Rien À Signaler ? Au contraire, près d’un quart de siècle après la caractérisation de l’oncogène Ras, la recherche sur les protéines de cette famille et leurs cousines reste très dynamique. Dès 1981, et indépendamment, les équipes de G. Cooper, R. Weinberg et M. Wigler avaient réussi à montrer que la transfection d’ADN extrait de tumeurs humaines pouvait provoquer une « transformation » morphologique de cellules de souris (les fibroblastes NIH-3T3). Le premier chercheur à réussir cet exploit, M. Goldfarb, transportait ses réactifs dans une camionnette, qu’il conduisait d’un labo à l’autre pour réaliser ces expériences de transfection « à la demande » [ 1]. Un an plus tard, le premier gène capable de provoquer cette transformation était isolé, il s’agissait du gène Ras [ 2– 4]. Plus précisément, il existe trois gènes, codant pour des isoformes différentes : H-Ras, K-Ras et N-Ras, qui ont été isolés à partir de tumeurs d’origines différentes. H-Ras et K-Ras sont aussi les gènes transformants présents dans des rétrovirus provoquant des sarcomes chez la souris (dits de Harvey et de Kirsten respectivement, d’où les lettres H et K). Le gène N-Ras est un homologue, isolé pour la première fois d’un neuroblastome (d’où la lettre N). Mais Ras ne fut pas le premier oncogène.
Depuis que le président Nixon avait entrepris la « guerre contre le cancer », en décembre 1971, deux écoles s’affrontaient, l’une privilégiait une origine virale du cancer, l’autre une accumulation de mutations somatiques. C’est en 1976 que D. Stehelin, alors en stage post-doctoral dans le laboratoire de M. Bishop, a découvert que le gène transformant présent dans un rétrovirus qui provoque des sarcomes chez le poulet (virus du sarcome de Rous) est un gène d’origine cellulaire appelé Src [ 5]. La découverte de ce premier oncogène, Src, a valu en 1989 le Prix Nobel de médecine à M. Bishop et H. Varmus [ 6].
L’idée que des réarrangements géniques peuvent participer à la cancérisation est encore plus ancienne puisque les anomalies chromosomiques dans les cancers sont connues depuis longtemps et que la découverte du « chromosome Philadelphie »1 date de 1960. Ces deux approches différentes, caractérisation de virus oncogènes et étude de l’ADN des tumeurs, ont convergé pour aboutir à la découverte des gènes Ras.
C’est donc en 1982 que plusieurs équipes montrèrent que les gènes Ras « transformants » ne différaient de leurs homologues normaux, présents dans toutes les cellules, que par une mutation provoquant une substitution des acides aminés Glycine 12 ou Glutamine 61. Il est ensuite apparu rapidement que près d’un tiers des tumeurs humaines portait une mutation dans l’un des gènes Ras (le plus souvent il s’agit du gène K-Ras), proportion atteignant 50 % des cancers du côlon et 95 % des cancers du pancréas.
L’étude de nouveaux rétrovirus oncogènes et la technique de transformation des fibroblastes NIH-3T3 ont ensuite permis de caractériser un grand nombre d’oncogènes, souvent moins puissants que Ras ou Src.