I. Définitions, repérage et diagnostic de la déficience intellectuelle

2016


ANALYSE

2-

Prévalences des déficiences intellectuelles

Connaître le nombre de personnes en situation de handicap, et notamment celui des personnes avec déficience intellectuelle (DI), aide les tutelles à prendre la mesure des enjeux (sanitaires, éducatifs et sociaux…) afin d’établir une politique de développement des services, de prévoir et de mettre à disposition les ressources nécessaires.
Le nombre des personnes avec DI peut s’apprécier par le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas annuels) ou par le taux de prévalence (nombre de personnes avec DI à un temps donné dans une population donnée). Par définition (cf. chapitre « Terminologie, définitions, classifications »), la DI apparaît dans l’enfance et évolue peu, aussi les taux de prévalence, même s’ils portent sur plusieurs générations, sont souvent proches du taux d’incidence annuelle portant sur une seule génération. La plupart des études visant à établir la fréquence de la DI sont menées chez l’enfant et/ou l’adolescent, les troubles intellectuels survenant après 18 ans ne devant pas être comptabilisés dans le calcul des taux de personnes avec DI, si l’on se réfère aux définitions internationales. Les études sur l’incidence plus difficiles à conduire sont moins nombreuses dans la littérature ; on parlera donc le plus souvent de taux de prévalence des personnes avec DI.
Lors de la conférence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (Roumanie, novembre 2010), portant sur les enfants et jeunes avec DI, deux points importants ont été mis en avant :
• la nécessité de distinguer la DI légère (DIL ; QI=50-69) et la DI sévère (DIS ; QI < 50) dans l’estimation de la fréquence de la DI, la DIS étant entre 2 à 6 fois moins fréquente que la DIL ;
• le constat d’un défaut de connaissances sur le nombre de personnes atteintes, ce qui rend d’autant plus difficile l’appréciation des besoins et de la qualité des soins pour les personnes avec DI (WHO, 2010renvoi vers).

Méthodes

Rappel du périmètre couvert

Dans ce chapitre, les données sur la prévalence des personnes avec DI concernent uniquement les personnes avec DI « fixée » (stable dans le temps), ayant débuté avant l’âge de 18 ans, même si le fonctionnement général de ces personnes peut être par la suite, influencé par l’environnement dans lequel elles vivent. Sont donc exclus les troubles intellectuels dont l’étiologie se réfère à des maladies survenues après l’âge de 18 ans (Alzheimer), ou des accidents (traumatisme crânien suite à un accident de la voie publique). Par DI fixée, on entend qu’il ne s’agit pas d’un trouble temporaire des capacités intellectuelles (par exemple, épisode confusionnel suite à un effet médicamenteux indésirable ou à un traumatisme, épisode réversible rapidement). Il faut aussi souligner que, selon l’étiologie de la DI et sa prise en charge, la DI peut s’aggraver : une DIL peut évoluer vers une DIS et c’est le cas également des maladies neurologiques progressives de l’enfant.

Sources et fiabilité des données

Le lieu de vie des enfants et jeunes personnes avec DI varie selon le niveau de sévérité de leur DI, mais globalement, ils résident le plus souvent dans leur famille. Dans ce cas, ils sont scolarisés en milieu ordinaire ou en milieu spécialisé. Les personnes présentant une déficience plus sévère avec une autonomie restreinte vivent en institution. Ces constats sont importants à considérer lorsqu’on cherche à établir une prévalence des personnes avec DI en population générale. Le simple recensement des personnes venues en consultation de spécialiste (neuro-pédiatre, généticien) ne permettra pas une quantification fiable de la population avec une DI, pouvant conduire à une sous-estimation. Cela est d’autant plus vrai pour la DIL.
En France, les circonstances pour lesquelles un test (test du QI, test des capacités adaptatives) est proposé à un enfant, sont variables. De façon schématique, il peut s’agir d’une demande du médecin généraliste ou spécialiste, situation fréquente en cas de DIS, avec un diagnostic précoce de la déficience. Mais souvent, la première alerte est donnée par le circuit scolaire : soit en raison de symptômes particuliers repérés par le médecin scolaire, soit en raison d’un trouble des apprentissages, spécifique (langage, dyslexie) ou non, repéré par l’enseignant. Cela conduit à proposer aux parents le passage d’un test de QI à leur enfant. Le repérage des enfants et jeunes personnes avec DI est donc très différent selon qu’il s’agisse d’une DIS (situations plutôt faciles à repérer, et ce de façon précoce) ou d’une DIL (nécessitant une recherche active pouvant être biaisée par des résultats faux positifs des tests). La recherche active des cas est importante car un enfant avec DIL peut rester en scolarité individuelle ordinaire, même jusqu’à son entrée au collège (David et coll., 2014renvoi vers).
Par ailleurs, compte-tenu de la lourdeur des tests nécessaires (test du QI, test des capacités adaptatives) et de leur temps de passation, il n’est pas envisageable de tester tous les enfants lors d’une enquête transversale en population générale, de même, dans les études longitudinales non ciblées sur une population à risque, le nombre d’enfants typiques à suivre serait trop important relativement au nombre d’enfants avec DI à recenser. En revanche, un recensement peut être envisagé dans le cadre des études de cohortes portant sur des sujets à risque. C’est le cas, par exemple, des études de suivi des grands prématurés ou d’enfants avec malformation congénitale.
À côté de ces enquêtes en population, sont également disponibles les données des enquêtes annuelles des établissements de santé, publiées dans les rapports de la DREES1 (Vanovermeir, 2006renvoi vers ; Makdessi, 2010renvoi vers). Dans ce cas, il s’agit d’une mesure déclarative du handicap par le responsable de l’établissement, ce qui n’est pas toujours bien adapté à la DI. Mais le suivi de ces données dans le temps reste intéressant pour analyser l’évolution des prises en charge. De la même manière, les enquêtes du Ministère de l’Éducation nationale sont importantes à prendre en compte pour l’étude de la scolarisation des enfants et jeunes avec DI (Espagnol et Prouchandy, 2007renvoi vers).
Les registres des handicaps de l’enfant constituent une bonne source d’information. Il existe en France deux registres, le RHEOP2 et le RHE313 , permettant de disposer de données de prévalence pour les déficiences neurosensorielles sévères de l’enfant (InVS, 2010renvoi vers). Il faut citer également les registres de malformations congénitales dont les données permettent de suivre l’évolution de la fréquence des anomalies chromosomiques les plus souvent impliquées dans l’étiologie de la DI comme par exemple la trisomie 21.

Précautions méthodologiques : implications de la définition pour l’estimation de la prévalence

Avant d’aborder les résultats chiffrés de prévalence, il est nécessaire de considérer les points de méthode suivants.

Distribution théorique du QI

La distribution théorique du QI selon une courbe de Gauss indique que 2,3 % de la population présenteraient un QI < 70 ; cette proportion est de 4,8 % si l’on considère la population avec un QI < 75, et diminue à 1,3 % en ne considérant que la population avec un QI < 65 (Leonard et Wen, 2002renvoi vers). Cette variation importante du taux de personnes pouvant être inclues dans la population avec DI selon le seuil de QI retenu (avec seulement quelques points en plus ou en moins), mérite d’être soulignée. La même réserve peut être faite pour les tests de capacités adaptatives.

Tests de QI

Les tests de QI utilisés sont nombreux (cf. chapitre « Outils du diagnostic : tests psychométriques et échelles adaptatives »). En France, le test le plus utilisé chez l’enfant d’âge scolaire est l’Échelle d’Intelligence de Wechsler (WISC). Leur validité et la corrélation des tests entre eux apparaissent plutôt satisfaisantes. Cependant, les conditions de passation des tests peuvent varier d’un enfant à l’autre (fatigue et/ou humeur de l’enfant, moment de la journée). De nombreux autres paramètres sont à prendre en compte, comme par exemple, quels tests utiliser pour une évaluation optimale du QI en présence d’autres troubles développementaux associés. Cette situation, étudiée en détail pour les enfants présentant une paralysie cérébrale, montre la nécessité d’utiliser des tests neuro-psychologiques différents et adaptés à l’enfant (Sigurdardottir et coll., 2008renvoi vers). Pour beaucoup d’autres troubles du développement associés à la DI, l’évaluation n’est pas simple et la standardisation d’une conduite à tenir « optimale », valable pour tous les types de troubles, semble difficile. En pratique, même si les adaptations nécessaires ont été mises en place durant la passation du test, la recommandation serait de considérer l’appréciation du clinicien plutôt que la valeur du test en lui-même (Michelsen et coll., 2012renvoi vers). Par ailleurs, il est important de souligner que les tests pour apprécier le niveau de la DI ne sont pas toujours effectués. À titre d’exemple, ces tests n’avaient pas été réalisés pour 20 % des enfants avec trisomie 21 enregistrés au RHEOP (2010)4 . En présence d’une DI sévère, le test ne peut pas être passé en raison de l’effet plancher du test, et l’appréciation est alors uniquement clinique.
Quant à l’évaluation des besoins pour l’enfant, la mesure des capacités « théoriques » doit probablement s’effacer devant ses capacités réelles en situation (par exemple, à l’école), de façon à offrir la prise en charge la mieux adaptée.

Capacités adaptatives

La prise en compte des capacités adaptatives de l’enfant fait partie intégrante de la définition de la DI. Si ces capacités ne sont pas considérées, il existe un risque d’avoir des faux positifs, c’est-à-dire des enfants présentant un QI bas et de bonnes capacités adaptatives. Mais il reste la question de la raison de la passation d’un test de QI. La proposition d’un tel test à un enfant suggère que celui-ci présente des difficultés. Si à l’inverse, seules les capacités adaptatives étaient prises en compte, des enfants peu adaptés mais avec un QI>70 seraient identifiés avec une DI (faux positif) et la question serait de savoir pourquoi ces enfants sont peu adaptés. Dans tous les cas, ces enfants nécessitent une prise en charge. Un travail a été fait récemment sur ce sujet par le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) aux États-Unis, comparant les dénombrements de personnes avec DI selon la prise en compte ou non, du test sur les capacités adaptatives (Obi et coll., 2011renvoi vers). Ce travail objective que la prise en compte des résultats du test des capacités adaptatives influence essentiellement le dénombrement des personnes avec DIL (différence de 6 % par rapport au chiffre obtenu avec le seul résultat du QI) et exceptionnellement (à hauteur de 0,3 %) pour celui des personnes avec DIS.
Enfin, il faut souligner l’impact du système d’éducation sur l’âge d’identification des enfants avec DI. Selon les études, cet artefact, dû à la méthode (choix de la tranche d’âge de l’étude), peut être responsable de variations dans les taux de prévalence (Leonard et Wen, 2002renvoi vers). Les taux de réussite scolaire varient à la fois selon les pays, mais aussi dans un même pays selon le type et le niveau de scolarisation (passage en 6eversus passage du CE1 au CE2 par exemple).

Prévalence

Prévalence des DIL et DIS

Données françaises

À partir de données en population générale, notamment celles des registres de handicap de l’enfant, la prévalence de la DIS est estimée autour de 3 pour 1 000 enfants résidents, à l’âge de 7 ans, dans les départements couverts par ces registres (2010). Pour la prévalence de la DIL, il faut se tourner vers des données d’enquête, soit en population générale, soit sur des groupes à risque. En population générale dans un département français (David et coll., 2014renvoi vers), la prévalence était estimée à 18 pour 1 000 incluant les DIL dissociées et les DIL « limite » (QI total compris entre 70 et 74). Dans la population ciblée des enfants nés grands prématurés, à moins de 33 SA (semaines d’aménorrhée), la prévalence de la DI (DIS et DIL) était estimée à 12 %, soit quatre fois plus élevée que les 3 % [1,7-6,1] observés dans le groupe contrôle des enfants nés à terme (39 ou 40 SA) (Larroque et coll., 2008renvoi vers).
Tous les travaux cités sont récents, mais aucun d’eux n’a pratiqué une mesure particulière des capacités adaptatives de l’enfant, ce qui peut tendre à surestimer la fréquence de la DI, puisque les enfants avec de bonnes capacités adaptatives sont inclus dans le groupe des DI. Cette surestimation existe surtout dans l’étude de suivi des prématurés et dans la fréquence de la DIL (Obi et coll., 2011renvoi vers).

Données à l’étranger

Dans la littérature internationale, beaucoup d’études ne distinguent pas les DIL des DIS. Une revue ancienne de littérature, mais importante (Roeleveld et coll., 1997renvoi vers) montrait que la prévalence totale de la DI, en population générale, se décomposait en 3,8 pour 1 000 pour la DIS et jusqu’à 30 pour 1 000 pour la DIL. Lorsque le critère d’inclusion repose à la fois sur les capacités intellectuelles et adaptatives, Whitaker estimait un taux de prévalence de la DI plutôt autour de 10 pour 1 000, corrigeant la surestimation obtenue sur la base du QI seul (Whitaker, 2004renvoi vers). Une méta-analyse récente conforte cette estimation, avec un taux de prévalence de la DI (DIS+DIL) calculé à 10,4 pour 1 000 [9,6-11,2] (Maulik et coll., 2010renvoi vers). Dans toutes les études, il est noté que la variabilité dans les taux de prévalence est plus importante pour la DIL que pour la DIS.
Le tableau 2.Irenvoi vers montre des différences entre les études. La méthode utilisée dans l’étude suédoise de 1996 était proche de celle de l’étude française de 2013, pour les sources de données, l’âge de l’enfant (9 à 15 ans) et les critères d’inclusion (QI compris entre 50 et 72). Dans l’étude suédoise, le critère adaptatif utilisé était la nécessité d’une aide particulière à l’école. Dans une étude américaine, le taux de prévalence a été obtenu grâce au croisement du fichier des certificats de naissance et du fichier du Ministère de l’Éducation de l’État de Floride qui recense, pour tous les élèves scolarisés dans un établissement public, le degré de déficience intellectuelle (Chapman et coll., 2008renvoi vers). Cette méthode ne nécessitait pas de repérage actif initial et n’était pas limitée par les éventuels refus des participants.

Tableau 2.I Prévalence des enfants avec DIL (études dans différentes populations)

Références
Pays et zones étudiés
Recueil de la population
Nombre enfants avec DIL Âge
Seuil QI
Prévalence‰
David et coll., 2014renvoi vers
France, département de l’Isère
MDPHa et commissions d’orientation scolaire
267 enfants 11 ans
46-77
18,0 [15,6-19,9]
Obi et coll., 2011renvoi vers
États-Unis Atlanta
Sources de données santé et éducation Test QI et échelle capacités adaptatives
832 enfants 8 ans
50-70
6,1 [5,7-6,5]
Chapman, et coll., 2008renvoi vers
États-Unis, habitants de Floride
Établissements scolaires publics
5 671 enfants 12-14 ans
50-70
17,3 [16,9-17,8]
Simonoff et coll., 2006renvoi vers
Royaume-Uni Arr. Croydon Londres
15 sur 22 écoles locales (y compris spécialisées)
2 726 élèves avec Cognitive Ability Test, dont 204 avec un QI 12-13 ans
50-70
83 [14-153]
Stromme et Valvatne, 1998renvoi vers
Norvège, Akershus county (9,5 % de la population) (30 037 enfants nés entre 1980-1985)
Institutions spécialisées dans troubles de l’apprentissage
105 enfants 8-13 ans
50-70
3,5 [2,8-4,2]
Fernell, 1996renvoi vers
Suède, habitants de Botkyrka (faible niveau socio-économique)
Commission administrative et éducative, et services cliniques
82 enfants 9-15 ans
50-72 + aide spéciale à l’école
12,8 [10,2-15,9]

a MDPH : Maisons départementales des personnes handicapées

Certaines études indiquent des taux de prévalences particulièrement élevés, comme celle de Simonoff et coll. (2006renvoi vers). Dans cette étude, l’utilisation de méthodes de modélisation et d’extrapolation de la prévalence conduirait à une surestimation probable avec des intervalles de confiance très larges.
D’autres études présentent des taux de prévalences plutôt bas, souvent inférieurs à 5 pour 1 000. C’est le cas de l’étude norvégienne qui s’est intéressée à la population prise en charge dans des institutions spécialisées dans le diagnostic et le traitement des enfants ayant des troubles d’apprentissage (Stromme et Valvatne, 1998renvoi vers). Les enfants scolarisés en milieu ordinaire n’ont donc pas été pris en compte, ce qui a certainement conduit à une sous-estimation de la prévalence. L’étude française de David et coll. (2014renvoi vers) a en effet confirmé la présence de cas non connus des sources administratives, même en fin de scolarité primaire : si ces cas n’avaient pas été pris en compte, le taux de prévalence dans cette étude aurait été de 12 pour 1 000 au lieu de 18 pour 1 000.
Les différences entre les politiques nationales d’intégration et de prise en charge des personnes handicapées peuvent avoir une influence également sur le repérage des enfants avec DIL. Certains pays, comme la France, proposent des bilans psychométriques dès que l’enfant présente un retard scolaire d’un an, associé à des troubles importants des apprentissages. D’autres pays, comme le Canada, craignent les stigmatisations et leur effort d’intégration des personnes handicapées induit une identification plus limitée des cas (Bradley et coll., 2002renvoi vers).
Pour les DIL, on peut retenir un taux de prévalence actuel variant entre 10 et 20 pour 1 000, en France ainsi que dans les autres pays développés.
Excepté l’étude américaine d’Obi et coll. (2011renvoi vers), il est à noter qu’aucune des études figurant dans les tableaux 2.Irenvoi vers et 2.IIrenvoi vers, n’a fait appel à un test des capacités adaptatives pour le repérage de la population avec DI. Cela peut s’expliquer par la lourdeur que représente la passation de ce type de test (échelle de Vineland ou autre) pour un groupe en population générale, chez des personnes ayant déjà eu un test du QI.
Pour la DIS, les résultats sont plus homogènes que pour la DIL (tableau 2.IIrenvoi vers). Dans un des derniers articles sur la prévalence de la DI en Australie de l’Ouest, Leonard et coll. (2003renvoi vers) montraient sur une sélection d’études menées en population générale, des taux de prévalence de DIS compris entre 1,1 et 4,5 pour 1 000. Les taux retrouvés par les deux registres français, à savoir 3,1 et 3,2 pour 1 000 pour les enfants nés de 1987 à 1998, sont compris dans cet intervalle (InVS, 2010renvoi vers).
Pour les DIS, on retiendra donc un taux de prévalence de 3 à 4 pour 1 000, taux stable dans le temps en France comme à l’étranger.

Facteurs de variation de la prévalence de la DIL

Âge

La prévalence de la DI augmente avec l’âge (Leonard et Wen, 2002renvoi vers), en raison du temps nécessaire pour son repérage ; elle est la plus élevée autour de 10-14 ans, reflétant probablement les difficultés d’apprentissages scolaires et d’adaptation à l’adolescence. Ensuite, le taux décroît (Roeleveld et coll., 1997renvoi vers) ou se stabilise (Westerinen et coll., 2007renvoi vers) à l’âge jeune adulte, ceci pouvant s’expliquer en partie par les capacités adaptatives développées par les personnes avec DI et par un excès « modéré » de mortalité.

Tableau 2.II Prévalence des enfants avec DIS (QI < 50) (études dans différentes populations)

Références
Pays et zones étudiés
Méthode
Nombre enfants avec DIS Âge
Prévalence
van Bakel et coll., 2014renvoi vers
4 régions en Europe (IE, IS, FR, LV)b
Registres ou bases de données administratives
6 à 8 ans
de 3,0 à 5,1
Obi et coll., 2011renvoi vers
États-Unis, Atlanta
Sources de données santé et éducation Test QI et échelle capacités adaptatives
514 enfants avec DIS 8 ans
3,8 [3,5-4,1]
Rey et coll., 2010renvoi vers
France, région Rhône-Alpes
Données de registre
345 enfants avec DIS 7 ans
3,0 [2,7-3,3]
Chapman et coll., 2008renvoi vers
États-Unis, habitants de Floride
Établissements scolaires publics (analyse d’une base de données santé publique)
1 440 enfants avec DIS 12-14 ans
4,4 [4,2-4,6]
Rumeau-Rouquette et coll., 1997renvoi vers
France, 3 départements
Enquête auprès des CDESa
1 161 enfants avec DIS 7-17 ans
3,6 [3,4-3,8]
Stromme et Valvatne, 1998renvoi vers
Norvège, Akershus county
Institutions spécialisées dans les troubles des apprentissages
80 enfants avec DIS 8-13 ans
2,7 [1,7-3,8]

a CDES : Commission départementale de l’éducation spéciale ; b IE : Irlande ; IS : Islande ; FR : France ; LV : République de Lettonie

Genre

Toutes les études indiquent une proportion plus importante de garçons (Leonard et Wen, 2002renvoi vers ; Westerinen et coll., 2007renvoi vers ; David et coll., 2014renvoi vers), avec un sex-ratio de l’ordre de 1,2 à 1,9. Cette différence est en lien avec les anomalies génétiques responsables de DI, liées au chromosome X, mais la contribution possible de déterminants sociaux et éducatifs à ces différences selon le genre ne peut être exclue, puisque celles-ci diminuent avec l’âge (soulevant la question d’un potentiel d’intervention dans le système éducatif).

Niveau socio-économique

Le niveau socio-économique (incluant le contexte économique et le niveau d’éducation des parents) joue un rôle certain sur la prévalence de la DIL. Plusieurs études ont démontré un lien inverse entre ces deux facteurs : prévalence de la DIL plus basse lorsque le niveau socio-économique est plus élevé (Drews et coll., 1995renvoi vers ; Leonard et Wen 2002renvoi vers ; Chapman et coll., 2008renvoi vers ; David et coll., 2014renvoi vers). En revanche, la prévalence des DIS varie peu selon le milieu socio-économique (Leonard et Wen, 2002renvoi vers). Dans l’étude norvégienne de Stromme et Magnus (2000renvoi vers), le niveau socio-économique mesuré par le niveau d’éducation des parents était plus élevé chez les parents d’enfants avec DIS que chez les parents d’enfants avec DIL. Une étude américaine reposant sur un enregistrement, à l’âge de 8 ans, d’enfants avec DI à partir d’une génération d’enfants nés en 1994 en Utah, selon la méthode MADDS (Metropolitan Atlanta Developmental Disabilities Study), a montré l’effet protecteur significatif d’un niveau élevé d’éducation maternelle (de plus de 13 années ou niveau bac), ceci aussi bien dans la DI de cause génétique identifiée que dans celle sans étiologie identifiée (Bilder et coll., 2013renvoi vers). Cet effet du niveau élevé d’éducation maternelle (supérieur au niveau « obligatoire ») est aussi retrouvé dans deux cohortes finlandaises, à 20 ans d’intervalle (générations 1966 et 1986). L’effet d’un milieu socio-économique défavorisé est également observé avec une fréquence plus élevée de DI, pas seulement pour la DIL mais aussi pour la DIS (Heikura et coll., 2008renvoi vers). Cet effet d’un milieu défavorisé sur les DI isolées (DIL ou DI modérée) a également été retrouvé dans une étude australienne (Leonard et coll., 2011renvoi vers).
Ce lien avec les facteurs socio-économiques, qu’il s’agisse d’un revenu faible ou d’un lieu d’habitation dans une zone défavorisée, a été à nouveau signalé récemment (Emerson, 2012renvoi vers), avec toujours un effet plus important pour les DIL que pour les DIS, révélant notamment pour les enfants avec DIL, un plus grand risque d’exposition à des conditions sociales défavorables à un état de santé satisfaisant dans le futur.

Environnement

Parmi les facteurs environnementaux pouvant moduler la prévalence, deux situations périnatales sont détaillées : l’alcoolisation fœtale (cf. communication « Exposition prénatale à l’alcool et troubles causés par l’alcoolisation fœtale » de S. Toutain dans la partie I de cet ouvrage) et la prématurité. En 1996, les critères du SAF (syndrome d’alcoolisation fœtale) ont été revus, puis clarifiés en 2005 (Hoyme et coll., 2005renvoi vers). Le SAF repose sur la coexistence de signes dysmorphiques, d’un retard de croissance intra-utérin et d’une anomalie cérébrale (microcéphalie ou anomalie de structure). Ce terme peut être utilisé selon qu’il y a eu ou pas confirmation d’une exposition maternelle à l’alcool. Dans le SAF partiel, deux signes dont la dysmorphie (obligatoire) suffisent, et parmi les signes possibles, apparaît la DI. Comme pour le SAF, il peut ou non y avoir confirmation d’une exposition maternelle à l’alcool. Dans les catégories définies « anomalies congénitales liées à l’alcool » et « troubles neuro-développementaux liés à l’alcool », l’exposition maternelle doit être confirmée, et la DI apparaît dans la deuxième catégorie. Cet ensemble de troubles SAF, SAF partiel et anomalies ou troubles liés à l’alcool constituent ce qui est appelé « les troubles du spectre du syndrome d’alcoolisation fœtale » (FASD en anglais). La fréquence du SAF serait de 0,5 à 3 pour 1 000 (May et coll., 2009renvoi vers), celles du SAF partiel et du FASD seraient de 2 à 5 % (May et coll., 2011renvoi vers) avec des variations souvent liées à la méthode de repérage des cas (enquête en population d’enfants scolarisés, suivi de cohorte, enquête à la maternité), et à l’estimation de la consommation maternelle d’alcool. Il est à noter qu’une consommation excessive d’alcool conduit à une DI dans seulement un tiers des cas selon les données de la dernière étude australienne sur le sujet (O’Leary et coll., 2013renvoi vers). De façon prudente, et compte-tenu des difficultés d’identification des SAF chez l’enfant, il peut être avancé que parmi les déficiences intellectuelles d’origine non génétique, une consommation maternelle excessive d’alcool serait la cause environnementale la plus fréquente de DI (O’Leary et coll., 2013renvoi vers).
La DI est plus fréquemment observée parmi les enfants nés prématurés. Avec un bon niveau de preuve (II), l’étude Epipage (Étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels) a montré une fréquence de DI autour de 10 % chez les enfants prématurés nés entre 30 et 32 SA (semaine d’aménorrhée) et de 20 % pour les enfants prématurés nés entre 25 et 29 SA (Larroque et coll., 2008renvoi vers). Parmi les enfants avec DIS, la proportion d’enfants prématurés est plus importante qu’en population générale (15,5 % versus 7,2 %) ainsi que la proportion d’enfants avec un retard de croissance intra-utérin (17,4 % versus 8,0 %) (David et coll., 2014renvoi vers). L’hypothèse d’une DI liée à un retard de croissance intra-utérin a été décrite également par d’autres auteurs (Leonard et coll., 2008renvoi vers).

Évolution de la prévalence des DI au cours des dernières années

Les facteurs pour lesquels la prévalence des DI pourrait évoluer dans le temps sont divers :
• un meilleur dépistage prénatal de certaines affections chromosomiques souvent responsables de DI, dont la trisomie 21 ; une amélioration du suivi de grossesse, notamment le dépistage des retards de croissance intra-utérin et l’information relative à la consommation d’alcool ;
• une modification des conditions socio-économiques ;
• une amélioration des taux de survie pour les personnes atteintes de DIS ;
• et enfin un biais méthodologique (effet Flynn : augmentation du score de QI dans le temps).
Globalement, et sans considérer les changements de définition, il n’est pas attendu de modifications très importantes de prévalence car les facteurs mentionnés ci-dessus ne représentent qu’une faible partie des DI. Certains facteurs pré- et périnatals (taux de prématurité, de retards de croissance intra-utérin, de grossesses mal suivies) ont peu évolué durant les 15 dernières années en France. L’évolution la plus importante concerne le dépistage prénatal, qui parfois peut aboutir à une apparente stabilité de la prévalence, comme cela a été longtemps le cas pour la trisomie 21, en raison des effets inverses de l’augmentation de l’âge maternel et des progrès du diagnostic anténatal.
En France (InVS, 2010renvoi vers), les données de registre montraient une stabilité de la prévalence de l’ensemble des DIS entre 1980 et 2000, mais des variations de la prévalence des DIS associées à d’autres comorbidités, qui pouvaient être expliquées par une baisse sensible au cours de cette même période (p=0,04) du taux de prévalence des enfants porteurs d’une trisomie 21 avec DIS à l’âge de 7 ans. En Europe, la prévalence des DIS est stable en Lettonie, Irlande et France (van Bakel et coll., 2014renvoi vers). En Islande, on observe une prévalence de la DIL plus variable dans le temps (1980 à 2004) (Michelsen et coll., 2012renvoi vers) et une augmentation significative de la prévalence de la DIS, qui peut être due à l’exhaustivité des recueils au démarrage du registre.

Cas particulier de la trisomie 21

Les personnes avec trisomie 21 représentent environ un tiers des personnes avec DIS (InVS, 2010renvoi vers) et un faible pourcentage seulement des personnes avec DIL. Les données du registre Remera (Registre des malformations en Rhône-Alpes) montrent, entre 1978 et 2005, une augmentation de l’âge moyen des mères de 26 ans et demi à 30 ans et une augmentation de la prévalence totale des trisomies 21 (incluant celles dépistées au cours de la grossesse et à la naissance) (de 1,4 à 2,3 pour 1 000). Cette augmentation pourrait être expliquée également en partie par un dépistage de cas non identifiés auparavant (fausse-couche précoce ou tardive sans diagnostic repéré) (Rousseau et coll., 2010renvoi vers). Depuis 1997, avec l’amélioration du dépistage prénatal (grâce aux progrès de l’échographie et à l’utilisation des marqueurs sériques), un peu plus des trois quart (78 %) des diagnostics prénatals donnent lieu à une IMG (interruption médicale de grossesse), avec pour conséquence une baisse significative importante (de 1,4 à 0,5 pour 1 000) de la prévalence des enfants naissant vivants avec trisomie 21.
Le réseau européen Eurocat présente des résultats semblables quant à l’augmentation de l’âge maternel pour la période 1990 à 2009 et sa conséquence sur le taux de prévalence totale des trisomies 21 (Loane et coll., 2013renvoi vers). Le rapport entre la prévalence totale de la trisomie 21 et la prévalence des enfants naissant vivants avec une trisomie 21 est variable d’un pays à l’autre, reflet de la diversité des stratégies de diagnostic prénatal mises en place. C’est en France et en Suisse que la différence est la plus élevée, un facteur explicatif en étant la forte proportion de dépistage précoce par l’échographie.

Survie-mortalité

La présence fréquente de comorbidités sous-diagnostiquées et sous-traitées chez les personnes avec DI suffirait à expliquer une mortalité plus élevée. À cela, s’ajoute souvent un niveau socio-économique bas dans ce groupe (Kilgour et coll., 2010renvoi vers). Les études ne sont pas toutes concordantes, mais la surmortalité des personnes avec DI serait due à la fois à la présence fréquente de comorbidités et aux difficultés d’accès aux soins, ne serait-ce que par la barrière que constitue la nécessité de passer par un proxy5 pour accéder au système de soin (Pomona, 2008)6 .
Les progrès dans la survie en population générale sont également observés chez les personnes avec DI. La survie des personnes avec DI se rapproche maintenant de celle des personnes sans DI, même si les maladies liées au vieillissement semblent apparaître plus tôt chez les personnes avec DI. L’espérance de vie des personnes avec DI a été estimée récemment à 66,1 ans (Coppus, 2013renvoi vers), elle varie bien sûr selon les étiologies sous-jacentes et les comorbidités associées à la DI. Par exemple, en présence de trisomie 21, l’espérance de vie médiane serait proche de 60 ans actuellement en Suède (Englund et coll., 2013renvoi vers). Une étude australienne indique que le facteur déterminant de la survie est le niveau de sévérité de la DI : l’espérance de vie médiane serait de 74 ans, 68 ans et 59 ans respectivement selon le niveau de QI, 50 à 69, 35 à 49 et < 35 (Bittles et coll., 2002renvoi vers).
De façon générale, la relation entre DI et cause de décès n’est pas simple à étudier, car les certificats de décès ne mentionnent pas toujours que la personne présentait une DI. La surmortalité des hommes avec DI est retrouvée comme en population générale, il en est de même pour les inégalités sociales. Une étude suggère un rôle protecteur de facteurs environnementaux comme l’intégration et la diversité de l’accompagnement (Hsieh et coll., 2009renvoi vers).

Fréquence des comorbidités

Dans le DSM-5, la DI est une sous-classe des troubles neuro-développementaux de l’enfant. Le DSM-5 a introduit le chapitre des « Troubles neuro-développementaux » (TND) qui incluent les troubles du développement intellectuel, de la communication, du spectre autistique (TSA), le déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), les troubles spécifiques du langage, les troubles moteurs et les autres troubles neuro-développementaux (par exemple, sensoriels). Dans cette partie de chapitre, ne seront présentés que les troubles moteurs selon les éléments de littérature les plus récents, les troubles psychiatriques étant développés dans un chapitre dédié (« Autres troubles neurodéveloppementaux et psychiatriques associés »).
En plus des autres troubles neuro-développementaux et troubles psychopathologiques, la déficience intellectuelle est souvent associée à des problèmes de santé (Matson et Cervantes, 2013renvoi vers) présentés dans le chapitre « Santé et accès aux soins ».

Troubles neuro-développementaux de l’enfant

Près de la moitié des DIS sont associées à d’autres troubles neuro-développementaux et la fréquence de cette association augmenterait avec la sévérité de la DIS, atteignant 90 % chez les personnes avec un QI < 35 comme le révèle une étude finlandaise (Arvio et Sillanpaa, 2003renvoi vers). Une étude hollandaise retrouvait une maladie chronique chez 63 % des adolescents atteints de DI avec une contribution des troubles de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) dans 21 % des cas, de la dyslexie (14 %), et des céphalées chroniques (13 %) (Oeseburg et coll., 2010renvoi vers). La fréquence élevée des comorbidités chez les personnes avec DI peut s’expliquer d’une part, par des étiologies communes entraînant une DI et une autre comorbidité (exemple de la paralysie cérébrale) et d’autre part, par un contexte socio-économique souvent défavorisé. Par ailleurs, les chiffres varient selon ce qui est considéré comme comorbidité.
En France, d’après les données des registres, les troubles neuro-développementaux associés sont essentiellement des déficiences motrices (observées dans 19 % des DIS) ou des troubles psychiatriques (observés dans 23 % des DIS) (InVS, 2010renvoi vers). Dans ces données portant sur des enfants nés entre 1980 et 2000, il était observé une influence de ces déficiences associées sur les modes de scolarisation des enfants avec DIS (avant la loi de 2005) : moins d’enfants en scolarisation intégrée en présence d’autres déficiences associées. Une revue de littérature portant sur une trentaine d’études de bonne ou très bonne qualité, montrait des chiffres très proches, à savoir 20 % de déficiences motrices et 18 % de troubles psychiatriques pour des personnes avec DI (quel qu’en soit le niveau) (Oeseburg et coll., 2011renvoi vers). Dans une étude suédoise plus récente, la fréquence des troubles neuro-développementaux, parmi 133 enfants avec DIS, était de 18 % pour la déficience motrice, 8 % pour la déficience auditive et 12 % pour la déficience visuelle (Lundvall et coll., 2012renvoi vers). Peu d’études récentes portent exclusivement sur les déficiences sensorielles associées, malgré leur importance quant à la communication pour les personnes avec DI. Une étude menée aux Pays-Bas chez 259 adultes (entre 17 et 79 ans, âge moyen de 46 ans) avec DIS (de causes variées et pour plus de la moitié, de cause inconnue) révélait une fréquence de la déficience visuelle sévère (acuité visuelle < 0,3) très élevée, jusqu’à 36 %, en raison en grande partie de l’âge de population sélectionnée (Evenhuis et coll., 2009renvoi vers). Bien que les causes de ces déficits sensoriels puissent être les mêmes et pas forcément plus fréquentes chez les personnes avec DI qu’en population générale, leur impact se surajoute à celui de déficits préexistants survenus dans l’enfance. Ces données soulignent l’importance du repérage régulier de ces troubles sensoriels tout au long de la vie des personnes avec DI (Evenhuis et coll., 2001renvoi vers).
Chez les enfants avec DIL, l’association à d’autres troubles du développement est beaucoup plus faible, de l’ordre d’un cas sur cinq dans l’étude transversale conduite en Isère : 4 % seulement des enfants avaient une déficience motrice, 10 % un trouble psychiatrique, 2 % une déficience auditive sévère et 2 % une déficience visuelle sévère (David et coll., 2014renvoi vers).
Les autres troubles du développement ou troubles du spectre autistique (TSA) ainsi que les autres troubles psychiatriques et troubles psychopathologiques sont présentés dans le chapitre « Autres troubles neurodéveloppementaux et psychiatriques associés ».
Il faut noter les nombreux biais dans les études liées à la reconnaissance plus « facile » d’une DI chez les personnes avec un trouble mental, du fait notamment de leurs difficultés adaptatives (signe d’appel pour aller jusqu’à un diagnostic de DI), et le risque de surestimation de la fréquence des troubles mentaux est donc important (Whitaker et Read, 2006renvoi vers). Dans ce travail, les auteurs concluent à une plus grande fréquence des troubles psychiatriques chez les enfants et adultes avec DIS mais pas chez les adultes avec DIL.

Troubles graves du comportement (comportements-défis)

Autant il est bien reconnu que la sévérité des symptômes de TSA et la fréquence des comportements-défis augmentent avec un QI bas, autant la fréquence des agressions et des stéréotypies n’est pas corrélée au niveau de QI chez les personnes avec TSA (Matson et Shoemaker, 2009renvoi vers). Malgré de nombreuses études sur le sujet, le manque d’harmonisation des définitions pour les troubles recensés entraîne une variabilité importante des résultats, allant de 6 % à 60 % pour les problèmes de comportements-défis (Lowe et coll., 2007renvoi vers), et par exemple, de 7 % à 23 % pour les comportements agressifs et de 3 % à 24 % pour l’auto-agression (Hemmings et coll., 2013renvoi vers). La revue d’Hemmings et coll. (2013renvoi vers) sur les comportements agressifs incluait toutes les études anglaises publiées durant les 20 dernières années. Les auteurs soulignaient notamment les discordances entre les différentes études, dans l’identification des facteurs de risque pour ces troubles du comportement. Une autre revue de littérature, très complète incluant les études réalisées durant les 15 dernières années, la plupart anglaises et australiennes, concluait à une prévalence des comportements-défis variant entre 0,1 et 23 %, sans comparaison possible avec des prévalences en population indemne de DI (Rojahn et Meier, 2009renvoi vers). Une étude néerlandaise, chez 181 personnes avec DIS associées à de multiples déficiences, identifiait des problèmes de comportements-défis chez 82 % des personnes étudiées, mais surtout, elle objectivait l’association significative entre ces comportements et la présence soit d’une déficience visuelle ou tactile, soit d’un trouble psychiatrique (Poppes et coll., 2010renvoi vers). Cette observation doit donc retenir toute l’attention des professionnels. Cependant, l’étude longitudinale réalisée en Écosse chez 1 000 adultes avec DI observait une fréquence de comportements-défis de seulement 10 %. Les auteurs insistaient sur l’importance du suivi dans le temps de ces problèmes ayant noté un taux de rémission à deux ans de l’ordre de 30 % pour chacun d’eux (Cooper et coll., 2009renvoi vers).
Plus récemment, la revue de littérature de Crotty et coll. (2014renvoi vers) souligne surtout les difficultés de définition de ces comportements-défis (agressivité, agression verbale, agression envers autrui, attitude sexuelle inappropriée, automutilation et agression envers des biens), et insiste sur la sous-déclaration de ces symptômes. Globalement, entre 10 et 25 % des personnes avec DI présenteraient des symptômes sévères d’agression. L’agression verbale semble très fréquente, de l’ordre de 30 à 40 %. Mais, pour d’autres types d’agressivité, aucun chiffre n’est proposé compte-tenu des difficultés de définition. C’est le cas par exemple, pour les attitudes sexuelles inappropriées. L’agression envers des biens (dégradation) serait présente chez près de la moitié des personnes avec DI sans corrélation avec l’âge, le genre ou la sévérité de la DI.

Problèmes de santé

Les problèmes de santé chez les personnes avec DI peuvent être plus fréquents en raison d’un vieillissement précoce ou de comportements à risque. Mais, paradoxalement, ils peuvent être sous-diagnostiqués, en raison d’une attention insuffisante par les personnes avec DI elles-mêmes, et plus souvent, en raison d’inégalités d’accès aux soins ou de prise en charge des soins. Ces aspects sont présentés dans le chapitre « Santé et accès aux soins ».

Anomalies congénitales

Enfin, quant à la fréquence des anomalies congénitales, une étude australienne a utilisé les données des registres de morbidité en population générale pour la quantifier chez les personnes avec DI (Petterson et coll., 2007renvoi vers).
Une anomalie chromosomique (syndrome de Down ou autre anomalie) était retrouvée chez 9,6 % des personnes avec DI, et dans une proportion plus faible dans les DIL. Les anomalies congénitales « malformatives » étaient présentes chez 20 % des enfants avec DI (versus 3 à 5 % en population générale) avec un taux plus élevé chez les enfants avec un QI < 35, (44 %) que chez des enfants avec un QI>35 (18 %). Quelle que soit la sévérité de la DI, les anomalies les plus fréquentes étaient celles du système nerveux central (6 %), puis de l’appareil musculo-squelettique (3 %) et de l’appareil urogénital (3 %). La prédominance des malformations cérébrales chez les enfants avec DI était attendue du fait de son lien avec l’étiologie de la DI. Par ailleurs, elle peut aussi résulter de l’augmentation du nombre d’imageries cérébrales réalisées chez ces enfants. Le recensement des anomalies congénitales associées à la DI, autres que chromosomiques et cérébrales, peut être intéressant quant aux problèmes de santé connexes qu’elles entraînent, mais l’attention à leur égard doit aussi porter sur l’étiologie de la DI.
En conclusion, la fréquence de la DI en France est tout à fait comparable à celle observée dans les autres pays développés, compte tenu des variations liées à la méthode de mesure et aux différentes étiologies qui en sont responsables. La DIL est plus fréquente parmi les populations défavorisées et chez les enfants nés prématurés. Une baisse du nombre d’enfants nés vivants avec trisomie 21 est observée durant les deux dernières décennies. Il existe très fréquemment des troubles associés à la DI, troubles considérés comme faisant partie parfois du syndrome de la DI (selon l’étiologie de celle-ci) ou comme conséquence de celle-ci (difficultés d’accès aux soins ou comportements-défis).

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