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Med Sci (Paris). 2010 March; 26(3): 225–226.
Published online 2010 March 15. doi: 10.1051/medsci/2010263225.

Variants génétiques du gène IL28B et élimination du virus de l’hépatite C

Dominique Labie* and Helene Gilgenkrantz*

Inserm U567, CNRS UMR 8104, Institut Cochin, 24, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Antiviraux, usage thérapeutique, Régulation de l'expression des gènes, effets des médicaments et des substances chimiques, Hépatite C, traitement médicamenteux, génétique, Humains, Interféron alpha, Interleukines, Polymorphisme génétique, États-Unis d'Amérique, Consentement d'un tiers, législation et jurisprudence

 

L’hépatite C (causée par le virus C ou VHC) est un problème majeur de santé publique. L’OMS en estime la prévalence à environ 170 millions de cas dans le monde (3 % de la population mondiale), avec environ 1 million de cas nouveaux chaque année. Il y aurait 3 millions d’individus infectés aux États-Unis, 300 000 en France. L’hépatite C représente aussi la principale cause d’évolution vers la cirrhose et l’hépatocarcinome. C’est dire l’importance d’une thérapeutique efficace dont on sait qu’elle réduit drastiquement ce risque d’évolution. La prise en charge standardisée d’une hépatite C chronique de génotype 1, le plus fréquent dans les pays industrialisés, comporte l’association pendant 48 semaines de PEG-INF-α1 (pegylated interferon α) à libération prolongée et de ribavirine (RBV, un analogue nucléosidique de synthèse utilisé comme antiviral). Ce traitement ne permet d’obtenir une réponse virale soutenue (ou RVS définie par la non-détection de l’ARN du VHC dans le plasma des patients après traitement) que dans environ la moitié des cas chez les sujets infectés par ce génotype [ 1]. Or, le traitement est coûteux et induit des effets secondaires non négligeables parmi lesquels des troubles dépressifs, une thrombopénie ou une anémie pouvant justifier son arrêt prématuré. Être capable de prédire une RVS au traitement est donc devenu un enjeu important. Parmi les facteurs prédictifs de bonne réponse, on note des facteurs individuels (âge, ethnie, facteurs de comorbidité, degré de fibrose hépatique) et des facteurs viraux (charge virale initiale, charge virale à 12 semaines de traitement). Néanmoins, jusqu’à présent, très peu de données permettaient de prédire une RVS et encore moins de comprendre les mécanismes la sous-tendant. Or, en l’espace de deux mois, quatre articles publiés dans des revues scientifiques prestigieuses établissent un lien entre l’interféron (IFN)-λ3 - ou interleukine (IL) 28B - et l’élimination du virus de l’hépatite C, que celle-ci soit spontanée ou induite par le traitement.

Mise en évidence d’une association entre un variant IL28B et la réponse au traitement

Une série de trois articles récents met en évidence l’association de la réponse au traitement PEG-INF/ribavirine avec un polymorphisme du gène IL28B codant IL28B ou IFN-λ3 sur le chromosome 19. Les trois études ont procédé de façon comparable par une étude de l’ensemble du génome (GWAS, genome wide association study). Elles sont issues respectivement de la Duke University, NC, États-Unis [ 2], de la Nagoya City University, Japon [ 3] et de l’University of Sydney, Australie [ 4] et ont étudié des individus d’origines européenne, africaine ou asiatique. Deux de ces articles [3, 4] identifient le même SNP (single nucleotide polymorphism) rs80999177 (T/G), situé environ 8 kb en amont du gène IL28B, comme le variant le plus fortement associé à une RVS ; Ge et al. [2] en désignent un autre, rs12979860 (T/C), situé environ 3 kb en amont du gène, mais qui serait, au moins dans une population européenne, en déséquilibre de liaison avec le précédent. Ainsi, dans une population multi-ethnique, 80 % des patients portant les deux copies du variant « avantageux » éliminent le virus. On a constaté des différences ethniques, même si la méthodologie différente des études rend la comparaison risquée : l’incidence de la RVS est deux fois supérieure chez 1 700 sujets d’origine européenne porteurs du polymorphisme bénéfique, trois fois supérieure chez 191 Afro-Américains, et 12 fois supérieure chez 314 Asiatiques. Cependant, l’allèle C de rs12979860, associé à une non-réponse au traitement (NR), est plus fréquent dans la population d’origine africaine, pouvant expliquer pourquoi ces patients répondent moins bien au traitement [ 5]. De plus, cet allèle de NR est aussi associé à une diminution d’expression d’IL28A (IFNλ2) ou B (IFNλ3) - les séquences sont très proches - dans les monocytes du sang périphérique des patients, suggérant l’existence d’un effet régulateur de cette protéine.

Rôle du gène IL28B codant l’interféron-λ3

L’association régulière d’un mutant du gène IL28B avec une réponse au traitement a conduit à l’étude fonctionnelle du gène IL28B. Ce gène fait partie d’une famille de gènes paralogues décrite en 2003 sur une région d’environ 40 kb du chromosome 19, qui comporte aussi IL28A et IL29, codant respectivement l’IFN-λ2 et l’IFN-λ1 [ 6]. L’action de ces protéines sur la réplication d’un certain nombre de virus, dont celui de l’hépatite C, a été suggérée [ 7]. Les interférons sont des cytokines produites par le système immunitaire, dont l’IFN-α est le prototype, en réponse à une infection virale. IFN-α et IFN-λ, en se liant à différents récepteurs, activent tous deux la voie JAK/STAT (Janus kinase-signal transducer and activator of transcription), entraînant la stimulation de très nombreux gènes impliqués dans la suppression de l’infection virale (Figure 1). Le fait qu’un variant affectant l’IFN-λ modifie l’efficacité thérapeutique de l’IFN-α suggère que les deux cytokines fonctionnent différemment [ 8]. Des études in vitro ont montré une stimulation de gènes dépendants de l’IFN-λ par l’IFN-α, ainsi que la stimulation de gènes différents par l’action de l’un ou de l’autre [7]. De plus, il avait été précédemment montré que l’activité anti-VHC in vitro de l’un des deux interférons a ou l était augmentée par une faible dose de l’autre [7]. L’hypothèse actuelle serait donc celle d’une interaction entre les deux cytokines et de rôles potentiellement complémentaires. Une publication récente fait état d’un effet thérapeutique de l’IFN-λ-pégylé chez un petit nombre de patients porteurs d’une hépatite chronique C [ 9]. Il pourrait donc être intéressant de tester une combinaison des deux interférons dans un essai clinique.

Polymorphismes IL28B et clairance spontanée du virus de l’hépatite C

Un dernier article de la John Hopkins University envisage le rôle de IL28B dans l’évolution favorable spontanée de la maladie avec élimination du virus de l’hépatite C [9]. Une élimination spontanée du virus, observée dans 20 % à 30 % des cas, témoigne en effet d’une réaction immunitaire forte. La sous-représentation de l’allèle minoritaire C de rs 12979860 chez les porteurs chroniques du VHC par rapport à la population générale a fait suggérer que cet allèle favorisait la clairance spontanée du virus. Pour le démontrer, les auteurs ont étudié le génotype de 1 008 individus ayant évolué soit vers une clairance du virus (n = 388), soit vers une infection chronique (n = 620). Chez des sujets d’origine tant européenne qu’africaine, l’existence de l’homozygotie de l’allèle C s’accompagne d’une évolution plus favorable. La différence la plus significative, quelle que soit l’origine ethnique, est observée en comparant aux sujets C/C l’ensemble des sujets C/T et T/T (P<10−12), attribuant à l’allèle C un effet récessif. La coexistence d’une infection par le virus de l’hépatite B (VHB) ou/et du virus de l’immunodéficience aquise (VIH) ne modifie pas ces résultats, et une action sur la charge virale initiale n’est pas évidente.

L’ensemble de ces travaux ouvrent au moins deux axes de recherche : un axe thérapeutique combinant interféron-α et -λ et un axe mécanistique car on aimerait désormais savoir si ces différents polymorphismes modifient la fonction de l’IFN -λ3, et si oui de quelle manière.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Un interféron pégylé est un interféron recombinant qui a été associé à du polyéthylène glycol (ou PEG), ce qui diminue la clairance rénale du médicament.
References
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