La révision des lois de bioéthique à l’Assemblée Nationale du 9 au 11 décembre 2003 a permis deux avancées importantes concernant l’extension des indications du diagnostic pré-implantatoire (DPI) (‹) et la possibilité de travailler en France sur les lignées existantes de cellules souches embryonnaires humaines.
(‹) m/s 2001, n° 8-9, p. 919
Elle devait préluder à une adoption finale rapide, le Sénat ayant été appelé à exercer son droit de deuxième lecture dès le 15 janvier 2004. Hélas, la coupe n’est qu’à moitié pleine et les vacances parlementaires pour cause d’élections régionales ne laissent entrevoir aucune date pour cette adoption finale. L’urgence de cette adoption n’a pourtant pas diminué. Une telle adoption conditionne en effet la mise en Ĺ“uvre de l’amendement formant le nouvel article 27 du projet de loi qui permet une dérogation temporaire à l’article L.2151-3 relatif aux recherches sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines. Cet amendement instaure un régime transitoire selon lequel les ministres de la Santé et de la Recherche peuvent autoriser les protocoles de recherche sur « les seules cellules souches (humaines) non susceptibles d’implantation in utero (dites pluripotentes), ainsi que l’importation et la conservation de ces dernières… ». Cette autorisation est prise après l’avis d’un comité ad hoc de 14 membres dont 6 scientifiques et 4 représentants d’associations de personnes malades ou handicapées et d’usagers du système de santé, d’associations familiales ou de protection des droits des personnes. Si l’on peut regretter que les lignées de cellules souches embryonnaires humaines restent assimilées dans ce texte à des cellules d’embryon humain, ne sous- estimons pas l’avancée obtenue grâce à une forte mobilisation des chercheurs concernés. En effet, cet amendement devrait enfin permettre le développement immédiat de travaux sur des lignées de cellules souches embryonnaires humaines, déjà existantes et produites selon les critères éthiques qui seront en vigueur dans la future loi française. En clair sont éligibles à l’importation les lignées produites sous le contrôle des lois de bioéthique des principaux pays travaillant dans ce domaine et ayant développé ces lignées (Australie, Singapour, Israël, Suède…). Par ailleurs, l’extension du DPI concerne l’autorisation de la caractérisation de l’histocompatibilité HLA avant transplantation et reprend les recommandations émises par le CCNE (comité consultatif national d’éthique) (‹).
(‹) m/s 2003, n° 11, p. 1043
Le concept de l’enfant-sauveur sera donc également possible en France. Les députés n’ont pas modifié en revanche les amendements sénatoriaux concernant l’interdiction des recherches sur les techniques de fécondation in vitro et l’interdiction de toute forme de clonage, tant le clonage à but reproductif que le clonage thérapeutique par transfert nucléaire (‹).
(‹) m/s 2003, n° 2, p. 246
Étrange paradoxe. Au temps où le clonage thérapeutique n’était que science-fiction, l’Assemblée avait accepté très majoritairement l’idée de laisser à l’appréciation de l’Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique, devenue depuis l’Agence de la biomédecine, le soin de proposer en temps utile les modifications réglementaires permettant le transfert nucléaire (‹).
(‹) m/s 2003, n° 3, p. 374
Maintenant que la preuve expérimentale de ce concept thérapeutique a été apportée chez la souris [ 1], cette même Assemblée l’interdit et assortit cette décision de lourdes peines (7 ans de prison et 150 000 € d’amende). Étrange paradoxe d’un gouvernement qui, sur la scène internationale, à l’ONU par exemple en octobre 2003, défend une position favorable au transfert nucléaire, et s’oppose en cela à la position américaine d’interdiction globale, mais qui pénalise cette même technique sur son sol. Peut-être le sujet du transfert nucléaire est-il particulièrement favorable aux ambivalences. En effet, on notera en miroir l’attitude de plusieurs États américains s’opposant à la position fédérale. Le dernier en date est le New Jersey qui vient d’autoriser les recherches sur les cellules souches embryonnaires et le transfert nucléaire, rejoignant ainsi la position de la Californie. Le Massachusetts et l’Illinois pourraient bientôt rejoindre ce club « Pro-Science ». Inversement, le Dakota du Sud, dont on citera difficilement un institut de recherche d’audience internationale, a voté la prohibition totale. Mais la peine encourue, deux ans de prison et 2 000 dollars d’amende, fera sourire nos sénateurs ! Et l’on complètera encore ce tableau de l’ambiguïté avec la position israélienne, dont la loi nationale interdit le clonage reproductif et autorise le clonage thérapeutique, mais qui soutient la position globalement prohibitioniste des États-Unis à l’ONU.