Neurotransmission
La microglie, meilleur second rôle

Pendant des années, les neurones ont été considérés comme les maîtres absolus du cerveau. mais de récentes études ont mis en lumière un nouvel acteur : la microglie.

Nous avons toujours eu une vue neurocentrique du fonctionnement du cerveau. Or nous venons de montrer que la microglie, cette population de macrophages qui assurent la défense immunitaire du système nerveux, a une action sur les neurones via les astrocytesAstrocytes
Cellules gliales en forme d’étoiles qui assurent le support et la protection des neurones.
 »,
explique Olivier PascualOlivier Pascual
Unité 1024 Inserm/École normale supérieure, équipe de biologie cellulaire de la synapse
de l’Institut de biologie de l’École normale supérieure (ENS) de Paris. « Ainsi, si la neurotransmission est le fait des neurones, ceux-ci ne sont pas seuls en jeu. D’autres cellules interviennent pour une régulation fine de la transmission synaptique. »
L’histoire commence en 2006 au sein du groupe d’Alain BessisAlain Bessis
Unité 1024 Inserm/École normale supérieure, équipe de biologie cellulaire de la synapse
à l’ENS. Olivier Pascual, qui s’intéresse alors à la modulation de la neurotransmission par les astrocytes, s’interroge : « Et si les cellules de la microglie jouaient elles aussi un rôle sur la transmission de l’influx nerveux ? » Il commence par appliquer du lipopolysaccharide (LPS) sur des tranches de cerveaux de souris. L’application de ce composant de la paroi bactérienne devait entraîner une inflammation des tissus en agissant via les récepteurs membranaires de type toll (toll-like receptor 4 ou TLR4). Surprise : l’activité neuronale augmenta immédiatement. « Sachant que la microglie, comme les astrocytes, possède des TLR4, nous avons réitéré l’expérience sur des lignées de souris mutantes qui ne possédaient pas de microglie, rapporte le chercheur. Chez ces rongeurs, aucun pic d’activité neuronale n’est observé, ce qui confirme l’hypothèse d’une action du LPS directement sur la microglie et donc sur la neurotransmission. »
Du fait du nombre d’intermédiaires potentiels, de nombreuses questions se posent encore sur les mécanismes d’action de la microglie sur la neurotransmission, et notamment le rôle précis des astrocytes. Néanmoins, l’équipe de l’Inserm peut s’enorgueillir de la découverte, dans notre cerveau, d’une nouvelle voie de communication dont on connaît d’ores et déjà les grandes étapes : le LPS agit sur les cellules de la microglie via les TLR4, en libérant des molécules d’adénosine-5’-triphosphateAdénosine-5’-triphosphate (ATP)
Molécule qui fournit l’énergie nécessaire au métabolisme des êtres vivants.
, celles-ci agissent alors sur les astrocytes qui modulent eux-mêmes les neurones en libérant du glutamateGlutamate
Neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central
.
« L’affaire n’est pas révolutionnaire en soi puisqu’elle ne débouche pas sur des applications concrètes. Mais en prouvant l’implication d’acteurs insoupçonnés jusqu’alors, nous ouvrons un champ d’investigation incroyable, résume Olivier Pascual. Nos travaux ont permis de mimer l’initiation d’une inflammation, une situation pathologique par définition, ce qui nous fait dire que cette voie de signalisation pourrait intervenir en cas de maladie de Parkinson, de maladie d’Alzheimer, d’épilepsie ou encore d’ischémieIschémie
Diminution de l’apport sanguin artériel à un organe, qui entraîne une baisse de son oxygénation, et donc la perturbation, voire l’arrêt de sa fonction.
. »
De fait, ces recherches retiennent l’attention de la communauté scientifique. Reste à découvrir le pourquoi et le comment de l’intervention de cette voie de signalisation.

Delphine Barrais