II. Épidémiologie

2013


Introduction

La partie II présente l’analyse des données épidémiologiques concernant plusieurs pathologies chez l’adulte en lien avec l’exposition aux pesticides : huit localisations cancéreuses (lymphomes non hodgkiniens, leucémies, myélomes multiples, maladie de Hodgkin, cancer de la prostate, cancer du testicule, mélanomes malins et tumeurs cérébrales) ; trois pathologies neurodégénératives (maladie de Parkinson, sclérose latérale amyotrophique, et maladie d’Alzheimer) ; les troubles cognitifs ; les troubles anxio-dépressifs ; les effets sur la fonction de reproduction. Deux chapitres sont consacrés respectivement à la grossesse et au développement de l’enfant et aux cancers de l’enfant en lien avec l’exposition aux pesticides. Les études rapportent les résultats observés pour les pesticides sans distinction ou bien parfois par catégorie (herbicide, insecticide, fongicide) ou encore par famille (organochlorés, organophosphorés, carbamates…) ou par substance active (lindane, DDT, malathion, carbaryl…).
Les données épidémiologiques sont recueillies à travers des études de cohortes, des études cas-témoins et des études transversales. Dans les études de cohorte prospective, un ensemble de personnes recrutées à un moment donné est suivi pour le problème de santé considéré, en prenant en considération les différents facteurs de risque et dans le cas présent l’exposition aux pesticides. La survenue de nouveaux cas est comparée entre la population exposée et celle non exposée. Dans cette expertise, il est souvent question de la cohorte prospective américaine Agricultural Health Study AHS qui est la plus grande cohorte d’agriculteurs et d’applicateurs de pesticides (plus de 50 000 personnes) et de leurs conjoints (30 000). Mise en place dans l’Iowa et la Caroline du Nord depuis 1993, l’Agricultural Health Study documente l’impact de pesticides spécifiques (sur 50 pesticides principaux analysés) essentiellement des insecticides ou des herbicides reflétant les spécificités agricoles des deux États dévolus largement aux grandes cultures et aux élevages. En France, la cohorte Agrican a débuté en 2005 sur 180 000 personnes affiliées à la Mutualité sociale agricole (MSA) dans 12 départements de France métropolitaine. Dans les études rétrospectives telles que des cohortes historiques et des études cas-témoins, les personnes recrutées (cas) présentent déjà le problème de santé considéré. Elles sont comparées à des personnes témoins ayant plusieurs points communs avec les cas (âge, sexe…). Le niveau d’exposition aux pesticides est documenté par l’utilisation de différents outils, allant du questionnaire oui/non ou de l’intitulé des professions, à des questionnaires élaborés, des algorithmes d’exposition cumulée ou l’utilisation de matrices emploi-expositions ou de dosages biologiques. Il existe également des études écologiques qui comparent la survenue d’une pathologie au sein de populations qui diffèrent sur l’exposition au niveau de régions géographiques.
Les études épidémiologiques permettent d’établir des associations entre l’exposition aux pesticides et le risque de survenue de pathologies. L’association est quantifiée par des mesures statistiques comme le risque relatif (rapport de l’incidence ou de la mortalité dans le groupe exposé et l’incidence ou mortalité dans le groupe non exposé). Pour démontrer un lien de cause à effet entre un facteur d’exposition et la survenue d’une pathologie, un ensemble d’arguments doit être apporté par un corpus de résultats d’enquêtes épidémiologiques, toxicologiques, mécanistiques… La plupart des pathologies, analysées dans cette expertise sont multifactorielles et se développent sur le long terme. Elles sont le plus souvent le résultat de l’effet de plusieurs facteurs agissant de concert et participant à des niveaux explicatifs différents (moléculaire, cellulaire, organisme, population). Il faut souligner qu’une absence d’augmentation de risque ne fait pas la preuve de l’innocuité du facteur d’exposition. Les possibilités d’erreur sont inhérentes à toute enquête épidémiologique (fluctuations aléatoires en fonction de la taille de l’échantillon, biais de sélection, biais liés aux erreurs de mesure, biais de confusion…). L’intervalle de confiance permet de définir une valeur minimale et une valeur maximale entre lesquelles se situe, pour un risque d’erreur donné, la valeur exacte du risque pour l’ensemble de la population. Plus l’échantillon est grand, plus cet intervalle est réduit et l’estimation du risque précise.
Pour acquérir plus de puissance statistique, plusieurs études peuvent être regroupées dans des méta-analyses ou des revues systématiques. La méta-analyse consiste à rassembler les données d’études comparables et de les ré-analyser au moyen d’outils statistiques adéquats. Cependant, il est important de tenir compte de l’hétérogénéité des études au moyen du test d’hétérogénéité (négatif, les études sont homogènes et leurs regroupements est licite) et de procéder, le cas échéant à une stratification des analyses selon le type d’étude, la mesure de l’exposition, les populations… Il est possible d’établir une « hiérarchie » dans la puissance des études, situant la méta-analyse au sommet de la pyramide, puis la revue systématique, l’étude de cohorte et l’étude cas-témoins. Cependant une étude cas-témoin rigoureuse reposant sur une très bonne caractérisation de l’exposition aux pesticides et un diagnostic fin de la pathologie est susceptible de moduler cette hiérarchie.
Dans cette expertise, l’analyse des données épidémiologiques a porté sur plusieurs pathologies répertoriées dans les travaux antérieurs comme potentiellement associées à une exposition aux pesticides. Elle a permis de mieux qualifier ce lien au vu des études les plus récentes. D’autres pathologies comme les cancers digestifs, le cancer du poumon, du rein, de la vessie, de la thyroïde… qui n’ont pas pu être traitées par le groupe d’experts rassemblés pour cette expertise, mériteraient une analyse complémentaire.

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