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Med Sci (Paris). 2008 November; 24(11): 899–900.
Published online 2008 November 15. doi: 10.1051/medsci/20082411899.

Inflammation intestinale et stress du réticulum endoplasmique
Un lien génétique

Eric Chevet*

Avenir Inserm U889, Université Bordeaux 2, 146, rue Léo Saignat, 33076 Bordeaux, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Colite, Protéines de liaison à l'ADN, Réticulum endoplasmique, Humains, Inflammation, Maladies inflammatoires intestinales, Maladies intestinales, Troubles de stress traumatique, Facteurs de transcription

 

Les maladies inflammatoires de l’intestin ont souvent été attribuées à une réponse immunitaire de la muqueuse intestinale à la flore microbienne. Cependant les mécanismes exacts impliqués dans ce processus inflammatoire restent mal connus. Dans deux revues récentes, les équipes de Randal Kaufman et Laurie Glimcher ont décrit le rôle potentiel des voies de signalisation du stress émanant du réticulum endoplasmique (RE) dans l’inflammation et la réponse immunitaire [ 1, 2]. Cette réponse cellulaire intégrée - appelée Unfolded Protein Response (UPR) - est activée en réponse à une accumulation de protéines mal conformées dans la lumière du RE. Elle facilite le repliement, l’export et la dégradation des protéines dans des conditions de stress [ 3]. Dans les cellules de mammifères, la réponse UPR est sous le contrôle de trois protéines transmembranaires du RE, dont l’inositol requiring enzyme-1 alpha and beta (IRE1αβ). IRE1 est la protéine initiatrice de la voie de signalisation de l’UPR la plus conservée au cours de l’évolution. Elle possède dans son domaine cytosolique une activité kinase et une activité endoribonucléase dont l’activation lors du stress du RE contribue à l’épissage non conventionnel d’un intron de 26 nucléotides dans l’ARNm codant pour la protéine X-box binding protein-1 (XBP1). Cela conduit à un changement du cadre de lecture et à la traduction d’une nouvelle protéine, dont les propriétés de facteur de transcription conduisent à l’induction d’un groupe de gènes cibles de l’UPR.

Jusqu’à aujourd’hui, l’UPR a été impliquée dans de nombreux phénomènes physiologiques et physiopathologiques incluant les maladies neurodégénératives, le diabète ou encore les cancers [ 4, 5]. Dans un article récent, Arthur Kazer et al., démontrent pour la première fois le rôle clé joué par le stress du RE dans les maladies inflammatoires de l’intestin [ 6]. En effet, des souris déficientes pour l’expression de XBP-1 dans les cellules épithéliales intestinales (CEI, dont il existe 4 types : cellules neuroendocrines, cellules à mucus, entérocytes, et cellules de Paneth) développent spontanément une entérite due à la baisse de la capacité des CEI à générer une activité antimicrobienne (cytokines) et à répondre de manière appropriée aux signaux inflammatoires locaux (protéines anti-inflammatoires). Il est intéressant de recouper ces informations avec les données obtenues chez des souris déficientes pour l’expression de IRE1β, normalement restreinte au tractus gastro-intestinal, qui développent une hypersensibilité à la colite induite par le sulfate de dextran [ 7]. Cette découverte a été complétée par l’identification de polymorphismes touchant un nucléotide unique (SNP) rares dans le gène codant pour XBP1 et dont la présence confère un risque pour la maladie de Crohn (MC) et la colite ulcéreuse (CU) dans une cohorte de patients comprenant plus de 5 000 contrôles et 4 000 malades. Par conséquent, ce travail établit pour la première fois la contribution génétique du stress du RE aux maladies inflammatoires de l’intestin chez l’homme [6].

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Ces résultats semblent donc indiquer une responsabilité des voies de stress du RE (et en particulier de l’axe IRE1/XBP1) dans les mécanismes inflammatoires dans les CEI. Qui plus est, des mutations somatiques présentes dans le gène codant pour IRE1α ont été associées à des processus de carcinogenèse [ 8]. Dans de telles conditions, pourquoi ne pas rechercher systématiquement d’éventuelles mutations dans les gènes codant pour les intermédiaires de signalisation de la voie IRE1 dans des maladies présentant des signes d’inflammation chronique associée à des cellules ayant une fonction sécrétrice essentielle ? ou bien chercher des modulateurs pharmacologiques de cette voie de signalisation dont l’intérêt thérapeutique pourrait s’avérer réel ?

References
1.
Todd DJ, Lee AH, Glimcher LH. The endoplasmic reticulum stress response in immunity and autoimmunity. Nat Rev Immunol 2008; 8 : 663–74.
2.
Zhang K, Kaufman RJ. From endoplasmic-reticulum stress to the inflammatory response. Nature 2008; 454 : 455–62.
3.
Ron D, Walter P. Signal integration in the endoplasmic reticulum unfolded protein response. Nat Rev Mol Cell Biol 2007; 8 : 519–29.
4.
Marciniak SJ, Ron D. Endoplasmic reticulum stress signaling in disease. Physiol Rev 2006; 86 : 1133–49.
5.
Moenner M, Pluquet O, Bouchecareilh M, Chevet E. Integrated endoplasmic reticulum stress responses in cancer. Cancer Res 2007; 67 : 10631–4.
6.
Kaser A, Lee AH, Franke A, et al. XBP1 links ER stress to intestinal inflammation and confers genetic risk for human inflammatory bowel disease. Cell 2008; 134 : 743–56.
7.
Bertolotti A, Wang X, Novoa I, et al. Increased sensitivity to dextran sodium sulfate colitis in IRE1beta-deficient mice. J Clin Invest 2001; 107 : 585–93.
8.
Greenman C, Stephens P, Smith R, et al. Patterns of somatic mutation in human cancer genomes. Nature 2007; 446 : 153–8.