Dépression
Les chercheurs à l’attaque !

Alors que l’arrivée de la mauvaise saison s’accompagne pour certains du traditionnel « blues hivernal », les chercheurs assiègent la dépression de tous côtés : quels en sont l’origine et le mécanisme, et peut-on la prévenir ?

L’hiver est installé, certains vont sombrer dans la dépression. Mais pas n’importe laquelle. Revenant régulièrement pour disparaître avec les beaux jours, celle-ci est qualifiée de dépression chronique saisonnière. À quoi est-elle due ? Au manque de soleil a-t-on envie de répondre en chœur ! Oui… et non. Effectivement il joue un rôle, mais pas nécessairement celui auquel on pense. « Ce qui entre en ligne de compte, c’est la diminution de la durée de l’ensoleillement, bien sûr. Mais aussi la baisse de l’intensité lumineuse. Et l’apparition tardive du soleil, qui fait la grasse matinée… », explique Claude GronfierClaude Gronfier
Unité 846 Inserm/ Université Lyon 1, Institut Cellule souche et cerveau, équipe Neurobiologie des rythmes circadiens et du sommeil
de l’Institut Cellule souche et cerveau à Lyon. Surprenant ? Pas tant que cela si l’on se rappelle l’existence de notre horloge biologique, celle qui régule l’alternance des cycles veille/sommeil. Calée sur 24 heures, elle tombe peu ou prou en accord avec le temps que met la Terre pour tourner sur elle-même. Et tout se joue dans ce « peu ou prou ». Car notre horloge biologique tourne sur une durée un peu plus longue. Si on la laissait faire, nous serions complètement décalés par rapport au rythme jour/nuit. Heureusement, la lumière du soleil permet de nous resynchroniser. En fait, les photons vont activer des photorécepteurs de la rétine, ce qui provoque l’envoi d’un influx nerveux vers l’hypothalamus et l’amygdale, régions cérébrales impliquées dans le contrôle de l’humeur, de la vigilance et du cycle veille/sommeil. Parfois, cette mise à jour ne fonctionne pas très bien. Les horloges des personnes qui souffrent de dépression saisonnière chronique sont ainsi « en retard » ou « en avance ». L’exposition à la lumière, appelée « photothérapie », permet de remettre les pendules à l’heure ! « C’est même le traitement proposé en première intention, car en une semaine, les effets se font ressentir. Si ce n’est pas le cas, une prise en charge médicamenteuse peut prendre le relais », assure le chercheur.

Une certaine vulnérabilité

Et si, plutôt que guérir la dépression, on pouvait prédire les risques d’en développer une ? C’est ce que fait Jean-Jacques BénolielJean-Jacques Bénoliel
Unité 975, Inserm/Paris 6, équipe Douleur
du Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpêtrière. Avec des rats. Après un premier épisode de stress, une fois que le taux de corticostérone, un analogue de la cortisone humaine, sécrétée lors d’un stress, est revenu à la normale, les rongeurs sont de nouveau soumis à une situation éprouvante. « Et seuls ceux dont le taux d’une protéine, le brain-derived neurotrophic factor (BDNF), était faible ont ensuite présenté des symptômes de type dépressif ! », remarque Jean-Jacques Bénoliel. La mesure de ce taux dans le sang semble ainsi être un bon indicateur de la vulnérabilité à la dépression. Reste à savoir ce que cela signifie exactement dans la biochimie de la dépression, car si l’injection d’un analogue de cette protéine chez ces animaux supprime leur vulnérabilité, tout n’est pas encore élucidé. Cependant, la baisse de BDNF est en accord avec d’autres aspects, structuraux, associés à la dépression, comme une diminution du volume de l’hippocampe. Elle résulterait en effet de plusieurs phénomènes concomitants : effet neurologique des glucocorticoïdesGlucocorticoïdes
Hormones stéroïdiennes ayant une action sur le métabolisme protéique et glucidique.
, comme la corticostérone, diminution de la production (synthèse) de nouveaux neurones et diminution probable de la longueur des dendrites, les prolongements du corps cellulaire des neurones. Or, le BDNF est justement un facteur de croissance neuronale ! « Notre hypothèse est que l’altération de l’hippocampe correspond à la trace laissée par le premier épisode de stress. Et que tant qu’elle est là, le sujet est vulnérable », confie Jean-Jacques Bénoliel. Alors que son équipe continue ses travaux dans cette direction, elle confronte également l’hypothèse - émise en laboratoire - du marqueur de vulnérabilité à tout type de dépression, sur le terrain, avec une population à risque incluant 500 personnes. « Identifier les personnes vulnérables à la dépression permettrait de mieux les soutenir et d’éviter ainsi le déclenchement de la maladie ! » En attendant les résultats, pour éviter le blues de l’hiver, une seule solution : surveiller le calendrier et prévoir des vacances dans l’hémisphère sud !

Julie Coquart

Test stress chez les rats
Test stress chez les rats. Pour leur expérience, les chercheurs placent le rat blanc dans la cage du rat noir et blanc.
Ⓒ Équipe Douleur/Unité 975 Inserm /Inserm
Test stress chez les rats. Entrer dans une propriété privée ? Stress assuré !
Ⓒ Équipe Douleur/Unité 975 Inserm /Inserm