des choix concernant le mode de participation des sujets au processus d’évaluation. Ces choix pourraient être catégorisés selon quatre approches comportant une participation croissante des personnes.

Recueil des informations auprès des tiers (membres de la famille ou professionnels qui connaissent le mieux la personne)

Cette approche semble motivée par deux raisons : soit il s’agit de décrire « objectivement » une situation pour déterminer l’accès à des droits ou des services, soit on considère que l’impossibilité de communication impose le recours à des informateurs.
Certains instruments visent à adapter aux conditions particulières de la surdicécité des échelles déjà existantes pour d’autres catégories de la population, tel l’outil psychométrique canadien (interRAI Community Health Assesment and Deafblind Supplement) adapté aux personnes sourdaveugles et destiné à évaluer leurs besoins, leurs points forts et leurs compétences. Cet instrument dont la validité et la fiabilité ont été vérifiées, a pour but d’améliorer les conditions de fourniture de services pour ces personnes (Dalby et coll., 2009renvoi vers).
Le recours à des tiers est aussi utilisé pour étudier les caractéristiques d’une population dont les membres ne sont pas considérés comme en mesure de répondre eux-mêmes aux questions traitées. C’est le cas par exemple de l’étude de Salem-Hartshorne et Jacob (2005renvoi vers) portant sur le comportement des enfants présentant le syndrome Charge. L’outil utilisé est l’ABES (Adaptive Behavior Evaluation Scale) qui mesure les comportements d’autonomie et d’interaction sociale. Il s’appuie sur les déclarations des personnes qui connaissent bien l’enfant. Le test a été utilisé deux fois pour chaque enfant dans un intervalle de quatre ans, afin de mesurer les évolutions. Les résultats montrent que ces enfants ont des compétences plus larges et plus élevées que celles perçues à partir des études précédentes. Ils confirment aussi que l’âge de la marche apparaît comme un bon prédicteur des évolutions ultérieures.
Il existe aussi des situations mixtes où les réponses concernant les sujets sont données soit directement par les sujets eux-mêmes, soit par des tiers (parents ou professionnels) quand les sujets ne sont pas en mesure de répondre (il s’agit essentiellement des surdicécités congénitales). Les données recueillies sont traitées de la même manière quelle que soit leur origine. C’est le cas du travail de Möller (2003renvoi vers) qui cherche à analyser la qualité d’ajustement de la Classification internationale du fonctionnement (CIF) pour les personnes présentant une surdicécité. Trente-deux adultes de 19 à 92 ans ont participé à l’étude, sur la base de questionnaires et d’interviews (directes ou indirectes). Selon l’auteur, cinq situations ne sont pas prises en compte dans cette classification : les changements rapides pouvant survenir au niveau des fonctions selon les conditions environnementales (avec une rétinite pigmentaire, on peut utiliser sa vision avec un éclairage adapté, mais on est complètement aveugle, dans un contexte sombre ou trop éclairé) ; le refus de ne pas faire quelque chose par choix et non en raison de leur déficience (par exemple, une femme âgée qui décide de ne plus continuer à jouer aux cartes avec ses amis parce qu’elle ne peut plus les entendre et que ce n’est plus drôle du tout, le jeu est techniquement possible mais sans intérêt à cause des difficultés de communication) ; un temps requis pour la plupart des activités beaucoup plus long que la norme, ce qui a un fort impact sur la qualité de vie ; les problèmes de santé liés au handicap (par exemple l’extrême fatigue et les maux de tête éprouvés en raison des énormes efforts à produire pour voir et entendre pour les malvoyants et les malentendants) ; enfin, la classification ne fait aucune mention des obligations des personnes en situation de handicap (on parle de leurs besoins) alors que les règles standard des Nations Unies pour les personnes en situation de handicap considèrent que celles-ci ne peuvent être considérées comme participant pleinement à la société que si elles remplissent leurs propres obligations (Möller, 2003renvoi vers).

Observation directe et extérieure des personnes mais sans interaction directe avec elles

Dans les situations de handicap où la communication est difficile, la mesure des déficiences sensorielles pose problème car les tests habituellement pratiqués impliquent une participation active des sujets testés. Il est donc important de construire des outils d’évaluation qui ne dépendent pas de réponses conscientes des sujets. Ainsi, une étude portant sur 21 enfants sourdaveugles d’âge scolaire, compare l’efficacité des cartons de Teller et du Cardiff Acuity Testing pour les évaluations visuelles. Les deux systèmes présentent des efficacités équivalentes, avec une réserve pour les populations très gravement déficientes visuelles ou présentant un handicap moteur grave. Des études supplémentaires sont nécessaires auprès de ces populations (Johnson et coll., 2009renvoi vers). L’équivalence des résultats ouvre la possibilité pour les cliniciens de choisir l’une ou l’autre méthode en fonction des sujets examinés, cependant les auteurs recommandent l’utilisation des cartons de Teller pour les sujets dont les déficiences visuelles, motrices et cognitives sont plus importantes.

Recueil des informations auprès des sujets en utilisant des médiations

Un certain nombre d’évaluations nécessitent en tout état de cause la participation du sujet. Elles impliquent en effet que celui-ci se laisse toucher et se prête à des interventions présentant un caractère nécessairement intrusif. C’est souvent le cas pour les examens médicaux ophtalmologiques ou ORL, mais aussi pour l’évaluation de l’ensemble du complexe sensorimoteur. Ce problème est particulièrement brûlant pour les jeunes enfants sourdaveugles congénitaux. Dans ce cas, prendre beaucoup de temps est considéré comme une condition sine qua non pour une évaluation de qualité. On conseille au professionnel d’intégrer les gestes propres à l’examen dans une dynamique visant à compenser l’impossibilité pour l’enfant de se préparer à ces gestes par la voie visuelle ou auditive : se présenter d’abord en touchant une partie du corps où l’enfant est en confiance, « montrer » à l’enfant ce qu’il va se passer en faisant toucher les instruments utilisés, prendre le temps de jouer avec l’enfant pour établir une relation avec lui (en se faisant éventuellement conseiller par les parents sur le type de jeu à utiliser), le réconforter par des gestes d’apaisement après une intervention intrusive, ne jamais le saisir brusquement ni le restreindre sauf cas d’extrême urgence. Ces précautions − qui présentent l’avantage éthique de rechercher une forme de consentement chez l’enfant − visent surtout à éviter tout ce qui pourrait nuire au recueil de données fiables. Les données ainsi recueillies à propos de l’état des organes (sensoriels ou moteurs) sont reliées aux observations plus fonctionnelles fournies par des rééducateurs ou des proches afin d’identifier comment l’enfant construit ses stratégies sensorimotrices d’adaptation à l’environnement. La participation de l’enfant est d’autant mieux garantie que l’entourage évaluateur est à l’écoute par son sens de l’observation et par sa capacité à générer des contextes d’interaction riches d’information et motivants (Holte et coll., 2006renvoi vers).
Il existe aussi des cas où la médiation vise à surmonter un obstacle essentiellement linguistique (par exemple pour les personnes présentant un syndrome de Usher). C’est ainsi que pour un examen visuel ou auditif (Hyvarinen, 2007renvoi vers), on recommande d’avoir recours à une interprétation « relais » qui prenne en compte le profil sensoriel et linguistique de la personne : pratique-t-elle la langue des signes ou la lecture sur les lèvres ? Quel est son champ de perception visuelle ? Le praticien doit être préparé à ces situations pour mettre en place le contexte de communication le plus favorable à la personne. Il doit aussi viser, dans ses investigations, à mieux décrire les conséquences fonctionnelles de l’état des voies sensorielles dans les domaines de la communication et de la mobilité. L’article ne dit pas explicitement si le recours à l’interprétation relais vise à garantir la participation du sujet (dimension éthique) ou seulement à recueillir des données fiables (dimension technique), mais la richesse des informations fournies laisse entendre que ces deux dimensions sont bien présentes. L’éthique et la technique peuvent d’ailleurs être considérées comme interdépendantes si on considère que la personne sourdaveugle a le droit d’attendre un examen visuel ou auditif de qualité.

Procédures participatives prenant pour base la dynamique des interactions communicatives

Plutôt que de se focaliser sur les déficiences, certaines études s’appuient sur la participation des sujets pour identifier des compétences hors normes. Ainsi, Arnold et Heiron (2002renvoi vers) montrent que l’encodage tactile de l’information semble plus efficace chez les sourdaveugles que dans la population ordinaire. Un courant de recherche en linguistique s’intéresse à la langue des signes tactile dont elle étudie la gestion des tours de parole et certaines différences morphologiques avec la langue des signes visuelle (Mesch, 2000renvoi vers ; Schwartz, 2009renvoi vers). Certains travaux vont au-delà de la description et ont pour objectif de proposer des stratégies visant à optimiser la communication entre les personnes sourdaveugles et les autres. C’est le cas des travaux de Ritaa Lahtinen sur la communication haptique qui s’appuient sur un espace corporel de communication assimilant d’autres parties du corps que les mains et intégrant des éléments proprement linguistiques et l’imagerie corporelle (Lahtinen, 2008renvoi vers).
Les travaux qui viennent d’être cités concernent essentiellement les surdicécités acquises. Parallèlement, d’autres équipes ont cherché des procédures permettant la participation des personnes sourdaveugles congénitales. Elles se sont surtout intéressées aux processus de communication et se sont focalisées non sur l’individu isolé mais sur les interactions entre personnes sourdaveugles et partenaires (Rodbroe et Souriau, 1997renvoi vers). Elles présupposent que la compétence communicative ne peut être évaluée qu’au niveau de l’échange, la compétence de la personne déficiente ne pouvant se révéler que sur le fond de la compétence adaptative du partenaire. Ces travaux s’appuient sur des modèles empruntés aux courants interactionnistes en psychologie développementale (Hauge et Hallan Tønsberg, 1996renvoi vers), aux théories des espaces mentaux en sémiotique cognitive (Larsen, 2003renvoi vers), au dialogisme en linguistique et aux approches narratives en sciences cognitives (Daelman et coll., 1996renvoi vers et 1999 renvoi vers). Ces modèles permettent d’élaborer des outils favorisant l’analyse rigoureuse des corpus recueillis sous formes de séquences vidéo d’interaction. Le filmage et l’analyse de vidéos permettent d’effectuer des travaux de recherche sur les processus d’interaction et en même temps d’engager les personnels dans une dynamique de formation pratique et théorique (Janssen et coll., 2003renvoi vers). Une équipe regroupant des experts des Pays nordiques, des Pays-Bas et de la France a réalisé un corpus de 4 livrets comportant des textes et des vidéos traitant des problèmes de communication liés à la surdicécité congénitale. Un très large éventail de cas individuels est présenté en illustration des thèmes traités afin de rendre compte de processus généraux difficilement accessibles par les moyens statistiques du fait de la grande hétérogénéité de la population concernée. Ces livrets abordent les thèmes suivants :
• principes généraux d’intervention (Rodbroe et Janssen, 2006renvoi vers) ;
• contact et interactions sociales (Janssen et Rodbroe, 2007renvoi vers) ;
• construction du sens (Souriau et coll., 2008renvoi vers) ;
• transition vers le langage de la culture (Souriau et coll., 2009renvoi vers.
Ces procédures participatives s’inscrivent dans une démarche dite de psychologie de 2e personne. Cette démarche appréhende l’autre au niveau des enjeux de relation entre soi et l’autre. Elle s’oppose aux approches de première personne (qui cherche à comprendre l’autre à partir de l’expérience personnelle de l’observateur) ou de troisième personne (qui considère l’autre comme un objet d’observation considéré seulement de l’extérieur) (Reddy, 2008renvoi vers ; Hart, 2010renvoi vers).
Sur le plan éthique, les approches participatives ou de seconde personne devraient être privilégiées car elles garantissent la prise en compte de la perspective des sujets et permettent d’aller plus loin dans la connaissance des processus. Elles exigent une grande expertise de la part des évaluateurs partenaires mais s’articulent plus facilement aux dynamiques d’intervention. Comme le souligne Wolf-Schein (1998renvoi vers), les évaluations peuvent aboutir à un « étiquetage définitif, de mauvaises orientations et à des prophéties auto-réalisatrices » (p. 43). Chez des sujets très « différents », l’évaluation doit améliorer l’intervention et non effectuer des comparaisons dépourvues de sens avec une norme. Les approches de « troisième » et « deuxième personne » peuvent aboutir à des descriptions différentes, voire opposées ; ainsi, la centaine d’études de cas présentée dans les livrets publiés par Rodbroe, Janssen et Souriau (Rodbroe et Janssen, 2006renvoi vers ; Janssen et Rodbroe, 2007renvoi vers ; Souriau et coll., 2008renvoi vers et 2009 renvoi vers) qui sont de type « deuxième personne », mettent en exergue les compétences communicatives des sourdaveugles de naissance alors que Prain et coll. (2010renvoi vers), dans un travail d’observation purement extérieur (type « troisième personne »), décrivent la même population comme rarement engagée dans des interactions communicatives. L’approche de « seconde personne » n’exclut pas d’autres approches (on peut avoir besoin d’examens « objectifs ») à condition que celles-ci ne restent pas isolées.
Une question se pose toutefois en amont des choix de méthodes : celle de la détection des personnes susceptibles de bénéficier d’évaluations et d’intervention appartenant au champ de la surdicécité. Il semble que dans ce domaine, les choses soient relativement satisfaisantes au niveau de la petite enfance du fait de l’importance des moyens médicaux et éducatifs mis en œuvre à cet âge et de l’engagement des familles dans la recherche des meilleures solutions pour leurs enfants (Murdoch, 2004renvoi vers). En revanche, il existe probablement de grandes zones d’ombre au niveau des dispositifs pour adultes lourdement handicapés. Ainsi, Fellinger et coll. (2009renvoi vers) ont soumis 224 personnes résidant dans un institut autrichien pour personnes atteintes de déficiences intellectuelles à des tests de vision et d’audition. Avant le test, 12,5 % étaient connues comme présentant une déficience auditive ; le pourcentage après le test passe à 46 %. Dans le domaine visuel, les chiffres évoluent de 17 % à 38,4 %. Concernant la surdicécité, les chiffres passent de 3,6 % à 21,4 %. La plupart des sujets sourdaveugles présentaient une déficience intellectuelle sévère. Cette étude révèle à quel point les déficiences sensorielles peuvent être ignorées chez les adultes déficients mentaux. Il serait important de vérifier si cet exemple est un cas isolé ou illustratif d’une situation générale.

Surdicécité et pathologies mentales

Il arrive qu’on observe chez des personnes sourdaveugles des comportements ou des structures de comportement qui font penser à des pathologies psychiatriques (autisme, psychose). Il existe logiquement trois possibilités pour comprendre l’origine des troubles observés :
• troubles s’ajoutant à la déficience sensorielle sans y être liés ;
• troubles et déficiences liés ayant la même source étiologique ;
• troubles manifestant des tentatives d’adaptation de la personne déficiente aux contraintes créées au niveau des interactions entre déficiences et environnement humain et matériel.
Hess-Rover et coll. (1999renvoi vers) décrivent un cas présentant le syndrome de Usher et ayant développé des troubles psychotiques. Ils discutent la possibilité de liens entre Usher et psychose sur la base de mécanismes génétiques (proximité des loci) ou de possibles facteurs communs sur le plan pathophysiologique. Pour le cas présenté, ils décrivent le traitement utilisé sans pouvoir trancher la question de l’association ou non d’un lien de la psychose au syndrome de Usher (Hess-Rover et coll., 1999renvoi vers).
Une étude danoise a évalué l’importance des retards mentaux et des troubles de la personnalité ou du comportement chez 95 sourdaveugles congénitaux adultes (Dammayer, 2011renvoi vers). Elle est essentiellement basée sur un questionnaire envoyé à l’entourage professionnel ou familial. Pour 74 % des sujets, le questionnaire fait état d’un retard mental ou de troubles de la personnalité ou du comportement. Toutefois, les auteurs soulignent la très grande difficulté de distinguer ce qui relèverait des conséquences des déficiences sensorielles (au niveau de la personne elle-même et/ou de son entourage) ou de la présence d’une cause indépendante associée ou non à l’étiologie de la déficience sensorielle multiple.
Plusieurs études ont été menées chez des enfants présentant le syndrome Charge. Certaines s’appuient sur la description de quelques cas cliniques, d’autres travaillent sur des groupes de sujets.
Baratta et coll., sur la base de deux cas cliniques, présentent le syndrome Charge comme associant un tableau polymalformatif et des troubles psychiatriques variés, sans que soit déterminé si les troubles observés ont une genèse identique à celle des troubles proprement psychiatriques. Le traitement proposé consiste à associer une approche psychiatrique et une approche pédagogique dont les contours précis ne sont pas vraiment dessinés (Baratta et coll. 2008renvoi vers).
Bernstein et Denno ont utilisé la Compulsive Behavior Checklist pour 29 enfants présentant le syndrome Charge. La plupart d’entre eux s’avèrent présenter des comportements répétitifs compulsifs, sans que soit décrite leur genèse. S’appuyant sur une étude de cas, l’article propose un mode de traitement utilisant des approches comportementalistes et psychiatriques (Bernstein et Denno, 2005renvoi vers).
L’étude de Graham et coll. (2005renvoi vers) porte sur 14 enfants (des garçons) présentant le syndrome Charge. Ce groupe est comparé à des enfants présentant d’autres étiologies : trisomie 21, syndrome de Prader-Willi et syndrome de Williams. Dans le cas du syndrome Charge, on observe beaucoup de comportements qui ressemblent à des troubles du spectre autistique : retrait social, manque d’intérêt pour le contact avec autrui, faible recherche d’attention, hyperactivité et obsession de l’ordre. Ils diffèrent cependant des enfants appartenant au spectre autistique sur bien des points : le langage est retardé en raison des déficiences sensorielles, mais il n’est pas anormal (pas d’écholalie, pas de phrases automatiques ni d’inversion des pronoms). Ces enfants, en dépit des frustrations, ne sont pas agressifs et ne présentent pas de comportements stéréotypés ni de préoccupations inhabituelles. Leur répertoire d’activité et d’intérêt n’est pas restreint. Les traits comportementaux qui ressemblent aux troubles du spectre autistique sembleraient donc causés par l’ensemble des déficiences sensorielles plutôt que par un trouble autistique primaire (Graham et coll., 2005renvoi vers).
L’étude de Hartshorne et coll. s’intéresse aux fonctions exécutives chez les enfants présentant le syndrome Charge (Hartshorne et coll., 2007renvoi vers). Quatre vingt dix huit enfants ont été examinés sur la base du Behavior Rating Inventory of Executive Function (BRIEF). Plus de la moitié d’entre eux présente des problèmes dans les domaines du changement, du contrôle, de l’inhibition ou de la régulation du comportement. Les difficultés à gérer les transitions, à résoudre les problèmes de façon flexible, à contrôler les tâches et ses effets sur les autres et à inhiber les comportements impulsifs peuvent expliquer certaines difficultés comportementales observées chez les enfants présentant le syndrome Charge.
Une autre étude de Hartshorne et coll. (2005renvoi vers) s’appuie sur les réponses à un questionnaire renvoyé par 160 familles provenant de différentes régions du monde. Il s’agissait d’examiner si les comportements semblables à l’autisme des enfants présentant le syndrome Charge ressemblent plus à ceux des enfants qui sont sourdaveugles, ou à ceux des enfants qui sont autistes, ou s’ils sont très spécifiques au syndrome Charge. Les réponses à l’Autism Behavior Checklist montrent que les structures de comportements des enfants présentant le syndrome Charge diffèrent de celles des enfants autistes et de celles des enfants sourdaveugles. Toutefois, la variance concernant le syndrome Charge s’est avérée plus importante que dans les groupes normatifs et 27,5 % des enfants présentant le syndrome Charge pourraient être classés dans la catégorie autiste. L’article conclut que reste ouverte la question de savoir si les comportements observés sont liés à l’autisme ou à d’autres causes spécifiques au syndrome Charge (Hartshorne et coll., 2005renvoi vers).
L’étude hollandaise de Hoevenaars Van den Boom et coll. (2009renvoi vers) tente de distinguer la surdicécité de l’autisme dans les cas où le retard mental est important. Deux groupes d’enfants sourdaveugles sont comparés : l’un avec autisme (DSM-IV) et l’autre sans. Tous présentent un déficit dans les domaines de l’interaction sociale, de la communication et du langage. Les enfants sourdaveugles avec autisme montrent un nombre significativement plus grand de difficultés dans les domaines de la réciprocité des interactions sociales, de la qualité des initiatives de contact et de l’utilisation adéquate des signaux et des fonctions communicatives. On ne retrouve pas de différence entre les deux groupes pour ce qui est de la quantité et de la persistance des comportements stéréotypés, la qualité du jeu et de l’exploration et des stratégies de résolution de problèmes. L’étude conclut à la possibilité de différencier, dans une certaine mesure, ce qui est lié à l’autisme ou à la surdicécité, tout en soulignant qu’un grand nombre de comportements apparemment similaires s’observe dans les deux groupes (Hoevenaars Van den Boom et coll., 2009renvoi vers).
Johansson et coll. (2006renvoi vers), sur la base d’une étude neuropsychiatrique méticuleuse portant sur 31 sujets présentant le syndrome Charge, montrent que les anomalies cérébrales existent dans les trois quarts des cas. Sur ces 31 sujets, cinq correspondent aux critères diagnostiques pour l’autisme, cinq sont considérés comme autistic-like et 7 présentent des traits autistiques. Le diagnostic d’autisme s’avère indécidable pour les 6 sujets considérés comme sourdaveugles. La discussion mentionne le fait que habituellement les anomalies observées chez les sourdaveugles relèvent plus du retard que des éléments autistiques intrinsèques (Johansson et coll., 2006renvoi vers).
Les études citées ci-dessus illustrent les tentatives de rattacher les comportements inhabituels observés chez les enfants présentant le syndrome Charge, à une catégorie diagnostique déjà connue (exemple : troubles du spectre autistique), ce qui permettrait d’en expliquer la cause et de mettre en œuvre des modes d’intervention connus. Cette démarche n’a pas abouti à des résultats clairs et incontestables. Dans le même temps, la progression des connaissances sur les caractéristiques de la maladie a permis de mettre en évidence l’extrême complexité des déficiences identifiables (dont le nombre et l’intensité varient énormément) auxquelles les sujets doivent faire face. La meilleure connaissance des déficiences présentes dans le syndrome Charge a permis de construire pour chaque sujet une image plus précise de sa situation et de mieux comprendre quel type de défi celui-ci doit affronter. On en est donc venu à interpréter ces comportements-défis (challenging behaviours) non comme des défis, mais comme une réponse au défi que représente l’adaptation au milieu physique et humain quand les déficiences imposent tant de limitations. Il est dès lors proposé de regarder ces comportements non comme des déviances par rapport à la norme, mais comme des tentatives d’adaptation dont il importe de reconnaître la validité (Brown, 2005renvoi vers) et qui comportent une dimension de communication que l’entourage peut saisir (Hartshorne et coll., 2005renvoi vers). Cette approche fait beaucoup moins l’objet de publications scientifiques, dans la mesure où elle repose sur le cumul d’expériences minutieusement décrites mais d’une grande variabilité. Quelques exemples tirés d’une longue liste (Brown, 2005renvoi vers) illustrent cette démarche :
« Tous les matins, un enfant de maternelle refusait de s’asseoir sur le plancher pour regarder l’enseignant raconter une histoire en langue des signes. Quand on lui eut fournit une chaise adaptée, l’enfant put s’asseoir, regarder avec un grand intérêt et participer de plus en plus activement ». Dans cet exemple, le refus de s’asseoir est une tentative de communication qui pointe vers une demande adaptative (la chaise adaptée permet d’adopter l’attitude corporelle qui favorise l’attention).
« Dans un jardin d’enfants, un enfant s’auto-agressait chaque fois qu’il était distrait ou énervé par un contact tactile ou un déplacement d’air provoqué par un passage derrière sa chaise. Une fois la chaise placée le dos contre un mur, les auto-agressions ont diminué et l’enfant s’est montré plus disponible aux interactions sociales ». Ici, l’auto-agression peut être interprétée comme une tentative de communiquer un malaise lié à une hypersensibilité tactile. Elle a aussi une fonction adaptative, puisqu’elle vise à changer le contexte.
Ces processus d’adaptation prennent des formes multiples en fonction des individus et des situations. Ils ne peuvent pas être prédits par le diagnostic. Ils peuvent cependant être expliqués à partir des paramètres liés à la situation de déficience et au contexte ; leur compréhension s’appuie sur la connaissance des multiples formes que peuvent prendre les déficiences dans le cadre du syndrome. Une fois le diagnostic établi, on sait qu’un certain nombre de déficiences sont possibles ou probables (dans tous les registres sensoriels ou moteurs) mais elles doivent faire l’objet d’une évaluation individuelle, soit sur la base de méthodes objectives, soit par l’observation des comportements en situation.
La question de l’autisme comme caractéristique du syndrome est fréquemment posée dans le syndrome Charge. Une autre façon de poser le problème serait de regarder les dysfonctionnements sensoriels qui peuvent être présents dans l’autisme et qui pourraient générer les mêmes effets adaptatifs dans les deux diagnostics.

Évaluation des modes d’intervention

Les modes de vie des personnes sourdaveugles sont très divers. Dans le cas des surdicécités congénitales, le mode de prise en charge est très majoritairement institutionnel. Si, pour les enfants, le maintien en milieu ordinaire est le plus recherché du fait des évolutions idéologiques qui favorisent l’intégration, il n’en reste pas moins que des centres spécialisés se maintiennent dans de nombreux pays (développés ou non) comme alternative à l’accueil en milieu scolaire ordinaire quand celui-ci s’avère inadéquat. La très grande majorité des adultes sourdaveugles de naissance vit dans des lieux d’accueil, spécialisés ou non, avec des effectifs pouvant aller de plusieurs dizaines à quelques unités (en France, il s’agit de maisons d’accueil spécialisées, de foyers d’accueil médicalisés ou d’établissements ou services d’aide par le travail). Ces lieux de vie sont parfois associés à des dispositifs permettant une forme de travail. L’organisation interne cherche habituellement à s’ajuster à deux contraintes contradictoires : le droit légitime à décider de sa propre vie (empowerment) et la grande dépendance liée à la gravité des déficiences. Les personnes devenues sourdaveugles tendent, pour la plupart, à continuer à vivre dans le cadre qui était le leur, avant l’aggravation de leurs déficiences sensorielles. Certaines ont toutefois recours à des modes d’accueil institutionnel qui peuvent être plus favorables sur le plan de la communication et du lien social.
Par ailleurs, quel que soit leur cadre de vie, les personnes ont besoin que soient mises en œuvre des interventions individuelles en termes, par exemple, d’aides techniques et/ou humaines ou de programmes d’apprentissage ou de réadapation (apprendre à se déplacer, à effectuer de façon autonome des actes de la vie quotidienne, à utiliser des techniques de communication spécialisées).
Les modes d’intervention qui peuvent faire l’objet d’évaluations, fonctionnent à plusieurs niveaux. Certaines évaluations portent sur des interventions visant à restaurer une capacité déficiente. Ainsi, l’implantation cochléaire, technique coûteuse et sophistiquée (d’abord utilisée pour des personnes sourdes profondes sans « handicap associé ») a fait l’objet d’un certain nombre d’études dès que son application s’est étendue à d’autres populations au profil plus complexe. Elle semble donner de bons résultats chez les enfants sourds présentant des troubles associés, pour ce qui est de la perception auditive et de l’amélioration de la communication, même si on n’observe pas de progrès flagrant sur le plan du langage oral expressif (Berrettini et coll., 2008renvoi vers). L’effet serait aussi positif pour les personnes présentant un syndrome de Usher de type 1 en termes de qualité de vie (mais pas dans le domaine du langage) : les bénéficiaires seraient plus indépendants dans la vie que les non-implantés, mais plus dépendants des proches dans la détection des dangers potentiels du fait qu’ils n’ont pas l’habitude de recourir à des stratégies alternatives à l’audition (Damen et coll., 2006renvoi vers). Loundon et coll. montrent que, dans le cas du syndrome de Usher type 1, l’implantation est plus efficace avant l’âge de 9 ans pour ce qui est du langage. Il y a aussi amélioration du langage oral chez les implantés tardifs qui utilisaient déjà le langage oral (Loundon et coll., 2003renvoi vers). Chez les enfants sourdaveugles congénitaux (Dammeyer, 2009renvoi vers), on note une amélioration dans les domaines suivants : attention, réponses émotionnelles, utilisation des objets en interaction avec les adultes. Dans une étude portant sur 10 enfants présentant le syndrome Charge (Lanson et coll., 2007renvoi vers), on constate que l’implant n’a entraîné aucune complication chirurgicale et qu’il a permis d’améliorer les interactions entre l’enfant et son environnement mais sans effet notable au niveau du langage oral. Dans la plupart des cas cités, les améliorations constatées concernent les processus généraux de communication et de relation au milieu, et beaucoup moins le langage en tant que tel.
D’autres évaluations portent sur des outils visant à résoudre des problèmes techniques spécifiques : Bourquin et Moon (2008renvoi vers) évaluent l’efficacité des cartes de communication utilisées pour demander à traverser la rue. Ils démontrent que l’assistance des passants est d’autant plus rapide que la carte est grande. Gothelf et coll (2003renvoi vers) montrent que les personnes sourdaveugles peuvent améliorer leur self-control grâce à un entraînement à la relaxation et à l’utilisation d’images conçues pour guider leur autocontrôle. Horvath et coll. (2005renvoi vers) analysent les conditions d’aménagement des classes d’enseignement et des salles d’examen pour les personnes sourdaveugles scolarisées aux États-Unis. Ils soulignent la difficulté d’établir des normes du fait de l’hétérogénéité du groupe. Ils notent aussi que les sujets s’expriment plus par le refus de propositions que par l’expression de suggestions ou d’attentes. Ces évaluations sont peu nombreuses et sont très loin de couvrir l’ensemble des activités potentiellement évaluables. De plus, leur validité reste limitée sur le plan méthodologique.
D’autres travaux portent sur l’évaluation de méthodes d’intervention à caractère plus holistique (soit sur la base des contextes de prise en charge, soit au niveau de la formation des personnels). Hatton et coll. (1995renvoi vers) comparent la qualité de la prise en charge pour des résidents adultes dans 4 contextes (unité spécialisée dans une institution, résidence service, unité spécialisée en habitat ordinaire, unité pour déficients mentaux). C’est dans les unités spécialisées en habitat ordinaire que les résidents bénéficieraient du meilleur service en termes de proximité sociale, de personnalisation, d’organisation d’activités, de quantité de contacts, de nombre de sorties et de durée d’activité. Dans une autre étude, Janssen et coll. (2003renvoi vers) ont mis au point une méthode visant à améliorer l’expertise des professionnels pour l’étayage des compétences communicatives chez les sourdaveugles congénitaux (Diagnostic Intervention Model for Fostering Harmonious Interactions between Deaf-Blind children and their Educators). Cette méthode forme les professionnels à détecter les signaux émis par les enfants, à accorder leurs attitudes en conséquence et à adapter le contexte d’interaction. Il s’agit en même temps d’une méthode de diagnostic, puisqu’elle vise à faire apparaître chez l’enfant des compétences qui ne peuvent s’exprimer que dans une interaction avec un partenaire lui-même compétent. Janssen et coll. (2006renvoi vers) ont étudié l’efficacité de l’entraînement individuel de l’éducateur à cette méthode (encadré par un éducateur expert). Janssen et coll. (2004renvoi vers) ont aussi vérifié qu’à long terme les effets sont durables tant au niveau des comportements interactifs qu’au niveau des comportements autonomes. Janssen et coll. (2007renvoi vers) ont enfin comparé l’entraînement individuel et l’entraînement en équipe et conclu à l’efficacité du système par équipe, bien qu’il ne puisse se substituer à l’entraînement individuel dans tous les cas.
Il est intéressant de souligner que les contextes culturels peuvent avoir des effets importants sur le développement de la personne. Ainsi, les enfants sourdaveugles nés en Ouganda se développeraient de façon plus harmonieuse que les Européens au niveau de la qualité de contact, du fonctionnement corporel et de l’accès à l’environnement en raison du caractère tactile et rythmique des interactions dans leur culture (Rodbroe, 2000renvoi vers).
Les publications traitant de l’évaluation des interventions sont peu nombreuses et dispersées. Dans la plupart des cas, les auteurs sont très engagés dans la pratique des méthodes ou outils qu’ils évaluent. Par ailleurs, une fois établie la validité d’une méthode d’intervention, on ne connaît pas pourquoi et comment elle se développe ou non dans la pratique. Enfin, le bouillonnement des pratiques éducatives et de réadaptation opère lui aussi un processus de sélection des méthodes qui repose plus sur le compagnonnage professionnel et l’imitation de modèles que sur des critères a priori objectifs. Un travail immense serait nécessaire pour évaluer les méthodes d’intervention et pour décrire les autres processus de sélection mis en œuvre dans les pratiques sociales liées au handicap.

Qualité de vie

La qualité de vie des personnes sourdaveugles s’apprécie de trois manières : en interrogeant les proches, en consultant les personnes elles-mêmes ou en s’appuyant sur les études cliniques des interactions.

L’avis des familles

Petroff, dans une étude portant sur 97 parents de jeunes sourdaveugles interrogés à propos de la vie de leurs enfants après l’école, aboutit à plusieurs recommandations : ces jeunes ont besoin de services visant à développer leur potentiel communicatif et leurs capacités en lecture, et ce dans un contexte de pairs non handicapés ; ils ont aussi besoin de vivre des expériences professionnelles en milieu réel et d’être préparés à la transition entre milieu scolaire et vie d’adulte dès 14 ans et d’une façon individualisée (Petroff, 2001renvoi vers).
Lieberman et MacVicar (2003renvoi vers) décrivent les activités récréatives le plus fréquemment pratiquées par 54 jeunes sourdaveugles âgés de moins en 22 ans : natation, marche, balançoire, escalade et vélo. Les principaux obstacles rencontrés sont : la déficience sensorielle, le manque d’information, des difficultés d’organisation, le manque de personnel et un entourage de communication inadapté.
Parent et Paré (2003renvoi vers) ont interrogé les personnes « significatives » pour 19 personnes présentées comme ayant une surdicécité associée à une déficience intellectuelle. Ces personnes « significatives » perçoivent le sort des personnes sourdaveugles comme peu enviable, alors qu’elles disent les percevoir comme finalement satisfaites de leur situation et attendant peu de la vie. Cette contradiction met en exergue les limites des études de qualité de vie qui ne s’appuient que sur l’avis des proches et qui ne permettent pas vraiment de comprendre et de mesurer les enjeux de qualité de vie tels qu’ils sont vécus par les personnes directement concernées.

L’avis des personnes sourdaveugles

Damen et coll. (2005renvoi vers), à partir d’un questionnaire adressé à 93 patients présentant le syndrome de Usher et issus de sept pays d’Europe, montrent d’une part que les personnes présentant le syndrome de Usher de type 1 sont plus dépendantes de l’aide de tiers que les autres types et d’autre part, que la perte de l’audition est vécue comme l’obstacle le plus important en termes d’autonomie et de sécurité (un grand nombre de patients font état de leur angoisse à l’idée de ne pas pouvoir détecter par l’audition les situations d’urgence).
À propos des loisirs, Lieberman et Stuart (2002renvoi vers), dans une étude portant sur 51 adultes, indiquent que 60 % se disent non satisfaits à cause de l’inadéquation des systèmes de transport, du manque de partenaires, de difficultés d’organisation et de manque de temps.
Möller et Danermark (2007renvoi vers), dans une étude suédoise, ont interrogé 34 élèves présentant une surdicécité postlinguale4 . Il en ressort que le principal obstacle à la participation est le manque de prise en considération des aides particulières qui permettent le suivi d’une scolarité normale (niveau d’éclairage, aides auditives, langue des signes plus lente, livres adaptés…).

Spécificités concernant les personnes sourdaveugles de naissance

Moss et Blaha (2001renvoi vers) traitent de la sexualité dans le contexte de la surdicécité ou du retard mental. Ayant fait le constat que les personnes sourdaveugles ne disposent pas des mêmes accès à la culture et aux règles sociales que les autres, ils conseillent les éducateurs pour aborder les questions suivantes : l’éducation sexuelle, le type d’intervention et d’instruction ; « la modestie » ; le toucher approprié, les frontières corporelles ; les règles menstruelles, la masturbation, les problèmes de santé, les agressions sexuelles.
Pour Morgan et coll. (2002renvoi vers), l’autodétermination, élément essentiel de la qualité de vie, exige des compétences techniques (exemples : communication, mobilité), une connaissance de l’environnement, une attitude personnelle positive (estime de soi), et des ressources (éducation, technologie, entourage affectif). Pour Rodbroe et Souriau (Souriau et coll., 2009renvoi vers), le premier facteur de qualité de vie (et d’autodétermination), ce sont les partenaires de communication dont les compétences sont décrites sur la base de trois catégories :
• compétences techniques (style narratif, ajustement au tempo, capacité à lire les expressions, maîtrise de la langue des signes, adaptation aux profils communicatifs individuels, connaissance de l’histoire de vie de la personne) ;
• attitudes (relâchement ajusté du contrôle, capacité à saisir les occasions, accueil des comportements comme des conduites adaptatives, non sous-estimation des potentiels, connaissance des sources d’information et de conseil) ;
• théoriques (sur la surdicécité, l’interaction sociale, la formation du sens et le langage).

Au cœur de la qualité de vie : la compétence des partenaires de communication

Quel que soit le sous-groupe auquel elles appartiennent, la qualité de vie des personnes sourdaveugles dépend en très grande partie des personnes avec lesquelles elles sont en contact. Il peut s’agir des membres de leur famille, mais aussi des professionnels auxquels ils ont l’habitude de recourir. Il est remarquable que les personnes sourdaveugles qui ont le mieux réussi à garder le contrôle de leur propre vie et à agir dans la cité, ont pu le faire grâce à des médiateurs (professionnels ou non) capables de les mettre en lien direct avec le monde extérieur sans interférer dans leurs décisions. Cette capacité de médiation ne se résume pas à une maîtrise technique (comme celle de la langue des signes tactile) ; elle exige une mise à jour permanente de la compréhension que l’on peut avoir du rapport au monde de la personne sourdaveugle. Quand un guide-interprète accompagne une personne sourdaveugle pour une promenade, il ne doit pas seulement lui traduire ce que disent des personnes éventuellement rencontrées, mais aussi lui rendre le contexte accessible et donc sélectionner ce qui, dans l’environnement, peut être proposé au contact et à l’exploration. L’accompagnateur doit ressentir les attentes et sensibilités de la personne qu’il accompagne pour lui permettre de se mouvoir dans le monde selon son propre point de vue. Il s’agit donc pour lui de s’effacer pour donner toute sa place à l’autre, tout en étant dans un état d’extrême proximité cognitive et émotionnelle. Cet équilibre entre une distance qui permet l’autonomie et la proximité qui permet la compréhension des attentes n’est pas facile à atteindre. Il s’agit d’un compagnonnage qui se construit au fil du temps et qui vaut pour toutes les catégories de personnes sourdaveugles. Il implique un au-delà de la compétence purement technique, à savoir, une confiance réciproque dans la capacité de l’un et de l’autre à se réajuster en permanence (y compris de la part de la personne sourdaveugle à percevoir les limites de son partenaire). La surdicécité est donc une situation de handicap extrême qui met bien en exergue un aspect de la nature de la liberté humaine : l’indépendance ne peut s’exercer que dans le cadre d’une interdépendance. Les dispositifs institutionnels, techniques ou sociaux mis en œuvre pour les personnes sourdaveugles ne trouvent leur pleine justification que dans cette perspective et leur validité varie en fonction des contextes socio-historiques mais aussi des évolutions du rapport au monde de chaque personne concernée. Et ce rapport au monde ne peut s’exercer que par la médiation de partenaires engagés et respectueux de la personne.
En conclusion, le concept de surdicécité a prouvé sa résilience tant au niveau des pratiques que des recherches. Cette situation de handicap n’a cessé de mobiliser les personnes sourdaveugles elles-mêmes, leurs proches et tous les acteurs de l’intervention et de la recherche pour inventer de nouvelles pratiques permettant l’accès à la communication, à l’information et à la mobilité. L’hétérogénéité des sujets, leur dispersion dans l’espace et les évolutions rapides sur les plans épidémiologique et technique ne permettent pas aux chercheurs de travailler sur une population homogène et de mettre en œuvre facilement les critères de validation dont ils ont l’habitude. Les travaux présentés ici s’appuient sur des méthodologies variées dont la validité, souvent parcellaire, exige la mise en lien avec l’ensemble des travaux produits, y compris ceux à caractère clinique. Il importe aussi d’être conscient que les différents paradigmes présentés reflètent des systèmes conceptuels historiquement datés et géographiquement situés.

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