Santé en vacances
Les bons réflexes

L’été est là, accompagné de son florilège de plaisirs : vacances exotiques, soleil, baignade, sport, dépaysement culturel et alimentaire… Autant d’occasions également d’en pâtir : décalage horaire, abus d’UVA et d’UVB, piqûres, morsures, infection et intoxication en tout genre, mal des montagnes, choc culturel… Heureusement, les scientifiques sont à pied d’œuvre et font feu de tout bois afin que nos vacances se passent pour le mieux.

1 - Accidents de circulation

C’est parti ! Pas question de jouer les oiseaux de mauvais augure, mais prendre le volant et « avaler » de mornes kilomètres pour gagner son lieu de villégiature réserve parfois de mauvaises surprises. Au fil de la route, le « mal des transports », ce trouble qui fait intervenir, entre autres, l’oreille interne (siège de l’équilibre), et auquel sont sujets quelque 3 millions de Français, s’invite volontiers à bord de nos modernes attelages. Mais il ne fait pas l’objet de nombreuses recherches car on sait le combattre… Un médicament de la famille des antihistaminiques H1 limite les effets de la « naupathie », mais entraîne une somnolence plus ou moins importante, selon les individus. Des patchs à la scopolamine sont également disponibles sur le marché, ainsi que des traitements homéopathiques comme la Cocculine ®, qui présente moins d’effets secondaires.
Surtout, plus on roule, plus les capacités de perception sensorielle s’émoussent et plus les temps de réaction augmentent... Résultat : entre 6 % et 30 % des accidents, selon le type de réseaux (urbain, autoroutier…), sont imputables à la somnolence. Le défi pour les scientifiques ? « Découvrir pourquoi certains conducteurs sont plus vulnérables à l’endormissement que d’autres et pourquoi, à niveau de somnolence égal, les capacités cognitives sont plus ou moins "impactées" selon les individus », explique Pierre PhilipPierre Philip
USR 3413 CNRS/Bordeaux 2, Sommeil, attention et neuropsychiatrie (SANPSY)
, directeur de l’unité de service et de recherche SANPSY. Menés notamment à l’aide d’un simulateur de conduite et de véhicules réels, les travaux ad hoc ont déjà permis de démontrer que les personnes entre 50 et 65 ans résistent mieux au manque de sommeil que les 18-30 ans et que, s’agissant des contre-mesures à la somnolence au volant que sont le café et la sieste, cette dernière est plus efficace chez les sujets matures que chez les jeunes.
Si vous avez la chance de ne pas faire partie des 20 à 30 % de voyageurs angoissés par l’avion (les plus paniqués allant jusqu’à le boycotter), sachez néanmoins que les vols de plus de 5 000 km augmentent significativement le risque de développer une phlébite due à la formation d’un caillot dans les veines des membres inférieurs, voire une embolie pulmonaire (obstruction de l’artère pulmonaire) si ce dernier se détache. « Ce type d’accident semble essentiellement lié à la position assise prolongée et, en particulier, à la compression des cuisses sur le bord d’un siège, commente Frédéric Lapostolle, médecin urgentiste au Samu 93 à l’hôpital Avicenne de Bobigny. La déshydratation provoquée par la faible hygrométrie dans la cabine, l’effet de l’alcool ainsi que la prise de sédatifs contribueraient à majorer ces effets. » Et si plusieurs auteurs affirment que les femmes, qui oseraient moins que les hommes déranger leurs voisins - ce qui favoriserait leur immobilité pendant le voyage -, sont particulièrement concernées par le risque d’accident thromboembolique, aucune étude n’a pu confirmer, par ailleurs, que celui-ci est plus élevé chez les voyageurs des « classes économiques ».
Qui dit vol long-courrier, dit jetlag. Fatigue générale, baisse des facultés cognitives, insomnie… : la désynchronisation de notre horloge biologique due au franchissement rapide de fuseaux horaires peut faire des ravages. Calée sur l’alternance du jour et de la nuit, cette horloge contrôle en effet une multitude d’activités biologiques présentant une rythmicité de 24 heures , dont le cycle veille-sommeil. « On considère qu’il faut en moyenne un jour par fuseau traversé pour que notre horloge interne s’adapte au rythme jour-nuit local. Cette durée est variable et repose sur la période endogène de chaque individu qui, chez le sujet sain, se situe entre 23 h 30 et 24 h 30 », explique le chronobiologiste Claude GronfierClaude Gronfier
Unité 846 Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1, Institut Cellule souche et cerveau
, chercheur à l’Institut Cellule souche et cerveau.
Embolies pulmonaires (en cas par million de voyageurs) Les vols "long-courrier" augmentent le risque de phlébite, voire d'embolie pulmonaire.
Ⓒ Sylvie Dessert

Garder le rythme

Cette fameuse horloge, localisée dans les noyaux suprachiasmatiques (structures de chaque hémisphère du cerveau à la base de l’hypothalamus), et dont le fonctionnement est assuré par quelque 20 000 neurones, livre un à un ses secrets. Ainsi a-t-on découvert que sa rythmicité repose sur l’expression d’une dizaine de gènes dits « gènes horloges ». De même, les spécialistes des rythmes biologiques ont révélé que la lumière, qui est le plus puissant synchroniseur de l’horloge, active non seulement des cellules « classiques » de la rétine dévolues à la vision (cônes et bâtonnets), mais aussi un autre type de photorécepteurs : les cellules ganglionnaires à mélanopsineMélanopsine
Pigment sensible à la lumière qui régule les fonctions non visuelles comme la synchronisation du cycle circadien ou la constriction de la pupille.
. « Ce sont ces cellules, et non les cônes et les bâtonnets, qui sont responsables de la transmission de l’information lumineuse vers l’horloge biologique, explique Claude Gronfier. Nous travaillons à identifier encore plus précisément les mécanismes impliqués dans sa remise à l’heure. Ces données nous permettront d’améliorer le traitement de certaines pathologies du sommeil en caractérisant notamment la "qualité" des lumières nécessaires à la synchronisation de l’horloge. Par ailleurs, nous nous efforçons de décortiquer les mécanismes impliqués dans l’effet de la lumière sur des fonctions "non visuelles" telles que la mémoire, la vigilance, l’humeur, la cognition… »
Cellule ganglionnaire à mélanopsine. Cônes de la couche externe (en vert) et cellules ganglionnaires à mélanopsine (en rouge) dans la couche interne de rétine de souris
Ⓒ Ouria Dkhissi-Benyahya/Unité 846 Inserm/Inserm

2 - Des expositions trop intenses

Cette année encore, des millions d’estivants exécuteront d’interminables « recto-verso » sur leur serviette de bain. Autant le savoir avant d’adopter la «  toast attitude » en plein cagnard : à l’heure actuelle, en France, 50 à 70 % des cancers de la peau sont imputables à une surexposition aux rayons UVA/UVB, selon la Ligue contre le cancer. Le Centre international de recherche sur le cancer a d’ailleurs classé les rayonnements ultraviolets « cancérogènes certains pour l’homme » en 2009, au même titre que les rayonnements émis par les installations de bronzage artificiel. Les dégâts causés par une exposition trop intense au soleil donnent froid dans le dos : mélanomes - les cancers de la peau les moins fréquents mais les plus graves, 9 780  nouveaux cas estimés en 2011 -, épithéliomas baso-cellulaires et épithéliomas spino-cellulaires - beaucoup plus nombreux mais moins dangereux, au moins 70 000 nouveaux cas estimés par an. « Un Australien sur deux fera un cancer cutané dans sa vie », lance Jean-François DoréJean-François Doré
Unité 1052 Inserm/Université Claude-Bernard Lyon 1, Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL)
, du Centre  Léon-Bérard, à Lyon. Et « il est désormais admis que le rayonnement UVA, dont on a longtemps sous-estimé le potentiel toxique et contre lequel les produits solaires ne protègent quasiment pas, peut endommager la structure chimique de l’ADN, comme le font les UVB », renchérit Évelyne SageÉvelyne Sage
CNRS UMR 33489, Institut Curie, Stress génotoxiques et cancer, Laboratoire de biologie des radiations
, du Laboratoire de biologie des radiations, à l’Institut Curie .
Taux de pénétration des rayons solaires dans la peau : les UVA pénètrent plus profondément que les UVB.
Ⓒ Sylvie Dessert

La peau et les yeux

La plupart du temps, la machinerie cellulaire parvient à compenser ces dommages. Mais si des cellules dont le génome est mal réparé parviennent à se diviser, la réplication de l’ADN peut conduire à l’apparition de mutations et de tumeurs. Le processus de cancérogenèse comportant plusieurs étapes, des décennies peuvent s’écouler entre la première exposition aux UV et l’apparition d’un véritable cancer. Nombreuses sont les études épidémiologiques à montrer que l’exposition au soleil pendant l’enfance, notamment l’exposition intermittente et intense qui provoque les coups de soleil, est « un déterminant majeur dans la survenue du mélanome à l’âge adulte », indique la chercheuse. C’est que jusqu’à la puberté, la peau des enfants est fine et le système pigmentaire immature, d’où une plus grande vulnérabilité aux effets cancérogènes des rayons UV.L’enjeu est réel : si forte est notre attirance aujourd’hui pour les peaux halées qu’un enfant né en 2001 court 15 fois plus de risques de développer un mélanome qu’un enfant né dans les années 1930.
De nombreux points restent toutefois à élucider dans la biologie des mélanomes. « Nous voudrions déterminer quelles sont les longueurs d’ondes précisément impliquées dans la genèse de ces tumeurs, précise Jean-François Doré. Nous cherchons aussi à comprendre pourquoi les mélanomes prédominent sur le tronc chez les hommes, et sur les membres inférieurs chez les femmes, et si des localisations anatomiques différentes, selon l’âge des malades, traduisent des mécanismes d’induction différents. »
Non contente de malmener nos épidermes, l’exposition au soleil constitue aussi un des principaux facteurs de risque de la cataracte, laquelle peut aller jusqu’à la cécité. On lui doit 600 000 opérations chaque année en France. C’est que la lumière solaire induit un vieillissement du cristallin qui, à terme, peut s’opacifier. « L’étude POLA (Pathologies oculaires liées à l’âge), que nous avons menée auprès d’un échantillon de 2 600 Sétois, est parvenue à la conclusion que les personnes vivant dans les zones les plus ensoleillées présentent un risque global de cataracte multiplié par trois », confirme Cécile DelcourtCécile Delcourt
Unité 897 Inserm/Université Bordeaux Segalen, Centre de recherche Inserm Epidémiologie et statistiques
, de l’équipe Épidémiologie de la nutrition et des comportements alimentaires.
Une étude américaine suggère en outre que le risque de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), une maladie entraînant l’apparition de lésions sur la partie centrale de la rétine et responsable de la moitié des cas de cécité dans les pays industriels, pourrait être accru chez les personnes soumises à des expositions solaires intenses et prolongées, particulièrement dans leur jeunesse. « Les sujets de cette enquête ayant déclaré avoir passé plus de 5 heures par jour en extérieur pendant l’été, à l’adolescence ou dans leur trentaine, avaient en effet un risque de DMLA multiplié par 2, indique Cécile Delcourt. L’enquête Aliénor (Antioxydants, lipides essentiels, nutrition et maladies oculaires), qui a porté sur près de 1 000 sujets, et en cours de publication, devrait apporter de nouvelles données sur l’association entre DMLA et exposition solaire. » En attendant, attention les yeux !
Indice universel de rayonnement solaire reconnu par l’OMS avec les recommandations de protection adéquates. Celles de la France sont accessibles sur le site de Sécurité solaire (www.soleil.info)
Ⓒ Sylvie Dessert

3 - Virus sans frontières

Ah, les Tropiques ! Leur soleil étincelant, leur ciel immaculé, leurs plages de sable fin et… cette spécialité à laquelle « succombent » environ 40 % des amateurs de vacances exotiques : la diarrhée du voyageur (DV) ou turista. Provenant de l’absorption d’aliments contaminés, cette infection digestive est généralement bénigne et de courte durée (1 à 5 jours) et se guérit toute seule, à condition de boire de l’eau « safe » et de consommer des produits qui n’agressent pas davantage les entrailles malmenées (pâtes, fruits secs…). Toutefois , « dans 40 % des cas, ces troubles digestifs amènent le voyageur à modifier son emploi du temps et dans 20 % des cas, ils conduisent à un alitement de quelques jours, voire à une hospitalisation (moins de 1 % des cas) », assure le professeur Olivier Bouchaud, chef du service des Maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Avicenne de Bobigny.
Les agents infectieux en cause ? Les bactéries (Escherichia coli entéro-toxinogène, shigelles, Campylobacter…), à l’origine de 80 % des DV, loin devant les virus (rotavirus, virus Norwalk, adénovirus…, 10 à 20 %) et les parasites (Entamoeba histolytica, Giardia lamblia, Cryptosporidium…, 5 à 10 %). « Le recours aux antibiotiques doit être limité aux formes sévères de DV », insiste ce médecin avant d’indiquer qu’« un vaccin anti-shigelles, des bactéries extrêmement invasives provoquant des ulcérations de la muqueuse du gros intestin, est en cours de développement à l’Institut Pasteur. »
Chaque année, 4 000 voyageurs français, de retour au bercail, font quant à eux une crise de paludisme, une pathologie tropicale due au plasmodium, un parasite transmis par les femelles des moustiques anophèles infectées. Avec, selon l’OMS, 225 millions de cas dans le monde en 2010 et 800 000 décès, cette maladie qui se caractérise par la survenue d’épisodes aigus de fièvre, et dont l’évolution varie selon l’espèce parasitaire en cause (P. vivax, P. ovale, P. falciparum, P. malariae), est un fléau auquel de nombreux laboratoires tentent de barrer la route.
Si des candidats vaccins prometteurs, à l’instar du RTS-S développé par les laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals, et du MSP3 mis au point par le Français Pierre Druilhe, ex-directeur du laboratoire de paludo-vaccinologie de l’Institut Pasteur, sont à l’essai à des phases plus ou moins avancées, d’autres équipes œuvrent à l’élaboration de nouveaux médicaments. « Une famille d’enzymes appelées "protéines kinases", souvent impliquées dans les processus de cancérisation, joue un rôle essentiel à la survie du Plasmodium dans les globules rouges, avance Christian DoerigChristian Doerig
Inserm, département de microbiologie de l’université Monash (Melbourne, Australie)
, chercheur à l’Inserm et actuellement chef du département de microbiologie à l’université Monash, en Australie. Or, nous avons montré que des molécules conçues à l’origine pour s’attaquer aux kinases dans les cellules cancéreuses, et empêcher ces cellules de se diviser, stoppaient l’évolution du parasite du paludisme dans les cellules du sang et le mettaient hors d’état de nuire. » L’avantage de cette approche thérapeutique ? Ne pas cibler le parasite lui-même, comme les antipaludéens classiques, et l’empêcher de développer une résistance aux médicaments.
De nombreux autres projets sont en cours pour développer des molécules contre diverses enzymes du Plasmodium, comme celle visant à empêcher la synthèse des lipides (constituants essentiels des cellules) du parasite développée par l’équipe d’Henri VialHenri Vial
UMR5235/Université Montpellier 2, Dynamique des interactions membranaires normales et pathologiques
, à l’université de Montpellier II, et actuellement testée en clinique.

Vaccin contre ver

Autre maladie parasitaire, la plus répandue au monde après le paludisme : la bilharziose dont l’agent responsable, un ver appelé schistosome, infeste les eaux douces et calmes et s’infiltre par la peau dans la circulation sanguine. Cette engeance infecte d’une façon chronique 300 millions de personnes dans 76 pays et provoque entre 300 000 et 500 000 décès par an. Et 1 000 cas de « bilharziose d’importation » (contractée lors d’un voyage touristique) sont détectés tous les ans en Europe.
Une certaine inefficacité des médicaments existants ayant été constatée, « les besoins d’un vaccin sont évidents, plaide Gilles RiveauGilles Riveau
Unité 1019 Inserm/Université Lille 2 Droit et santé, CIL
, du Centre d’infection et d’immunité de Lille. Celui que nous développons, Bilhvax®, ne tue pas le ver, mais stérilise la femelle qui pond en moyenne 300 œufs par jour. Autrement dit, ce vaccin n’a pas pour objectif d’éliminer complètement l’infection, mais d’annihiler la capacité de reproduction des vers femelles, donc de les empêcher de produire des œufs responsables des complications graves de la maladie (fortes anémies, lésions urinaires et génitales irréversibles, cancers de la vessie, de la prostate ou de l’utérus). »
Bonne nouvelle : ce vaccin aux potentialités énormes est entré dans sa dernière phase d’essais pédiatriques, dits de phase 3. Résultats attendus fin 2012.
Schistosomes, agents de la bilharziose. Le schistosome, agent de la bilharziose
Ⓒ Monique Capron/Inserm
Véhiculés par des moustiques du genre Aedes, le virus de la dengue - qui se manifeste « classiquement » par des hémorragies conjonctivales, des saignements de nez ou des ecchymoses - et celui du chikungunya - qui entraîne une polyarthrite aiguë fébrile - ont causé de graves flambées épidémiques dans plusieurs pays tropicaux au cours des dernières années, et figurent eux aussi parmi les bêtes noires des voyageurs. Si, à ce jour, aucun vaccin n’est disponible, ces deux infections virales font l’objet d’intenses recherches fondamentales pour mieux comprendre leur évolution clinique, et fournir des solutions préventives et curatives. S’agissant du chikungunya, ces travaux ont révélé que, chez les personnes infectées, l’« immunité innée », qui permet à l’organisme d’établir une première ligne de défense contre le virus, « fonctionne très efficacement, commente Éric LeroyÉric Leroy
Directeur d’unité au Centre international de recherche médicale de Franceville (Gabon), Institut de recherche pour le développement (IRD)
, du laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle, de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Au cours des premiers jours de l’infection, on retrouve en effet de nombreuses protéines produites par les cellules du système immunitaire (interférons, cytokines, chimiokines) dans le sang des patients. De même, on a pu montrer que certaines cellules de l’immunité (les cellules Natural Killer) jouent un rôle prépondérant dans le contrôle de l’infection par le virus. Et que les formes graves de la maladie semblent associées à un état d’immunodépression au moment de l’infection. » 
Quant à la dengue, toute la difficulté provient de la variabilité du virus qui compte qu atre formes (ou sérotypes) distinctes pouvant circuler en même temps dans la même région. Pour la première fois, à l’Institut Pasteur, les équipes de Félix ReyFélix Rey
CNRS URA 3015, Virologie structurale, Institut Pasteur
, chef de l’unité de Virologie structurale, et Hugues BedouelleHugues Bedouelle
CNRS URA 3012, Hôtes, vecteurs et agents infectieux : biologie et dynamique, Institut Pasteur
, de l’unité de Prévention et thérapie moléculaires des maladies humaines, ont réussi à identifier un anticorps parvenant à neutraliser simultanément, chez la souris, ces quatre sérotypes. « Cet anticorps désorganise de façon irréversible l’architecture du virus de la dengue mais ne neutralise pas ses quatre formes avec la même efficacité, nuance Félix Rey. C’est pourquoi nous cherchons à concevoir une molécule immunogène capable de neutraliser avec une efficacité égale les quatre sérotypes de la dengue. »
Répartition géographique de la dengue | Répartition géographique de la chikungunya
Ⓒ Sylvie Dessert

4 - Morsures et piqûres

Croiser un serpent ou un scorpion figure parmi les craintes les plus fortes des mordus de virées nature dans les pays chauds. Pas d’affolement cependant ! La majorité des animaux venimeux terrestres évitent le contact avec l’homme. « La probabilité de se faire piquer par un scorpion ou mordre par un serpent est inférieure à 1 pour 10 000 personnes par an chez les touristes "traditionnels" », assure Jean-Philippe ChippauxJean-Philippe Chippaux
Centre de recherche entomologique de Cotonou ; Département Santé, Institut de recherche pour le développement (IRD-CREC)
, de l’IRD et actuellement en poste au Bénin.
Côté traitement, l’« immunothérapie », qui consiste à inoculer de très faibles doses de venin à un animal (généralement un cheval), isoler les anticorpsAnticorps
Protéine capable de reconnaître une autre molécule, et seulement celle-ci. L’anticorps vient se lier à l’antigène (la toxine du venin), favorisant son élimination par les reins ou le système immunitaire.
présents dans le plasma sanguin de ce dernier, les purifier puis les administrer par voie veineuse à la victime d’une « envenimation » de serpent et de scorpion constitue la seule arme efficace. Mais alors que, jusque dans les années 1970, les effets secondaires des sérums, parfois importants voire mortels, étaient fréquents, les antivenins hautement purifiés d’aujourd’hui sont bien tolérés (moins de 5 % d’effets indésirables, la plupart bénins).
Et la recherche n’a de cesse d’améliorer encore et toujours leur efficacité. Un venin est constitué de plusieurs dizaines ou centaines de protéines dont « seules quelques-unes sont toxiques pour l’homme, rappelle Jean-Philippe Chippaux. Une des voies actuellement utilisées consiste donc à immuniser le cheval uniquement contre les composants toxiques, au lieu de lui faire fabriquer des anticorps dont une grande partie se révèle inutile. » Par ailleurs, quelques antivenins, dont un contre le venin des très redoutables araignées violonistes américaines (Loxosceles sp.) qui hantent le Mexique, sont déjà obtenus par génie génétique. Le venin de Loxoscèle présente en effet l’avantage de ne contenir qu’une seule protéine toxique. Le gène responsable de son expression est transféré dans une bactérie qui la synthétise en grande quantité. Elle est alors inoculée au cheval pour lui faire fabriquer les anticorps.
Autre piste désormais explorée : prélever non plus les anticorps mais « les cellules qui les fabriquent - les plasmocytes, globules blancs dérivés des lymphocytes B du sang - avec lesquelles on produit un hybridomeHybridome
Cellule issue de la fusion d’une cellule immunitaire normale et d’une cellule immunitaire tumorale et qui cumule les propriétés des deux cellules d’origine : production d’anticorps donc et « immortalité ».
,
explique encore Jean-Philippe Chippaux. Ce dernier fabrique les anticorps programmés par les plasmocytes. Cependant, cette voie prometteuse reste encore trop coûteuse pour être utilisée en thérapeutique. » Et d’indiquer que les industriels privilégient désormais la fabrication d’antivenins « polyvalents », c’est-à-dire associant le venin de plusieurs espèces d’une région déterminée.
Qu’en est-il des autres bestioles qui piquent ? Un pour cent des Français seraient de fait allergiques aux piqûres de guêpes, d’abeilles et de frelons. Si le venin d’un de ces hyménoptères grands gâcheurs de vacances déclenche chez vous une éruption généralisée, un gonflement anormal du visage, des difficultés respiratoires avec sifflement, voire un malaise avec une chute de la tension, réagissez « dard-dard » en vous rendant aux urgences de l’hôpital le plus proche.
La bête noire des randonneurs, la tique, affectionne les buissons et les arbustes et peut transmettre la maladie de LymeMaladie de Lyme
Responsable de manifestations cutanées, elle peut avoir des conséquences inflammatoires graves si elle est négligée.
, une maladie infectieuse, non contagieuse, due à une bactérie, Borrelia burgdorferi. N’essayez pas de l’arracher avec les doigts. Utilisez un crochet (en vente en pharmacie) qui contraint la diablesse à se retirer entière de l’épiderme. Cela fait, consultez un médecin qui vous mettra sous antibiotiques, si nécessaire. 2012 ayant tout l’air d’une « année à méduses », peut-être tomberez-vous sur un de ces Aliens gélatineux et ressortirez des ondes avec des cloques sur la peau. Rincez la zone sensible avec de l’eau de mer, passez du vinaigre sur la plaie (ou, à défaut, du sable) et raclez avec une carte de crédit pour éliminer les résidus. À la maison, appliquez un baume anti-démangeaison.
Autre « menace » des bords de mer : les vives. Ces poissons de roche tapis sous le sable piquent quand on leur marche dessus. Le signal d’alarme ? Une douleur très « vive », forcément, et des fourmillements jusqu’au mollet. Du calme ! Plongez le pied dans un seau d’eau chaude (40° C) pendant une demi-heure et retirez les épines à la pince à épiler.
Répartition des venimeux terrestres
Ⓒ Sylvie Dessert

5 - Pièges en haute mer… et montagne

Profiter des vacances pour faire de l’exercice est excellent pour la santé. Nul n’oserait contredire un tel message alors que se multiplient les travaux prouvant que les pantouflards ont tort de faire leur la devise de Churchill (« No sport ! »). Non seulement le sport réduit le stress, mais il déclenche une cascade de réactions physiologiques positives. Une activité physique régulière, pratiquée dans de bonnes conditions, « diminue les risques d’accidents cardiovasculaires, de cancer du côlon et du sein, prévient dans 60 % des cas la survenue du diabète de type 2 (le plus fréquent), limite les conséquences des broncho-pneumopathies obstructives (la maladie respiratoire des fumeurs), endigue les maladies ostéo-articulaires les plus nombreuses (lombalgie chronique, troubles musculo-squelettiques…), aide à lutter contre l’ostéoporose et constitue un élément de prévention contre les maladies neurodégénératives associées à l’âge », explique Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport.
Se dépenser peut toutefois occasionner certains désagréments, comme le savent les amoureux de la haute montagne. Crapahuter sur des sommets en été est la preuve que le bonheur est dans le pied, mais à partir de 3 000-3 500 mètres, une personne sur deux souffre du mal aigu des montagnes (MAM) dû à l’hypoxie. En effet, s’il y a toujours 21 % d’oxygène dans l’air ambiant, que ce soit en plaine ou au sommet du Mont-Blanc, plus on monte en altitude, plus la pression atmosphérique et donc la pression en oxygène que l’on inspire diminuent, ce qui réduit l’oxygénation de notre sang qui alimente l’ensemble du corps.

En apnée

Et passés 4 000 mètres, les trois quarts des sujets font connaissance avec ce syndrome qui se traduit par des maux de tête, des nausées, des vertiges, des altérations du sommeil…, voire, dans le pire des cas, par un œdème pulmonaire ou cérébral mettant la vie en danger.
Étrangement, les chercheurs ont observé que les personnes qui s’adaptent le mieux en altitude sont celles qui présentent le plus d’apnées du sommeil lors des premières nuits passées dans des refuges. « En fait, ces personnes en très bonne santé respirent plus fort après chaque arrêt respiratoire, explique Samuel VergèsSamuel Vergès
Unité 1042 Inserm/Université Joseph-Fourier, Hypoxie et physiopathologies cardiovasculaire et respiratoire
, du Laboratoire grenoblois HP2 (voir S&S n° 7). La survenue d’apnées en altitude aurait donc pour conséquence une meilleure oxygénation moyenne de l’organisme pendant le sommeil, ce qui est le contraire de ce que l’on observe en plaine chez les patients souffrant d’apnées du sommeil. »
Les chercheurs ont également mis en évidence que le cerveau, qui commande la contraction des muscles, est un facteur « limitateur d’efforts » important en haute altitude. L’organe-roi « tolère moins le manque d’oxygène, se fatigue plus vite que les muscles et impacte directement la performance physique, quand bien même les muscles ont encore des ressources », commente Samuel Vergès. Lequel, avec son équipe, s’attelle notamment à découvrir d’où proviennent les différences interindividuelles, très importantes, de tolérance au MAM, et mettre à profit les connaissances sur l’hypoxie d’altitude pour mieux interpréter la réponse de l’organisme à l’hypoxie pathologique que l’on observe dans les insuffisances respiratoires.
Pour jeter vos soucis par-dessus bord, l’été, peut-être préférez-vous explorer le monde du silence. À vous la palme de la relaxation. Mais gare ! « La plongée de loisir présente des risques quand elle n’est pas encadrée sérieusement, rappelle le professeur Alexandre Duguet, responsable de l’Unité de réanimation et de surveillance continue au Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière. Les otites "barotraumatiques", c’est-à-dire liées aux modifications de pression, sont très fréquentes chez les plongeurs débutants et se soignent par des antibiotiques et des anti-inflammatoires. » Les accidents de décompression (une cinquantaine par an en France), qui résultent de la formation de bulles d’azote dans le sang et les tissus et peuvent conduire à un accident neurologique ou un infarctus du myocarde, concernent les plongeurs confirmés. « Recompression en caisson hyperbare et inhalation d’oxygène permettent de les traiter, l’intervention des secours (ambulance, hélicoptère ...) devant être aussi rapide que possible dès l’apparition des premiers symptômes (démangeaisons et boursouflures de la peau) », ajoute le même praticien.

6 - Voyager à en perdre la tête

Passer ses vacances à l’étranger, loin de ses bases, peut être la source de désordres mentaux. Transplanté brutalement dans une culture dont la plupart des codes sont différents, « tout voyageur est soumis à un "choc culturel" à l’origine soit d’une fascination avec le sentiment de "se sentir chez soi", soit d’un rejet de cette nouvelle société (pauvreté, foule, nourriture, langue et écritures différentes…) », dit le psychiatre Régis Airault, auteur de Fous de l’Inde : Délires d’Occidentaux et sentiment océanique. Décrit à la fin des années 1980 par les psychiatres en poste à l’ambassade de France en Inde, le « syndrome indien » est une bouffée délirante qui se manifeste quelques semaines après la découverte du sous-continent et de son tourbillon de misère, de surpopulation, de dieux inconnus... Certains touristes « se mettent à égarer leurs affaires, avant de perdre argent et identité et d’entrer dans une forme d’"errance océanique", au sens de l’algue qui se laisse porter par les courants chauds », explique-t-il.
L’étrange et non moins impressionnant « syndrome de Stendhal », du nom de l’auteur du roman Le Rouge et le Noir qui frôla la folie lors de sa visite de l’église de Santa Croce à Florence en 1817, touche quant à lui les touristes survoltés par la splendeur des œuvres d’art. Accélération cardiaque, suffocation, vertiges, voire délire : cette surdose d’émotions inhabituelles devant une création du génie humain se termine en général à l’hôpital… Les lieux de culte célèbres drainent eux aussi leur lot de manifestations pathologiques, dont le « syndrome de Jérusalem ». Bouleversés par la puissance mystique qui émane de la Ville Sainte, en proie à des troubles hallucinatoires indépendants de toute prise de stupéfiants ou de médicaments psychotropes, certains pèlerins « ont tendance à se prendre pour des prédicateurs et à vociférer que la fin du monde est proche, tandis que les femmes arrachent leurs vêtements et se mettent à courir nues en se croyant des hétaïres sacrées », commente Bernard GibelloBernard Gibello
Professeur émérite à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, Laboratoire de psychologie de l’interaction et des relations intersubjectives
, professeur émérite de psychopathologie à l’Université Paris-Ouest et président de l’Association française de psychiatrie.
Ces troubles, aussi rares que spectaculaires, nécessitent en général un rapatriement sanitaire. Reste que la plupart des patients retrouvent leur équilibre psychologique dès le retour dans leur pays d’origine. « Le syndrome s’estompe sitôt ou presque que l’on regagne son milieu habituel, confirme Bernard Gibello. On peut donc parler, pour incroyable que cela paraisse, d’une maladie mentale qui se guérit toute seule. »
Mais que tout ceci ne vous empêche pas de partir en vacances, elles sont là pour emmagasiner du tonus, du souffle et de l’optimisme, et se refaire une santé. Et même si « le taux de voyageurs malades varie de 15 à 85 % selon les études et les destinations, raconte le professeur Éric Caumes, en poste au Service des maladies infectieuses et tropicales du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière et auteur de La santé du voyageur, et que jusqu’à 32% des voyageurs vont consulter un médecin à leur retour », heureusement, « les maux qui touchent les voyageurs estivaux sont la plupart du temps bénins. Le risque de décès par mois de voyage est estimé à 1 pour 100 000 voyageurs. » Ouf ?

Philippe Testard-Vaillant