Une estimation de l’incidence des cancers entre 1980 et 2005 en France a été publiée récemment [ 1]. Cette estimation repose sur les données d’incidence collectées jusqu’en 2003 dans les registres départementaux existant en France et sur les données de la mortalité observées jusqu’en 2004. L’augmentation du nombre de cas de cancers entre 1980 et 2005 a été largement commentée par la presse mais celle-ci a généralement ignoré les explications complémentaires associées à ces chiffres. Le nombre de cas de cancer est effectivement passé de 168 850 en 1980 à 319 380 en 2005, soit une augmentation d’environ 150 000 cas (Tableau I).
Tableau I. |
Pour comprendre ces données, il faut savoir que la population française a crû de 53,9 millions en 1980 à 60,8 millions en 2005, ce qui représente une augmentation de 13 % ([60,8-53,9]/53,9) ; il serait donc normal d’observer 13 % de cancers en plus entre ces 2 dates, ce qui correspondrait à un total de 192 000 cancers en 2005.
La population a augmenté, mais elle a aussi vieilli. Les personnes âgées de 80 ans et plus représentaient 2,8 % de la population en 1980, mais en représentent 4,6 % en 2005. Or c’est dans la population la plus âgée que la fréquence des cancers est la plus élevée. Pour éliminer à la fois l’effet de l’augmentation de la population et de son vieillissement dans l’interprétation de l’augmentation de l’incidence des cancers, on peut calculer le nombre « attendu » de cancers en 2005 si l’incidence était restée identique à celle de 1980. Il suffit de calculer le nombre de cancers en appliquant à la population de 2005 les taux d’incidence par sexe et par âge observés en 1980.
Par exemple, le nombre attendu de cancers en 2005 dans la population masculine de 85 ans et plus est égal au nombre d’hommes âgés de 85 ans et plus dans la population masculine de 2005 (soit 319 812 individus) (arrondis à 320 000 dans le Tableau II), multiplié par le taux d’incidence de cancers chez les hommes de 85 ans et plus en 1980. Ce taux est égal au nombre de cas de cancers observé en 1980 divisé par l’effectif de la population des hommes de 85 ans et plus en 1980, soit 2 747/137 606. Le nombre attendu est donc (319 812 x 2 747/137 606) = 6 384,3.
Tableau II. |
En faisant le total par sexe et âge de tous ces nombres attendus, si l’on considère la valeur de l’incidence de survenue d’un cancer en 1980, on obtient un total de 231 000 cas de cancers attendus dans la population de 2005. Le détail des calculs figure dans le Tableau II annexe et les résultats sont reportés dans le Tableau I.
Finalement, l’augmentation du nombre de cancers diagnostiqués en France entre 1980 et 2005, indépendamment de l’évolution démographique, est une augmentation de 231 000 à 319 000, soit 88 000 cas (50 000 cas chez les hommes et de 38 600 cas chez les femmes), ce qui représente une augmentation de 38 % par rapport au nombre attendu
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