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Med Sci (Paris). 2007 March; 23(3): 317–319.
Published online 2007 March 15. doi: 10.1051/medsci/2007233317.

Accidentsde la vie courante et mortalité

Dominique Labie*

Département de génétique,développement et pathologiemoléculaire, Institut Cochin,24, rue du FaubourgSaint-Jacques,75014 Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Chutes accidentelles, Accidents, Accidents domestiques, Adolescent, Adulte, Sujet âgé, Sujet âgé de 80 ans ou plus, Cause de décès, Enfant, Enfant d'âge préscolaire, Femelle, France, Humains, Nourrisson, Classification internationale des maladies, Activités de loisirs, Mâle, Adulte d'âge moyen

 

La mortalité fait partie de la condition humaine, mais quand les décès surviennent par accident, le sentiment qu’ils n’auraient pas dû se produire ajoute encore à la douleur des proches. Pour essayer de prévenir le mieux possible les accidents de la vie courante (AcVC) (en anglais, home and leisure accidents), des recensements avec analyse des causes, sont faits par l’Institut de veille sanitaire (InVS), et régulièrement publiés. Le dernier en date est paru dans le BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire) du 31 octobre 2006 [ 1]. Ce recensement tient compte des modifications de la dixième classification internationale des maladies (CIM). La CIM-10 proposée en 1999 a privilégié : (1) la cohérence sémantique ; (2) les pratiques de codage ; (3) la simplification de la présentation des résultats. Un certain degré d’imprécision persiste cependant : l’information restant souvent incomplète sur des questions d’intention ou de lieu, sur l’activité pratiquée au moment de l’accident. La frontière avec des accidents du travail reste parfois imprécise. Ainsi, les accidents de transports ne sont pas codés de la même façon pour le personnel (accident du travail) ou pour les voyageurs (AcVC), et pourtant la distinction est parfois délicate. D’autres différences seront précisées ultérieurement.

Résultats chiffrés

Dans cette étude ont été retenus les décès dont la cause initiale correspond à la liste spécifique proposée par la CIM-10 [ 2]. Les résultats sont exprimés en nombre de décès par an, en pourcentage brut calculé pour 100 000 habitants, et en taux de mortalité standardisés par âge. Des variations régionales ont été recherchées, en standardisant en base 100 le taux de mortalité national global, auquel sont rapportés les pourcentages de chaque région, un test de χ2 déterminant une différence significative à 5 %. Au niveau national, les AcVC ont contribué dans la proportion de 3,7 % à la mortalité totale (20 023 sur 535 140 décès) ; ils représentent la moitié des décès par traumatismes1. Le nombre d’AcVC est plus élevé chez des femmes, mais cela ne reflète que (1) la longévité féminine et (2) le fait que la mortalité augmente fortement avec l’âge (les trois quarts des décès se produisant après 65 ans). Car, exprimée pour 100 000 habitants, la surmortalité masculine est sensible : 35,6/100 000 contre 21,6/100 000 chez les femmes (sex ratio : 1,6).

À l’autre bout de la pyramide des âges ce type d’accident est responsable de un décès sur 5 entre 1 et 4 ans (Tableau I). Si le taux standardisé global est de 27,9/100 000 en France, on constate une mortalité significativement supérieure à la moyenne dans quatre régions (Nord-Pas-de-Calais, Franche-Comté, Bretagne et Auvergne), et à l’opposé significativement plus faible en Ile-de-France, Aquitaine et Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Faut-il rapprocher ces faits des études sociologiques faites aux États-Unis montrant que la fréquence des accidents est plus faible dans la région nord-est, où le niveau d’instruction des parents est plus élevé [ 3] ?

Analyse des causes selon la codification par la CIM-10

Les AcVC ont été classés en chutes, suffocations, noyades, intoxication, accidents par le feu, et autres causes.

  • Les chutes constituent la première cause des AcVC (64 %). Dans ces accidents, la surmortalité est masculine (sex ratio : 1,3), et ce malgré un nombre absolu de décès plus élevé chez les femmes. Les accidents par chute augmentent, en effet, avec l’âge, plus des trois quarts se produisant après 75 ans.
  • Les suffocations sont majoritairement liées à l’ingestion d’aliments qui obstruent les voies respiratoires. On les observe surtout aux deux extrémités de la vie, avant 1 an et après 65 ans. La fréquence en est supérieure chez les femmes (sex ratio : 1,5).
  • Les noyades représentent la première cause de décès chez les moins de 25 ans, et surtout chez les enfants de 1 à 4 ans, puis après 45 ans, plus fréquemment chez les femmes (sex ratio : 3,1).
  • Les intoxications s’observent davantage chez des personnes âgées, plus souvent chez des femmes (sex ratio : 1,4). Elles résultent majoritairement de la prise accidentelle ou erronée de médicaments, puis de celle de substances ménagères ou d’inhalation de gaz.
  • Les accidents par le feu s’observent en majorité chez des hommes (sex ratio : 2) de plus de 45 ans ; ils augmentent avec l’âge.
  • Enfin d’autres causes sont plus rares : efforts excessifs, faux mouvements, chocs accidentels, électrocution…

L’ensemble de ces données est rassemblé dans le Tableau II, où sont indiquées les fréquences selon le sexe et l’âge. Globalement, le taux de mortalité a diminué de 17 % entre les années 1990 et 2000-2002. Variable selon l’âge, cette diminution a été supérieure chez les jeunes : - 72 % au-dessous d’un an, - 25 à -30 % chez les grands enfants et les adultes jeunes, - 9 % seulement après 25 ans et chez les personnes âgées. Cette évolution n’a pas été la même pour tous les types d’accidents : si l’on a observé une diminution des chutes, des suffocations et des accidents dus au feu, il y a eu augmentation des noyades et des intoxications.

Discussion

Il est évident que tous ces résultats sont fonction de la précision des données et de difficultés du codage. Il est parfois difficile de savoir si un traumatisme a été accidentel ou intentionnel, de différencier accident du travail et AcVC. Dans de nombreux cas, la cause d’un décès n’est pas précisée, et il est probable, dans ces conditions, que les résultats exprimés sont sous-estimés. Le changement de codage CIM-9/CIM-10 a pu lui aussi créer des difficultés d’interprétation.

Au total, il semble que les résultats observés soient comparables à ceux de pays européens voisins : Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Suède et Suisse. Partout, la mortalité par accidents et noyade chez les petits de moins de 4 ans est en nette diminution surtout en Suède et aux Pays-Bas [ 4]. Aux États-Unis, comme cela a été vu plus haut, on a étudié les causes sociologiques des accidents [3]. Outre le meilleur niveau éducatif, les auteurs avaient relevé aussi dans les régions du nord-est des États-Unis le moindre usage d’armes à feu (!) et un meilleur système de surveillance. Depuis longtemps déjà, on avait insisté sur les nombreuses mesures préventives dont chacune peut être efficace [ 5]. À titre d’exemple, on citera le port du casque par les cyclistes, les espaces interdits aux enfants, la clôture des piscines, le conditionnement de produits toxiques dans des récipients que les enfants ne peuvent ouvrir, les barres aux fenêtres, les doubles portes des ascenseurs… et, pour les personnes âgées, toutes les rampes et appuis pour la marche. L’addition de multiples précautions devrait pouvoir diminuer ces décès par accidents qui semblent tellement insolites, et sans doute évitables.

 
Footnotes
1 Les autres comprenant principalement accidents de transport, suicides, homicides, accidents ou complications d’actes chirurgicaux.
References
1.
Ermanel C, Thélot B, Jougla E, Pavillon G. Mortalité par accident de la vie courante en France métropolitaine, 2000-2002. BEH 2006; 42 : 328–30.
2.
Thékot B, Ermanel C, Jougla E, Pavillon G. Classification internationale des maladies : liste de référence pour l’analyse des causes de décès par traumatisme en France. BEH 2006; 42 : 323–8.
3.
Philippakis A, Hemenway D, Alexe DM, et al. A quantification of preventable unintentional childhood injury mortality in the United States. Inj Prev 2004; 10 : 79–82.
4.
Ellsäßer G, Berfenstam R. International comparisons of child injuries and prevention programs: recommendations for an improved prevention program in Germany. Inj Prev 2000; 6 : 41–5.
5.
Dowswell T, Towner EM, Simpson G, Jarvis SN. Preventing childhood unintentional injuries: what works ? A litterature review. Inj Prev 1996; 2 :140–9.