Cancer
Que la lumière homogène soit !

En photothérapie dynamique, difficile d’obtenir des faisceaux lumineux homogènes pour bien traiter différentes tumeurs superficielles. Problème résolu aujourd’hui avec la mise au point d’un textile de fibres optiques qui permet une irradiation plus efficace.

L’intérêt de la photothérapie dynamique (PDT) n’est plus à démontrer, en particulier dans le traitement des cancers de la peau ou des épithéliumsÉpithélium
Tissu de revêtement de toutes les surfaces externes (peau) et internes (plèvre, péritoine, paroi intestinale, etc.) du corps, composés de cellules étroitement juxtaposées, sans substance intercellulaire, ni vaisseaux, ni fibres
internes. Son principe : appliquer, sur les zones à traiter, une crème contenant un produit photosensibilisant, plus particulièrement absorbé par les cellules cancéreuses ou précancéreuses superficielles, et les exposer à une lumière spécifique (rouge ou bleue), qui détruit ces dernières.
Actuellement, les dispositifs d’irradiation sont des panneaux de diodes électroluminescentes (LEDs), notamment pour la PDT des kératoses actiniques, des lésions cutanées dues à de trop fortes expositions aux UVB. « Ils ne diffusent pas une lumière suffisamment homogène [diffusée avec la même intensité sur toute la surface à traiter, NDLR], reproche Serge MordonSerge Mordon
Unité 703 Inserm/Université de Lille 2, Thérapies interventionnelles assistées par l’image et la simulation
du CHRU de Lille. Or, il faut contrôler minutieusement la dose de lumière pour que la PDT soit efficace : si elle est insuffisante, elle est inopérante, si elle est trop importante, il se produit une photodégradation prématurée du produit photosensibilisant. » Le problème vient de l’incapacité des panneaux de LEDs à s’adapter aux volumes des zones à traiter, comme pour le crâne par exemple. Pour les cancers internes, comme le mésothéliomeMésothéliome
Cancer qui affecte le revêtement des poumons (la plèvre), de la cavité abdominale (le péritoine) ou l’enveloppe du cœur (le péricarde).
, un appareil en forme de cuillère existe. S’il est plus maniable et peut être inséré dans des cavités, il ne s’adapte pas non plus parfaitement à la volumétrie des tissus.
« Nous avons alors eu l’idée d’un textile lumineux, composé de fibres optiques couplées à un laser, qui permettrait non seulement de disposer d’un outil diffusant une lumière plus homogène, mais aussi capable d’être introduit dans une cavité et s’y conformer », explique le chercheur. Cette innovation technologique n’aurait pas été possible sans l’aide de l’École nationale supérieure des arts et industries textiles (Ensait) de Lille. « C’est en 2010 que Serge Mordon nous a contactés pour savoir s’il était envisageable de développer ce tissu éclairant, se souvient Cédric Cochrane, chercheur au laboratoire de génie et matériaux textiles (gemtex) de l’Ensait. L’utilisation de la fibre optique dans le tissu est très en vogue et nous étions particulièrement intéressés par d’éventuelles applications médicales. »

Un textile contre le cancer

Fruit de cette collaboration entre l’Inserm et l’Ensait : un tissu de 0,8 mm à 1 mm, parfaitement flexible et offrant un éclairage au moins deux fois plus homogène que celui des panneaux de LEDs. Autre atout : les fibres tissées peuvent être connectées à différentes sources lasers et donc utilisables avec différents photosensibilisants. « Par ailleurs, ce textile est tissé avec du matériel standard pour obtenir à terme des coûts de production intéressants », souligne Serge Mordon. Des essais de photothérapie dynamique (PDT), menés par l’équipe du chercheur sur des rats atteints de carcinose péritonéaleCarcinose péritonéale
Cancer qui correspond à l’envahissement du péritoine par des tumeurs malignes secondaires.
, ont démontré l’efficacité des prototypes qui se sont révélés bien plus performants que les outils actuels.
« Nous sommes les seuls au monde à faire cela aujourd’hui, s’enorgueillit le chercheur. Avec cette combinaison inédite de technologies existantes, de nouvelles applications de la PDT pourraient aussi voir le jour. « On pourrait traiter après l’intervention chirurgicale les éventuelles cellules cancéreuses restantes dans les cas de glioblastomes, des tumeurs du cerveau très agressives, grâce à des textiles 3D qui s’adapteraient parfaitement à la cavité à traiter », imagine-t-il. De plus, la lumière de la PDT transmet une énergie comportant moins de complications que les rayons X et autres, utilisés en médecine nucléaire. « Si nous parvenons à entrer dans les tissus malades, on pourrait a priori traiter toutes les zones du corps avec cette énergie non toxique et peu coûteuse. »

Pascal Nguyên

U703 Guidage de fibre laser. Flexibilité du tissu éclairant permet d’illuminer les zones concaves et convexes du corps.
Ⓒ Patrice Latron/Inserm
U703 Thérapies interventionnelle assistées par l'image et la simulation (THIAIS). On peut utiliser différentes sources de lumière et divers produits photosensibilisants
Ⓒ Patrice Latron/Inserm