Troubles neurologiques
Du lithium pour des nerfs d’acier

Plus connu comme composant des batteries de gadgets électroniques, le lithium possède aussi un intérêt thérapeutique. On sait déjà qu’il contrôle les troubles de l’humeur. Et des résultats très récents démontrent qu’il pourrait permettre la régénération de nerfs lésés.

La myéline, cette gaine qui entoure nos fibres nerveuses, peut être endommagée lors de blessures, d’accidents, de maladies génétiques ou de diabète. Or, ce sont les nerfs périphériques, ceux qui font circuler l’information entre le système nerveux central (cerveau et moelle épinière) et les organes qui sont touchés. Avec de sérieuses conséquences : les malades souffrent de pertes de sensations, de troubles moteurs et cognitifs, voire de paralysies partielles. Les traitements actuellement disponibles, fondés essentiellement sur des anti-inflammatoires, ne sont pas entièrement satisfaisants. Mais, à la suite des travaux de Charbel MassaadCharbel Massaad
UMR 8194 CNRS/Université Paris-Descartes
du Centre d’étude de la sensorimotricité, le chlorure de lithium (LiCl), prescrit habituellement pour réguler les troubles de l’humeur, pourrait être une solution prometteuse, peu coûteuse et facile à mettre en place pour les patients atteints.
Pourquoi ? « Parce que le lithium, explique le chercheur, est un inhibiteur de l’enzyme GSK3ß et mime ainsi la voie de signalisation WntWnt
Glycoprotéines sécrétées à l’extérieur des cellules, qui jouent un rôle important dans l’embryogenèse et l’homéostasie des tissus.
qui aboutit à la synthèse de la myéline autour des nerfs
. » En collaboration avec l’unité Inserm 788Inserm 788
Unité 788 Inserm/Université Paris-Sud 11, Neuroprotection et neurorégénération : molécules neuroactives de petite taille
, au Kremlin-Bicêtre, l’équipe de Charbel Massaad vient de démontrer les effets du LiCl sur le système nerveux périphérique. Pour cela, les scientifiques ont endommagé le nerf facial de souris, en ne détruisant que la gaine de myéline et en gardant intacts les axones. L’opération a entraîné une paralysie de leurs vibrisses (ou moustaches). Or, les souris traitées par injections de chlorure de lithium ont récupéré le mouvement de leurs moustaches beaucoup plus rapidement que celles qui avaient reçu un placebo. Même succès en réalisant l’expérience sur le nerf sciatique des rongeurs, mais cette fois le LiCl avait été dilué dans l’eau de boisson, un mode d’administration plus facile.
Et cerise sur le gâteau, en plus de son potentiel promyélinisant, le lithium possède aussi des propriétés anti-inflammatoires et neuroprotectrices, comme le montrent des études récentes sur les maladies neurodégénératives. « Il agit donc sur les trois composantes de la lésion nerveuse : l’inflammation, la démyélinisation et la dégénérescence de l’axone, s’enthousiasme Charbel Massaad. C’est le candidat idéal pour récupérer une fonctionnalité normale des nerfs périphériques. »
Étape suivante : des essais cliniques qui sont prévus prochainement. « Si ces travaux sont confirmés chez l’homme, l’utilisation thérapeutique de LiCl en dehors des troubles de l’humeur pourrait être facilement envisagée. Toutefois, insiste le chercheur, son administration devra être suivie médicalement. En excès, le produit peut se révéler toxique, particulièrement pour les reins. »
L’équipe de Charbel Massaad étudie maintenant l’effet du LiCl sur la démyélinisation du système nerveux central, comme dans les cas de sclérose en plaques. Avec des résultats préliminaires très encourageants. Le lithium suscite désormais beaucoup d’espoir, même pour soigner les patients atteints de ces maladies très invalidantes.

Simon Pierrefixe