Récepteur IRR
Le détecteur de pH

La collaboration exceptionnelle d’une équipe de l’Inserm avec des chercheurs russes a permis de révéler la fonction dans la régulation du pH d’un récepteur jusqu’alors orphelin : l’IRR.

L'Insulin-receptor Related Receptor (IRR) a été découvert voici une vingtaine d’années. Comme son nom l’indique, l’IRR est de la même famille que le récepteur à l’insuline (IR) ou que le récepteur aux IGFs (Insuline Growth Factor, IGF-R). Présent dans certaines cellules de l’organisme (rein, pancréas ou testicules), on ne savait pas, jusqu’à présent, à quoi il pouvait servir exactement.
L’histoire commence par un heureux hasard de laboratoire, en 2005. Une équipe de chercheurs russes, dirigée par Alexander Petrenko, à l’Institut de chimie du vivant Shemyakin-Ovchinnikov à Moscou, réalise des expériences sur l’IRR en utilisant, par souci d’économie, un lot périmé de milieu de culture qui s'est révélé être alcalin. Les chercheurs ont alors observé que l’IRR était activé dans ce milieu basique. Ils en ont déduit que l’anion hydroxyl (OH-), responsable de l’alcalinité du milieu, était capable de déclencher un changement de conformation du récepteur. Dans l’organisme, cette nouvelle forme d’IRR entraînerait la sécrétion de bicarbonate par les cellules rénales, jouant ainsi un rôle essentiel dans la régulation du pH du milieu intérieur, l'ensemble des liquides dans lequel baignent nos cellules.
Forts de cette découverte et en collaboration avec les chercheurs moscovites, l’équipe de Dominique EladariDominique Eladari
Unité 872 Inserm/Paris 6, Centre de recherche des Cordeliers
a alors voulu préciser les mécanismes en action. En supprimant chez des souris le gène codant pour ce récepteur, les chercheurs ont montré que leur organisme devenait incapable de s’adapter à une charge alcaline, apportée par exemple par les aliments. Les rongeurs finissaient par développer une alcalose métabolique, provoquant une hausse toxique du pH interne. Normalement, une telle surcharge les aurait conduits à excréter aussitôt du bicarbonate de sodium par voie urinaire, ce qui aurait évité toute perturbation du milieu intérieur. « Ces observations donnent à penser que l’IRR participe à un mécanisme qui permet de détecter les variations de pH de l’organisme afin de pouvoir adapter le transport rénal de bicarbonate et de corriger les anomalies », explique Dominique Eladari.
Si une partie du voile est levée, des questions subsistent. Entre autres, quel est le rôle exact du récepteur IRR dans l’estomac ? « Lorsque l’on mange, l’estomac secrète des acides, ce qui s’accompagne d’une absorption de bicarbonate par les cellules. Ainsi, il est possible que ces ions alcalins en activant le récepteur IRR informent l’organisme… qu’il en train de manger ! », précise le scientifique. Ces recherches devraient servir également à mieux comprendre les signaux à l’origine de la sensation de satiété et donc l’obésité… Mais aussi à mieux cerner l’hypertension artérielle. En effet, les cellules rénales, qui sécrètent du bicarbonate et possèdent le récepteur IRR, absorbent également le chlorure de sodium dont l’excès favorise l’hypertension. La fructueuse et rare collaboration franco-russe a donc de l’avenir !

Clara Delpas