Epidemies animales
À la poursuite des fermes sentinelles

Les épidémies qui touchent le bétail sont une des principales sources de maladies infectieuses pour l’homme. Comment nous en prévenir ? Un nouveau modèle de propagation vient d’être mis au point pour un meilleur contrôle.

D’un point de vue économique, les épidémies animales coûtent bien sûr très chères : celle de la fièvre aphteuse en 2001 a coûté près de 8 millions de livres au Royaume-Uni et la peste porcine en 2006 près de 60 millions d’euros à l’Allemagne. Mais le plus inquiétant est qu’elles constituent de véritables fléaux pour l’homme. « Plus de la moitié des virus humains proviennent des animaux », souligne Vittoria ColizzaVittoria Colizza
Unité 707 Inserm/Université Pierre-et-Marie-Curie
, chercheuse à l’unité Inserm Épidémiologie, systèmes d’information, modélisation.
Comment s’en protéger ? La clé est d’étudier les mouvements des animaux pour détecter rapidement et précisément les épidémies, afin de limiter leur propagation. C’est pourquoi l’équipe de Vittoria Colizza s’est intéressée au transport routier des bovins en Italie au cours de l’année 2007. Aucune étude n’avait considéré précédemment les réseaux de mouvements des animaux sous l’angle dynamique, évoluant avec le temps. À partir des données récoltées, les chercheurs ont construit une représentation de ces trajets dans le temps et l’espace. Ils ont ensuite réalisé des simulations sur ordinateur afin d’observer les différentes possibilités de diffusion d’une infection animale chez les bovins. Résultat : des chemins préférentiels de propagation de l’épidémie se sont dessinés, révélant que certaines fermes italiennes étaient bien plus touchées, au moins 10 fois plus, que d’autres. « Nous les avons surnommées “ fermes sentinelles ”, car elles ont une haute probabilité d’être infectées quelle que soit la maladie, précise Vittoria Colizza. Ces résultats diffèrent largement de ceux obtenus avec l’approche statique des réseaux qui n’avaient pas identifié ces différents lieux. » L’objectif serait alors de renforcer les mesures de surveillance et de contrôle autour de cette cinquantaine de sentinelles au lieu des centaines de milliers de fermes présentes en Italie. La diffusion des maladies animales serait limitée temporellement et géographiquement de façon bien plus efficace.
De nombreux défis restent toutefois à relever afin d’optimiser les mesures de prévention des épidémies. « Nous sommes en train de regarder si les résultats obtenus sur plusieurs années consécutives en Italie sont stables en comparaison de ceux de l’année 2007, confie Vittoria Colizza. Par ailleurs, nous étudions également les chemins d’animaux dans d’autres pays, comme la France et la Suède. Nous pourrions avoir des surprises puisque la population suédoise est dispersée dans le pays. Du coup, il serait possible que les mouvements d’animaux suivent d’autres réseaux, maritimes par exemple. Les transports d’animaux étant différents selon la topographie des pays, les lieux avec une haute probabilité d’infection pourraient donc être très divers et surtout propres à chaque territoire. »
À terme, il faudrait mener des études complémentaires sur l’ensemble du continent européen, ce qui permettrait aux autorités sanitaires d’avoir une vision globale et un meilleur contrôle de la propagation de ces épidémies animales. « Mais, pour cela, il va falloir régler les problèmes d’accessibilité des données, souvent limitée pour des raisons politiques, commerciales et administratives », annonce d’ores et déjà l’épidémiologiste.

Jimmy Pophin