Optogénétique
La lumière à tout faire

Soigner les diabétiques, rendre la vue aux aveugles, faire marcher les paralysés : voici les promesses de l’optogénétique. Un nouveau domaine de recherche, associant l’optique à la thérapie génique, qui révolutionne les neurosciences.

La technique consiste à modifier génétiquement des cellules afin de les rendre sensibles à la lumière. Le but : activer ou inhiber leur fonctionnement. La cible privilégiée : le neurone, dont on peut ainsi contrôler l’activité électrique à distance. Et comme nos cellules nerveuses sont impliquées dans presque toutes les fonctions biologiques de l’organisme, les champs d’application sont vastes. Ce qui a convaincu la revue Nature Methods de sacrer l’optogénétique « Méthode de l’année 2010 ».
« Notre compréhension des circuits neuronaux est fondée sur l’analyse des activités cérébrales, via l’imagerie médicale, ou les enregistrements électriques des neurones. Jusqu’à présent nous avons essayé d’établir le rôle de structures cérébrales en corrélant un comportement, une pensée ou un trouble neurologique avec l’activité neuronale correspondante, explique Claire WyartClaire Wyart
Lauréate ATIP-Avenir 2010, unité 975 Inserm/Paris 6, Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpétrière
, chef d’équipe au Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, à Paris. L’optogénétique nous permet de cibler des neurones spécifiques, et de tester leurs rôles en les activant ou en les inhibant pendant une tâche comportementale ou l’apparition d’un trouble. » Depuis cinq ans, la chercheuse explore ainsi les arcanes des circuits neuronaux impliqués dans la locomotion dans un petit vertébré transparent, le poisson-zèbre. Et les résultats sont encourageants. « Nous avons mis en évidence la fonction de neurones spécifiques dans la moelle épinière et les circuits qu’ils activent. L’enjeu est, à long terme, de pouvoir stimuler les circuits qui perdurent après une lésion, afin de développer des interfaces moelle/machine chez l’homme. »
Au niveau thérapeutique, cette technique ouvre de multiples perspectives. L’équipe de Martin Fussenegger à l’École polytechnique fédérale de Zurich soigne des souris diabétiques en alliant l’optogénétique à la biolo gie synthétique, qui permet de constituer des lignées de cellules aux fonctions biologiques choisies. Des cellules modifiées comportant une protéine photosensible et une autre qui stimule la production d’insuline leur ont été implantées. Résultat : sous l’effet de la lumière, les souris malades produisent de l’insuline !
Mais les avancées les plus spectaculaires sont réalisées à l’Institut de la vision, à Paris, où Mathias Fradot, José-Alain Sahel et Serge PicaudMathias Fradot, José-Alain Sahel et Serge Picaud
Unité 968 Inserm/Paris 6, Institut de la vision
posent les jalons de traitements d’avenir de la cécité, en collaboration avec le groupe de Boton Roska, au Friedrich Miescher Institute à Bâle. En introduisant dans la rétine une protéine photosensible, l’halorhodopsine, ils ciblent les cônesCônes
Cellules photoréceptrices de la rétine responsables de la vision des couleurs et de l’acuité visuelle au centre du champ visuel
endommagés pour les rendre à nouveau capables de répondre aux stimulations lumineuses. « Les tests sur la souris et la rétine humaine post mortem mettent en évidence une réelle récupération. Mais il faut encore confirmer que les signaux générés par la rétine pour le cortex visuel sont similaires à ceux d’une vision normale », précise Mathias Fradot. Du reste, cette méthode permet pour l’instant de ne restituer qu’une vision de faible sensibilité, et en noir et blanc. « L’enjeu sera d’introduire d’autres protéines de différentes sensibilités au spectre lumineux pour rétablir une vision en couleur. » L’optogénétique n’a donc pas fini d’éclairer les travaux des neurobiologistes.

Betty Mamane