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Med Sci (Paris). 2006 August; 22(8-9): 710–712.
Published online 2006 August 15. doi: 10.1051/medsci/20062289710.

Les cellules souches épithéliales de la peau

Géraldine Guasch*

Howard Hughes Medical Institute, Laboratory of Mammalian Cell Biology and Development, Rockefeller University, New York, NY 10021, États-Unis
Corresponding author.

MeSH keywords: Follicule pileux, Humains, Modèles biologiques, Morphogenèse, Peau, Phénomènes physiologiques de la peau, Cellules souches

 

La peau est la première ligne de défense qui protège le corps de la déshydratation, des blessures et des infections. Les annexes de la peau, comme les poils et les glandes sébacées, ont aussi un effet protecteur. La peau est constituée de deux couches tissulaires : la plus superficielle est l’épiderme et la couche intermédiaire est le derme (Figure 1B). Les cellules de l’épiderme, les kératinocytes, sont des cellules spécialisées exprimant une grande variété de filaments intermédiaires appelés kératines, qui confèrent à la peau ses propriétés de résistance mécanique et d’imperméabilité(→).

(→) m/s 2002, n° 1, p. 45

Chez les mammifères, l’épiderme se renouvelle continuellement. La desquamation des cellules à la surface de la peau doit naturellement être compensée par le renouvellement de l’épiderme, assuré par les kératinocytes de la couche basale qui se divisent activement et se différencient en cellules de la couche cornée. Ces activités de renouvellement et de réparation de l’épiderme impliquent l’existence de cellules souches (CS).

Les CS sont définies par leur propriété d’autorenouvellement, c’est-à-dire qu’au moins une des cellules filles possèdent les mêmes caractéristiques que la CS initiale, et par leur capacité de différenciation en cellules matures qui composent leur tissu d’origine (Figure 1A)(→).

(→) m/s 2004, n° 3, p. 265

Il est généralement admis que l’épiderme interfolliculaire (EIF) et le follicule pileux comportent leurs propres CS spécialisées capables de maintenir le développement du tissu indépendamment l’un de l’autre.

Contrairement aux CS du follicule pileux, qui sont confinées dans une niche appelée bulge [ 1] (Figure 1C)(→), les CS de l’EIF résident le long de la membrane basale de l’épiderme. La couche basale de l’épiderme est composée d’une population hétérogène de cellules proliférant et se différenciant (Figure 1B). La capacité de prolifération et de régénération tissulaire des CS épidermiques a été démontrée par leur culture in vitro suivie par leur transplantation chez les patients atteints de brûlures étendues. Des kératinocytes isolés de l’EIF sont capables de former en culture trois types de clones ayant différents potentiels prolifératifs [ 2]. Les holoclones, dérivant probablement d’une CS épidermique, représentent les colonies non différenciées ayant le plus fort potentiel de prolifération et pouvant être amplifiés à long terme. Les méroclones, dérivant de cellules en voie de différenciation, ont un potentiel de prolifération intermédiaire et les paraclones, provenant de cellules différenciées, ne survivent pas en culture. En 1975, Howard Green et al. ont défini les conditions de culture des CS de l’EIF permettant ainsi l’amplification de kératinocytes à partir de zones saines chez des patients sévèrement brûlés, et par la suite leur greffe. En Europe, l’équipe de Yann Barrandon [ 3] a été une pionnière dans l’isolement des CS de patients sévèrement brûlés, suivie par leur expansion et par la transplantation de couches d’épithélium stratifié produites in vitro. Leurs résultats apportent la preuve que les CS adultes constituent une source idéale pour une application thérapeutique. Un autre aspect de l’utilisation des CS adultes en culture est la thérapie génique pour traiter des maladies épidermiques héréditaires. Par exemple, des CS épidermiques de patients souffrant d’épidermolyse jonctionnelle ont été isolées et corrigées par transduction du gène déficient codant pour la laminine 5.

(→) m/s 2003, n° 6-7, p. 683

La régénération folliculaire, quant à elle, se fait par vagues successives associant une phase de croissance (anagène), une phase de régression (catagène) et une phase de repos (télogène) (Figure 1C). De nombreuses avancées ont été réalisées dans la caractérisation des CS du follicule pileux chez la souris. Il est maintenant possible de les extraire de leur niche par cytométrie de flux, soit grâce à l’utilisation de souris transgéniques exprimant un traceur spécifiquement exprimé par les cellules du bulge [ 4, 5], soit en utilisant des marqueurs membranaires comme l’intégrine α6 ou β4 en combinaison avec l’antigène de surface CD34 [ 6]. Les CS de l’EIF sont quant à elles encore peu caractérisées et aucun marqueur n’a été identifié qui permette de les isoler sélectivement.

Plusieurs méthodes ont été employées pour étudier le potentiel de différenciation des CS du bulge comprenant : (1) des études de transplantation de fragments de follicule pileux [ 7] ; (2) des analyses clonales et de transplantation directe des cellules extraites de leur niche chez des souris immunodéficientes [5, 6, 8] ; (3) des expériences génétiques permettant de suivre in vivo les CS [7] (Figure 2). Ces travaux ont montré que les CS du bulge sont clonogéniques in vitro, c’est-à-dire capables de former préférentiellement des clones à haut potentiel prolifératif (holoclones), et sont multipotentes in vivo, capables de donner naissance à toutes les lignées de cellules épithéliales de la peau, non seulement les follicules pileux et les glandes sébacées, mais aussi les kératinocytes de l’épiderme [6, 8].Il a également été montré qu’en réponse à des blessures, les CS du follicule pileux étaient capables de contribuer à la régénération non seulement du follicule pileux mais aussi à celle de l’épiderme et des glandes sébacées [4]. Ces résultats ont suggéré que le follicule pileux était le lieu où résidaient les CS multipotentes de la peau et que les CS du bulge pouvaient être mobilisées afin de réparer l’épiderme cutané lors d’une blessure. Cependant, les CS du follicule pileux ne sont pas indispensables au renouvellement de l’EIF car la paume des mains par exemple, totalement dépourvues de poils, se renouvelle normalement. Des modèles génétiques chez la souris suggèrent qu’en l’absence de blessure, les CS du bulge ne participent pas au renouvellement de l’EIF [5, 9, 10] (Figure 2).

L’isolement des CS du bulge a permis de définir leur profil transcriptionnel [46]. Cette signature moléculaire permet de définir les gènes et les voies de signalisation actives dans les CS épithéliales du follicule pileux. Cette signature peut être comparée à la signature d’autres types de CS. Il est intéressant de noter que 14 % des ARNm spécifiquement surexprimés dans d’autres types de CS (comme les CS hématopoïétiques, neuronales et embryonnaires) sont aussi présents dans la signature du bulge [4, 6] suggérant que certains gènes sont impliqués dans les propriétés uniques et communes aux CS. Ces bases de données vont permettre de répondre à de nombreuses questions encore sans réponse : existe-t-il un mécanisme moléculaire commun qui gouverne l’autorenouvellement des CS et leur maintien dans un état indifférencié ? Quelles sont les voies de signalisation par lesquelles une CS quiescente est activée en réponse à une lésion cutanée ? Quelles sont les propriétés des CS dans un environnement tumoral ? Un cancer résulte d’un processus à plusieurs étapes durant lesquelles s’accumulent des mutations dans certains gènes. Dans la majorité des cancers, la cellule cible dans laquelle s’accumulent les mutations, reste inconnue. Les CS, du fait de leur capacité à s’autorenouveler indéfiniment, pourraient être ces cellules cibles initiales dans lesquelles apparaît la mutation oncogénique. La possibilité d’isoler les CS épithéliales va permettre maintenant d’étudier la place des CS dans les cancers de la peau.

 
Acknowledgments

L’auteur remercie Cédric Blanpain pour ses critiques et suggestions dans la préparation de cet article. Merci à Human Frontier Science Program et au Laboratoire du Dr Elaine Fuchs pour leur soutien financier.

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