Ultrasons
Attaque ciblée contre le cancer

Les ultrasons vont-ils bouleverser la manière de traiter certaines tumeurs ? C’est probable. Focalisés et à haute densité, ils sont déjà utilisés avec succès sur le cancer de la prostate. Et les premiers résultats sur les métastases du foie sont encourageants. Les chercheurs espèrent élargir la technique à d’autres pathologies.

C’est une technique pleine d’avenir qu’ont mise au point les chercheurs de l’Inserm et le département de chirurgie du Centre Léon-Bérard à Lyon. Son principe : focaliser des ultrasons à haute intensité (HIFU) sur des métastases du foie. Sous ce bombardement, les cellules cancéreuses se mettent à vibrer, créant ainsi des frottements entre elles. Sur une zone de 6 cm², la température grimpe en quelques secondes à près de 100 °C, dénaturant les protéines des cellules qui se nécrosent alors. Non invasif, ce traitement permet d’intervenir sur des tumeurs auparavant inaccessibles, sans endommager les tissus voisins. En effet, les techniques actuelles - cryothérapie, ou traitement thermique avec des électrodes - sont inefficaces lorsque la tumeur se développe près d’un gros vaisseau sanguin. De ce fait, seuls 10 à 20 % des patients peuvent être actuellement traités avec ces méthodes.
Les origines de cette technologie remontent au début des années 1980. À l’époque, l’effet mécanique des ondes est utilisé pour briser des calculs rénaux, plutôt que de les extraire par chirurgie. Plus de 90 % des patients sont aujourd’hui traités par cette méthode. Puis, en 1993, ont lieu les premiers essais thérapeutiques des HIFU sur le cancer de la prostate. Les brevets déposés par l’Inserm conduisent à la commercialisation par la société française Edap TMS, en 2000, d’un appareil médical à ultrasons : l’Ablatherm. « Les données 2010 indiquent que 20 000 cancers de la prostate ont été ainsi traités dans 224 centres à travers le monde depuis 1995 », précise le médecin David Melo De LimaDavid Melo De Lima
Unité 1032 Inserm/Lyon-1 Claude-Bernard, Applications des ultrasons à la thérapie
. La mise au point de ce procédé vaudra d’ailleurs à son concepteur, Jean-Yves ChapelonJean-Yves Chapelon
Unité 1032 Inserm/Lyon-1 Claude-Bernard, Applications des ultrasons à la thérapie
, médecin, et directeur du laboratoire Thérapie et applications des ultrasons, d’être nominé au prix de l’inventeur européen 2010.
Les patients souffrant de métastases hépatiques seront les prochains à tirer profit de la technologie HIFU. Pour cela, il a fallu contourner un obstacle majeur. Les côtes, qui protègent le foie, arrêtent les ondes ou les défocalisent. Une opération chirurgicale est donc nécessaire afin d’appliquer directement sur l’organe la sonde qui génère les ultrasons. Or, dans le cas du cancer de la prostate par exemple, l’application de la sonde, réalisée par voie rectale à travers la paroi intestinale, peut durer une heure. Avec cette méthode, le traitement de métastases hépatiques, plus volumineuses, demanderait un temps de traitement incompatible avec un acte chirurgical. Les chercheurs de l’Inserm ont alors développé une sonde toroïdale armée de 256 générateurs d’ondes, afin de créer des lésions de plus grande taille. « Ainsi, nous pouvons traiter, en 40 secondes à peine, un volume de 7 cm3, ce qui réduit le temps d’intervention à quelques minutes », explique le professeur Michel Rivoire, chirurgien cancérologue, directeur de l’institut de chirurgie expérimentale du Centre Léon-Bérard. Ce nouveau moyen thérapeutique est en cours d’évaluation clinique dont la seconde phase devrait s’achever en juin 2011. D’ici 5 à 10 ans, les spécialistes imaginent substituer cette technique à la chirurgie, en l’associant à une IRM ou un scanner. En attendant, d’autres applications de l’HIFU sont à l’étude : traitements des glaucomes, du cancer du pancréas, du sein, de tumeurs au cerveau, délivrance localisée de médicaments. Un bel avenir donc en prévision pour ces ultrasons qui ne sont pas prêts d’être réduits au silence dans le domaine médical.

Erwan Lecomte

HIFU
1. La sonde HIFU est préparée et placée à proximité de la table d'opération en attendant son utilisation
© Unité 1032 Inserm /Inserm
HIFU2
2. La sonde HIFU est placée sur le foie pour le traitement
© Auteur inconnu/Unité 1032 Inserm /Inserm
échographie
3. L’échographie permet au chirurgien de voir en temps réel l’efficacité du traitement
© Unité 1032 Inserm /Inserm