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Med Sci (Paris). 2012 April; 28(4): 395–402.
Published online 2012 April 25. doi: 10.1051/medsci/2012284017.

Physiologie, pharmacologie et modélisation de canaux potassiques
Zoom sur les canaux SK

Sébastien Dilly,1,2* Sylvie Poncin,2 Cédric Lamy,2 Jean-François Liégeois,1 and Vincent Seutin2

1Laboratoire de chimie pharmaceutique et centre interfacultaire de recherche du médicament (CIRM), université de Liège, 1, avenue de l’hôpital, 4000Liège, Belgique
2Laboratoire de pharmacologie et GIGA-neurosciences, université de Liège, 1, avenue de l’hôpital, 4000Liège, Belgique
Corresponding author.
Les canaux potassiques
Régulateurs clés de l’excitabilité membranaire
Les canaux potassiques (K+) participent à de nombreuses fonctions biologiques et sont notamment responsables du maintien du potentiel transmembranaire et de la transmission du potentiel d’action. Ils se présentent sous la forme de protéines transmembranaires qui permettent le passage sélectif des ions K+ à travers la bicouche lipidique, laquelle est strictement imperméable aux atomes ou molécules chargées. Dans les conditions physiologiques, les concentrations de potassium à l’intérieur et à l’extérieur de la cellule sont, respectivement, de 150 mM et 3 à 4 mM. Ainsi, lors de l’ouverture des canaux, la différence de concentration de cet ion chargé positivement crée un gradient électrochimique favorable à la sortie des ions, ce qui augmente la polarisation cellulaire lorsque la cellule est à son potentiel de repos (en général ± −65 mV) (on parle d’hyperpolarisation), et accélère sa repolarisation à la suite d’une dépolarisation, réduisant la durée du potentiel d’action (Figure 1). L’influence des canaux K+ sur l’excitabilité membranaire est primordiale et vient du fait que la modulation de nombre d’entre eux a une incidence directe sur le potentiel de repos de la cellule. Dans les cellules excitables, neurones, cellules musculaires cardiaques ou squelettiques par exemple, le blocage de canaux K+ entraîne une dépolarisation de la cellule qui deviendra alors plus excitable. À l’inverse, leur ouverture va amener le potentiel de repos de la cellule vers des valeurs plus négatives, diminuant ainsi l’excitabilité. En revanche, dans les cellules non excitables, cellules épithéliales et immunitaires, l’hyperpolarisation provoquée par l’ouverture des canaux K+ favorise l’entrée de calcium (Ca2+) via des canaux calciques indépendants du voltage (par exemple de type transient receptor potential [TRP]) et, par conséquent, augmente la concentration de calcium intracellulaire. Chez l’homme, les canaux K+ sont impliqués dans divers processus physiologiques tels que la libération synaptique de neurotransmetteurs dont les fluctuations sous-tendent les phénomènes de mémorisation, la contraction musculaire, et la régulation du rythme cardiaque [1, 2]. Dans les cellules non excitables, les canaux K+ sont impliqués dans le contrôle du volume cellulaire, la prolifération, l’apoptose, ou encore la migration cellulaire [15].

Hétérogénéité structurale des canaux K+
Les canaux K+ forment la classe de canaux ioniques dont la diversité structurale et fonctionnelle est la plus grande. Cette diversité repose sur leur très grande variété génique [6, 7]. En effet, chez l’homme, plus de 70 gènes différents codent pour des sous-unités K+. Chaque sous-unité possède un nombre variable de domaines transmembranaires (DTM), et une ou plusieurs boucles P (une hélice alpha située entre deux DTM) qui participe(nt) à la formation d’un filtre sélectif à K+. L’architecture typique de la majorité des canaux K+ consiste en l’assemblage de quatre sous-unités autour d’un pore central pour former une structure de tepee inversée (Figure 2). On distingue trois grandes classes de sous-unités de canaux K+ sur la base de leur homologie structurale [8] : (1) les canaux à six DTM (S1-S6) et une boucle P (Figure 3) générant des courants K+ dépendants du potentiel (Kv: Kv1-Kv12 ou KCNA-KCND, KCNF-KCNH, KCNQ, KCNS) et des courants sensibles à la concentration intracellulaire de Ca2+ (KCa: KCa1-KCa5 ou KCNM-KCNN) ; (2) les sous-unités de canaux à deux DTM (M1 et M2) et une boucle P (Figure 3), à l’origine notamment des courants K+ dits à rectification entrante, ses principaux représentants étant les canaux Kir et le canal bactérien KcsA ; enfin, (3) celle des sous-unités de canaux à quatre DTM (M1-M4) et deux boucles P (Figure 3) appelés canaux 2P, générant des courants qui remplissent la plupart des critères de définition d’un courant de fond ou de fuite. Les canaux 2P s’assemblent en dimères et non en tétramères pour former les canaux TWIK, THIK, TREK, TASK, TALK et TRESK [9, 10].

Mécanismes de sélectivité et de perméation du K+
Une avancée considérable dans la connaissance des canaux K+ a été réalisée par le groupe de MacKinnon, lauréat du prix Nobel de chimie en 2003. En résolvant la structure du canal KcsA, ces chercheurs ont pu émettre des hypothèses sur les mécanismes de sélectivité et de perméation du K+ [11]. La structure de ce canal est proche de celle des canaux Kv de mammifères au niveau de la zone S5-S6 et plus particulièrement la boucle P (qui contient la séquence signature des canaux K+). Cette séquence est constituée de trois acides aminés GYG (glycine, tyrosine, glycine) qui forment le filtre de sélectivité au K+. La tyrosine du motif GYG peut cependant être remplacée par une phénylalanine ou par une leucine dans le second pore des canaux de la famille KCNK [12]. Concrètement, les ions K+ pénètrent dans le pore sous une forme hydratée et traversent d’abord le pore interne avant d’atteindre une large cavité située au centre de la membrane plasmique (Figure 2). À ce stade, les résidus hydrophobes qui occupent cette cavité et l’attraction électrostatique générée par les quatre hélices du pore qui pointent vers le centre de la cavité stabilisent les ions K+ dans leur forme hydratée. Cela leur permet de surpasser la barrière énergétique imposée par le centre de la bicouche lipidique [13]. Ensuite, avant de rejoindre le milieu extracellulaire, les ions K+ passent par le filtre de sélectivité constitué d’un arrangement rigide de cinq groupes carbonyles polaires fournis par les résidus TVGYG. Le passage au travers de ce filtre n’est possible que pour l’ion K+ partiellement déshydraté [14]. La stabilisation de l’ion K+ sous forme déshydratée est assurée par les oxygènes des liaisons peptidiques qui miment les oxygènes des molécules d’eau. Cette structure est suffisamment rigide pour que les ions plus petits, comme le sodium, ne puissent pas être stabilisés sous une forme déshydratée, leur forme hydratée étant trop volumineuse pour traverser le filtre. Au moins deux ions K+ déshydratés occupent en même temps le filtre de sélectivité, la répulsion électrostatique provoquant leur localisation aux extrémités opposées du filtre [15, 16]. Lorsqu’un troisième ion K+ parvient à la base du filtre, il entraîne l’expulsion dans le milieu extracellulaire de l’ion situé au sommet du filtre par répulsion électrostatique.

D’un point de vue pharmacologique, les canaux K+ disposent d’un nombre important de modulateurs capables de modifier leur fonction de manière très variée [17]. En effet, certains agissent en amont de la protéine en altérant le processus d’activation des canaux (par exemple : l’hanatoxine [18]), alors que d’autres produiront leur effet dans la région du pore par simple occlusion (par exemple : le tétraéthylammonium [19] et la charybdotoxine [20]) ou par un mécanisme allostérique (par exemple : l’apamine [21]).

Les canaux de type SK : une cible au potentiel thérapeutique prometteur
Justification de l’intérêt thérapeutique
Parmi les canaux ioniques impliqués dans le contrôle de l’activité neuronale, les canaux K+ dépendants du calcium de basse conductance, dénommés small conductance calcium-activated K+ channels (SK) et issus des gènes KCNN1 à 3, apparaissent comme une cible thérapeutique fort intéressante. En effet, ces canaux sous-tendent la posthyperpolarisation (afterhyperpolarization) de durée moyenne (mAHP), qui limite l’excitabilité de divers types de neurones du système nerveux central (SNC) (Figure 1). De plus, ils n’influencent pas la durée du potentiel d’action, contrairement aux canaux K+ dépendants du calcium de grande conductance (BK) dont le blocage prolonge le potentiel d’action dans de nombreux types de neurones. Ceci apparaît comme un gage de meilleure tolérance pour des agents bloquants. À ce jour, trois types de sous-unités ont été identifiés : SK1, SK2 et SK3, qui ont une localisation différentielle dans le SNC. Les canaux SK1 et SK2 sont majoritairement exprimés dans le cortex et l’hippocampe, alors que les canaux SK3 prédominent dans diverses régions sous-corticales, dont les noyaux monoaminergiques du tronc cérébral [22]. Le fonctionnement de certaines populations de neurones pourrait donc être modulé de façon assez sélective. Il existe cependant un chevauchement significatif de l’expression de ces différentes sous-unités, de sorte que l’existence d’hétéromères dans des neurones natifs est possible, mais non démontrée à notre connaissance. Fait intéressant, dans les dendrites des neurones pyramidaux de l’hippocampe, les canaux SK2 sont localisés à proximité des récepteurs NMDA (activés par l’agoniste N-méthyl-D-aspartate) du glutamate, et leur ouverture, par l’hyperpolarisation qu’elle engendre, diminue l’ouverture des canaux NMDA en potentialisant leur blocage par le Mg2+. Un bloqueur sélectif pour le sous-type SK2 devrait donc accroître légèrement les courants NMDA avec un effet plafond assez bas et favoriser ainsi la plasticité synaptique (peut-être sans engendrer d’excitotoxicité). Ce type d’effet serait intéressant dans le traitement des troubles mnésiques. Au niveau des neurones monoaminergiques, le développement d’un bloqueur sélectif de SK3 pourrait augmenter l’activité des neurones sérotoninergiques dans le raphé dorsal et donc favoriser la libération de sérotonine dans le cadre du traitement de la dépression [1, 23]. Le blocage du même sous-type pourrait également accroître l’excitabilité des neurones dopaminergiques de la substance noire, ce qui pourrait être utile dans le traitement de certaines maladies liées à un dysfonctionnement de ces systèmes [1, 24]. Des études plus récentes ont également présenté les canaux SK comme cibles potentielles dans d’autres pathologies sévères telles que le cancer du sein [4], la fibrillation auriculaire [25] ou encore les désordres cognitifs liés à la schizophrénie [26]. Ce large éventail de possibilités thérapeutiques justifie l’étude d’une telle cible.
Agents bloquants peptidiques et non peptidiques des canaux SK
D’un point de vue pharmacologique, un certain nombre de composés permettent de caractériser ces canaux. Il existe des bloqueurs peptidiques et non peptidiques.
Apamine, principal bloqueur des canaux SK Le principal bloqueur peptidique des canaux SK reste l’apamine (bien que deux peptides plus sélectifs des canaux SK2 aient été identifiés [27]), un octadécapeptide issu du venin d’abeille qui présente une affinité (Ki) d’environ 4 pM [28] (Figure 4). Les expériences d’électrophysiologie, qui évaluent la capacité à bloquer les courants SK, ont révélé un effet pharmacologique de l’apamine différent vis-à-vis des trois sous-types : le potentiel bloquant est plus important pour les canaux hSK2 (IC50 ≈ 27-140 pM) que pour les canaux hSK3 (0,6-4 nM) et hSK1 (0,7-12 nM) [29, 30]. Cependant, cette différence n’est pas exploitable sur le plan expérimental, car on admet généralement que pour que la sélectivité soit suffisante, il faut que les valeurs d’IC50 diffèrent au moins d’un facteur 100. D’autre part, il est intéressant de noter que les canaux SK1 de rat sont insensibles à l’apamine, à l’inverse de ceux de l’homme, et une collaboration entre l’équipe du Pr Marrion et la nôtre a récemment élucidé l’origine de cette différence [31]. Malgré tout, l’apamine reste le composé de choix dans l’étude expérimentale du blocage sélectif des canaux SK. D’autres toxines provenant du venin de scorpion, comme les peptides PO5 et la leiurotoxine I, ont également la capacité de bloquer les canaux SK [1].

En ce qui concerne les composés non peptidiques, une étude de la relation structure-activité menée à partir du déqualinium par le groupe de Jenkinson a permis d’aboutir à la synthèse de dérivés tels l’UCL1684 et l’UCL1848 (Figure 5), qui ont une affinité nanomolaire pour les sites sensibles à l’apamine [32, 33]. Il est également important de noter qu’à côté des bloqueurs, il existe d’autres types de modulateurs de ces canaux. Ces agents plus lipophiles altèrent la sensibilité des canaux au Ca2+, modifiant ainsi considérablement leur fonction. L’EBIO (Figure 5) et ses dérivés augmentent cette sensibilité [34] tandis que les composés NS8593 et Ohmline (Figure 5) la diminuent [35, 36]. L’EBIO agit au niveau de l’extrémité carboxy-terminale du domaine cytoplasmique qui est associée physiquement à la calmoduline, une protéine jouant le rôle de senseur de Ca2+ [37]. En ce qui concerne le modulateur négatif NS8593, il a été en revanche démontré qu’il agissait dans la cavité située en dessous du filtre de sélectivité (Figure 2) [38]. Quant au composé Ohmline, son site d’action se localiserait à l’interface des canaux et de la membrane cellulaire [35, 39].

Nouveaux outils pharmacologiques Sur la base de ces investigations, il est apparu naturel, d’une part, d’approfondir nos connaissances sur la physiologie de ces canaux et, d’autre part, de mettre au point de nouveaux outils pharmacologiques avec l’espoir de développer des bloqueurs originaux présentant une affinité suffisante, et de surcroît, une sélectivité pour un sous-type de canaux.

Tout d’abord, nous avons débuté une étude autour des sels quaternaires de bicuculline. En effet, nous avons démontré que ces composés, connus pour leur propriété antagoniste des récepteurs GABAA, bloquaient également des AHP (afterhyperpolarization) générées par les canaux SK [40]. Ce programme a abouti à la découverte d’autres composés quaternaires, la N-méthyl-laudanosine (NML) et la N-méthyl-noscapine (NMN) (Figure 5). Ces molécules bloquent les courants SK avec une puissance moyenne (IC50 ≈ 2-4 μM) et de manière non sélective [41, 42]. La faible puissance de la NML est due à un koff plus élevé que celui de l’apamine, ce qui en fait un bloqueur plus facilement réversible [41]. Le développement de dimères dérivés de la NML a ensuite permis de synthétiser des bloqueurs SK plus puissants dont l’affinité est proche de celle de l’UCL 1684 (Ki ≈ 20 nM) [43]. La structure de ces dérivés bis-isoquinolinium (Figure 5) s’adapte bien au pharmacophore identifié en 2005 qui avait révélé, entre autres, une distance optimale de 5,6 Å entre deux charges positives azotées [44]. Plus récemment, un composé d’une autre classe structurale a été découvert, le 1,3-di-(2-tolyl)-guanidine (DTG) (Figure 5). Du fait de la possible interaction des canaux SK avec les récepteurs sigma dans les neurones dopaminergiques de la substance noire [45], l’effet de blocage potentiel de ces canaux par cet agoniste sigma a été testé. Cette étude a révélé que le DTG bloquait directement les courants potassiques de type SK2 et SK3 avec une puissance faible, les valeurs d’IC50 étant proches de  200 μM [46]. Finalement, la NML a été également utilisée comme outil pharmacologique dans le but d’évaluer les effets du blocage des canaux SK sur l’activité électrique des neurones monoaminergiques [23, 24].

Perspectives structurales et fonctionnelles des bloqueurs des canaux SK
Objectifs pour un composé pharmacologique leader Étant donné que le blocage des canaux SK est susceptible d’augmenter la transmission dopaminergique et sérotoninergique, deux objectifs apparaissent comme essentiels pour développer un produit leader.

Tout d’abord, pratiquement tous les bloqueurs SK puissants sont porteurs d’au moins une charge positive permanente, ce qui limite considérablement leur passage à travers la barrière hémato-encéphalique (BHE). La conception de bloqueurs sans charge permanente représente donc un défi très intéressant. C’est ainsi que par réduction chimique dans la série des dérivés bis-isoquinoliniums, il a été possible d’obtenir des composés tertiaires basiques dont l’AG525E1 (Figure 5) [47]. Cet agent présente une affinité pour les canaux SK (Ki ≈ 0,3 μM) environ cinq fois supérieure à celle de la NML (Ki ≈ 1,6 μM) et pratiquement équivalente à celle du déqualinium (Ki ≈ 0,2 μM). D’autre part, l’AG525E1 bloque de manière plus ou moins équivalente les trois sous-types de canaux SK (IC50 mesurée par patch clamp sur des lignées cellulaires transfectées exprimant ces canaux : 3,8, 2,6 et 3 μM sur les canaux SK1, SK2 et SK3, respectivement) et produit des effets centraux (action locomotrice) après son administration périphérique (10 mg/kg en injection intrapéritonéale) [48], prouvant ainsi sa capacité à passer la BHE. D’autres inhibiteurs des canaux SK récemment identifiés dans le contexte des recherches thérapeutiques dans le cancer du sein [35, 39] tels que le composé Ohmline (Figure 5), pourraient également franchir la BHE et donc agir au niveau du SNC. En effet, ces inhibiteurs lipidiques ne possèdent pas de charge. Cependant, l’absence de données physicochimiques dans la littérature ne permet pas de confirmer ce possible passage central et la présence d’une longue chaîne aliphatique et d’un groupement lactose très polaire ne plaide pas pour cette hypothèse.

L’autre objectif important est de développer des bloqueurs présentant une sélectivité vis-à-vis des canaux SK assez grande pour être exploitable (elle doit être au moins 100 fois plus puissante pour l’un des sous-types). Jusqu’à présent, cette sélectivité n’a été démontrée que pour des ligands peptidiques. En effet, en 2001, une équipe a développé à partir de la leiurotoxine des pseudopeptides analogues au niveau de la position 7 présentant une sélectivité accrue pour le sous-type SK2 [27]. Le chef de file, appelé Lei-Dab7, est 650 fois plus puissant sur les canaux SK2 que sur les canaux SK3 (IC50 mesurée par patch clamp de 4 et 2 500 nM, respectivement). Pour les composés non peptidiques, le challenge reste ouvert même si Ohmline (Figure 5) bloque préférentiellement les canaux SK3 [35]. À une concentration de 10 μM, Ohmline entraîne une diminution d’environ 30, 20 et 60 % des courants SK1, SK2 et SK3, respectivement. Des expériences complémentaires seront nécessaires pour déterminer le degré exact de sélectivité de ce composé.

Détermination des requis structuraux par modélisation de la région du pore La région du pore de chaque sous-type de canaux SK (portion S5-S6) a pu être modélisée en se basant sur la structure cristalline du canal potassique KcsA (code PDB : 1BL8) (Figure 2) [49]. La modélisation des canaux SK constitue la première étape dans la détermination des requis structuraux qui sont essentiels à l’affinité des bloqueurs et à la compréhension des modes de liaison de ces ligands. Le mode de liaison de différents ligands peptidiques et non peptidiques a été ensuite exploré par amarrage moléculaire ou docking [21, 46, 49]. Cette phase a permis jusqu’à maintenant de mettre en évidence la présence de certains acides aminés au sein de la structure des sous-types SK2 et SK3, qui interviennent dans le mécanisme de reconnaissance entre les bloqueurs et leurs cibles. Afin de confirmer les interactions prédites, des expériences de mutagenèse dirigée ont été débutées en collaboration avec l’équipe du Pr Marrion de l’université de Bristol et l’équipe du Pr Snyders de l’université d’Anvers. Les premiers canaux mutants testés dans des expériences d’électrophysiologie par la technique de patch clamp ont permis de valider une partie des données théoriques [21, 49]. Cette approche multidisciplinaire a notamment démontré que l’apamine ne se comportait pas comme un bloqueur de pore classique tel le TEA (tétraéthylammonium), mais bloquait les courants SK via un mécanisme allostérique [17, 21]. La présence d’un résidu histidine conservé dans les trois sous-types et localisé dans la tourelle en position 490 (numérotation hSK3) s’est avérée essentielle pour le blocage des canaux par la toxine [21, 49]. D’autres études complémentaires ont récemment montré que des résidus éloignés de la région du pore étaient également impliqués dans le blocage du courant par l’apamine [31, 50], renforçant l’idée d’une action allostérique. Cette conclusion est confortée par le fait que les IC50 de SK2 et SK3 sont différentes mais que leurs Kd sont identiques. Ceci indique que la liaison des bloqueurs sur les canaux n’obstrue pas directement le pore. Si tel était le cas, le Kd devrait être proportionnel à l’IC50 et proche de celui-ci. Il existe vraisemblablement une étape distincte entre la liaison et le blocage, une étape sans doute plus difficile à franchir quand l’apamine se fixe sur le canal SK3. Le résidu histidine 490 influence également l’action de la NML, montrant ainsi que ce bloqueur non peptidique partage une partie du site de liaison de l’apamine et agit aussi selon un mécanisme allostérique [17, 21, 49]. Du point de vue de la séquence en acides aminés, les canaux SK2 et SK3 ne diffèrent que par deux acides aminés dans la région du pore (les positions sont définies selon la numérotation hSK3) : en position 485 (alanine et valine, respectivement) en amont du filtre de sélectivité et en position 521 (asparagine et histidine, respectivement) en aval du filtre (Figure 2). Fait intéressant, le site de liaison de la NML révélé par docking et confirmé par les études de mutagenèse dirigée se localise à proximité du résidu 521 [49]. Il est donc tout à fait envisageable de concevoir une série d’analogues structuraux de la NML capables d’interagir soit avec le résidu asparagine pour conférer une sélectivité SK2, soit avec le résidu histidine pour conférer une sélectivité SK3. D’autre part, dans le même objectif de développement de composés sélectifs SK2 versus SK3 et vice versa, le criblage virtuel de bases de données sur les sites de liaison comprenant les résidus discriminants constitue une alternative également prometteuse.

Par ailleurs, les résidus histidine de la région du pore décrits précédemment paraissent jouer un rôle important dans la physiologie des canaux. En effet, lorsque les canaux SK2 et SK3 sont exposés à des pH acides du côté extracellulaire, on constate que les courants générés par les deux-sous types sont inhibés, et que les homomères de sous-unités SK3 (qui contiennent deux résidus histidine en position 490 et 521) sont plus sensibles [51]. De plus, le remplacement de l’histidine commune aux deux sous-types (en position 490) par une asparagine réduit drastiquement l’effet inhibiteur de l’acidité sur les canaux [51]. L’explication la plus simple serait une interaction entre les protons et les histidines dont le caractère basique faible (pKa ≈ 6,1) implique qu’elles peuvent être protonées de manière variable au pH physiologique (≈ 5 % à pH 7,4). La protonation de ces histidines entraînerait la rupture d’une liaison intramoléculaire et une modification structurale, diminuant la conductance du canal. En réalité, les choses sont plus compliquées car les canaux pourraient avoir deux niveaux de conductance dont le plus bas est favorisé par le pH acide. Le site d’interaction des protons s’avère être commun à celui de l’apamine [21]. Notons cependant que le canal SK3 est plus sensible que le canal SK2 à cette inhibition (à l’inverse de l’inhibition par l’apamine).

Conclusion

Les canaux ioniques sont impliqués dans de nombreux processus biologiques, ce qui justifie leur statut de cible thérapeutique majeure (juste après les récepteurs couplés aux protéines G). Les canaux K+ de type SK ont démontré un potentiel prometteur dans le traitement d’une grande variété de pathologies. Dans ce contexte, il était important de mieux comprendre la physiologie et la pharmacologie de ces canaux à travers l’utilisation de techniques aussi variées que l’électrophysiologie, la mutagenèse dirigée, les études de liaison in vitro ou encore la modélisation moléculaire. Les premières investigations ont abouti à la conception de bloqueurs non peptidiques, et ont jeté les bases du développement futur de molécules sélectives pour un sous-type SK.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

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