Que l’on soit homme, chauve-souris, oiseau, poisson, escargot ou plante, nous avons tous élaboré des moyens de fuite pour échapper à nos prédateurs. Nous nous servons de nos jambes pour courir, de nos ailes pour voler, de nos nageoires, de notre coquille lorsque notre locomotion est trop lente et de nos épines lorsque nous sommes enracinés. Nous avons aussi imaginé des couleurs, des zébrures, des pigments pour nous camoufler. Cependant, face à des ennemis comme les virus, les bactéries ou les parasites, la fuite ou le camouflage sont inefficaces et, au cours de l’évolution, notre système immunitaire a adapté une réponse aux agressions par ces pathogènes. Bêtes, bestioles, plantes, créatures des airs, de l’eau et de la terre ont développé des stratégies diverses, mais non dépourvues d’analogies, en particulier dans leur fonctionnalité, pour se défendre contre les pathogènes. Dans une série d’articles illustrant quelques exemples au fil des prochains numéros de Médecine/Sciences, vous découvrirez l’odyssée du système immunitaire à travers les espèces (→).Cette série fait écho au cours « Les systèmes immunitaires dans l’évolution des espèces » donné en 2008 au Collège de France par le Professeur Philippe Kourilsky (Chaire d’Immunologie Moléculaire)1,. Ce cours s’est achevé le 8 avril 2008 par un colloque, « l’Arche de Noé du système immunitaire », organisé par Dominique Buzoni-Gatel (Inra) et Philippe Kourilsky, et auquel ont participé les auteurs de cette série2.
(→) Voir l’article de Louis Du Pasquier, page 273 de ce numéro
Probablement sous la pression d’agents infectieux et peut-être d’autres facteurs environnementaux, le système immunitaire a évolué pour conférer aux différentes espèces les meilleures chances de survie. Il a dû s’adapter pour éliminer rapidement et efficacement le danger. Pour cela, il se doit d’être divers et flexible, régulé, économe en énergie et de ne pas réagir aux antigènes du soi.
Cette série d’articles propose plus une analyse transversale du système immunitaire entre différentes espèces pour repérer les similitudes et les différences qu’une analyse des mécanismes de l’évolution. Quelques données d’analyse verticale descendante des mammifères aux plantes décriront les divers systèmes.
Nous verrons les analogies fonctionnelles qui cachent cependant une mosaïque d’éléments structurels de l’immunité innée chez les vertébrés et les invertébrés. L’immunité innée est décrite comme la première ligne de défense contre les agents infectieux ; elle fait intervenir des molécules et des cellules qui détectent leur présence, propagent l’information, déclenchent les mécanismes défensifs et régulent l’ampleur et la durée de la réponse. Nous verrons l’émergence de l’immunité adaptative qui n’est peut-être pas la seule à faire preuve de mémoire ; la frontière entre immunité adaptative spécifique et immunité innée n’est peut-être pas une question triviale, bien que l’immunité adaptative puisse apparaître, grâce à sa cohésion, comme la solution évolutive dominante.
Ces articles sont une approche de l’évolution de l’immunité qui ouvre notre esprit à sa complexité, une appréhension de la biodiversité et un regard non anthropocentré pour progresser dans les grandes questions non résolues de l’immunologie.