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Med Sci (Paris). 2013 August; 29(8-9): 711–714.
Published online 2013 September 5. doi: 10.1051/medsci/2013298008.

Le diabète
Des chiffres alarmants

Carine Franc1*

1CERMES3, UMR8211, Inserm U988, 7, rue Guy Moquet, 94801Villejuif, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Adolescent, Adulte, Sujet âgé, Enfant, Enfant d'âge préscolaire, Diabète de type 1, épidémiologie, Diabète de type 2, Femelle, France, Humains, Nourrisson, Nouveau-né, Mâle, Adulte d'âge moyen, Obésité, États-Unis d'Amérique

 

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Les projections de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), conformes à celles de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), sont proprement alarmantes : l’« épidémie » de diabète va devenir l’une des principales causes d’incapacités et de décès dans le monde d’ici les 25 prochaines années. Même si les chiffres varient sensiblement d’une étude à l’autre - selon que l’on considère la prévalence de diabète diagnostiqué, traité ou estimé -, les tendances font consensus. Dans le monde, la Fédération internationale du diabète (FID, source 2012 [ 1]) estime que 8,3 % des adultes de 20 à 79 ans (soit 371 millions d’individus) sont atteints de diabète et que la moitié d’entre eux ne le savent pas. C’est le diabète de type 2, dit diabète gras, qui est le principal responsable de cette évolution. Ce constat est à la fois inquiétant et potentiellement rassurant pour l’avenir car ses causes sont pour la plupart évitables.

Comme pour bon nombre de maladies chroniques avec, en sus, le fait que les complications peuvent être graves, le diabète est une maladie coûteuse pour les malades et leurs familles, pour les systèmes de santé et pour les sociétés dans leur ensemble. En effet, des coûts de différente nature s’ajoutent pour finalement peser de plus en plus sur les sociétés. Les moins quantifiables, mais néanmoins importants, sont les coûts intangibles tels que l’anxiété, la douleur, la discrimination face à l’emploi ou à l’investissement, la qualité de vie souvent réduite des malades et de leurs familles. Ces coûts sont essentiellement supportés par les malades et leur entourage. S’ajoutent les coûts directs et indirects qui sont plus ou moins mutualisés selon la nature et la générosité des systèmes de protection sociale. Les coûts directs recouvrent l’ensemble des coûts des soins et prestations, qu’il s’agisse des soins ambulatoires ou hospitaliers. Les coûts indirects sont liés à la moindre capacité des malades à poursuivre une activité professionnelle à long terme (absence au travail, incapacité, etc.). Tous ces coûts se cumulent et rendent d’autant plus pertinentes les mesures de prévention susceptibles de réduire la prévalence du diabète. Au niveau mondial, en 2012, la FID estime que 471 milliards de dollars (US) de dépenses sont imputables au diabète.

Le diabète, une épidémie mondiale

Le panorama de la santé 2011 de l’OCDE [ 2] dresse le constat : « le diabète a été la cause de plus de 300 000 décès dans les pays de l’OCDE en 2009, et il se place au quatrième ou cinquième rang pour les causes de décès dans la plupart des pays développés ». De plus, la hausse rapide de sa prévalence dans toutes les parties du monde est telle que le diabète atteint « des proportions épidémiques » : en 2010, plus de 6 % de la population des pays de l’OCDE, soit 83 millions de personnes, souffraient de diabète (type 1 ou 2).

Alors que l’incidence du diabète de type 1 a fortement augmenté ces dernières décennies (particulièrement en Europe) (Figure 1), il ne représente globalement que 10 à 15 % des cas de diabète. C’est la hausse de la prévalence1 du diabète de type 2 qui explique les tendances actuelles et la croissance des coûts associés : les dépenses de santé engagées pour prévenir et traiter le diabète ont été estimées à 345 milliards de dollars (US) pour les pays de l’OCDE pour la seule année 2010. En moyenne pour ces pays, un quart de ces dépenses concernent le traitement de l’hyperglycémie, un quart le traitement des complications du diabète et le reste est lié aux comorbidités associées aux patients diabétiques.

La France n’échappe pas à cette tendance mondiale (Figure 1) et, malgré une prévalence de l’obésité relativement plus faible que dans la plupart des pays de l’OCDE, le poids du diabète s’accroît dans des comptes de la santé déjà sous de fortes tensions.

Situation en France

Selon le rapport de la CNAMTS (Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés) en 2012 [ 3], le seuil des trois millions de personnes traitées en France pour un diabète a été franchi en 2011, correspondant à une prévalence de 4,6 % de la population française. Cette prévalence ne rend compte que des cas de diabète traités par des médicaments. Il faut donc ajouter 1,6 % (selon les estimations de l’enquête nutrition santé de 2006) pour inclure les cas diagnostiqués mais non traités par des médicaments et les cas non diagnostiqués ; le diabète toucherait donc 6,2 % de la population.

Depuis 2000, le nombre de cas traités a augmenté en moyenne de 5,4 % par an (Figure 2). Sur l’ensemble, le diabète de type 2 concerne près de 92 % des cas de diabète (versus 6 % pour le diabète de type 1 et 2 % pour les autres formes de diabète). Même si la prévalence du diabète de type 1 a doublé en 30 ans chez les individus de la tranche d’âge 0-15 ans et doublé en 15 ans chez ceux de la tranche d’âge 0 à 5 ans, c’est l’accélération de la prévalence du diabète de type 2 (+ 4,7 % par an en moyenne entre 2006 et 2009) qui est à l’origine de l’évolution épidémique du diabète en liaison avec « l’épidémie de surpoids et d’obésité ». Les résultats aujourd’hui ont dépassé toutes les projections. En 2006, les estimations les plus pessimistes prévoyaient près de 2,5 millions de patients traités pour un diabète en 2012 et 2,9 millions en 2016 (soit 1 million de plus qu’en 1999). Le seuil des 2,9 millions de patients a été atteint dès 2009 soit sept ans plus tôt, et dépasse en 2012 les 3 millions de patients traités.

Ces résultats reflètent assez bien les évolutions de prévalence du principal facteur de risque d’apparition du diabète de type 2, l’excès de poids (Figure 3). Or, la prévalence de diabète diagnostiqué est, respectivement, 2,5 à 3 fois plus élevée chez les hommes et les femmes en surpoids, et 5,5 à 6 fois plus élevée chez les hommes et femmes obèses que chez les individus de corpulence normale. L’enquête nationale ObEpi 2012 révèle que 32,3 % de la population des plus de 18 ans est en surpoids (obésité exclue) et 15 % est obèse (une progression relative de l’obésité de + 76 % entre 1997 et 2012). Le taux de croissance annuel moyen de l’obésité est de 4,1 % entre 2000 et 2009, un taux à mettre en rapport avec le taux de croissance annuel moyen du diabète de type 2 de 4,7 % entre 2006 et 2009, selon le rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) [ 4].

À la fin 2011, les personnes bénéficiant d’un régime de l’assurance maladie « affection longue durée » (ALD) pour diabète de type 1 ou 2 (ALD 8) sont près de 2 millions ; c’est la première des ALD (+ 21,5 % entre 2008 et 2011). Tous ces malades sont exonérés du ticket modérateur pour tous les soins associés à leur diabète. Cette population, âgée en moyenne de 65 ans, se répartit en 53 % d’hommes et 47 % de femmes. En 2010, pour les hommes, le diabète correspond à la pathologie la plus courante reconnue en ALD, devant les tumeurs malignes (ALD 30). Pour les femmes, c’est l’inverse, l’ALD 8 correspond à la deuxième pathologie la plus courante ouvrant droit au régime des affections longue durée après l’ALD 30 (source Eco-Santé France, 2012).

Dans son rapport, l’IGAS note enfin que les conséquences sociales et humaines du diabète ont été peu étudiées en France par rapport aux États-Unis où les patients sont en moyenne plus jeunes et où les pertes de chances en termes de réussite scolaire, d’insertion professionnelle et de revenu d’activités pour les jeunes diabétiques ont été clairement mises en évidence. Sans considérer ces coûts sociaux et humains, que les études américaines estiment tout de même à près de 30 % du coût total du diabète, le coût total croît rapidement (+ 30 % entre 2001 et 2007). En 2010, l’ensemble des remboursements de soins pour des personnes traitées pour diabète est de 17,7 milliards d’euros, dont la CNAMTS estime que 6,7 milliards correspondent directement à la prise en charge du diabète et au traitement des complications, et 3,5 milliards au traitement des comorbidités plus fréquentes chez les patients diabétiques (obésité, cancer, etc.). Pour le régime général (CNAMTS), l’ALD 8 représentait en 2009, 12 % de la totalité des dépenses d’ALD évaluées à 65,1 milliards. Les projections suivent la même tendance : le coût de la prise en charge du diabète et du traitement des complications atteindrait, en 2017, 11,3 milliards (+ 69 % par rapport à 2010).

Comment faire face aux enjeux ?

Les pouvoirs publics ont pris la mesure des enjeux à la fois économiques et de santé publique. La prévention et le dépistage ont été nettement améliorés même s’il apparaît que les populations les plus vulnérables restent insuffisamment ciblées par les dispositifs. Du point de vue de l’offre, une réorganisation des soins de premier recours pourrait permettre d’améliorer la prise en charge des maladies chroniques et particulièrement du diabète (principalement pris en charge par les médecins généralistes) tout en réduisant les coûts.

En d’autres termes, l’adaptation des soins, comme dans le chronic care model, pourrait permettre d’accroître l’efficience du système, même si le rapport de l’IGAS (2012) pointe que beaucoup reste à faire. Le chronic care model, développé aux États-Unis, place le patient au centre de la prévention, de la gestion de la maladie chronique et de la prise de décisions. Ces modèles, particulièrement adaptés à la prise en charge de maladies chroniques telles que le diabète, se caractérisent par une approche globale autour de l’offre de soins : partage de la décision clinique, autogestion du patient, mise en place de systèmes d’information clinique et coopération entre professionnels qui doivent interagir avec des patients informés et actifs [ 5]. Par ailleurs, mais finalement en lien avec l’organisation de l’offre et la collaboration entre professionnels de la santé, l’éducation thérapeutique et l’accompagnement du patient, redéfinis par la loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires, 2009) doivent être priorisés et développés. La recommandation de l’IGAS est notamment d’expliciter clairement les choix stratégiques en matière de prévention, de dépistage et d’éducation thérapeutique en favorisant la « hiérarchisation des besoins, le ciblage des actions et la spécificité des outils, notamment en direction des populations défavorisées ou caractérisées par des modes de vie et/ou des facteurs de risques spécifiques » (IGAS, 2012).

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 L’incidence indique le nombre de nouveaux cas d’une maladie donnée survenus dans une population pendant une période définie. La prévalence représente la proportion de sujets malades à un instant donné dans la population.
References
1.
Atlas du diabète de la Fédération internationale du diabète (FID). , 2012. http://archive.diabetesatlas.org/fr/content/la-fédération-internationale-du-diabète
2.
CNAMTS . Propositions de l’assurance maladie sur les charges et produits pour. 2013. http://www.ameli.fr/rapport-charges-et-produits-2013
3.
Panorama de la santé. 2011. Les indicateurs de l’OCDE . http://www.oecd.org/fr/sante/systemes-sante/panoramadelasante2011.htm
4.
Rapport de l’IGAS sur le diabète. 2012. http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article260
5.
Stellefson M , Dipnarine K , Stopka C. The chronic care model and diabetes management in US primary care settings : a systematic review . Prev Chronic Dis. 2013; ; 10 : :E26..