Ségrégation dans la rétine
Les organisateurs épinglés

Comment fonctionne la rétine ? Ou, plutôt, comment est contrôlée la mise en place de son organisation si particulière ? C’est sur cette question que deux équipes de chercheurs, français et américains, se sont penchées, et apportent un début d’éclairage.

La rétine comporte plusieurs types de neurones. Les photorécepteurs, d’abord, situés au fond de l’œil, transforment la lumière en un signal électrique envoyé vers les autres neurones rétiniens, tandis que les cellules ganglionnaires, à l’extrémité du circuit, transmettent cet influx nerveux au cerveau, via le nerf optique. Cette architecture rétinienne repose sur la coexistence de deux voies de signalisation parallèles, appelées ON et OFF, et sur la ségrégation des différents types de neurones et de leurs connexions synaptiques dans des couches distinctes. Ainsi, les terminaisons des neurones activés lorsque la lumière s’allume (ON) et des neurones activés lorsque la lumière s’éteint (OFF) se localisent dans des strates adjacentes de la couche plexiforme interne, une région particulière de la rétine. « Il y a vraiment une correspondance entre la ségrégation anatomique et la ségrégation fonctionnelle. Mais jusqu’ici, on ignorait tout des mécanismes qui contrôlent l’établissement de cette organisation », explique Alain ChédotalAlain Chédotal
Institut de la vision, unité 968 Inserm / université Pierre-et-Marie-Curie, Paris
, l’un des coauteurs de l’étude.
La rétine, une architecture bien complexe
© Wang M-M, Jantz et all., J Comp. Neurol 460 (2003), 106-122
Quel est le rôle des sémaphorines, ces protéines connues pour réguler les interactions entre axones au cours de leur migration et de leur croissance, dans cette organisation ? Les chercheurs ont étudié l’agencement cellulaire de la rétine dans l’œil de souris déficientes pour les gènes codant pour la sémaphorine 6A ou son récepteur, la plexine-A4. Leurs résultats mettent en évidence l’importance de ces deux protéines pour la ségrégation des connexions neuronales dans la couche plexiforme interne : chez les souris mutantes, les ramifications de certains neurones des voies ON et OFF sont mélangées. Cependant, la spécificité de leurs connexions est conservée. « Ces résultats nous apportent aussi une autre information : la sémaphorine 6A est exprimée dans la strate de la couche plexiforme interne contenant les terminaisons de la voie ON, alors que son récepteur plexine-A4 est porté par des prolongements des cellules amacrinesCellules amacrines
Interneurones modulant la transmission des signaux entre les photorécepteurs et les cellules ganglionnaires
qui se projettent dans la couche OFF adjacente. La sémaphorine 6A empêcherait ainsi les prolongements des cellules OFF d’envahir la strate ON. Pour le moment, on ne sait pas exactement quelles sont les conséquences physiologiques de cette désorganisation chez les souris, car elles ne semblent pas aveugles. Il nous faut mettre au point des expériences permettant de mieux évaluer leur vision. Ce qui est sûr, c’est que les sémaphorines sont fortement conservées au cours de l’évolution, et que leur rôle est donc probablement identique chez l’homme. 
»

Julie Coquart