Mélanome
Mieux comprendre pour mieux traiter

L’été arrive, avec le soleil... mais gare à ses rayons UV, qui peuvent entraîner des cancers de la peau. Très difficile à soigner, le mélanome résiste encore à l’arsenal thérapeutique habituel. Qu’avons-nous découvert récemment sur ce cancer ? Quels sont les derniers traitements à l’étude ?

Tumeur maligne des mélanocytes, le mélanome est un des cancers dont la fréquence augmente le plus dans le monde : le nombre de cas double tous les 10 ans. En France, chaque année, 4 000 à 5 000 cas sont découverts et 1 000 personnes en meurent. Contrairement aux idées reçues, la majorité des cas survient sur une peau saine, et moins d’un quart sur unnaevuspréexistant, c’est-à-dire un grain de beauté. La meilleure prévention tient en quelques principes simples : ne pas s’exposer entre 12 et 16 heures, surtout pour les enfants, s’enduire de crème solaire à fort indice protecteur, fuir les cabines UV et consulter un spécialiste à la moindre lésion suspecte.
Actuellement, le traitement standard du mélanome repose sur la chirurgie par ablation. Mais dans certains cas, la tumeur devient métastatique et nécessite une chimiothérapie. Malheureusement, ce traitement n’est pas toujours efficace et de nombreux chercheurs tentent de comprendre les mécanismes à l’origine de la maladie et les raisons de ces résistances.

Une protéine essentielle

« Nous nous intéressons d’abord aux facteurs de transcription qui régulent les gènes responsables de la prolifération et de l’invasion des cellules tumorales, explique Irwin Davidson, chercheur à l’IGBMCIGBMC
Unité 964 Inserm/CNRS/Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire
de Strasbourg, en particulier le facteur de transcription MITF (microphthalmia-associated transcription factor). On observe en effet deux types de cellules dans les tumeurs de mélanome : d’un côté celles qui ont la capacité de proliférer mais qui ne sont ni motiles, ni invasives, et de l’autre, leur parfait contraire, celles qui sont agressives, motiles mais qui ne prolifèrent que très lentement. En les étudiant, on a constaté que les premières expriment fortement MITF, tandis que les autres ne le font quasiment pas. Le facteur de transcription a ainsi été soupçonné d’être impliqué dans le passage des cellules cancéreuses d’un état à l’autre. » Pourtant, MITF est essentiel dans la vie des mélanocytes. Responsable de leur différenciation, il joue aussi un rôle clé dans la régulation de la synthèse de mélanine. Ainsi, une cellule normale exprimant fortement MITF sera particulièrement pigmentée.
En revanche, on ne connaît pas encore les facteurs environnementaux qui pourraient contrôler son expression.«  En collaboration avec Corine BertolottoCorine Bertolotto
Unité 895 Inserm/Nice Sophia-Antipolis, Centre méditerranéen de médecine moléculaire
, nous avons récemment montré que MITF occupait de nombreux sites régulateurs au niveau du génome des cellules tumorales, dont certains régulent l’expression des gènes codant des enzymes impliquées dans la réplication et la réparation de l’ADN, ce qui explique que le mélanome résiste aux traitements classiques qui endommagent l’ADN »,
précise le chercheur. MITF peut notamment activer l’expression du gène codant pour la télomérase reverse transcriptaseTélomérase reverse transcriptase
est une enzyme qui permet de conserver la longueur des télomères à chaque extrémité des chromosomes lors de la réplication de l’ADN et la division cellulaire.
, permettant ainsi une prolifération illimitée des cellules tumorales. « En parallèle, renchérit-il, il a été démontré que, dans les cellules n’exprimant pas MITF, il y avait une forte expression d’un autre facteur de transcription BRN2, connu pour inhiber la production du premier. Et réciproquement. »

Un interrupteur génique

« Nous pensons qu’il y a comme un système d’interrupteur qui soit libère MITF en entraînant la prolifération des cellules, soit libère BNR2, rendant les cellules motiles, poursuit Irwin Davidson. Cette capacité de passer de l’un à l’autre est probablement déclenchée par des signaux émis dans le microenvironnement tumoral. »
Les travaux récents menés par Robert BallottiRobert Ballotti
Unité 895 Inserm/Nice Sophia-Antipolis, Centre méditerranéen de médecine moléculaire
et son équipe montrent qu’entre 2 et 4 % des cellules de mélanome perdent spontanément la capacité à exprimer MITF. Si on réinjecte ces cellules dans un organisme de souris, elles ré-expriment très vite MITF, prolifèrent et ont une forte capacité à former des tumeurs. Il semble ainsi que ce sont les cellules qui expriment peu ou pas du tout MITF qui ont la capacité à initier des tumeurs. Pour l’instant, la principale inconnue reste les signaux qui régulent l’expression de MITF ou de BNR2. L’élimination de ces cellules initiatrices est une alternative thérapeutique intéressante, en cours d’étude par l’équipe niçoise.

Olivier Frégaville-Arcas