À la rentrée scolaire 2004, l’« Association pour la Promotion des Sciences et de la Recherche (APSR), l’arbre des connaissances » (voir Encadré ci-contre) montait l’action « Apprentis-Chercheurs » à Paris. L’idée était d’ouvrir les portes des instituts de recherche à leur environnement immédiat et principalement aux jeunes. Ainsi, en 2009 pour la cinquième année, des élèves volontaires de collèges et de lycées avoisinant les instituts de recherche réalisent des études expérimentales dans les laboratoires pendant toute l’année scolaire.
Des conditions d’apprentissage uniques
Un lycéen et un collégien, en binôme, réalisent des expériences sous la tutelle d’un acteur de la recherche (maître de conférences, chercheur, ingénieur, technicien, étudiant en thèse, ou post-doctorant). Ce suivi individuel leur permet de découvrir la démarche scientifique et la vie de laboratoire. Ainsi, ils apprennent à formuler des hypothèses, réaliser des expériences et analyser leurs résultats.
Si, en France, des stages professionnels sont proposés en classe de 3e, ils n’excèdent pas une semaine. Ici, les « apprentis » viennent au rythme d’un mercredi après-midi par mois, d’octobre à juin. Un lien de confiance peut s’établir entre les élèves et le tuteur. Il n’est pas rare que des élèves reviennent au laboratoire entre deux cours pour discuter science ou suivre une « manip ». Pour Morgane Le Bras vice-présidente de l’APSR, la proximité entre l’institut de recherche et les établissements scolaires partenaires est déterminante. « Non seulement cette proximité permet aux familles de connaître l’institut devant lequel elles passent tous les jours, mais elle permet aussi d’inscrire l’action Apprentis-Chercheurs dans une continuité sur l’année scolaire entière ».
Les relais indispensables
Si l’action a débuté à l’Institut Universitaire d’Hématologie (IUH) à Paris, elle s’est étendue depuis à d’autres instituts de recherches : l’Institut Cochin, l’Institut des Cordeliers, l’Institut Curie, et débute au Genopole d’Évry cette année (contacts : L. Bénit, C. Crémisi, A. El Marjou, C. Meignen). L’APSR a établi des partenariats avec l’Académie de Paris, l’Inserm, le CNRS, et les établissements scolaires pour mener à bien cette initiative.
Les professeurs de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) assurent le lien indispensable entre l’école et le laboratoire. Ils présentent l’action dans leurs classes et sont un relais dans les établissements tout au long de l’année. La sélection des élèves se fait sur une lettre de motivation et en aucun cas sur les résultats scolaires. « Il n’est pas rare de voir des jeunes réservés en classe de 30 élèves interagir sans inhibition dans un contact individuel » rappelle Barthélémy Leclerc, professeur de SVT. Les enseignants qui connaissent les élèves peuvent, dans certains cas, aider à la constitution des binômes. En classe, les « Apprentis-Chercheurs » servent de vecteur pédagogique. Ils présentent leurs recherches ou leur ressenti à leurs camarades. Certains enseignants constituent des journaux, réalisent des interviews, tournent des films avec des élèves volontaires. Grâce à ces retours vers les établissements scolaires, l’action de l’APSR ne se limite pas aux seuls adolescents apprentis-chercheurs.
Les points forts de l’action « Apprentis-Chercheurs »
Outre la méthode d’apprentissage, l’originalité des Apprentis-Chercheurs réside dans la coopération collégien-lycéen. Les opportunités pour ces deux univers du secondaire de se rencontrer sont rares. Bien souvent le collégien ose poser des questions, dont l’élève de lycée comprend mieux les réponses. Le lycéen joue ainsi le rôle de passeur, expliquant avec ses propres mots les notions abordées par le tuteur.
De plus, à travers la multitude des statuts des tuteurs, les adolescents découvrent un monde professionnel fait de nombreux métiers. Les lycéens sont curieux des cursus scolaires qui mènent à la recherche. Le but n’est pas de les orienter mais de leur montrer ce qui existe, de les ouvrir à une réalité professionnelle.
Un « congrès » clôture l’année scolaire dans chaque institut. Les professeurs, chercheurs, familles et camarades de classe y sont conviés, mais aussi des représentants des institutions partenaires. C’est un moment important à plusieurs égards. D’abord parce que les jeunes découvrent un autre aspect du travail de chercheur : celui de la communication. Ensuite parce qu’en transmettant aux autres, ils se rendent compte de ce qui est ou non acquis. Enfin, le congrès permet d’élargir la portée de la diffusion de connaissances scientifiques aux familles. Le directeur de l’institut remet un diplôme d’initiation à la recherche qui fait de ce congrès un moment émouvant et solennel.
Une action à double sens
Cette action permet aux tuteurs scientifiques d’apprendre à s’adapter à un auditoire profane et favorise les rencontres entre scientifiques de différentes thématiques. Les doctorants, eux-mêmes en « apprentissage », découvrent l’importance et la difficulté de la transmission du savoir. Pour les professeurs de SVT, c’est une occasion de s’informer des avancées scientifiques directement auprès des experts. Cela rejoint une initiative de EIRO forum, un partenariat d’organismes de recherche européens qui a créé un journal interdisciplinaire appelé «
science in school » [
7]. Ce dernier vise à encourager la communication entre les enseignants, les chercheurs et tous ceux qui sont impliqués dans l’enseignement des sciences.
Des initiatives partout en Europe
Des initiatives similaires se sont développées à travers toute l’Europe. Parmi les plus connues, le projet « Pollen » donne des clefs pour un enseignement participatif dans les écoles primaires de 12 grandes villes européennes [
8]. En France, l’association Paris Montagne organise un festival de sciences pour lycéens à l’Ecole Normale Supérieure [
9]. De même en Hongrie, Péter Csernely a organisé un programme d’accueil de jeunes de 14 à 20 ans dans les laboratoires durant les vacances d’été [
10]. Si la méthode « investigatrice » d’apprentissage des sciences doit être favorisée, l’hégémonie d’une approche doit être évitée. Il faudra au contraire favoriser la diversité des initiatives pour toucher un large spectre d’individus. Il faudra enfin que les états membres mettent en application les directives européennes.
Ces actions attestent de la volonté des scientifiques à transmettre leurs connaissances mais aussi à prendre part à la construction de la société de demain. Il en va de la responsabilité des scientifiques de s’ouvrir au public et d’accepter que ce dernier les questionne et les remette en question. Car c’est aussi parce que la société doute des avancées scientifiques que celles-ci progressent.