Immunité
La contorsion des lymphocytes

Indispensables à la lutte contre les infections, les lymphocytes T déforment leur structure interne pour déclencher une réponse immunitaire. Une découverte qui permet de mieux comprendre le système de défense du corps humain.

Les lymphocytes T auxiliaires (CD4+) sont essentiels à la mise en place d'une réponse efficace du système immunitaire et à sa coordination. Une fois activés par une cellule qui présente un antigène intrus, ils libèrent des substances chimiques : les cytokines. Ces molécules servent de messagers. Elles signalent, par exemple, aux globules blancs de proliférer en cas d'infection.« Les mécanismes de production de ces cytokines sont connus. Mais, jusqu'à présent, personne ne s'était intéressé à la manière dont elles sortent du lymphocyte », souligne Claire HivrozClaire Hivroz
Unité 932 Inserm/Université Paris-Descartes, Immunité et cancer
, chef de l'équipe Dialogue entre lymphocytes T et cellules dendritiques à l'Institut Curie. C'est maintenant chose faite. Son équipe a montré qu'un remodelage du cytosqueletteCytosquelette
Réseau de filaments protéiques à l'intérieur des cellules qui leur confère leur structure et leurs propriétés mécaniques.
des lymphocytes T est nécessaire à la sécrétion de ces cytokines.

L'actine, régulatrice des cytokines

« Notre hypothèse de départ était qu'il existe une barrière au niveau de la synapse immunologique, zone de contact entre le lymphocyte et la cellule équipée de l'antigène. Cette barrière éviterait que les cytokines soient sécrétées en l’absence d'antigène intrus. L'actine, une protéine essentielle à la constitution du cytosquelette des cellules, pourrait jouer ce rôle de régulateur des cytokines produites par le lymphocyte », explique la chercheuse. Afin de confirmer son intuition, l'équipe de l'Institut Curie a inhibé l'expression du gène Cdc42 de lymphocytes T issus de donneurs sains. Ce dernier code, en effet, pour une protéine essentielle au remodelage du cytosquelette des cellules, tout particulièrement au réarrangement des filaments d'actine.« Sans elle, nous avons observé que les lymphocytes T ne libèrent plus certaines cytokines. Il semble donc que, suite à l'activation du lymphocyte, la protéine Cdc42 ouvre des mailles dans la barrière constituée d'actine. Ceci permettrait le passage des vésicules contenant les cytokines et donc leur sécrétion. » Cette dernière étape contrôlerait alors la libération de ces messagers chimiques et par conséquent la réponse immunitaire.
Si la découverte de cette nouvelle fonction de la protéine Cdc42 permet de mieux comprendre le système immunitaire et ses réactions face aux infections, elle pourrait aussi éclaircir les causes de certaines maladies auto-immunes. Il est, en effet, important de ne pas sécréter des cytokines n'importe où et n'importe quand. Or, un dérèglement de cette ultime étape pourrait bien être à l'origine de certaines réactions de l'organisme contre lui-même.

Simon Pierrefixe

Lymphocyte T La cytokine est concentrée dans la zone de contact entre le lymphocyte et la bille, libre d’actine.
© INSTITUT CURIE ET INSERM