Hypertension artérielle pulmonaire
Le coupable est dans la moelle

Les cellules souches de la moelle osseuse seraient à l’origine de l’hypertension artérielle pulmonaire, via leur récepteur de la sérotonine 5-HT2B. Une découverte fondamentale et une lueur d’espoir pour une pathologie souvent mortelle.

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie rare qui touche environ 600 personnes par an en France. Et dans la majorité des cas, les causes exactes restent en grande partie inconnues. « C’est une maladie progressive due à une modification de la paroi des artérioles du poumon qui entraîne une prolifération cellulaire et bouche ainsi ces petites artères » , précise Luc MaroteauxLuc Maroteaux
UMR-S 839 Inserm/Université Pierre-et-Marie-Curie, équipe « Rôle développemental de la sérotonine »
de l’Institut du Fer-à-Moulin à Paris. Ce phénomène induit un essoufflement à l’effort de plus en plus important. Les traitements utilisés sont les vasodilatateurs qui atténuent les symptômes mais n’arrêtent pas la progression de la maladie. La transplantation cœur-poumons est alors l’ultime recours.
Parmi les causes possibles, la sérotonine était déjà incriminée. « L’essentiel de ce neurotransmetteur se trouve dans les plaquettes du sang qui interviennent lors de la réparation des cellules vasculaires et ont un rôle vasoconstricteur », détaille le chercheur. Les résultats de précédents travaux de l’équipe avaient mis en évidence le rôle du récepteur de la sérotonine 5-HT2B. En soumettant à une privation d’oxygène, ce qui induit une HTAP, des souris mutantes qui n’exprimaient plus le récepteur, les chercheurs ont montré qu’elles ne développaient pas de pathologie, contrairement aux souris sauvages. Des rechutes chez certains malades greffés et des apparitions d’HTAP suite à des transplantations de moelle osseuse dans des cas de leucémie ou d’ostéopétroseOstéopétrose
ou « maladie des os de marbre » est une maladie congénitale rare caractérisée par une densification généralisée du squelette, diminuant l’espace attribué aux cellules souches hématopoïétiques et entraînant une forme d’anémie progressive.
infantile ont poussé l’équipe de Luc Maroteaux à suspecter les cellules souches hématopoïétiquesCellules souches hématopoïétiques
Cellules mères des cellules sanguines présentes dans la moelle osseuse et le sang du cordon ombilical
(CSH) qui expriment justement le récepteur de la sérotonine 5-HT2B. Stockées dans la moelle osseuse, elles circulent également en petite quantité dans le sang. Et elles ont été détectées dans les poumons des patients atteints d’HTAP, via leur récepteur et biomarqueur c-kit impliqué dans le remodelage vasculaire.
Les chercheurs ont alors transplanté de la moelle osseuse sur leurs souris mutantes qui n’exprimaient plus 5-HT2B et sur des souris sauvages préalablement irradiées pour tuer l’ensemble de leurs CSH endogènes. Chaque groupe a reçu des CSH issues soit de souris sauvages, soit de souris mutantes. Toutes ont ensuite été privées d’oxygène. Résultat : les souris sauvages et mutantes transplantées avec des CSH sauvages étaient toutes atteintes d’HTAP, alors que les souris sauvages et mutantes qui ont reçu des CSH de souris mutantes n’ont pas développé la maladie. « C’est la démonstration incontournable que les cellules souches de la moelle osseuse sont impliquées dans le développement de cette HTAP sans cause connue, le récepteur 5-HT2B servant d’intermédiaire », se félicite Luc Maroteaux.
Cette découverte a ouvert la voie à de nouvelles pistes de traitement, notamment avec l’utilisation d’inhibiteurs, d’une part, des récepteurs c-kit et, d’autre part, des 5-HT2B. Pour les premiers, des essais cliniques avec de l’imatinib, un anticancéreux, sont en cours. Des améliorations de la maladie ont d’ores et déjà été observées. Pour les seconds, les chercheurs attendent un financement. Mais des pistes ont été ouvertes. Elles pourraient permettre, à terme, de traiter cette maladie dont l’issue est aujourd’hui souvent fatale.

Pascal Nguyên