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Med Sci (Paris). 2006 June; 22(6-7): 651–658.
Published online 2006 June 15. doi: 10.1051/medsci/20062267651.

La nanochirurgie laser en biologie cellulaire

Julien Colombelli,* Rainer Pepperkok, Ernst H.K. Stelzer, and Emmanuel G. Reynaud

Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire (LEBM), Meyerhofstrasse 1, D-69117 Heidelberg, Allemagne
Corresponding author.
 

Les fonctions cellulaires complexes telles que la mitose, la croissance, la motilité, la différenciation ou l’apoptose sont des événements qui s’effectuent dans des domaines subcellulaires distincts. Pour étudier la dynamique de tels phénomènes, une approche expérimentale classique consiste à perturber le système cellulaire pour en étudier les mécanismes de réaction et de régénération à court et long terme. Les drogues ont un effet général qui ne permet que rarement le traitement localisé. Les outils conventionnels de dissection tels que les micro-aiguilles ont une résolution spatiale limitée de l’ordre du dixième de millimètre et détruisent le plus souvent l’intégrité physique de la cellule. Au cours des dernières années, il a donc été nécessaire de développer de nouveaux outils permettant une approche cellulaire précise et non invasive, d’où l’intérêt récent pour des systèmes de chirurgie laser qui permettent une résolution sub-micrométrique et un rayon d’action confiné à l’environnement cellulaire direct pour une utilisation sur des structures biologiques vivantes.

La chirurgie au laser de tissus biologiques a été étudiée et appliquée depuis plus de quarante ans, essentiellement depuis l’invention des lasers pulsés. De nombreux lasers aux capacités techniques très variables ont été employés dans ce but et il est difficile pour le non spécialiste de distinguer leurs limites. En comprimant la durée des impulsions lumineuses à des temps extrêmement brefs de l’ordre de la nanoseconde (1 ns = 10-9 s) jusqu’à atteindre quelques dizaines de femtosecondes (1 fs = 10-15 s) pour les lasers les plus modernes, la puissance maximale de chaque impulsion peut être augmentée de plusieurs ordres de grandeur tout en conservant une énergie raisonnablement basse. On peut ainsi induire des effets non linéaires dans le milieu irradié allant de la dégradation photochimique à la pure explosion mécanique et thermale [ 13]. En focalisant en un point précis a l’intérieur d’un tissu ou sous la membrane d’une cellule, il est possible de vaporiser localement le matériel intracellulaire sans que l’effet photodestructeur ne s’étende au delà de quelques centaines de nanomètres autour de la cible irradiée. On peut ainsi découper précisément le cytosquelette [ 4, 5] (microtubules, microfilaments d’actine) ou des organelles telle qu’une mitochondrie [ 6] sans altérer les structures environnantes ou compromettre la viabilité cellulaire. Cette technique non invasive permet une manipulation directe de la machinerie cellulaire à une résolution inférieure au micromètre d’où le terme de nanochirurgie (nanosurgery).

Ce dossier couvrira en premier lieu les principes physiques de la dissection laser ainsi que leurs limitations techniques et physiques afin de montrer comment les récents développements technologiques ont permis la réduction de l’extension spatiale et temporelle de l’effet chirurgical. La deuxième partie présentera les différentes applications récentes de la nanochirurgie en biologie cellulaire et du développement, en particulier pour l’étude des forces. Il n’existe, à l’heure actuelle, aucune définition internationale permettant de distinguer les différents niveaux de précision en chirurgie laser. Donc, pour faciliter la lecture, nous emploierons le terme microchirurgie pour les utilisations chirurgicales classiques en ophtalmologie, cardiologie, urologie et biologie du développement, le terme microdissection pour l’application particulière des lasers à l’isolation de tissus spécifiques en pathologie et le terme de nanochirurgie pour les applications sub-micrométriques en biologie cellulaire.

Principes physiques de la nanochirurgie laser

L’interaction laser-tissu se décompose en plusieurs phénomènes complexes et souvent intriqués : les actions photothermique, photoablative et électromécanique. Chacun de ces phénomènes est la résultante d’une dose d’énergie optique absorbée par le tissu pendant la durée de l’émission et de nombreux effets collatéraux se propagent au-delà de cette période.

L’action photothermique est obtenue avec des impulsions de 1 ms à quelques secondes et des irradiances de 10 à 106 Watt/cm2. Il en résulte une élévation de chaleur tissulaire. Son amplitude et sa durée sont responsables de la dénaturation cellulaire et des protéines et les applications médicales et thérapeutiques sont nombreuses [ 2, 3]. L’action photochimique est obtenue avec des temps d’exposition de la dizaine de secondes à la dizaine de minutes avec des irradiances très faibles. On excite ainsi un photosensibilisant appliqué ou injecté qui, une fois activé, va produire des effets létaux. L’action photoablative peut s’obtenir avec des impulsions de 10 à 100 nanosecondes. Elle est la conséquence de réactions photochimiques impliquant l’absorption de photons à haute énergie [ 7], typiquement dans le domaine de l’ultraviolet (UV), suffisamment élevée pour atteindre l’énergie de dissociation des molécules et, de ce fait, briser les liaison chimiques. Cela entraîne la photodécomposition des molécules irradiées. Cependant, les effets secondaires comme les mutations génétiques ou l’aspect peu pratique de la lumière UV en microscopie conventionnelle sont des facteurs limitant la flexibilité d’application de cet effet. En revanche, l’action électromécanique qui est obtenue avec des impulsions très courtes (100 fs à 10 ns) et des irradiances extrêmement élevées (107 à 1012 W/cm2) menant a la rupture mécanique du milieu par « claquage optique » ou induction d’un plasma, est plus versatile.

Ionisation de la matière par la lumière
La formation d’un plasma [1] de dimensions nanométriques survient lors de la focalisation d’impulsions très courtes au travers d’objectifs à grande ouverture numérique (> 0,9) qui provoquent l’ionisation de la matière (Encadré). Ce phénomène, qui débute par la libération d’un électron par absorption de plusieurs photons, se reproduit en cascade pendant toute la durée de l’impulsion laser, provoquant une avalanche d’électrons libres et décomposant ainsi la matière, formant le plasma. La formation d’un plasma survient au-delà d’une énergie de seuil. De manière qualitative, le plasma s’étend d’autant plus que l’énergie fournie dépass e l’énergie de seuil pendant toute la durée de l’impulsion. Aussitôt formé, le plasma absorbe une partie de la lumière et peut provoquer certains effets secondaires tels que la propagation d’une onde de choc ou la vaporisation du milieu par cavitation, autant de phénomènes qui contribuent à amplifier l’extension spatiale et temporelle de l’effet chirurgical.

Ainsi, les récents développements technologiques des lasers ont permis la réduction de son extension spatiale et temporelle. En focalisant étroitement des impulsions ultracourtes, la puissance nécessaire à la formation d’un plasma est atteinte avec beaucoup moins d’énergie qu’avec des lasers utilisés précédemment. Ce faisant, la durée de vie et les dimensions du plasma sont réduites [1].

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Quel laser pour quel effet ?
Définir la limite entre un effet chirurgical induit par un plasma pur ou par les effets secondaires qui lui succèdent est un point de discussion depuis plusieurs années. Vogel et al. ont apporté récemment une réponse au problème en simulant les effets de lasers à femtosecondes dans un milieu aqueux. En utilisant une fréquence de répétition différente (le nombre d’impulsions par seconde), ils démontrent que l’effet ablatif d’un laser à femtosecondes peut être induit par pur effet plasma à très basse énergie avec des trains d’impulsions à 80 mégaHertz (80 millions par seconde) [10]. En revanche, avec le même laser, mais cette fois calibré pour donner des trains d’impulsions au kiloHertz, un effet ablatif comparable est atteint à plus haute énergie par création d’une bulle de cavitation atteignant un diamètre d’environ 300 nm qui, une fois formée, s’écroule sous la pression du milieu environnant en créant une onde de choc très localisée. L’effet cumulatif d’un train d’impulsions très rapide contribue donc à améliorer l’efficacité de la nanochirurgie en limitant le stress thermo-élastique et les études les plus récentes appliquées à la chirurgie intracellulaire rapportent effectivement des interventions utilisant plusieurs centaines à plusieurs millions d’impulsions lasers à très hautes fréquences pour découper le cytosquelette [5, 11, 12], une mitochondrie [6] ou des chromosomes [ 13].

D’une manière générale, il n’existe pas de laser parfait en nanochirurgie. Cependant, plusieurs paramètres optiques ne peuvent être négligés. La qualité du faisceau doit être irréprochable. Un laser ultraviolet à gaz, utilisé, par exemple, dans certains systèmes de microdissection pour tissus pathologiques, ne peut être focalisé au minimum dû à la pauvreté du profil du faisceau, ce qui provoque en général d’importants effets secondaires thermiques et mécaniques. L’extension du foyer détermine l’intensité du faisceau et, par conséquent, l’ouverture numérique de l’objectif doit être maximale, au moins supérieure à 0,9. En terme de longueur d’onde, l’utilisation de rayons ultraviolets UV-A (proches du spectre visible) est le meilleur compromis pour réduire l’extension du foyer, proportionnel à la longueur d’onde. Il est important de considérer que l’effet initiateur d’un plasma, l’ionisation à multiphoton, est possible de l’ultraviolet à l’infrarouge. Cependant, la pénétration optique des UV dans les tissus biologiques ne dépasse pas la centaine de microns et c’est pourquoi l’utilisation de laser dans l’infrarouge ou le visible est plus efficace dans des tissus profonds, comme par exemple en biologie du développement.

La nanochirurgie peut être donc optimisée en utilisant des trains d’impulsions ultra-courtes en dessous de la nanoseconde. Cela explique le récent succès des lasers à femtosecondes en chirurgie au laser car l’utilisation d’impulsions ultra courtes, en dessous de la picoseconde, permet un meilleur contrôle de l’effet désiré et de son extension spatiale. Néanmoins, l’utilisation combinée du même laser à des fins chirurgicales et d’imagerie, une tendance récente, comporte le risque de compromettre l’intégrité du spécimen, étant donné que les seuils de nanochirurgie plasma et les niveaux d’énergie utilisés pour observer en microscopie non linéaire (à multiphoton) sont très proches [10].

Applications

En biologie cellulaire et du développement, il y a deux manières d’appliquer la chirurgie au laser. La première tire avantage des effets secondaires induits par l’expansion d’un plasma sur une échelle de quelques micromètres afin de détruire une cellule ou un groupe de cellules dans un organisme vivant en développement. Cette ablation est déjà possible en utilisant des impulsions longues de l’ordre de quelques nanosecondes et on parle alors encore de microchirurgie. La nanochirurgie, en revanche, s’adresse plus particulièrement à l’étude d’éléments subcellulaires. La destruction ciblée de structures subcellulaires ou d’organelles est ainsi possible sans affecter les parties superficielles (membranes) seulement si le procédé ablatif est parfaitement contrôlé, c’est-à-dire sans perturbation mécanique ou thermale. Être capable de modifier des structures cellulaires de l’ordre du nanomètre sans affecter la viabilité cellulaire a de nombreuses applications en biologie cellulaire et du développement ainsi qu’en procréation médicalement assistée, en particulier pour des études qui visent à comprendre le contrôle spatio-temporel des différentes étapes du développement, les interactions fonctionnelles entre différents organites, la dynamique du cytosquelette ou les échanges cellule-cellule.

Biologie du développement et procréation médicalement assistée
La biologie du développement analyse les étapes de différenciation (morphogenèse et organogenèse) qui donnent naissance à un individu à partir de la cellule-œuf, aussi bien pour les plantes que les animaux. De nombreux modèles sont utilisés pour analyser les différentes étapes menant au développement complet d’un individu (D. melanogaster, C. elegans, A. thaliana). Des progrès considérables ont été accomplis dans la compréhension des phénomènes de développement chez ces différents organismes en utilisant des approches d’ablation cellulaire [ 1418]. La plupart du temps, les méthodes de prédilection sont les aiguilles de micromanipulation dont la précision est de l’ordre du dixième de millimètre ou bien l’utilisation d’ARN messagers létaux sous le contrôle d’un promoteur tissu spécifique [ 19]. L’avènement de la microchirurgie laser a permis de détruire spécifiquement une cellule même si elle se situe à l’intérieur d’un embryon ou dans une région difficile d’accès car la manipulation ne nécessite en aucune manière de pénétrer jusqu’à la région d’intérêt. De plus, elle est extrêmement sélective car sa précision permet de ne détruire qu’une seule cellule ou un groupe de cellules. Le processus d’ablation de cellules durant le développement est illustré chez le nématode marin Platynereis dumerilii (Figure 1). En induisant la formation d’une série de plasmas au-delà du seuil énergétique de formation, on peut induire la vaporisation du milieu par cavitation, perméabilisant ainsi de manière irréversible les membranes cellulaires, et mener à l’ablation complète de plusieurs cellules précurseurs du développement d’organes spécifiques (Figure 1). L’intégrité de la membrane vitelline est généralement très bien préservée et des analyses, après développement ultérieur des embryons opérés, peuvent fournir de précieuses informations sur l’expression spécifique de gènes impliqués dans le développement de ces organes (par immunofluorescence ou hybridation in situ).

L’utilisation de la microchirurgie laser est aussi une des avancées les plus prometteuses dans le cadre de la fertilisation in vitro. Par un procédé identique de perméabilisation des membranes, de nombreuses manipulations sont possibles sur les ovocytes ou l’embryon pour augmenter le taux de fécondation et le taux d’implantation [ 20]. Le souci majeur est que toute manipulation peut engendrer des conséquences importantes sur le devenir de l’embryon, donc moins la technique est invasive, plus les risques à long terme sont faibles. Ainsi, l’utilisation de la microchirurgie au laser permet d’inciser de façon très précise les différentes couches de l’ovocyte ou de l’embryon, augmentant les chances de fertilisation et d’implantation et minimisant les effets secondaires [ 21].

Biologie cellulaire
Nous considérons trois modes d’utilisation de la nanochirurgie en biologie cellulaire, en fonction de la cible à étudier : ablation, dissection ou induction. La première est la simple miniaturisation de la chirurgie classique qui consiste à éliminer une partie de la cellule tout en préservant l’imperméabilité de sa membrane et d’observer, comme en biologie du développement, les mécanismes par lesquels la cellule réagit localement ou globalement. Ainsi, il est possible de détruire spécifiquement des mitochondries [6], un centriole [ 22] ou une neurite [ 23, 24]. La dissection permet d’avoir accès à des structures cellulaires normalement masquées. On peut ainsi accéder à la membrane plasmique des cellules de plantes pour effectuer des mesures par patch-clamp [ 25] ou y insérer des bactéries [ 26]. La dissection à l’échelle intracellulaire permet également de disséquer des sous régions chromosomiques, comme démontré par König et al. [13] qui ont atteint une précision chirurgicale de 110 nm sur des chromosomes humains. L’induction concerne plus spécifiquement l’étude de phénomènes dynamiques. L’utilisation du laser permet d’induire des modifications structurales et de changer l’équilibre dynamique de façon ciblée et non invasive, permettant l’observation du comportement hors équilibre ou du retour vers l’équilibre. Cela concerne les différents éléments du cytosquelette [4], les flux cytoplasmiques [ 27], la motilité cellulaire et la morphogenèse [ 1618].
Étude dynamique de forces
Des études récentes ont démontré des applications très élégantes de la chirurgie au laser in vivo. Chez la drosophile (D. melanogaster), au cours de la gastrulation, l’embryon présente d’importants mouvements cellulaires couplés spatialement et temporellement (Figure 2A). Supatto et al. [16] ont pu ainsi démontrer que la destruction de plusieurs cellules dorsales à l’aide d’un laser à femtosecondes permet de bloquer les mouvements latéraux et de perturber l’intégrité mécanique de l’ensemble de l’embryon. En particulier, les cellules du pôle antérieur présentent un comportement mécanique très différent après une ablation laser. Ce comportement mécanique a été corrélé avec une variation de l’expression mécano-sensible de la protéine Twist. D’autres auteurs ont appliqué la chirurgie laser au mécanisme de fermeture dorsale de la drosophile [ 17, 18].

Au niveau subcellulaire, afin de révéler la nature des forces exercées sur le fuseau mitotique pour permettre son positionnement, Grill et al. [ 28] ont sectionné la partie médiane ou un pôle du fuseau mitotique lors de la première division asymétrique chez le nématode C. elegans (Figure 2B). Perturbant ainsi l’équilibre des forces établies autour des pôles, ils démontrent l’action de traction des microtubules astraux vers le cortex et la distribution asymétrique de cette traction, suggérant que l’asymétrie nécessaire pour engendrer deux cellules sœurs de tailles différentes est induite par le cortex par le biais des microtubules. Cette destruction de l’intégrité du fuseau mitotique a été obtenue à l’aide d’un laser ultraviolet dont la durée d’impulsion dépassait la nanoseconde. Une expérience similaire a été menée peu après, à une échelle encore plus réduite, dans la levure S. pombe par Tolic et al. [11] (Figure 2C) et Khodjakov et al. [ 29]. Ces auteurs utilisent un laser identique pour observer le signal de fluorescence du fuseau mitotique en anaphase et le perturber en utilisant une énergie lumineuse sensiblement plus élevée pour obtenir l’effet chirurgical. Induisant une fracture du fuseau d’une largeur estimée à 200 nm en sa partie médiane, ils distinguent différentes réactions telles que le repliage, l’écroulement, le croisement ou le glissement du fuseau, phénomènes témoignant des forces de positionnement au centre de la cellule.

Vers une dynamique « régionale » du cytosquelette
Les constituants du cytosquelette sont des polymères dynamiques très réactifs aux effets du laser à des intensités bien inférieures au seuil de formation du plasma (Encart 1). Cette propriété permet d’induire des modifications de ces polymères avec une précision allant jusqu’au simple filament ou microtubule et d’en étudier la dynamique, les tensions ou les forces en présence.

Que ce soit chez la levure S. pombe, le nématode C. elegans ou les cellules de mammifères, il est possible de couper spécifiquement certains microtubules. Les microtubules sont des polymères cylindriques creux constitués de dimères de tubuline qui oscillent constamment entre des phases de polymérisation, catastrophe, dépolymérisation et sauvetage. Cette propriété de polymérisation hors équilibre a été baptisée instabilité dynamique [ 30]. La césure des microtubules par le laser [ 31] représente une catastrophe artificiellement induite qui ne modifie pas les principes de l’instabilité dynamique, comme nous l’avons récemment démontré (Figure 3). L’avantage de la nanochirurgie laser est de permettre d’induire cette catastrophe à n’importe quel endroit de la cellule, en contraste avec les études classiques uniquement possibles via l’utilisation de drogues (nocodazole) qui perturbent de manière globale l’organisation cellulaire, ou avec les études en microscopie à fluorescence possibles seulement dans des régions cellulaires limitées. Par conséquent, la mesure directe des paramètres de l’instabilité dynamique des microtubules liés à des organites (mitochondrie, chloroplaste, appareil de Golgi) ou à des structures cellulaires (points d’adhérence, réticulum endoplasmique transitoire) est maintenant possible et peut conduire à une approche locale ou régionale de l’étude du cytosquelette.

De même, les fibres de tension d’actine, ou fibres de stress, peuvent être sectionnées (Figure 4). Témoignant de la tension qu’une cellule exerce sur l’environnement externe, les fibres de stress s’étendent en général entre les points d’adhésion. En découpant ces fibres, nous avons montré que ces dernières se rétractent, suggérant ainsi le relâchement des forces d’adhésion exercées par la cellule. Les fibres de stress sont des structures très hétérogènes et stables au cours du temps. La nanochirurgie permet donc de mettre en évidence la dynamique, en apparence invisible car à l’équilibre, des forces en jeu au cours du processus d’adhérence cellulaire.

Conclusions

Ainsi, la nanochirurgie laser ouvre de larges possibilités d’étude en biologie cellulaire et du développement que ce soit par ablation ou destruction d’organites ou de sous-unités fonctionnelles de la cellule ou par la perturbation des forces régissant la dynamique du cytosquelette in vivo. De plus, les modifications qu’engendre le plasma sont d’une grande précision et ont une portée limitée autour d’une région cellulaire définie, permettant des études localisées et non invasives des forces en présence.

 
Acknowledgments

Les auteurs remercient F. Nédélec pour ses précieux commentaires sur le texte, I. Tolic, W. Supatto, A. Vogel, S. Klaus et D. Arendt pour leurs contributions au contenu de ce manuscrit. Ce travail a été partiellement financé par le BMBF, ministère allemand de l’éducation et de la recherche.

 
Footnotes

Article reçu le 5 janvier 2006, accepté le 15 mars 2006.

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