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Med Sci (Paris). 2012 October; 28(10): 887–891.
Published online 2012 October 12. doi: 10.1051/medsci/20122810019.

L’amélioration humaine
Trois usages, trois enjeux

Simone Bateman1* and Jean Gayon2**

1Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé, Santé mentale, Société (CNRS UMR 8211, Université Paris Descartes, EHESS, Inserm 988), Site CNRS, 7, rue Guy Môquet, 94801Villejuif Cedex, France
2Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, CNRS UMR 8590, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne et École normale supérieure, 13, rue du Four, 75006Paris, France
Corresponding author.
 

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Photo : © Inserm-Claude Carré

Human enhancement : trois strates de signification

L’idée de l’amélioration humaine est aussi vieille que l’humanité et s’appuie depuis toujours sur des techniques éducatives pour améliorer les connaissances, cosmétiques pour transformer l’apparence, sportives pour augmenter la performance, mécaniques pour accroître les capacités humaines en matière de travail et de déplacement, etc. Cependant, depuis une quinzaine d’années, l’expression anglaise human enhancement s’est spectaculairement répandue, s’imposant même hors de l’espace anglophone. L’objectif du présent article, résultat de la réflexion commune d’une sociologue et d’un philosophe, est de cerner les contextes dans lesquels ce terme a émergé, et de définir ses usages et les courants de pensée, certains relativement anciens, qui ont nourri ce mouvement d’idées.

Il n’est pas aisé de déterminer à quel moment précis le terme anglais enhancement a commencé à être employé dans son sens conventionnel actuel. Le terme commence à se répandre dans les années 1990, dans des débats sur l’impact des nouvelles technologies. Un examen de la littérature nous a conduits à distinguer trois usages, en fonction du sens de l’adjectif « humain » dans human enhancement : l’amélioration de capacités humaines, l’amélioration de la nature humaine, et l’amélioration de soi.

L’ouvrage collectif dirigé par le philosophe Erik Parens, Enhancing human traits, publié en 1998 [ 1], est parmi les premiers à afficher le mot dans son titre. Cet ouvrage est le fruit d’un ensemble d’événements qui se sont déroulés dans le cadre du Hastings Center, institution pionnière en matière de recherche bioéthique aux États-Unis. En 1993, Leroy Walters, philosophe et spécialiste d’études religieuses, donne une conférence où il se demande s’il est moralement acceptable de rehausser (enhance) diverses capacités humaines par des « interventions génétiques ». Il soumet à son auditoire quatre projets hypothétiques : améliorer le système immunitaire, diminuer le besoin de sommeil, augmenter la mémoire à long terme, et réduire les tendances agressives des humains tout en augmentant leur propension à la générosité. Cette réflexion s'inscrit dans le cadre des travaux philosophiques que Leroy Walters menait à l’époque sur la thérapie génique, entre autres sur ce qu’il appelait « Enhancement genetic engineering » [ 2]. La conférence de Leroy Walters a engendré de vives controverses qui allaient au-delà de la seule amélioration génétique. Il en est résulté en 1995 un projet porté par le Hastings Center, financé par le National Endowment for the Humanities (NEH) et intitulé « On the prospect of technologies aimed at the enhancement of human capacities ». Cette manière d’aborder l’enhancement est caractéristique d’une approche centrée sur des capacités.

Le débat change de registre avec la création en 1998 de la World Transhumanist Association (WTA). Selon le philosophe Nick Bostrom, l’un des fondateurs de WTA, il s’agit d’un « mouvement intellectuel et culturel affirmant qu’il est possible et souhaitable d’améliorer la condition humaine de manière raisonnée, en développant et diffusant largement des technologies en vue d’éliminer le vieillissement, et d’augmenter considérablement les capacités intellectuelles, physiques et psychologiques des êtres humains » [ 3]. L’amélioration des capacités est ici au service d’un objectif plus ambitieux : une évolution de l’humanité en tant que telle. Selon Nick Bostrom, le transhumanisme constitue une « manière de penser l’avenir fondée sur la prémisse que l’espèce humaine dans sa forme actuelle ne représente pas la fin de son développement mais une phase relativement précoce » [3]. Le transhumanisme se développe en même temps qu’émerge un intérêt pour les technologies dites convergentes (nano-bio-informatique-sciences cognitives [NBIC]), ce dont témoigne un rapport, remis par Mihail Rocco et William Bainbridge à la National Science Foundation (NSF) en juin 2002 [ 4].

L’essai du psychiatre Peter Kramer, Listening to Prozac [ 5], contemporain de la conférence de Leroy Walters au Hastings Center, introduit cependant une nouvelle perspective sur l’amélioration humaine. Kramer s’interroge sur la nature des effets produits par le Prozac chez ses patients dépressifs, qui déclarent se sentir non seulement soulagés mais « better than well ». Il invente le terme cosmetic pharmacology, et fait ainsi une analogie avec la chirurgie esthétique pour décrire l’utilisation de la psychopharmacologie à des fins de modification de la personnalité. Il n’utilise pas le mot enhancement dans son livre, mais ses propos sur la psychopharmacologie ont été repris en 2003 par le philosophe et bioéthicien Carl Elliot dans son ouvrage Better than well: American medicine meets the American dream [ 6], d’ailleurs préfacé par Peter Kramer. Elliot étend la formule de Peter Kramer à toute une panoplie d’« enhancement technologies » visant la transformation de soi (Prozac®, Ritaline®, Botox®, Viagra®, hormone de croissance, chirurgie esthétique, chirurgie de réassignation sexuelle, etc.). Selon Carl Elliott, les gens entretiennent un rapport ambivalent à ces technologies, car elles sont le produit d’une pression culturelle en faveur de l’accomplissement de soi (self-fulfillment), mais comportent le risque d’engager une transformation peut-être trop radicale de leur identité.

Amélioration des capacités humaines, amélioration de la nature humaine, amélioration de soi

C’est donc au tournant du millénaire que le paysage du human enhancement se révèle dans toute son ampleur et sa complexité. Les trois strates de signification que nous venons de dégager de la littérature sur le sujet ne sont pas couramment identifiées, bien qu’elles soient conceptuellement distinctes. L’amélioration des capacités humaines est la plus visible, car elle se prête à des propos concrets, mais les propos sur l’amélioration de la nature humaine ont pris une place de plus en plus importante dans le débat, tandis que l’amélioration de soi demeure un thème encore marginal.

L’amélioration des capacités se prête à une catégorisation fonctionnelle relativement stable : amélioration des capacités physiques, des capacités cognitives (perception, attention, mémoire, raisonnement), de l’humeur, de la durée de vie, de la qualité du vieillissement, et amélioration morale [ 7]. Cette thématique est née de la prise de conscience du fait de l’utilisation possible de nombreux moyens thérapeutiques à des fins non thérapeutiques - une question ancienne en médecine, et en particulier en pharmacologie. On peut rappeler le cas des amphétamines, qui ont leur origine dans des recherches sur des molécules susceptibles d’altérer la pression artérielle [ 8]. Dans les années 1990, ce problème monte en puissance dans les débats d’éthique appliquée à la médecine. Que fallait-il penser, par exemple, de la prescription de l’hormone de croissance à des enfants simplement un peu plus petits que d’autres, en 1996, 40 % des prescriptions de cette hormone aux États-Unis se faisant alors hors indication médicale [ 9] ? Que fallait-il penser de l’utilisation de molécules prescrites pour ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer dans le but d’améliorer la mémoire d’étudiants ou de joueurs d’échec [ 10] ? Ces situations, et bien d’autres, ont amené une réflexion plus spécifique sur la distinction entre le traitement d’une maladie et l’amélioration d’une capacité, réflexion constitutive du débat sur le human enhancement.

L’amélioration de la nature humaine relève d’une discussion plus abstraite, qui se banalise dans les années 2000, comme cela a été souligné par Allen Buchanan dans Better than human [ 11]. Cette formule ambiguë est souvent utilisée pour désigner l’ensemble des pratiques et projets d’amélioration. À l’inverse de l’amélioration de capacités particulières, elle place le débat à un niveau philosophique, moral et politique, qui engendre des polémiques sans fin. L’idée de modifier la nature humaine est vite présentée comme un projet incompatible avec une vision religieuse du monde (playing God), ou encore avec une conception respectueuse de la « Nature ». Elle réveille aussi le souvenir de l’eugénisme [ 12] et est alors parfois condamnée comme un projet politiquement dangereux, qui menace les droits de l’homme. De fait, un certain nombre de textes (ou projets de textes), nationaux ou internationaux, ont sévèrement critiqué, et parfois condamné, le projet d’une modification de la nature humaine par le clonage ou par des interventions génétiques [ 13]. Ces textes pointent le risque de creuser un fossé biologique entre des populations humaines ayant accès aux biotechnologies de l’enhancement et celles qui en sont exclues, avec le risque de disqualification, d’oppression et d’asservissement qui en résulterait. L’exemple le plus extrême est sans doute la proposition faite par George Annas et quelques juristes américains de faire voter par l’ONU (Organisation des Nations Unies) une « Convention sur la préservation de l’espèce humaine », qui conduirait à interdire toute recherche susceptible « d’altérer l’espèce » : « On peut envisager le clonage et les altérations génétiques héréditaires comme une forme unique de crimes contre l’humanité ; ce sont des techniques qui peuvent altérer l’essence de l’humanité elle-même (et qui donc risquent de modifier les fondements mêmes de droits de l’homme) en plaçant l’évolution humaine dans nos mains, et en l’orientant vers le développement d’une nouvelle espèce parfois appelée “post-humaine” » [ 14].

Inversement, le philosophe John Harris a soutenu que l’amélioration biotechnologique de la nature humaine n’est pas seulement permise, mais devrait être une obligation morale. En 1992, il écrivait : « Pour la première fois, nous pouvons entreprendre de façonner notre destinée non seulement en choisissant le genre de monde que nous voulons créer et habiter, mais aussi en choisissant ce que nous souhaitons être. Nous pouvons littéralement changer la nature des êtres humains » [ 15]. Dix ans plus tard, comparant les biotechnologies humaines à l’éducation et à la vaccination, il écrit : « Si […] les améliorations (enhancements) sont manifestement un bien pour nous, et si ce bien peut être obtenu en toute sécurité, alors les gens ne devraient pas seulement pouvoir avoir accès à ces biens pour eux-mêmes et pour ceux dont ils ont la charge ; ils ont aussi des raisons morales claires - et peut-être l’obligation - de les rechercher » [ 16]. John Harris précise toutefois qu’il n’a pas d’affinité avec le transhumanisme ; selon lui, le projet de créer une nouvelle espèce est distinct du devoir moral « d’améliorer la vie, la santé, et la durée de vie ». Le projet « d’améliorer la nature humaine » recouvre donc des choses passablement différentes.

L’amélioration de soi, enfin, relève d’un autre registre. Le bel ouvrage de Carl Elliott, Better than well, présente les technologies d’amélioration dans une perspective culturelle, sous l’angle de la quête d’identité. Pour Elliott, l’enhancement est d’abord et avant tout dans la continuité du « rêve américain ». Il rappelle que, selon Tocqueville, les américains, à l’encontre des européens, ne se réfèrent pas à leurs ancêtres pour orienter leurs choix, mais à leur propre jugement et à l’opinion publique. L’interprétation d’Elliott n’est pas sans faire penser à ce que le sociologue Christopher Lasch avait dit en 1979 de la culture américaine moderne, une culture du présent, sans passé ni avenir, centrée sur la satisfaction des besoins matériels immédiats [ 17]. Il serait tentant d’opposer une vision américaine des technologies d’amélioration humaine, motivée par l’exaltation du corps individuel, à une vision européenne habitée par une culture du progrès et de la libération. Ce serait là cependant une simplification exagérée. Les deux faces culturelles de l’amélioration - la face narcissique et la face prométhéenne - se côtoient des deux côtés de l’Atlantique, et probablement ailleurs.

Human enhancement : interventions technologiques, discours, interprétation subjective des pratiques

Les trois strates de signification que l’on vient de décrire s’entremêlent à des degrés divers, en fonction des auteurs. Elles renvoient à des pratiques (amélioration des capacités), à des discours (amélioration de la nature humaine) et à une grille d’interprétation des pratiques (amélioration de soi).

Améliorer des capacités humaines par des interventions technologiques est sans aucun doute le primum movens. L’amélioration humaine, telle qu’on la connaît aujourd’hui, repose massivement sur des biotechnologies appliquées dans le domaine médical, dont bon nombre peuvent servir des buts autres que thérapeutiques [ 18, 19]. Aux biotechnologies se sont ajoutés, dans les années 1990, les trois autres secteurs dits convergents de la révolution NBIC. C’est l’association de ces quatre domaines, rendue populaire par de puissantes incitations en matière de recherche finalisée [4], qui a permis de découpler la notion d’enhancement des seules technologies biomédicales, tout particulièrement génétiques, auxquelles ce mot était attaché avant les années 1990. Nous avons été frappés de constater le passage progressif du mot enhancement du seul domaine de l’ingénierie génétique, où il était utilisé dans les années 1980, à l’idée de human enhancement, dans les années 1990 et surtout 2000. Avant 1990, l’expression genetic enhancement était utilisée soit dans des recherches effectives sur la transgenèse chez des microorganismes, des plantes ou des animaux, soit en référence au projet d’amélioration génétique humaine. Ce sont les pratiques associées aux NBIC qui ont constitué le terreau de développement des idées relatives à l’enhancement.

L’amélioration de la nature humaine relève spécifiquement du registre du discours. C’est à ce niveau qu’il est le plus facile d’identifier des antécédents de l’amélioration humaine. L’enhancement fait d’abord penser aux philosophies du progrès qui ont tant marqué l’histoire européenne aux xviii e et xix e siècles. Une phrase de Condorcet, dans l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1795), peut illustrer cet héritage : « la perfectibilité de l’homme est indéfinie ; et cependant, jusqu’ici, nous ne lui avons supposé que les mêmes facultés naturelles, la même organisation. Quelles seraient donc la certitude, l’étendue de ses espérances, si l’on pouvait croire que ces facultés naturelles elles-mêmes, cette organisation, sont aussi susceptibles de s’améliorer ? » [ 20]. Quelle différence avec l’enhancement ? Là où Condorcet invoquait l’éducation et l’hérédité des caractères acquis, l’enhancement en appelle à des interventions directes sur le corps, désormais adossées à la révolution des technologies convergentes.

L’idée d’améliorer la nature humaine fait aussi écho aux idéologies et utopies eugénistes. Rappelons comment Francis Galton a caractérisé le but de l’eugénique : « l’eugénique est la science qui traite de tous les facteurs qui améliorent (improve) les qualités innées de la race et de tous ceux qui les développent à leur plus haut point » [ 21]. Le monde mental du human enhancement, tel qu’il existe aujourd’hui, inclut, certes, l’amélioration génétique de la progéniture, des populations, et de l’espèce. Toutefois, il n’est plus défini et pensé uniquement sur la base de techniques génétiques et de leurs effets sur la génération suivante. Il est d’abord et avant tout centré sur des modifications présentes du corps, hic et nunc.

L’amélioration de la nature humaine renvoie enfin au mouvement transhumaniste. Comme nous l’avons déjà indiqué, les théoriciens de l’enhancement ne sont pas nécessairement transhumanistes, et bien souvent en fait ils s’en démarquent. Mais à lire Nick Bostrom (cité plus haut), la collusion avec l’enhancement est évidente. Nick Bostrom attribue l’invention de ce terme et des idées qu’il véhicule au célèbre biologiste anglais Julian Huxley. L’ouvrage New bottles for new wine, publié en 1957, comporte de fait un chapitre intitulé « Transhumanism » [ 22]. Huxley lui-même s’était inspiré d’idées développées dans le cercle intellectuel auquel il appartenait, dont faisaient aussi partie le biologiste John B.S. Haldane [ 23], l’écrivain Herbert G. Wells, et son propre frère Aldous Huxley. Pour tous ces zélateurs du transhumanisme, l’amélioration de la nature humaine est un leitmotiv et une évidence.

L’amélioration de soi, enfin, relève de l’interprétation subjective des pratiques par ceux qui y font appel. Il ne s’agit pas d’une doctrine articulée, mais d’une posture qui a été remarquée par certains commentateurs, au premier rang desquels Carl Elliott, évoqué plus haut. Le monde mental de l’enhancement est, dans la plupart des cas, centré sur la vision que l’individu a de lui-même et sur la présentation qu’il souhaite donner de lui-même. Les artifices technologiques sont le moyen, mais l’entreprise est d’abord et avant tout un travail sur soi. C’est là peut-être le plus profond paradoxe de l’enhancement. En surface, c’est une panoplie de techniques plus ou moins invasives, qu’un observateur non averti verrait plutôt comme autant de menaces, de transgressions, de dangers ou de fantaisies. Mais, selon Carl Elliot, des pratiques telles que la compensation sensorielle des aveugles ou des sourds, l’appareillage des personnes ayant perdu l’usage de la parole, le changement de sexe, sont vécues comme une quête de l’identité, de l’authenticité, au prix d’un dur et périlleux travail herméneutique sur soi-même. Certes, comme le notent aujourd’hui un certain nombre d’auteurs [ 24, 25], les sujets visent une amélioration de leurs performances, bien souvent en réponse à une pression sociale. Cette visée, moins radicale que celle d’une modification des capacités, voire d’un changement de la nature humaine, révèle néanmoins l’imaginaire de l’enhancement : par delà l’amélioration des performances, des capacités, voire de la nature humaine sans cesse évoquées dans les débats sur l’enhancement, nous pensons que l’aspiration au dépassement de soi constitue l’un des socles anthropologiques les plus profonds de ce mouvement.

La notion d’amélioration de soi ne doit pas être confondue avec celle d’amélioration morale (moral enhancement), qui fait actuellement l’objet d’âpres débats, tout particulièrement chez les philosophes. Dès 1993, Leroy Walters avait envisagé la possibilité d’un tel débat dans le dernier de ses quatre scénarios d’amélioration humaine, qui portait sur la réduction de l'agressivité (voir supra). Plus récemment, les philosophes Persson et Savulescu [ 26] ont explicitement prôné l’utilisation de moyens biologiques pour « améliorer moralement les êtres humains » (moral bioenhancement), par exemple en administrant de l’ocytocine dans le but de réduire l’agressivité ou d’accroître les émotions associées au sentiment de justice. Le philosophe John Harris, qui depuis le début des années 1990 a plaidé en faveur du projet d’amélioration humaine, et qui en a souligné la légitimité morale, n’approuve pas pour autant l’idée de cibler des « capacités spécifiquement éthiques ». Selon lui, seules des interventions biotechnologiques sur des capacités cognitives, associées aux moyens traditionnels d’amélioration morale (socialisation et éducation) sont compatibles avec la liberté des individus [ 27]. Ce débat relève davantage de la première strate de signification de l’humain que nous avons distinguée, l’amélioration des capacités ; ce que nous avons appelé « amélioration de soi » - expression fréquente dans la littérature sur l’enhancement -, relève de l’interprétation subjective des pratiques.

Pour conclure, quelle que soit la strate de signification, le terme enhancement renvoie à un ensemble d’actions réelles ou projetées qui visent à augmenter les potentialités du corps humain, voire en créer de nouvelles. La majorité de ces actions repose sur une réorientation de techniques d’abord nées sur le terrain du soin ou de la compensation médicale ; les technologies convergentes (NBIC) élargissent le spectre des possibles, et permettent à certains d’afficher des objectifs plus ambitieux, que d’autres jugent inquiétants [ 28]. C’est dans ce contexte que le terme enhancement s’est imposé.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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