2017


Introduction

Le rôle des facteurs nutritionnels (recouvrant l’alimentation et l’activité physique) dans le développement du surpoids et de l’obésité et dans la survenue de nombreuses maladies chroniques (cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, arthrose) est maintenant bien établi sur la base de nombreux travaux scientifiques. Ces maladies constituent la première cause de mortalité à l’échelle de la planète et leur prévalence ne cesse d’augmenter.
Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’en 2014 plus de 1,9 milliard d’adultes étaient en surpoids, dont 600 millions d’obèses1 , et qu’en 2013 près de 42 millions d’enfants de moins de 5 ans étaient en surpoids2 .
Le poids moyen des Français a augmenté de 3,6 kg au cours des quinze dernières années et les projections effectuées par l’OMS prévoient qu’en 2030, 25 % des Français et 29 % des Françaises pourraient être obèses3 .
Si les taux de surpoids et d’obésité en France sont parmi les plus bas des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), ils n’en augmentent pas moins de façon régulière. Selon les projections de l’OCDE, les taux de surpoids en France devraient augmenter de 10 % dans les dix prochaines années. De même, si les taux de surpoids et d’obésité chez les enfants sont, eux aussi, relativement faibles par rapport aux autres pays (aux alentours de 8 % pour l’obésité et 20 % pour le surpoids), il existe un risque d’augmentation du nombre d’enfants en surpoids, en particulier chez les garçons4 .
Les conclusions de l’OCDE reflètent celles émises dans le Rapport d’évaluation de la politique nutritionnelle française (novembre 2013) : « La France se trouve donc dans une situation nutritionnelle moins défavorable que beaucoup d’autres pays européens, mais la situation reste fragile et surtout les inégalités sociales de santé en nutrition tendent à s’aggraver »5 .
Au-delà des difficultés que rencontrent les individus qui en sont directement affectés, le surpoids et l’obésité ont également un coût sociétal important. Dans le cas de la France, leur coût financier a été estimé à 4 milliards d’euros en 20086 .
Pourtant, le surpoids et l’obésité, ainsi que les maladies chroniques associées, peuvent être en grande partie évités par l’adoption de modes de vie plus sains, notamment en matière de nutrition.
Cependant, la question de la nutrition est complexe, et résulte de l’interaction d’un ensemble de facteurs génétiques, biologiques, comportementaux, environnementaux, économiques, sociaux et culturels qui se combinent différemment en fonction de chaque individu. En effet, si les pratiques en matière d’alimentation et d’activité physique relèvent d’un choix personnel, ce choix est influencé par divers facteurs extérieurs à l’individu, tels que :
• l’environnement social immédiat (familles, amis, parents) ;
• l’environnement physique proche (disponibilité et choix alimentaires dans les écoles, lieux de travail et supermarchés, dispositifs publicitaires, infrastructures de transports, etc.) ;
• et enfin, des facteurs structuraux plus larges (normes sociales, revenus, organisation des filières de production, structures des marchés, systèmes de distribution, réglementation, etc.).
Les politiques nutritionnelles mises en œuvre au niveau mondial, se veulent fondées sur une approche plurisectorielle reflétant la multiplicité des causes du surpoids et de l’obésité.
La Stratégie de l’OMS adoptée en 2004 définit les mesures nécessaires pour encourager les populations à avoir une alimentation saine et à faire régulièrement de l’exercice. La stratégie incite toutes les parties intéressées à agir aux niveaux mondial, régional et local pour améliorer les régimes alimentaires et favoriser la pratique d’exercice physique7 .
Pour sa part, la France a mis en place une politique publique de santé nutritionnelle dès janvier 2001 en lançant le Programme National Nutrition Santé (PNNS).
Le PNNS vise à améliorer l’état de santé de la population en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs : la nutrition, définie comme l’équilibre entre les apports liés à l’alimentation et les dépenses occasionnées par l’activité physique. Renouvelé tous les cinq ans, le PNNS définit les objectifs de la politique nutritionnelle du Gouvernement et prévoit les actions à mettre en œuvre afin de favoriser :
• « l’éducation, l’information et l’orientation de la population (recommandations en matière nutritionnelle et d’activité physique) ;
• la création d’un environnement favorable au respect des recommandations ;
• la prévention, le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels dans le système de santé ;
• la mise en place d’un système de surveillance de l’état nutritionnel de la population et de ses déterminants ;
• le développement de la formation et de la recherche en nutrition humaine. » (article L3231-1 du Code la santé publique).
Le PNNS est fondé sur une approche plurisectorielle où les orientations de la politique nutritionnelle sont décidées conjointement avec les ministères chargés de l’Éducation nationale, des Affaires sociales et de la Santé, de l’Agriculture, de la Consommation et de la Recherche, et discutées avec les collectivités territoriales, les associations et les acteurs économiques8 .
Parmi les déterminants des comportements nutritionnels, le marketing est reconnu comme ayant une importance non négligeable, notamment auprès des enfants. La limitation de la publicité à destination des enfants est une recommandation soutenue par la plupart des comités d’experts nationaux et internationaux, qui s’appuient sur de nombreux travaux de recherche développés au cours des dernières années9 .
Contrairement à d’autres pays européens10 , la France n’a pas légiféré pour restreindre la publicité aux enfants, préférant encourager des pratiques responsables des acteurs de l’audiovisuel et des industries agroalimentaires. Un dispositif d’autorégulation a été mis en place en 2009, qui a pris la forme d’une charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision11 . Les signataires de la charte se sont engagés à réévaluer régulièrement les règles déontologiques relatives au contenu des messages publicitaires destinés aux enfants.
Or, la question se pose de l’efficacité de ce mode de régulation pour limiter, notamment pour les populations vulnérables telles que les enfants, le risque d’une consommation excessive d’aliments de faible qualité nutritionnelle tout en favorisant la promotion de ceux de bonne qualité12 .
En revanche, l’information nutritionnelle est au cœur du droit français de l’alimentation et de la consommation. Ainsi, la Loi de santé publique du 9 août 2004 a inséré l’article L2133-1 dans le Code de la santé publique qui impose que « les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire », sauf si « les annonceurs et les promoteurs [dérogent] à cette obligation sous réserve du versement d’une contribution dont le produit est affecté à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé [afin de] financer la réalisation et la diffusion d’actions d’information et d’éducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi qu’au travers d’actions locales ».
L’information sanitaire visée par le Code de la santé publique a été précisée par un décret et un arrêté du 27 février 2007. Quatre messages principaux doivent apparaître « d’une manière aisément lisible ou audible, respectueuse de leur vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire ou promotionnel » :
Messages à destination du grand public :
• « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour ».
• « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière ».
• « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé ».
• « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas ».
Messages à destination de la jeunesse :
• « Pour bien grandir, mange au moins cinq fruits et légumes par jour ».
• « Pour être en forme, dépense-toi bien ».
• « Pour bien grandir, ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé ».
• « Pour être en forme, évite de grignoter dans la journée ».
Messages diffusés à la radio :
• « Pour votre santé, bougez plus ».
• « Pour votre santé, limitez les aliments gras, salés, sucrés ».
• « Pour votre santé, évitez de grignoter ».
Piloté par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), le lancement de ce dispositif a été encadré par différents sondages visant à mesurer l’impact immédiat des messages sanitaires apposés dans les publicités.
Deux enquêtes réalisées en 201113 montrent que ces messages ont contribué à la notoriété des repères nutritionnels du PNNS. Ils ont permis à « mangerbouger.fr »14 d’émerger comme un site web de référence sur la nutrition. Cependant, leur format installé et attendu attire de moins en moins l’attention et leur visibilité est inégale selon les supports (presse, télévision, affichage). Par ailleurs, à présent que les messages sont bien connus, le public a de nouvelles attentes : précisions sur les bénéfices attendus, messages plus faciles à comprendre et à appliquer et réhabilitant le plaisir de l’alimentation. Aussi, le mode de diffusion des messages engendre des problèmes de compréhension et peut nuire à leur crédibilité : ils sont parfois perçus comme une caution des produits présentés dans la publicité. Cette confusion peut être renforcée par les annonceurs lorsque le message sur l’activité physique est utilisé dans des publicités pour des produits gras et sucrés.
Au moment où une mise à jour des recommandations nutritionnelles était en cours de réalisation par les autorités sanitaires concernées15 , la question s’est posée d’une reformulation des messages nutritionnels inclus dans les publicités tenant compte de leur impact et des risques de confusion avec les produits auxquels ils sont associés.
La procédure d’expertise collective de l’Inserm16 mise en œuvre pour répondre à cette préoccupation de Santé publique France propose une analyse de la littérature scientifique par un groupe pluridisciplinaire de dix experts, chercheurs dans les domaines du marketing et des sciences de gestion, du droit, de la science politique, de l’économie, de la psychologie cognitive, de la psychologie sociale, des sciences de l’information et de la communication et des neurosciences.
Ce dispositif consistant à insérer des informations à caractère sanitaire sur les publicités (bandeaux) étant spécifique à la France, il n’existe quasiment pas de littérature portant sur leur évaluation. La bibliographie17 qui a été mise à disposition des experts a servi de point de départ à leurs travaux ; elle a été sélectionnée dans les champs permettant de mesurer l’impact de messages sanitaires diffusés par les médias de masse sur les cognitions, attitudes, intentions et les comportements et d’en comprendre le fonctionnement.
Les chapitres qui suivent s’appuient sur l’analyse de la littérature effectuée par les experts dans chacune de leur discipline. Cette analyse ainsi que la réflexion collective sur le dispositif des bandeaux ont permis au groupe d’experts de proposer des recommandations. L’apport complémentaire d’intervenants extérieurs au groupe d’experts est présenté sous la forme de communications18 . Les textes sont regroupés en trois parties : une première partie donne des éléments de contexte au niveau législatif et sur l’impact du marketing sur les comportements alimentaires ; la deuxième partie fait le point sur différentes dimensions de l’évaluation des campagnes nutritionnelles basées sur les médias ; enfin, une troisième partie analyse les mécanismes psycho-cognitifs en jeu dans la réception et les traitements de messages sanitaires par les individus. Par ailleurs, une étude exploratoire utilisant un système oculométrique (eye tracker) donne des résultats préliminaires sur l’attention portée aux messages sanitaires.
L’analyse est suivie d’une synthèse et de recommandations élaborées par le groupe d’experts.

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