Infertilité masculine
Le spermatozoïde à tête ronde

Des chercheurs français ont fait parler le génome de patients atteints d’une forme rare de stérilité. Ils ont découvert une nouvelle mutation qui donne une tête arrondie aux spermatozoïdes, les rendant ainsi incapables de fusionner avec un ovocyte.

Pour féconder un ovocyte, mieux vaut être un spermatozoïde à tête pointue qu’un spermatozoïde à tête ronde. Dépourvus de la membrane enveloppant leur noyau, l’acrosome, et de ses précieuses enzymes, ces spermatozoïdes sont en effet incapables de percer l’enveloppe qui entoure le gamète femelle. Cette malformation, la globozoocéphalie spermatique, est responsable d’environ 0,1 % des infertilités masculines.
Particularité de cette pathologie : le grand nombre de cas au sein de familles consanguines. C’est cela qui a orienté les chercheurs vers des causes génétiques, et notamment vers des mutations homozygotes, c’est-à-dire portant sur un gène dont les deux versions (allèles) sont identiques. À l’aide de puces à ADN comptant 250 000 sondes, ils ont scruté les zones d’homozygoties communes à 9 patients. Chez 7 d’entre eux, au niveau du chromosome 12, les chercheurs ont noté l’absence d’une région, celle qui porte normalement le gène DPY19L2, exprimé dans les testicules. La perte d’un fragment d’ADN de 200 000 bases est à l’origine de cette absence. « Cette délétion est certainement apparue au cours d’une recombinaison génétique lors d’une méiose, la division cellulaire qui aboutit à la production de cellules sexuelles, explique Pierre RayPierre Ray
Laboratoire AGIM, FRE 3405 CNRS-UJF, Équipe "Génétique infertilité et thérapeutique" (GIT), Grenoble
. Nous avons ensuite retrouvé cette mutation chez 75 % des patients. »
Or, DPY19L2 n’est pas un inconnu. Sa fonction a été décrite chez le ver nématode Caenorhabditis elegans. Il intervient dans la polarisation des cellules nerveuses embryonnaires et lors de leur migration le long de l’axe antério-postérieur. Chez l’homme, DPY19L2 serait nécessaire pour indiquer la partie antérieure du spermatozoïde et pour positionner l’acrosome.

Une nouvelle contraception ?

« Cette découverte permet de proposer un diagnostic génétique aux patients. Et nous espérons pouvoir leur offrir prochainement des solutions thérapeutiques », indique le chercheur. Parmi les hommes intégrés à l’étude, beaucoup ont tenté de pallier leur infertilité par fécondation in vitro, avec finalement très peu de succès. « En fait, nous avons de plus en plus d’arguments indiquant que les spermatozoïdes globozoocéphales sont aussi dépourvus d’une autre protéine, qui est nécessaire à l’activation ovocytaire lors de la fécondation et normalement présente à la base de l’acrosome. On peut donc espérer améliorer la fécondation et le développement embryonnaire en injectant cette protéine en même temps que le spermatozoïde. »
Ces travaux ouvrent aussi la porte à une autre application : le développement d’un nouveau type de contraceptif masculin non hormonal. Il bloquerait l’expression du gène ou l’action de la protéine DPY19L2. Tous les spermatozoïdes produits auraient alors des têtes rondes. Mais Christophe ArnoultChristophe Arnoult
Unité Inserm 836/ Université Joseph-Fourier Grenoble 1, Grenoble Institut des Neurosciences GIN et Laboratoire AGIM, FRE 3405 CNRS-UJF, Équipe "Génétique infertilité et thérapeutique" (GIT)
temporise : « La difficulté c’est de trouver comment bloquer le gène in vivo et nous en sommes loin. »

Gaëlle Lahoreau

Les puces à ADN : voir l'infographie sur le PDF
© Carole Fumat