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Med Sci (Paris). 2011 June; 27(6-7): 619–625.
Published online 2011 July 1. doi: 10.1051/medsci/2011276014.

La kinase IKKε
De l’oncogenèse à la résistance au traitement du cancer du sein

Nathalie Grandvaux1,2*

1Chaire de recherche du Canada en signalisation et infections virales, centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM), Hôpital Saint-Luc, 264, boulevard René Lévesque Est, PEA 311 Montréal (Québec), H2X 1P1, Canada
2Département de biochimie, Faculté de médecine, Université de Montréal, Québec, Canada
Corresponding author.
 

Le cancer du sein est une cause majeure de mortalité chez la femme. L’apparition et la progression des carcinomes mammaires sont des processus multi-étapes dans lesquels entre en jeu une dérégulation génétique des mécanismes de survie et de prolifération cellulaires. La complexité et l’hétérogénéité biologiques des cancers du sein compliquent le repérage de gènes et de voies de signalisation susceptibles de servir de biomarqueurs diagnostiques et de supports aux stratégies thérapeutiques.

Une activation aberrante de la voie de signalisation conduisant à l’activation du facteur de transcription nuclear factor (NF)-κB intervient à différentes étapes du développement du cancer du sein : la prolifération, l’invasion, l’angiogenèse, l’inhibition de l’apoptose et le processus métastasique [ 1]. Les membres fondateurs de la famille des kinases IκB kinase (IKK) sont les kinases IKKα et IKKβ, dont le rôle central dans la régulation du facteur NF-κB a été largement décrit [ 2]. Cette famille de kinases a par la suite été élargie pour inclure les kinases IKKε/IKKi et TANK binding kinase 1 (TBK1)/NF-κB-activated kinase (NAK), qui jouent un rôle important dans la régulation des voies de signalisation qui contrôlent notamment l’immunité innée, l’angiogenèse et l’oncogenèse [ 3]. Les études récentes, qui sont détaillées dans cet article, ont permis de mettre en évidence un rôle majeur de la kinase IKKε dans l’oncogenèse associée au cancer du sein, ainsi que dans le développement de résistances au traitement par le tamoxifène. Ces nouvelles données ouvrent des perspectives prometteuses susceptibles de conduire à des thérapies ciblant IKKε et, de là, à de nouveaux traitements des cancers du sein.

IKKε, un membre de la famille des kinases IKK

La kinase IKKε a initialement été caractérisée par hybridation soustractive dans les macrophages de souris stimulés ou non par le lipopolysaccharide (LPS) [ 4]. Son expression est stimulée par le LPS. Par la suite, une étude in silico par alignement de séquences a démontré l’homologie d’IKKε avec les kinases IKKα et IKKβ [ 5]. Tout comme les autres membres de la famille des IKK, IKKε présente un domaine Ser/Thr kinase à l’extrémité amino-terminale, qui lui confère sa fonction de phosphorylation des substrats, ainsi qu’un motif amphipathique leucine-zipper like et un domaine carboxy-terminal de type hélice-boucle-hélice dont les fonctions dans son interaction avec des substrats ou des régulateurs n’ont pas encore été déterminées (Figure 1). Cependant, les propriétés enzymatiques d’IKKε diffèrent de celles des autres IKK, son plus proche homologue étant TBK1 [ 6].

Alors que les gènes codant pour les kinases IKKα, IKKβ et TBK1 sont, à notre connaissance, exprimés de manière constitutive et ubiquitaire, le gène codant pour IKKε, IKBKε, se singularise par une expression dépendante du type cellulaire. IKBKε est constitutivement exprimé dans des organes et cellules du système immunitaire comme le pancréas, le thymus, la rate et les leucocytes du sang périphérique [4, 5]. En revanche, de nombreuses données ont démontré que, dans les autres types cellulaires, l’expression de IKBKε est déclenchée par des stimulus et des cytokines pro-inflammatoires comme le LPS, le phorbol myristate acétate (PMA) et le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα) [4, 5, 79]. Les mécanismes de la régulation transcriptionelle d’IKBKε sont encore peu connus, mais son induction par le TNFα et l’interleukine 1β met en jeu la liaison de la sous-unité p65 de NF-κB sur les sites κB présents dans le promoteur d’IKBKε [ 10].

Très récemment, les travaux du groupe de L. C. Cantley ont permis de caractériser un motif optimal, X-X-X-Y/F/P/M-X-pS-L/I/M/F-X-Y/W/F-X, de phosphorylation par IKKε. En utilisant ce motif par une technique bio-informatique, plusieurs substrats potentiels d’IKKε ont été identifiés [ 11]. En revanche, pour d’autres substrats d’IKKε, comme IκBα ou le récepteur de l’œstrogène α (ERα+), les sites contenus dans les séquences ciblées par la kinase ne correspondent pas à ce motif [4, 12], suggérant que ce motif linéaire caractérisé in vitro ne reflète pas totalement la sélectivité d’IKKε qui semble être moins forte in vivo.

IKKε régule l’activité de plusieurs facteurs de transcription

Le rôle des kinases IKKα et IKKβ dans les voies dites canonique et non canonique d’activation du facteur NF-κB a été largement étudié et décrit dans de nombreuses études [2, 34]. La famille des facteurs NF-κB est composée des sous-unités de NF-κB, NF-κB1 (p50), NF-κB2 (p52), RelA (p65), RelB et cRel, les sous-unités p50 et p52 étant produites par protéolyse respectivement des précurseurs p105 et p100 par le protéasome. Brièvement, en l’absence de signaux spécifiques, les sous-unités de NF-κB sont séquestrées sous forme de dimères dans le cytoplasme par leur association avec les inhibiteurs de la famille IκB (IκBα, IκBβ, IκBε, p100, p105, BCL3, IκBζ, et IκBNS). Il est important de noter que les sous-unités p105 et p100 agissent comme inhibiteurs avant d’être protéolysées et de former les sous-unités actives p50 et p52. La voie canonique, engagée par de multiples stimulus incluant les cytokines pro-inflammatoires, les produits microbiens et le stress, se caractérise par l’activation du complexe kinase IKK, constitué des kinases IKKα et IKKβ et de la sous-unité régulatrice IKKγ/NEMO qui phosphoryle IκBα sur les résidus Ser32 et Ser36 provoquant ainsi son ubiquitination et sa dégradation par le protéasome [ 35]. La voie non canonique est activée spécifiquement par des membres de la famille des TNF incluant le CD40L, la lymphotoxine-αβ, le facteur d’activation des lymphocytes B (BAFF), l’inducteur d’apoptose TWEAK (TNF-related weak inducer of apoptosis), ainsi que le ligand RANKL (Receptor activator for nuclear factor k B ligand). Cette voie fonctionne indépendamment d’IKKβ et IKKγ, mais met en jeu l’activation de la kinase IKKα qui phosphoryle le précurseur p100 qui sera partiellement dégradé par le protéasome pour former la sous-unité p52. La dégradation des IκB permet l’exposition d’une séquence de localisation nucléaire (NLS) des sous-unités NF-κB entraînant leur accumulation dans le noyau, ainsi que la liaison à l’ADN d’une séquence consensus présente dans le promoteur des gènes cibles et leur transactivation [2, 13].

Contrairement à IKKα et β, le rôle d’IKKε dans la régulation de la voie canonique reste énigmatique ( Tableau I ). Les premières études, majoritairement réalisées dans des conditions de surexpression, suggéraient un rôle majeur d’IKKε dans l’activation de NF-κB et de ses gènes cibles [4, 5], mais les études ultérieures réalisées sur des souris déficientes en IKKε n’ont pas confirmé cette hypothèse [ 14, 15]. De nombreuses études continuent pourtant de suggérer qu’IKKε intervient dans l’activation de NF-κB. Bien que son rôle dans la voie canonique soit controversé compte tenu qu’IKKε ne phosphoryle que la Ser36 d’IκBα, certaines études démontrent qu’une ablation d’IKKε inhibe la dégradation d’IκBα [5, 16, 17]. D’autre part, IKKε phosphoryle la protéine adaptatrice TRAF family member-associated NF-κB activator (TANK), conduisant à la libération de l’ubiquitine ligase TRAF2 et à l’activation du complexe IKKα/β/γ [ 18]. Il est dorénavant accepté que les modifications post-traductionnelles des sous-unités NF-κB jouent un rôle prépondérant dans leur activation. Les principales modifications post-traductionnelles sont la phosphorylation, l’acétylation, l’oxydation et l’ubiquitination. Ces modifications permettent non seulement une régulation fine de l’activation des dimères NF-κB en aval des voies canoniques et non canoniques, mais également une activation alternative des sous-unités p65 et cRel. IKKε phosphoryle p65 sur les Ser468 et Ser536, deux phosphorylations qui contrôlent respectivement l’accumulation nucléaire et la capacité transactivatrice [ 19, 20]. La phosphorylation de la sous-unité cRel par IKKε conduit à une dissociation du complexe cRel/IκBα, indépendamment de la dégradation d’IκBα. Cette dissociation, qui résulte probablement d’un changement de conformation, permet l’exposition du NLS (nuclear localization sequence) et l’accumulation nucléaire de cRel [ 21].

Si le rôle joué par IKKε dans la régulation de la voie de signalisation conduisant à l’activation de NF-κB n’est pas encore totalement élucidé, sa fonction dans la régulation d’autres facteurs de transcription est quant à elle mieux caractérisée (Tableau I). IKKε joue ainsi un rôle majeur dans l’immunité innée médiée par les interférons (IFN). IKKε, tout comme son homologue TBK1, est responsable de la phosphorylation des facteurs de transcription IRF-3 (interferon responsive factor) et IRF-7 qui exercent un rôle-clé dans la transcription des gènes codant pour les IFN de types I et III [ 22, 23]. Les IFN agissent de façon autocrine et paracrine sur les cellules pour activer le complexe ISGF3 (STAT1/STAT2/IRF-9) qui orchestre l’expression de multiples gènes dont les produits régulent notamment la traduction, l’apoptose et la prolifération cellulaire. L’expression d’IKKε est amplifiée par les IFN. De plus, IKKε contribue à l’activation du facteur ISGF3 via la phosphorylation de STAT1 [ 8]. Dans le contexte inflammatoire, IKKε phosphoryle et active également c-jun en réponse aux cytokines pro-inflammatoires et au LPS dans les synoviocytes humains [9]. La phosphorylation de c-jun par IKKε est également requise dans le déplacement de l’inhibiteur de transcription NCoR en réponse au LPS [ 24].

IKKε : un nouvel oncogène majeur du cancer du sein
Arguments pour l’implication de IKKε dans les cancers
À l’instar d’IKKα et IKKβ, dont le rôle dans différents cancers a été largement décrit, des études récentes ont mis en lumière une surexpression d’IKKε dans divers cancers, notamment les cancers de la prostate, des ovaires et du sein [16, 17, 19, 25, 26]. Dès 2005, le groupe de G. E. Sonensheim a mis en évidence une expression et une activité aberrantes d’IKKε dans des tumeurs primaires et diverses lignées humaines de cancer du sein, ainsi que dans des tumeurs mammaires de souris provoquées par le 7, 12-dimethylbenzène(a)anthracène (DMBA) [17]. En accord avec cette surexpression, une augmentation du nombre de copies de la région chromosomique 1q32 qui inclut le locus du gène IKBKε a été observée dans plus de 16 % des 49 lignées cellulaires humaines de cancer du sein étudiées et dans 33 % des 30 tumeurs primaires humaines analysées [16]. Cependant, l’augmentation du nombre de copies de la région 1q32 n’explique pas toujours la surexpression d’IKKε, tant au niveau de l’ARNm que de la protéine puisqu’une surexpression d’IKKε est observée dans un nombre significatif de lignées et d’échantillons tumoraux humains en l’absence de modification du nombre de copies de la région 1q32 [16]. Cette observation pourrait s’expliquer par une régulation aberrante de l’expression d’IKKε au stade transcriptionnel. En effet, il a été observé que la surexpression de la Ser/Thr kinase CK2 dans les cellules de cancer du sein est essentielle pour l’expression d’IKKε selon un mécanisme qui n’est pas encore élucidé [17].

Les premières données démontrant un rôle d’IKKε dans le développement du cancer du sein ont révélé que sa suppression réduit la capacité des cellules de cancer du sein à croître dans un milieu soft-agar - un phénotype caractéristique des cellules malignes - ainsi que leur capacité à former des colonies invasives lorsqu’elles sont cultivées sur Matrigel [17]. Par la suite, le rôle d’IKKε a été clairement établi dans une étude très élégante intégrant un criblage d’une banque de 256 kinases actives dans un système de transformation cellulaire dépendant de H-RAS, ainsi qu’un criblage utilisant une banque de 6 144 shARN ciblant 1 200 gènes, dont 93 % du kinome1, humain. Cette étude a permis de démontrer que la surexpression d’IKKε déclenche, en coopération avec la voie de signalisation dépendante de la kinase MEK, la transformation de cellules humaines en aval de la voie de signalisation Ras-PI3K-Akt, et que la suppression d’IKKε dans les lignées de cancer du sein présentant une augmentation du nombre de copies provoque la mort cellulaire [16].

Des expériences de suppression d’expression et d’inhibition de l’activité kinase au moyen de l’expression d’un mutant dominant négatif ont permis d’attester le rôle d’IKKε dans la régulation de l’expression de gènes codant pour des facteurs contribuant à la survie et à la prolifération cellulaire. Il s’agit des gènes cibles suivants : le gène CCND1 codant pour la cycline D1 essentielle dans la transition G1/S du cycle cellulaire [17], le gène codant pour la métalloprotéinase-9 (MMP-9) importante dans l’angiogenèse, ainsi que le gène codant pour le facteur anti-apoptotique Bcl-2 [16].

Phosphorylation de facteurs de transcription d’une voie IKKε/NF-κB et oncogenèse
Le rôle-clé d’IKKε dans la phosphorylation des facteurs de transcription IRF-3/7 et STAT1 suggère que ces voies exercent un rôle dans l’oncogenèse médiée par IKKε. Cependant, la phosphorylation d’IRF-3 n’a pas été détectée dans les différentes lignées de cancer du sein qui surexpriment IKKε, ce qui semble écarter toute action d’IRF-3 [16]. L’activation d’IRF-7 et de STAT1 n’a, à notre connaissance, pas été étudiée dans ce contexte. NF-κB joue un rôle dans diverses étapes du développement du cancer du sein, mais la fonction spécifique des différentes sous-unités reste peu connue [1]. Il est particulièrement intéressant de noter que l’accumulation dans le noyau de la sous-unité cRel de NF-κB est une caractéristique des cellules de cancer du sein lors de la transformation de glandes mammaires de souris [ 27, 28]. J.S. Boehm et collaborateurs ont démontré que la localisation nucléaire de cRel corrèle positivement avec le niveau d’expression d’IKKε dans les tumeurs primaires [16]. Cette corrélation suggère que la surexpression d’IKKε pourrait entraîner la localisation nucléaire de cRel via la voie alternative indépendante de la dégradation d’IκBα qui met en jeu la phosphorylation directe de cRel [21]. D’autre part, la phosphorylation de p65 sur la Ser536 par IKKε contribue à la prolifération cellulaire comme cela a été démontré dans des cellules HeLa, ce qui suggère que cette voie pourrait jouer un rôle dans la prolifération des cellules de cancer du sein [19]. De plus, lors d’expériences de suppression d’IKKε dans des cellules de cancer du sein, une incidence sur l’activité du promoteur de RelB a été observée [17]. Bien que l’ensemble de ces données suggère une fonction d’une voie IKKε/NF-κB, le rôle de la phosphorylation de facteurs de transcription par IKKε dans la prolifération des cellules de cancer du sein reste encore incertain.
Phosphorylation de CYLD par IKKε et oncogenèse
En dehors des facteurs de transcription, IKKε phosphoryle d’autres catégories de protéines qui ont des fonctions majeures dans le développement du cancer du sein. À cet égard, le groupe de L. C. Cantley a déterminé que la dé-ubiquitinase cylindromatosis tumour suppressor (CYLD), un suppresseur de tumeur, est un substrat d’IKKε (voir M. Bonnet et G. Courtois, ce numéro [ 36]). La phosphorylation de CYLD sur la Ser418 par IKKε inhibe son activité déubiquitinase, ce qui facilite la transformation des cellules par IKKε [11] (Figure 2). Cependant, l’abrogation de cette phosphorylation par l’expression d’un mutant non phosphorylable de CYLD n’inhibe pas totalement la capacité d’IKKε à transformer les cellules. Ceci suggère que CYLD n’est pas le seul substrat d’IKKε exerçant un rôle dans la transformation. D’autre part, les cibles de CYLD dans la voie d’oncogenèse dépendante d’IKKε restent à déterminer. Il est toutefois intéressant de noter que CYLD agit comme répresseur des voies de signalisation conduisant à l’activation de NF-κB en inhibant différentes cibles moléculaires, en particulier les ubiquitines ligases TRAF2 et TRAF6, la sous-unité IKKγ ou le facteur Bcl-3 [ 29]. Le rôle de CYLD dans la régulation de NF-κB semble pertinent dans le contexte du cancer du sein puisqu’il a été observé que la phosphorylation de CYLD sur la Ser418 déclenche une augmentation de l’activité de NF-κB [11]. Il est particulièrement intéressant de noter que l’ablation de l’expression de CYLD provoque une activation constitutive d’IKKε dans les cellules dendritiques et dans des fibroblastes embryonnaires humains [ 30]. Bien que cette relation fonctionnelle n’ait pas été démontrée dans le contexte de cellules de cancer du sein, il est tentant de penser que l’inhibition de l’activation de CYLD via la phosphorylation par IKKε exerce un rôle de feed-back en amplifiant l’activation constitutive de IKKε.

Les cancers du sein exprimant ERα (ERα+) représentent 70 % des tumeurs [ 31]. Aucune corrélation n’a été observée entre la surexpression d’IKKε et l’expression d’ERα, mais IKKε active les fonctions de transactivation d’ERα via la phosphorylation directe de la Ser167 déclenchant ainsi l’expression du gène CCND1 [12]. IKKε est également associée à la régulation de CCND1 dans les cellules ERα- par l’intermédiaire d’un mécanisme indépendant d’ERα. Comme NF-κB contribue à la régulation du gène CCND1, il est envisageable que dans ces cellules ERα-, la voie IKKε/NF-κB soit un des relais possibles [12] (Figure 2).

IKKε comme cible thérapeutique : limiter la croissance tumorale et l’instauration de résistances

Les données attestant le rôle d’IKKε dans l’oncogenèse des cellules mammaires décrites ci-dessus suggèrent fortement que l’élaboration d’un inhibiteur d’IKKε représente une voie de recherche prometteuse dans le traitement de certains cancers du sein. Les résultats obtenus très récemment par l’équipe de J.Q. Cheng étayent non seulement cette hypothèse, mais suggèrent aussi fortement que l’idée de cibler IKKε pourrait améliorer les thérapies actuelles [12]. En effet, les cancers du sein ERα+ présentent un meilleur pronostic que les tumeurs ERα- du fait de leur sensibilité à des molécules anti-œstrogéniques, comme le tamoxifène, ou des molécules ayant pour effet de diminuer le taux d’œstrogènes, comme le letrozole, l’anastrozole ou l’exemestane. Le tamoxifène est prépondérant dans l’arsenal actuel contre le cancer du sein, cependant certaines tumeurs développpent une résistance à ce composé. Dans certains cas, cette résistance est associée à la phosphorylation d’ERα par diverses kinases [31] et il a été démontré que la phosphorylation de la Ser167 d’ERα par IKKε participe à la résistance au tamoxifène. En effet, l’interférence avec l’expression d’IKKε rend les cellules de cancer du sein plus sensibles à la mort cellulaire provoquée par le tamoxifène. En revanche, l’expression ectopique d’IKKε protège les cellules de cet effet [12]. Ces résultats renforcent l’intérêt de mettre au point des inhibiteurs spécifiques d’IKKε, non seulement afin de pouvoir compter sur de nouvelles thérapies, mais également pour prévenir l’instauration de résistance au tamoxifène. L’activation constitutive et le rôle prépondérant de NF-κB dans la cancérogenèse (prolifération, invasion, angiogenèse, inhibition de l’apoptose et phénomène métastasique) expliquent les nombreuses recherches visant à produire des inhibiteurs pharmacologiques de ses voies d’activation [ 32]. Cependant, la majorité des inhibiteurs actuellement en phase clinique visent IKKβ et, pour certains, IKKα [32]. Une première molécule, le BX795, a été reconnue comme un inhibiteur d’IKKε et de TBK1. Cependant, sa spécificité reste limitée [ 33]. Au vu des données rapportées ces récentes années, il semble important qu’un effort majeur soit fait pour mettre au point de petites molécules inhibitrices qui aient pour cible exclusive IKKε. Ces molécules pourraient notamment être utilisées en association avec les traitements de chimiothérapie utilisant le tamoxifène afin de limiter les perspectives de résistances. ‡

Conflit d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Ce travail a été financé par des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada et de l’Alliance canadienne pour la recherche sur le cancer du sein (CBCRA-019797 et CIHR/CBCRA MOP-102622) alloués à Nathalie Grandvaux. L’auteure est récipiendaire d’une chaire de recherche du Canada Tier II.

 
Footnotes
1 Ensemble des gènes qui contrôlent toutes les kinases humaines.
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